Soumis par Révolution Inte... le
La classe ouvrière
a toutes les raisons d'être inquiète concernant les mesures
actuellement en projet sur les retraites dans la fonction publique.
En effet, elles constituent une attaque qui va aggraver brutalement
les conditions de vie de toute la classe ouvrière, et pas seulement
des fonctionnaires à qui elles s'adressent directement aujourd'hui.
En effet, elles constituent un tremplin pour une attaque de l'ensemble
de la classe ouvrière qui, après des décennies
d'exploitation va devoir travailler plus longtemps pour des retraites
de plus en plus maigres.
En 2008, tous les fonctionnaires devront avoir cotisé pendant
40 ans, au lieu de 37,5 ans pour pouvoir "bénéficier"
d'une retraite aux conditions actuelles. D'ici à cette date,
la mise en application de la mesure devrait être progressive.
Les critères permettant le calcul du montant de la retraite (inclusion
de primes, prise en compte des meilleures années travaillées,
…) vont être revus de manière à ce que nos
exploiteurs, l'Etat capitaliste en l'occurrence, puisse dépenser
moins une fois que ses salariés ne seront plus productifs.
L'objectif, déjà avoué, est qu'en 2012, tous les
salariés en reprendront encore pour une année supplémentaire
et davantage dans les années qui suivent.
Des cadeaux sont prévus pour faire avaler la pilule : ceux qui
iront au-delà des 40 ans de cotisations bénéficieront
d'une amélioration de leur pension, sans doute pour mieux payer
leurs funérailles.
En même temps, les cotisations prélevées sur les
salaires vont être fortement augmentées. Pour les jeunes
générations, l'obtention d'une pension de retraite "décente"
va devenir un véritable parcours du combattant. L'allongement
des études de plus en plus nécessaires pour intégrer
un poste de travail, les difficultés pour avoir un travail plus
ou moins fixe, les galères diverses par lesquelles il faut passer
pour "s'installer" dans un boulot plus ou moins acceptable,
les longues périodes de chômage, le travail à temps
partiel qui a explosé dans les derniers temps, tout cela va rendre
de plus en plus illusoire le "rêve" d'une fin de vie
à l'abri du besoin.
Un des principaux pans de ce qu'on appelle le "salaire social"
est en train de tomber en miettes puisque la hausse des cotisations
et la chute libre des pensions vont aboutir à ce qu'une grande
majorité de ces dernières descendent en dessous du niveau
du salaire minimum. Ainsi, il va arriver avec les retraites ce qui est
arrivé dans tous les domaines de l'exploitation capitaliste :
l'insécurité et la précarité s'installent.
L'indécence du pouvoir capitaliste, quelle que soit la fraction
de la bourgeoisie au gouvernement, de droite ou de gauche, a depuis
longtemps présenté cette attaque comme "nécessaire
pour sauvegarder le système de retraites" et "éviter
un lourd fardeau pour les générations futures". En
réalité, ces mesures n'ont d'autre cause que l'aggravation
de la crise du système capitaliste qui oblige la bourgeoisie
à porter des coups de plus en plus tranchants contre le "salaire
social". Qu'on en juge.
C'est Mitterrand qui avait institué en 1983 la retraite à
60 ans, après 37,5 ans d'activité. Il ne s'agissait pas
alors d'une avancée sociale, comme cela avait été
présenté mais d'une mesure démagogique destinée
à masquer l'ampleur du développement du chômage,
qui constitue la plus sévère des attaques contre la classe
ouvrière. C'est Rocard, autre "socialiste" qui, en
1991, prenait l'offensive sur les retraites en proposant, dans son fameux
"Livre blanc", de faire passer à 42 ans la durée
de cotisation pour être en droit d'obtenir une retraite à
taux plein. Balladur concrétisait en partie ce projet en portant
ces cotisations à 40 ans pour le secteur privé pendant
l'été 1993. Jospin le présidentiable, attentif
à réaliser ce que Juppé n'avait pu faire passer
frontalement en s'attaquant, en 1995, aux régimes spéciaux
du secteur public, avait envisagé une ensemble de "réformes
progressives" visant tout le secteur public et destinées
à allonger jusqu'à 42,5 ans la durée nécessaire
de cotisation. On peut être certain que si Jospin avait été
élu président, c'est un gouvernement de gauche qui aurait
pris en charge "l'œuvre" que Raffarin est aujourd'hui
en train d'accomplir.
Syndicats et patronat se déclarent d'accord pour constater qu'il
existe un problème des retraites. Même s'ils contestent
la validité de la réforme du gouvernement Raffarin, déclament
que c'est à l'Etat et au patronat de mettre davantage la main
à la poche pour financer les pensions, les syndicats partagent
dans le fond, et depuis longtemps, l'idée que quelque chose doit
être fait pour "sauver le système des retraites",
alors qu'il y aura de plus en plus de retraités et de moins en
moins de salariés actifs pour les payer.
Rien que la manière qu'ils ont en commun de poser le problème
démontre que, sur le fond, ils sont d'accord. En effet, pour
les syndicats, il s'agit aussi de demander aux exploités qu'ils
prennent en compte les contradictions du système qui les exploite,
non pas pour lui porter un coup fatal à travers la lutte, mais
bien pour faire en sorte qu'il puisse se perpétuer à travers
de nouveaux sacrifices.
Depuis le début du 20e siècle, la classe ouvrière
est contrainte de lutter, non pas pour améliorer ses conditions
de vie au sein du capitalisme mais pour freiner les attaques qu'elle
subit de la part de ce système en crise. Accepter la logique
de gestion du capital, c'est capituler d'emblée, c'est accepter
les licenciements car il n'y a plus assez de débouchés
à la productions capitaliste, c'est accepter la diminution du
salaire social (pensions, remboursement des soins, …), pour ne
pas affaiblir le capital national face à la concurrence internationale,
c'est accepter en fait toute attaque antiouvrière.
Jamais les syndicats ne reconnaîtront évidemment qu'ils
sont les serviteurs zélés du capital. Et pourtant cela
est amplement confirmé par la manière édifiante
dont ils se sont positionnés depuis plus de dix ans dans la nécessaire
lutte de résistance contre l'attaque sur les retraites.
En 1993, la majorité d'entre eux signaient en catimini les accords
avec Balladur, mais tous appelaient à la mobilisation contre
les mesures du même Balladur. Tout en divisant les ouvriers par
corporation au sein du privé, ils se sont particulièrement
appliqués à faire en sorte qu'au sein de la classe ouvrière
cette réforme soit considérée spécifiquement
comme celle du privé, de manière à opérer
une division entre les ouvriers du privé et ceux du public sur
la questions des attaques contre les retraites.
Le résultat de ce travail a été que les ouvriers
du privé ne se sont nullement sentis concernés par les
mobilisations syndicales de décembre 1995 contre la loi Juppé
visant les régimes spéciaux de retraites dans la fonction
publique.
Plus récemment, au mois de janvier, on a vu la CGT tenter de
faire adopter par la base un accord avec le gouvernant visant à
attaquer les retraites à EDF.
Beaucoup d'ouvriers, surtout dans la fonction publique, ont, sans doute,
pensé que face à cette attaque particulièrement
dure de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, les manifestations
"unitaires" des syndicats comme celles du 3 avril pouvaient
constituer un levier pour résister. Il n'en est rien.
Face à l'attaque qui, simultanément, concerne l'ensemble
de la classe ouvrière, les syndicat ne pouvaient faire autrement,
sous peine de se démasquer, que de lancer des appels unitaires.
Mais derrière cette façade d'unité, il se poursuit
le même travail de division, basé pour l'instant sur la
division syndicale, certains syndicats acceptant en partie la réforme
gouvernementale, les autres remettant aujourd'hui en question la réforme
Balladur, d'autres mettant l'accent sur le niveau des pensions ou encore
l'augmentation des cotisation, etc… Tout cela de manière
à décourager dans la classe ouvrière une dynamique
de lutte unitaire.
Quelle que soit la capacité de la classe ouvrière, relativement
faible actuellement, de s'opposer de façon unitaire, malgré
le sabotage syndical, à la marche vers une dégradation
considérable des ses conditions de vie, il est de la plus haute
importance que, pour se renforcer dans sa lutte face aux attaques de
la bourgeoisie, soit prise en charge la discussion des questions fondamentales
suivantes :
- c'est la crise historique du capitalisme qui porte avec elles des
attaques de plus en plus lourdes contre toute la classe ouvrière
;
- c'est elle qui est aussi à l'origine de la fuite en avant du
monde dans la guerre et le militarisme, et qui implique aussi une intensification
de l'exploitation ;
- loin de renforcer la nécessaire riposte de la classe ouvrière,
l'action des syndicats ne fait que l'affaiblir.
Pto (25 avril)