Soumis par Révolution Inte... le
Face au déchaînement des massacres impérialistes, comme ceux qui se déroulent aujourd'hui encore au Moyen-Orient, les révolutionnaires ont toujours dénoncé le poison nationaliste inoculé par tous ceux qui, au nom d'une prétendue "juste cause", appellent les prolétaires à soutenir un camp belligérant contre un autre.
Parmi ceux-là, et à côté des organisations de l'extrême-gauche trotskiste, on trouve des prétendus "révolutionnaires" du milieu anarchiste, tel le groupe "Alternative Libertaire" qui vient aujourd'hui apporter sa petite contribution à la mystification nationaliste et à l'embrigadement de la classe ouvrière derrière les drapeaux de la bourgeoisie palestinienne.
Alors que le fonds de commerce du courant anarchiste a toujours été celui de l'antimilitarisme et de l'appel radical à la destruction de l'Etat, voilà ce qu'on peut lire dans un article intitulé "Le sionisme n'a pas d'avenir" du numéro 91 d'Alternative Libertaire : "Nous ne serons pas de ceux qui renvoient dos à dos Etat israélien et Autorité palestinienne" parce qu'"en Palestine il y a un Etat qui occupe militairement les 'territoires occupés' et il y a une population qui subit cette occupation (...) En ce sens, nous soutenons la revendication du peuple palestinien à un Etat indépendant sur l'ensemble des territoires occupés, y compris les colonies de peuplement et Jérusalem Est" (souligné par nous).
Ainsi, une chose sont les principes affichés par les anarchistes, autre chose est la position réelle qu'ils adoptent face à la guerre. Cette position ne souffre d'aucune ambiguïté. C'est celle défendue depuis la première boucherie impérialiste de 1914-18 par tous les va-t'en-guerre qui, au nom de la défense nationale contre l'envahisseur, au nom de la résistance contre l'occupation des armées ennemies, ont appelé les prolétaires à prendre les armes et à se faire massacrer sur les champs de bataille pour une cause qui n'est pas la leur : celle de la défense de l'Etat national, c'est-à-dire de l'Etat capitaliste.
La vieille marchandise frelatée de la lutte des peuples opprimés contre un impérialisme oppresseur que nous servent les gauchistes de tous bords depuis des décennies, on la retrouve aujourd'hui chez les anarchistes. Mais cette position n'est pas un scoop.
C'est justement parce que les anarchistes ne se situent pas du point de vue des intérêts de la classe ouvrière qu'ils sont incapables de comprendre qu'en Palestine comme en Israël, il existe deux classes aux intérêts antagoniques. Dans la société divisée en classes, le prolétariat doit refuser de faire cause commune avec sa propre bourgeoisie nationale qu'elle soit palestinienne ou israélienne. Les prolétaires d'Israël ou de Palestine ne sont utilisés que comme chair à canon pour la défense des intérêts impérialistes de leurs propres exploiteurs.
Tout appel à la "défense nationale" est une position nationaliste bourgeoise. Ainsi, le prétendu "antimilitarisme" d'Alternative Libertaire se révèle aujourd'hui pour ce qu'il est réellement : une mystification anti-ouvrière, un pur mensonge. La prise de position d'Alternative Libertaire sur la guerre au Moyen-Orient révèle que ce groupe du courant anarchiste est un va-t'en-guerre au même titre que tous les autres groupes "radicaux" de l'extrême gauche capitaliste.
Quant à sa revendication d'un Etat palestinien "indépendant", elle révèle que la position classique des anarchistes appelant à la destruction de l'Etat, n'est là aussi qu'une simple position... de principe.
Les anarchistes aussi défendent la guerre au nom de la paix
Pour justifier son grand écart, A. L. est contraint de faire une petite contorsion rhétorique en affirmant que "sans nous faire d'illusion, ni sur le fait qu'un tel Etat ne sera sans doute pas synonyme de justice sociale, et qu'il sera difficilement autre chose qu'un satellite économique des puissances occidentales et des intérêts capitalistes d'Israël. Mais, à court terme, quelle autre solution politique pourrait permettre une réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine ?".
Pour les vrais révolutionnaires dont le seul drapeau est celui de l'internationalisme prolétarien, la question ne se pose pas en terme de "réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine".
La notion d'"habitants" de tel ou tel territoire national est une notion interclassiste qui ne sert qu'à dissoudre la classe ouvrière dans la masse du "peuple national" où se confondent toutes les classes de la société. Encore une fois, en Palestine, comme dans tous les pays, les "habitants" sont divisés en bourgeois et prolétaires, appartenant à deux classes ennemies aux intérêts irréconciliables. Toute volonté de réconcilier ces deux classes est une pure illusion qui ne peut conduire qu'à l'union sacrée, à l'union nationale entre exploiteurs et exploités et à la défense de la paix sociale, c'est-à-dire à enchaîner les prolétaires au char du capital national.
La seule "identité" que les prolétaires de Palestine et de tous les pays ont à défendre, ce n'est pas une quelconque identité nationale, mais leur identité de classe.
La seule "autonomie" qu'ils doivent revendiquer, ce n'est pas celle d'un Etat "indépendant", mais leur autonomie de classe en refusant de se laisser diluer dans le "peuple" ou les "habitants" de Palestine.
La seule "réconciliation" pour laquelle ils doivent se battre sur leur propre terrain contre leur propre bourgeoisie nationale, c'est celle de la fraternisation avec les prolétaires du camp impérialiste ennemi en refusant de prendre les armes contre leurs frères de classe.
La seule "unité" pour laquelle ils doivent se mobiliser, ce n'est pas l'unité de tel ou tel "peuple" derrière des frontières et un quelconque drapeau national, mais celle de leur unité et de leur solidarité de classe internationale qui, contrairement à la bourgeoisie, n'a pas d'intérêts particuliers, nationaux, à défendre. Contre l'unité nationale, que préconisent toutes les cliques bourgeoises et leurs valets gauchistes et anarchistes, les prolétaires de Palestine, d'Israël et de toutes les nations du monde doivent faire leur le mot d'ordre du Manifeste communiste, seul capable de mettre fin à la guerre et aux massacres : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!".
Mais le développement de l'unité du prolétariat mondial dont dépend la perspective de renversement du capitalisme, de l'abolition des frontières nationales et de la destruction de tous les Etats ne peut se réaliser à court terme. Parce que le prolétariat est une classe historique, la dernière classe exploitée et révolutionnaire de l'histoire, son émancipation ne peut se réaliser que sur le long terme, à travers des avancées et des reculs, des victoires éphémères et des défaites sanglantes.
C'est justement cette vision historique et à long terme qui manque aux anarchistes.
Or, tant que le prolétariat mondial, et notamment ses bataillons les plus expérimentés de la vieille Europe occidentale, n'aura pas développé ses luttes révolutionnaires et renversé le capitalisme, les guerres et les massacres continueront à se déchaîner au Moyen-Orient comme dans d'autres régions de la planète. Tant que survivra la domination bourgeoise, il n'y a pas de solution ni "à court terme", ni locale à la barbarie guerrière. La paix dans le capitalisme ne peut être que la paix des tombes.
Alternative Libertaire est dans le camp du capital, pas de la classe ouvrière
Mais les anarchistes d'Alternative Libertaire ne s'en tiennent pas là.
Ils sèment l'illusion qu'il serait possible aujourd'hui, au terme d'un siècle de décadence du capitalisme, de construire un Etat national en Palestine, un Etat qui ne serait pas impérialiste au même titre que l'Etat d'Israël. Ainsi, dans un article d'Alternative Libertaire n°93 (janvier 2001), signé de l'illustre Alain Bihr[1] affirmant que : "Tous ceux qui luttent pour l'émancipation humaine en général ne peuvent que se déclarer hostiles à tout principe national, à la division de l'humanité en Etats-Nations." et qu'ils "se garderont toujours d'épouser la cause de quelque nationalisme que ce soit". Mais immédiatement après cette belle déclaration de principe, Monsieur Bihr, qui n'est pas à une contradiction près, réintroduit brillamment par la fenêtre le poison du nationalisme qu'il a rejeté par la porte. Qu'on en juge : "Est-ce à dire que, dans le conflit israélo-palestinien, il faille renvoyer les deux camps dos à dos, tenir la balance égale entre les deux ? Oui... si toutefois la balance était égale entre eux. Or, elle ne l'est pas : de ces deux principes nationaux et nationalistes qui s'affrontent, l'un est oppresseur et l'autre opprimé".
Ainsi, il existerait un "bon" et un "mauvais" nationalisme, un nationalisme "oppresseur" et un nationalisme "opprimé" que le prolétariat devrait défendre. Ce type d'argument suranné, c'est celui que nous ont servi pendant des décennies les fractions de l'extrême gauche du capital, trotskistes, maoïstes et autres guérilleristes du "tiers-monde", lorsqu'à l'époque de la guerre froide ils envoyaient les prolétaires à l'abattoir au nom des prétendues "luttes de libération nationale" dont le seul objectif consistait à ramener les "pays opprimés" par l'impérialisme américain sous la tutelle du bloc impérialiste russe.
Cette position nationaliste bourgeoise dont se revendique Alternative Libertaire sous la plume de Monsieur Bihr, tourne le dos à la position qu'ont toujours défendue les révolutionnaires depuis le début du siècle. Comme l'affirmait Rosa Luxembourg dans sa brochure La crise de la social-démocratie, dans le capitalisme décadent, "La politique impérialiste n'est plus l'essence d'un pays ou d'un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C'est un phénomène international, un tout inséparable qu'on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun Etat ne saurait se soustraire."
Ainsi, depuis la Première Guerre mondiale, dans tous les conflits inter impérialistes qui ravagent la planète, les vrais révolutionnaires n'ont aucun camp, aucune nation, aucun Etat à défendre. A l'aube de ce nouveau siècle où le capitalisme étale la barbarie sanglante dans laquelle il continue à enfoncer l'humanité, où des secteurs du prolétariat sont poussés à s'entretuer derrière la folie meurtrière et les appétits impérialistes de leur bourgeoisie nationale, toute organisation politique qui adopte une autre position que celle de la défense intransigeante de ce principe internationaliste se rend complice des crimes perpétrés par le capitalisme et démasque son appartenance au camp bourgeois des massacreurs du prolétariat, quelles que soient ses justifications idéologiques.
En ce sens, un groupe comme Alternative Libertaire est bien de la même veine que les groupes trotskistes. Sa nature bourgeoise ne doit faire aucun doute pour quiconque se situe du point de vue des intérêts de la classe ouvrière.
Camille
[1] Alain Bihr est un universitaire, docteur en sociologie, qui, tout en se présentant comme un révolutionnaire et un défenseur de la classe ouvrière, s’est distingué par la contribution qu’il a apporté (dans ses ouvrages et ses articles publiés dans Le Monde Diplomatique) aux campagnes menées par la bourgeoisie occidentale sur la fin de la classe ouvrière après l’effondrement des régimes dits socialistes d’Europe de l’Est (voir à ce sujet notre article Le prolétariat est toujours la classe révolutionnaire dans la Revue Internationale n° 74).