Soumis par Revue Internationale le
Présentation
Nous venons de recevoir d'Argentine une "Proposition Internationale" qui s'adresse aux éléments et aux groupes révolutionnaires. Elle appelle à la discussion et au regroupement des forces révolutionnaires aujourd'hui faibles et dispersées de par le monde. Cette proposition que nous présentons ici avec notre réponse est clairement et sans équivoque possible prolétarienne : elle dénonce la démocratie bourgeoise, tout type de frontisme "anti-fasciste" et le nationalisme ; elle défend et affirme la nécessité de l'internationalisme prolétarien face à la guerre impérialiste.
Nous saluons l'esprit et la démarche dont les camarades font preuve dans leur document : nécessité de la discussion ouverte, de la "polémique", de la confrontation des différentes positions politiques, de la lutte politique fraternelle en vue de constituer un pôle de référence politique international. Un pôle de référence qui soit capable de regrouper et d'aider au surgissement d'éléments et de groupes révolutionnaires. Comment ne pourrions-nous pas appuyer 1'esprit et la préoccupation des camarades, nous qui affirmions, lors de la constitution du CCI, dans le premier numéro de notre Revue Internationale d'avril 1975, nos propres ambitions:"Concentrer les faibles forces révolutionnaires dispersées de par le monde est aujourd'hui, dans cette période de crise générale, grosse de convulsions et de tourmentes sociales, une des tâches les plus urgentes et les plus ardues qu'affrontent les révolutionnaires. Cette tâche ne peut être entreprise qu'en se plaçant d'emblée et dès le départ sur le plan international. Ce souci est au centre des préoccupations de notre Courant. C'est à ce souci que répond également notre Revue, et en la lançant nous entendions en faire un instrument, un pôle pour le regroupement international des révolutionnaires". Même si les résultats ont été modestes jusqu'à présent, notre ambition est toujours là et c'est dans ce sens que nous publions cette "Proposition Internationale" signée par deux groupes : "Emancipacion Obrera" et "Militancia Clasista Révolueionaria" ([1]).
Ce dernier groupe ne nous est pas connu. Par contre, nous savons qu'"Emancipacion Obrera" est un groupe qui a surgi après la guerre des Malouines. Il ne se rattache à aucune organisation déjà existante. Ce groupe s'est constitué petit à petit au cours des terribles années 70 en Argentine. Il a dû affronter la répression de 1'Etat bourgeois sous toutes ses formes :
-.1'officielle : la démocratique, la péroniste, la syndicale, et bien sûr la policière et la militaire;
- 1'officieuse, para-étatique : d'une part, celle des tristement célèbres commandos d'extrême droite A.A.A et, d'autre part, celle du trotskisme ([2]) quand nos camarades dénonçaient l'appui et la participation de ceux-ci à la guerre des Malouines et défendaient une politique de "défaitisme révolutionnaire".
C'est en 1978 que la répression a atteint son sommet lors de la coupe du monde de football en Argentine. C'est en 1978 que Ces camarades ont décidé "de commencer à réaliser un travail de lutte idéologique, de sortir une publication clandestine"."C'est cette activité qui, quand le gouvernement militaire a envahi les îles Malouines, a permis de sortir des tracts dans la rue s'opposant à la guerre dès le deuxième jour de celle-ci. C'est à partir de là que de vieilles et de nouvelles connaissances se sont regroupées dans la lutte contre le nationalisme et la guerre inter-bourgeoise. Durant ces deux mois, des petits groupes ont surgi réalisant une activité internationaliste" ("Emancipacion Obrera").Après la guerre, ces groupes se sont réunis et "ont décidé de poursuivre le processus de lutte politique et ont discuté de 1'avenir : produit de la discussion, est sorti un document sur les élections futures et ce document fut signé : "Emancipacion Obrera".
Nous allons peut-être manquer de pudeur, mais c'est avec émotion et joie que nous saluons ces camarades et présentons ici leur "Proposition Internationale". Dans un pays où le prolétariat avait subi une répression féroce, l'apparition d'une voix prolétarienne est une promesse de plus, après le Mexique, après l'Inde, pour l'issue victorieuse des gigantesques affrontements de classe qui se préparent.
C'est aussi la promesse de plus de travail et de responsabilité pour les groupes déjà constitués du milieu révolutionnaire international. Pour sa part, le CCI essaiera de remplir du mieux possible la tâche qu'il s'est assignée.
"Proposition internationale" aux partisans de la révolution prolétarienne mondiale
Les 22 et 23 février 1986, un groupe de. Militants que, (spécialement d'Argentine et d'Uruguay) se sont réunis en Uruguay pour discuter de la situation mondiale actuelle et des tâches du prolétariat
Entre eux, il y eut un accord général sur le fait que face aux attaques que la bourgeoisie porte mondialement contre le prolétariat et face à la situation actuelle de faiblesse, de dispersion et d'isolement des petites forces classistes et révolutionnaire il était nécessaire de travailler de manière associée pour renverser la situation en combattant le sectarisme et le nationalisme implicites dans certaines conceptions du travail international. Et comme tentative pour modifier cette situation, les camarades présents donnent à connaître les idées et la proposition suivantes.
QUELQUES CONSIDERATIONS ET FONDEMENTS PREALABLES.
Il peut paraître étrange que, ici, d'un seul coup, quelques groupes et militants peu nombreux, sûrement inconnus en général, lancent un appel, une proposition à tous ceux qui, en diverses parties du monde, avec plus ou moins de force, avec plus ou moins de clarté, brandissent bien haut le drapeau de l'internationalisme prolétarien, de la révolution prolétarienne mondiale.
Mais ce n'est pas "d'ici" ni "d'un seul coup" que surgit une fois encore le cri angoissé de minorités révolutionnaires qui cherchent à rompre le cordon tendu par le capital, qui assistent impuissantes aux coups terrifiants que la bourgeoisie porte sur le prolétariat et sur elles-mêmes, qui, tant dans les périodes de montée de la lutte de classe que dans les moments de la contre-révolution la plus violente, découvrent l'une et l'autre ce que signifient l'isolement, la faiblesse de leurs petites forces ; faiblesse non seulement numérique, mais fondamentalement politique car il est impossible localement ou nationalement de résoudre les problèmes que le moment actuel impose aux révolutionnaires.
Nous sommes convaincus qu'en différents lieux, ont surgi des groupes, des militants qui, ne s'identifiant pas à la gauche traditionnelle (stalinienne, trotskyste et ses variantes.), aux politiques visant à aider la bourgeoisie à résoudre ses problèmes, avec la position de changer la forme étatique de la domination bourgeoise ou de l'appuyer dans ses guerres, ont essayé d'élaborer une politique distincte revendiquant l'autonomie de la classe ouvrière face à la bourgeoisie et la lutte pour détruire sa domination et son Etat sans admettre des phases ou des étapes préliminaires (démocratiques).
Et nous savons ce que c'est que d'aller à contre-courant, sans aucune aide sur laquelle compter, sans possibilité immédiate de réappropriation des expériences historiques du prolétariat révolutionnaire, sans textes théorico-politiques fondamentaux et dans une ambiance de répression et de danger.
Si, pour quelques uns, certaines définitions ou positions sont aussi évidentes que l'alphabet, au point qu'il ne leur paraît pas nécessaire d'en parler ou d'écrire dessus, pour d'autres, arriver à écrire la lettre "A" a signifié tout un processus de luttes, de ruptures, de peurs et d'incertitudes.
Ici, dans les écoles, on enseigne une phrase d'un homme illustre du siècle passé : "on ne peut tuer les idées". Cependant, nous avons appris qu'on tue ceux qui ont certaines idées (ou positions), et que la classe dominante peut entraver pour une longue période la réappropriation, la connaissance, le lien et le développement des expériences ; idées et positions que vit et construit le prolétariat révolutionnaire dans différentes aires du monde.
C'est ainsi que, paradoxalement, il a fallu une répression monstrueuse (avec l'exil qui s'en est suivi) et une guerre (les Malouines) pour savoir ici, qu'existaient dans le monde divers courants et groupes radicalisés ; pour connaître -et encore très peu- les expériences d'Allemagne et d'ailleurs après la première guerre ; pour connaître d'autres positions dans la guerre civile espagnole qui ne soient ni franquistes ni républicaines. Et qu'il y a une autre histoire plus proche (que nous ne connaissons pratiquement pas).
A partir de là, nous avons eu la confirmation qu'actuellement il existe des groupes qui ne s'inscrivent pas dans les courants politiques traditionnels, beaucoup que nous ne connaissons pas encore et d'autres dont nous ne savons ni quand ni comment ils ont rompu avec le capital et ses fractions, mais qui expriment à divers degrés des moments différents de rupture avec la politique du capital.
Mais si aujourd'hui nous savons que cela existe, ceci ne signifie nullement que la situation actuelle d'isolement et de faiblesse ait changé. Au contraire, nous n'arrivons même pas encore à savoir ce qui se passe, non dans un pays lointain ou limitrophe, mais dans une ville proche ou un quartier voisin. Et il ne faut pas comprendre cela comme une curiosité ou une question journalistique : en Argentine, par exemple, il y a continuellement des jours où plusieurs millions d'ouvriers sont en conflit... sans qu'il existe une quelconque coordination entre eux, parfois même sans qu'on sache qu'il y a une lutte ; ce qui arrive de tous côtés. Et s'il en est ainsi des mouvements relativement massifs, c'est encore pire pour ce qui concerne les contacts et la connaissance des avant-gardes qui surgissent au cours de ces luttes ou sous leur influence.
Et nous sommes convaincus que dans les pays dans lesquels nous vivons, comme dans d'autres parties du monde, des groupes d'ouvriers ou de militants surgissent qui essaient de rompre avec les politiques de conciliation, de subordination à la bourgeoisie, mais qui, en l'absence de référence internationale, avec la forte présence de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier, finissent par succomber absorbés par quelque fraction du capital ou simplement désagrégés, disparus.
Peu nombreux sont ceux qui réussissent à surmonter les premiers coups, et ceux qui le font ont devant eux une perspective incertaine ou la solitude politique, le devoir de passer des étapes et de rebrousser chemin, de se retrouver dans des impasses, partir presque à zéro sur de nombreux sujets, se transformer en une réalité quotidienne épuisante qui mine les petites forces déjà tant frappées politiquement et économiquement. N'y a-t-il pas d'autre alternative que celle-ci ? Est-ce que la gestation d'une politique internationaliste révolutionnaire, ou tout au moins une ébaucha de celle-ci, se fera ainsi, étape par étape, groupe par groupe, ville par ville, nation par nation, génération par génération ? Chacun doit-il repasser par les mêmes étapes, affronter les mêmes problèmes, recevoir les mêmes coups, déchiffrer les mêmes lettres, élaborer les noues mots, pour qu'après un temps et un chemin assez longs, une fois forts et constitués en "Parti", se réunir avec d'autres "égaux" ou, en leur absence, "s'étendre à d'autres nations ?
Nous ne croyons pas que ce soit la seule option ; nous ne croyons même pas qu'on puisse en tirer quelque chose de positif.
Au contraire, nous pensons que la seule alternative vers laquelle nous allons est internationale. Tout comme c'est une mystification de parler de Société Communiste tant qu'il existe un seul pays capitaliste dans le monde, c'en est une aussi de parler d'internationalisme en ne concevant celui-là que comme la solidarité avec les luttes ouvrières dans le monde ou en l'assimilant à quelques phrases pompeuses de temps en temps contre la guerre, le militarisme ou l'impérialisme.
L'internationalisme prolétarien a pour nous une autre signification et implique de faire un effort pour dépasser la solidarité générique car les dimensions internationales de la révolution prolétarienne exigent d'entrelacer et d'unifier les efforts pour délimiter une stratégie unique au niveau mondial et son corollaire politique dans les tâches auxquelles nous nous confrontons dans les > différentes aires et pays.
Naturellement, on ne résoudra pas ce problème par volontarisme ni du jour au lendemain ; il ne sera pas le fruit d'un travail long et prolongé d'"éducation" ou "scientifique" comme le concevait la 2ème Internationale (et pas seulement elle), un travail d' "accumulation de forces" ("en gagnant des militants un à un", en "élaborant LA théorie" et en "structurant LA direction qui devra être reconnue à son heure) pour un affrontement repoussé à un futur toujours plus lointain, alors que la résistance et la lutte du prolétariat contre le capital sont quotidiennes (pour ces courants politiques ces luttes quotidiennes doivent être contrôlées, cachées, isolées, afin de pouvoir s'en servir, comme ils l'ont toujours fait, pour soutenir une fraction de la bourgeoisie contre une autre supposée pire).
Si le parti de la classe ouvrière n'est pas un de ces groupes politiques qui se donne un tel nom dans un ou plusieurs pays ; si ne pas être d'accord avec "le parti pour la classe ouvrière" et revendiquer "la classe ouvrière organisée en classe, c'est-à-dire en parti" n'est pas un simple jeu de mots ; si nous rejetons les idées social-démocrates (staliniennes, trotskystes etc...) du parti comme étant l'appareil (intellectuels, ouvriers etc...) porteur de la Vérité et qui se constitue volontairement et au sein d'une nation , qui attend d'être reconnu par les masses incultes, et de l'Internationale comme étant une fédération de partis (ou d'un parti qui s'étend à d'autres nations), tout ceci implique de rompre avec ces conceptions et ces pratiques totalement opposées à l'internationalisme prolétarien et qui ne sont qu'une manière de manifester et de défendre le nationalisme.
Parmi celles-ci, la plus évidente est celle qui conçoit le développement de son propre groupe (ou de ses propres groupes) comme une question locale ou nationale, avec pour objectif d'obtenir une force déterminée afin de se dédier plus tard à prendre contact avec d'autres groupes dans d'autres pays, groupes qu'il faut absorber ou démasquer généralement par des discussions et des déclaration.
Les contacts internationaux sont considérés comme une question de"propriété privée"où règne la pratique de la bilatéralité, celle qui inclut chaque "X" année des périodes de rencontres pour se réunir dans des "Nations Unies" de "révolutionnaires". La pratique des partis de la 2ème Internationale en est un bon exemple.
Nous pensons que ce chemin ne peut conduire qu'à de nouvelles frustrations et de nouvelles mystifications ; c'est la raison pour laquelle il est nécessaire de lutter contre tous les intérêts, les conceptions et les sectarismes que produisent et reproduisent les divisions créées par la bourgeoisie dans la défense de ses marchés internes, de ses Etats, de "ses" prolétaires, c'est-à-dire de la plus-value qu'elle leur extrait.
Personne ne pense à faire un travail commun, ni même un tract, avec ceux qui se situent dans le camp ennemi. Et avec l'ennemi de classe, il ne peut y avoir de conciliation ou d'entrisme. Mais il n'existe pas que des ennemis. Et on ne peut nier qu'entre les groupes et les personnes qui n'en sont pas, il y a très souvent des intolérances, des visions statiques et du sectarisme. Il y a une pratique des différences, une dispute de la "clientèle" commune, un nationalisme ou "une défense de sa propre chapelle" vêtue d'intransigeance.
Nous ne pouvions éluder ce problème dans une proposition internationale. Il est évident que personne ne pense à travailler dans une perspective commune avec un groupe se réclamant de la 4ème Inter- I nationale ou avec un groupe maoïste tiers mondistes. Mais si le caractère d'ennemi de classe est évident dans certains cas, dans d'autre il est plus subtil et rend difficile l'élaboration d'une ligne de démarcation, et ceci d'autant plus lorsque nous cherchons un point qui implique un pas en avant dans la situation actuelle de faiblesse, d'isolement et de dispersion
Nous pensons qu'il est impossible d'élaborer un ensemble de points "programmatiques" qui soient à l'abri des opportunistes sauf s'il est défini de telle sorte que seul le groupe lui-même puisse être en accord, et encore.
Cri ne peut prétendre non plus que, dans chaque pays du monde, des groupes ou des militants isolés aient mûrit de la même manière que dans d'autres zones et qu'ils aient telles ou telles définitions qui, si diffusées qu'elles soient en certains lieux, sont le produit d'une histoire non partagée et de laquelle, comme nous l'avons déjà signalé, rien ou peu n'est connu dans d'autres aires.
En contrepartie, la grève de presque un an des mineurs anglais, qui n'a suscité aucune tentative sérieuse de coordonner une réponse commune de l'ensemble des différents groupes et militants éparpillés dans le monde, n'indique pas seulement une faiblesse et une limitation : elle indique le sectarisme, des conceptions sur la lutte de classe et le Parti identiques à celles de la social-démocratie. Et face à la guerre entre l'Irak et l'Iran ? Et face à l'Afrique du Sud ? Et la Bolivie et tant d'autres lieux où le prolétariat se bat ou reçoit les coups les plus durs ? Quelle réponse, même minime, a-t-on essayé d'intégrer au niveau international ?
Comment faire pour résoudre cela ? Comment définir des critères pour nous reconnaître afin d'éviter que, dès le départ, la proposition pour commencer à dépasser la situation actuelle ne soit pas mort-née ? (parce qu'elle serait si ambiguë qu'elle serait une "auberge espagnole" ou qu'elle serait si stricte que seuls entreraient ceux qui réalisent déjà un travail ensemble ?) Pour nous, ce critère pour nous reconnaître c'est la pratique. Et c'est de celle-ci que la seconde partie de la proposition va traiter. Même si ni cette pratique, ni rien d'autre ne peut éluder le fondement, l'unique "garantie" : la lutte.
SUR QUELQUES PREVENTIONS
Nous ne savons pas si ce qui précède suffit pour présenter cette proposition et la fonder ou si elle requiert un plus grand développement. Cependant, nous pensons qu'il faut préciser quelques préventions.
Beaucoup demanderont sûrement : avec qui, jusqu' où et comment va-t-on se regrouper dans la perspective internationaliste prolétarienne ? Comment la déterminer ? Qui doit le faire ? Il est évident que
PROPOSITION INTERNATIONALE
Avec l'objectif de :
- contribuer à modifier la situation actuelle de faiblesse de petites forces révolutionnaires et classistes éparpillées de par le monde pour augmenter les possibilités d'action dans la lutte de classe ;
- de consolider et d'élargir ce qui est aujourd'hui des convergences sporadiques, dans la perspective d'organiser et de centraliser une tendance internationaliste prolétarienne qui, avec ses limites et des erreurs, existe aujourd'hui, nous proposons de promouvoir :
1) une réponse coordonnée face à certaines attaques du capital (exemple : dans la question des mineurs anglais, des travailleurs en Afrique du Sud, en Iran-Irak etc...) : tracts et campagnes communes, informations politiques, moments de relations effectives et d'orientations face aux questions concrètes et graves qui touchent le prolétariat mondial ;
2) une information internationale :
a- des luttes ouvrières, en faisant de la propagande en fonction des possibilités, sur les plus importantes qui se déroulent dans chaque région (ou pays) pour les répercuter ailleurs et pour renforcer la réalité de 1'internationalisme prolétarien et la fraternité prolétarienne ;
b- des différents groupes politiques, non seulement des participants à la proposition mais aussi des ennemis, car c'est un élément nécessaire pour la lutte politique contre eux ;
c- de l'expérience historique, des textes et des documents produits dans la longue lutte du prolétariat contre le capital et toute exploitation ;
3) la polémique théorico-politique en vue de prises de positions communes et comme contribution au développement d'une politique révolutionnaire.
Pour ceux qui non seulement partagent cet ensemble de points mais qui se retrouvent effectivement en accord avec une pratique qui mette en avant tous les points de cette proposition -en particulier le point (action commune)-, il est vital d'organiser la discussion. Et pour ceux-là uniquement nous proposons deux choses :
4) l'organisation internationale de la correspondance, ce qui implique la création d'un réseau fluide d'échange et de communication qui doit être une des bases matérielles pour le point 7 ;
5) une revue internationale qui ne doit pas être conçue comme un ensemble de positions politiques des différents groupes réunies sous une couverture "collective". Au contraire, elle doit être un instrument pour consolider l'activité réalisée en commun, pour fonder et propager les positions partagées et, bien sûr, pour développer la discussion publique nécessaire sur les questions vitales qui touchent aux tâches du moment, aux activités proposées et sur des thèmes "ouverts" considérés d'un commun accord comme étant nécessaire à inclure ;
6) dans la mesure où les accords le permettent, stimuler la participation d'autres groupes dans la presse et vice versa ainsi que la diffusion de textes des groupes intervenants ;
7) tendre à créer une discussion interne commune ; c’est-à-dire ne pas se limiter à la polémique "officielle et publique" de groupe à groupe, mais aussi à la discussion des communistes face aux problèmes "ouverts".
Toutes les activités et toutes les décisions que
- prendront les groupes intervenants seront prises d'un commun accord, c'est-à-dire à l'unanimité.
A QUI FAISONS-NOUS CETTE PROPOSITION ?_
1- A ceux qui, dans le monde, réalisent une lutte contre les attaques du capital, contre toutes les guerres impérialistes ou inter bourgeoisies, contre tous les Etats bourgeois (quelles que soient leur forme ou couleur) avec pour objectif la dictature de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, son système social et contre toute forme d'exploitation ;
2- A ceux qui n'appuient aucun secteur bourgeois contre un autre, mais qui luttent contre tous, qui ne défendent pas des fronts interclassistes ni n'y adhèrent ou participent ;
3- à ceux qui assument dans la pratique que "les ouvriers n'ont pas de patrie" ; phrase consacrée qui ne dit pas seulement que les ouvriers ne peuvent pas défendre ce qu'ils n'ont pas, mais qu'on "peut" et qu'on "doit" intervenir dans les luttes et les tâches qui se posent dans les différents pays du monde, en dépit du fait que, du point de vue bourgeois, cette intervention puisse être considérée comme une intromission et contre le "droit des nations à l'auto-détermination". Droit qui est revendiqué et défendu à chaque fois que le prolétariat révolutionnaire ou ses avant-gardes renforcent les liens internationaux face à leur ennemi de classe, droit qui est foulé aux pieds à chaque fois qu'il s'agit de réprimer et de massacrer les mouvements révolutionnaires ;
4- Et justement pour cela, à ceux qui luttent contre les politiques de "défense de l'économie nationale" de relance économique, de "sacrifices pour résoudre la crise", à ceux qui n'avalisent pas les politiques d'expansion de leur propre bourgeoisie même quand celle-ci subit des attaques économiques, politiques ou militaires ; à ceux qui luttent toujours contre toute la bourgeoisie, tant la locale comme celle étrangère.
5- A ceux qui combattent les forces et les idéologies qui prétendent enchaîner les prolétaires à l'économie et la politique d'un Etat national, et les désarmer sous prétexte de "réalisme" et de "moindre mal";
6- A ceux qui ne se donnent pas comme but de "récupérer" ou "reconquérir" les syndicats mais, au contraire, les caractérisent comme des instruments et des institutions de la bourgeoisie et son Etat -raison pour laquelle ils ne peuvent aucunement représenter les intérêts immédiats et encore moins historiques du prolétariat, ni être perméables aux intérêts révolutionnaires de la classe.
7- A ceux qui sont d'accord qu'une des tâches sur ce terrain est de mener jusqu'au bout la bataille contre la ligne politique de collaboration de classes soutenue par les syndicats et de contribuer à rendre irréversible la rupture entre la classe les syndicats.
8- A ceux qui dans la mesure de leurs possibilités contribuent à renforcer toutes les tentatives d'unification du prolétariat pour s'affronter, même partiellement, au capital, toutes les tentatives d'extension, de généralisation et d'approfondissement des luttes de résistance contre le capital.
9- A ceux qui défendent la lutte contre toutes les variantes de la répression capitaliste, tant celle exercée par les forces militaires officielles (étatiques) de l'ordre, comme celle de collègues civils de droite et de gauche du capital. A ceux qui dans la mesure de leurs possibilités, collaborent avec les groupes qui subissent des coups de la répression.
10-A ces avant-gardes qui, dans la lutte contre la bourgeoisie et son Etat,combattent implacablement ceux qui se limitent à critiquer une des formes qu' assume la dictature de la bourgeoisie (la plus violente, militaire en fait) et défendent la démocratie ou luttent pour son développement.
11-Dans ce sens, dans l'optique bourgeoise fascisme-antifascisme, à ceux qui dénoncent le caractère de classe bourgeois des fronts antifascistes et de la démocratie, et posent la nécessité de lutter pour la destruction de l'Etat bourgeois, peu importe sous quelle forme il se présente, avec l'objectif d'abolir le système de travail salarié et d'éliminer mondialement la société de classes et toute forme d'exploitation.
12-A ceux pour qui l'internationalisme prolétarien implique, en premier lieu, la lutte contre sa propre bourgeoisie, le défaitisme révolutionnaire en cas de guerre qui ne soit pas la guerre de classe du prolétariat contre la bourgeoisie et pour la révolution prolétarienne mondiale.
13- A ceux qui, au-delà des différentes théorisations sur le parti, sont d'accord sur le fait qu'il sera international dès sa naissance, ou ne sera pas.
14- Enfin, à ceux qui, en accord avec leur force et leur situation, définissent leurs tâches dans la lutte contre la bourgeoisie orientées vers deux aspects fondamentaux :
a) impulser le développement de l'autonomie de classe du prolétariat ;
b) contribuer à la construction et au développement de la politique internationaliste prolétarienne et de son parti mondial.
C'est-à-dire que, si en fonction des situations particulières,les moyens, les tâches et les priorités peuvent revêtir des formes différentes, toutes doivent être en relation avec une seule perspective : la constitution de la classe ouvrière en force mondiale pour détruire le système capitaliste.
ECLAIRCISSEMENTS FINAUX
Nous croyons que les formulations antérieures peuvent et doivent être améliorées, corrigées, complétées. Nous n'allons pas défendre au pied de la lettre cette proposition, mais son sens général.
Dans les premières discussions que nous avons eues sur la situation actuelle et sur comment commencer à la changer, il y a eu des camarades qui ont manifesté un certain pessimisme sur la réception qu'elle recevrait et les possibilités de sa réalisation.
Nous croyons que, face aux coups terribles que la bourgeoisie porte contre le prolétariat dans sa recherche, parfois désespérée, de résoudre ses problèmes, que, face aux possibilités (et aux réalités) de la guerre inter bourgeoisies, que face aux massacres de travailleurs, d'enfants et de vieux, qui se répètent dans diverses parties du monde, et que face à la montagne toujours croissante des tâches qui s'imposent aux révolutionnaires à l'heure actuelle, la politique de secte, les mesquineries, les "laisser pour plus tard", et la défense implicite ou explicite de l'actuel "statu quo" ne conviennent pas.
La reconnaissance de la situation actuelle doit se traduire dans une initiative politique capable de récupérer le terrain perdu et de dépasser les graves faiblesses. Pour cela, l'engagement commun doit être la lutte pour un changement radical dans les relations internationales entre révolutionnaires, c'est-à-dire passer du simple échange de positions (parfois même pas) à la prise de positions - communes face à 1'attaque de la bourgeoisie contre le prolétariat, aux coordinations indispensables orientant la réflexion et le débat sur des questions qui consolident une perspective commune.
Parmi les "objections" qui peuvent exister par rapport à la viabilité de cette proposition, il y a celle de comment la concrétiser ?
Ici, se trouvent cinq points pour, si on est d'accord avec tous, étudier comment organiser leur réalisation. Nous ne prétendons pas ici donner une réponse à chacune des questions et à chaque problème, mais manifester un engagement de lutte pour sa concrétisation.
Il est évident que, compter sur une exécution et une rapidité pour certaines choses, implique des rencontres physiques. Nous ne croyons pas que ce soit absolument nécessaire, c'est à dire qu'actuellement il nous parait difficile d'y arriver, au moins pour ceux d'entre nous qui vivons dans cette région du monde.
A l'heure actuelle, nous ne voyons pas comment réaliser une réunion vraiment internationale : voyager à l'étranger est pour nous (économiquement) interdit. Un voyage de plus de 8 000 kms équivaut à plus de quinze salaires mensuels (plus de vingt, si nous prenons le minimum défini par le gouvernement).
C'est pour cela que nous estimons que, dans un premier temps, les rapports, les discussions, au moins entre les non-européens et ceux-ci, se feront par correspondance. Cela nous retardera, rendra encore plus difficile la tâche, mais elle n'est pas impossible, loin de là (une lettre d'Europe par exemple, si il n'y a pas de grève, met de 15 à 20 jours).
Les conditions de sécurité (celui qui a confiance dans la légalité n'est pas seulement un crétin ingénu, mais un danger pour les révolutionnaires) posent aussi des obstacles, mais ils peuvent et doivent être résolus.
La langue aussi présente des inconvénients. De notre côté, et jusqu'à maintenant, la seule dans laquelle nous pouvons écrire est l'espagnol. Certains peuvent lire avec difficultés l'italien, le portugais et l'anglais. Avec de l'imagination, quelqu'un pourra comprendre un peu de français, mais rien à faire avec l'allemand. Les autres langues "n'existent pas". En tenant compte de cela, ce qui viendra en castillan n'aura pas la même diffusion, ni la même rapidité que les autres langues dans l'ordre établi.
Pour terminer, l'initiative présentée est exposée dans sa partie fondamentale. Ceux qui se montrent intéressés ou sont d'accord avec, recevront une partie dite "plus organisatrice", c'est-à-dire comment nous voyons, nous, pouvoir la réaliser et la concrétiser.
A tous ceux qui nous écriront, nous garantissons qu'ils recevront une copie de toutes les réponses reçues. L'organisation postérieure de la correspondance, des discussions, etc. se fera avec ceux qui sont d'accord et dépendra de la manière avec laquelle ils s'entendront entre eux.
A ceux qui sont d'accord avec l'esprit de la proposition, nous leur demandons sa diffusion et le détail des groupes (si possible avec leur adresse) à qui ils ont fait parvenir cette convocation.
Uruguay, février 1986.
Note du CCI. : Nous ne publions pas une "note d'éclaircissement" en post-scriptum par manque de place. Cette note a été rédigée après la réunion en mars 1986.Les camarades précisent leur proposition quant à l'aspect "technique" et la répartition des articles. Ils proposent une division en trois parties de la revue "une commune à tous les groupes intervenants élaborées d'un commun accord entre tous qui expliquerait et/ou fonderait les positions partagées. Une seconde partie, où le SUJET serait choisi d'un commun accord et les positions seraient individuelles. Et une troisième partie où le sujet serait choisi librement par chaque participant,où il pourrait impulser la discussion de thèmes qu'il considère importants et qui -selon lui- ne sont pas pris ou considérés correctement par les autres. Ou un sujet"nouveau" ou une argumentation particulière.
Nous considérons comme fondamentale 1'inclusion des TROIS PARTIES dans cette proposition internationale. (Emancipacion Obrera et Militancia Clasista Revolucionaria)
REPONSE DU CCI
Chers camarades
Nous venons juste de prendre connaissance de votre brochure d'appel : "Proposition Internationale à tous les partisans de la révolution prolétarienne mondiale".
Après une première lecture et discussion, nous tenons, avant toute chose, à saluer l'esprit qui anime votre "Proposition" à laquelle nous ne pouvons qu'adhérer avec détermination.
Nous ne pouvons que souscrire au constat que vous faites non seulement de l'extrême faiblesse dans laquelle se trouve le mouvement révolutionnaire aujourd'hui -son extrême faiblesse numérique, politique, et plus encore, organisationnelle- mais surtout de l'immense dispersion et isolement des faibles groupes qui s'en réclament. Comme vous, nous pensons qu'une des premières tâches -voire même la première tâche aujourd'hui- de chaque groupe se situant vraiment sur le terrain révolutionnaire du prolétariat consiste à oeuvrer de toutes ses forces pour mettre fin à cet état déplorable, à réagir vigoureusement contre la dispersion et l'isolement, contre l'esprit sectaire de chapelle, pour le développement de liaisons, de contacts, de discussions, de regroupements et d'actions communes entre les groupes, à l'échelle nationale et internationale. Ceux qui, parmi ces groupes, ne ressentent pas cette nécessité -et ceux-là existent malheureusement- montrent leur incompréhension de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et, de ce fait, leur tendance à se scléroser.
Qu'un groupe en Argentine découvre à son tour cette nécessité urgente -ce qui est tout à son honneur- n'est pas pour nous surprendre : 1°) parce que le fait qu'il ait ressenti cette nécessité prouve la vitalité révolutionnaire qui est la sienne et 2°) parce que nous avons retrouvé cette même préoccupation dans d'autres groupes qui ont surgi récemment tel le groupe Alptraum au Mexique ou encore celui des "Communistes Internationalistes" en Inde.
A quoi est due la constatation de cette nécessité précisément aujourd'hui ? Pour le comprendre il ne suffit pas de dire que ce n'est pas "d'un coup" que surgit, une fois encore, le cri anxieux des minorités révolutionnaires qui cherchent à rompre le cordon sanitaire tendu par le capital ; il ne suffit , pas de dire que tant dans les périodes de montée de la lutte de classe que dans les moments de la contre-révolution la plus violente ces minorités "découvrent^ l'une après l'autre, ce que signifient l'isolement, la faiblesse de leurs petites forces, une faiblesse non seulement numérique, sinon fondamentalement politique...". S'il est vrai que c'est de tout temps que les révolutionnaires s'efforcent de rompre le "cordon sanitaire" de la bourgeoisie visant à les disperser et à les isoler de leur classe, on ne peut mettre sur le même plan "les périodes de montée de la lutte de classe" et "les moments de la contre-révolution la plus violente".
Sans tomber dans le fatalisme, l'expérience historique de la lutte de classe nous enseigne qu'une période de recul et de défaites profondes du prolétariat entraîne inévitablement une dispersion des forces révolutionnaires et la tendance à leur isolement. La tâche qui s'impose alors aux groupes révolutionnaires est celle de chercher à limiter autant que possible l'avalanche de l'ennemi de classe afin d'empêcher que celle-ci ne les emporte vers le néant. Dans une certaine mesure, l'isolement, dans une telle situation, est non seulement inévitable mais nécessaire pour leur permettre de mieux résister à la violence momentanée du courant et au risque d'y être emporté. Ce fut le cas, par exemple, de l'attitude politique de Marx et Engels dissolvant la Ligue Communiste au lendemain des violentes défaites subies par le prolétariat durant la tourmente sociale de 1848-51, dissolvant la 1ère Internationale après l'écrasement sanglant de la Commune de Paris, de même que celle de Lénine et Luxembourg au moment de la faillite de la 2ème Internationale lors du déclenchement de la première guerre mondiale. On peut citer également en exemple la constitution et l'activité de la Fraction de gauche italienne après la banqueroute de la 3ème Internationale sous la direction stalinienne.
Toute autre se présente l'activité des groupes révolutionnaires dans une période de montée de la lutte de classe. Si, dans une période de recul, les groupes révolutionnaires nagent à contre-courant, et donc forcément sur les bords et par petits paquets, dans une période de montée, il est de leur devoir d'être dans le courant et le plus massivement, le plus internationalement organisés possible. Les groupes révolutionnaires qui ne le comprennent pas, qui n'agissent pas dans ce sens, soit parce qu'ils ne comprennent pas la situation, la période dans laquelle se trouve la lutte de classe et les perspectives de sa dynamique, soit parce que, ayant difficilement survécu à la période de recul et de dispersion, ils se sont plus ou moins sclérosés, se trouvent alors incapables d'assumer la fonction pour laquelle la classe les a fait surgir.
Le sectarisme que vous dénoncez à juste titre avec tant de force n'est, au fond, rien d'autre que la survivance de la tendance à se replier sur soi-même correspondant à une période de recul. Hisser cette tendance à la hauteur d'une théorie et d'une pratique, à un esprit de chapelle, surtout dans une période de montée, est le signe d'un processus de sclérose extrêmement dangereux et finalement mortel pour tout groupe révolutionnaire.
Seules une analyse et une compréhension justes de la période ouverte à la fin des années 60 avec l'éclatement de la crise mondiale du capitalisme décadent et le resurgissement de la lutte de classe d'une nouvelle génération du prolétariat n'ayant pas connu la défaite et gardant ainsi toutes ses potentialités et combativité permet de comprendre la nécessité impérieuse qui se pose aujourd'hui aux groupes révolutionnaires existant dans le monde et surgissant dans divers pays : celle de s'engager consciemment dans la voie de la recherche des contacts, de l'information, de la discussion, de la clarification, de la confrontation des positions politiques, de prises de position et d'actions communes entre les groupes s'engageant résolument dans un processus de décantation et de regroupement. Cette voie est la seule qui mène à la perspective de l'organisation du futur parti mondial du prolétariat. Cette compréhension de la période et de ses exigences est aussi la condition majeure pour combattre efficacement le sectarisme et ses manifestations qui sévissent aujourd'hui encore dans le milieu révolutionnaire.
Nous nous sommes attardés longuement sur cette question, non pour critiquer mais pour appuyer votre "Proposition" en lui apportant une argumentation que nous pensons susceptible de renforcer encore son fondement. La lutte contre la dispersion et l'isolement, la lutte contre le sectarisme ont toujours été et restent une préoccupation majeure du CCI depuis sa constitution. Retrouver cette préoccupation aujourd'hui venant d'un groupe aussi isolé que le vôtre ne peut que nous réjouir et renforcer notre conviction de sa validité. C'est pourquoi nous nous proposons de traduire et de publier sans tarder votre texte dans le prochain numéro de notre Revue Internationale en français et en en anglais (et probablement ultérieurement dans les Revues Internationales en langues espagnole et italienne lors de leur parution). Nous sommes convaincus que vous ne verrez aucun inconvénient à cette publication (bien entendu, nous ne donnerons pas, pour des raisons de sécurité, votre adresse sans une autorisation explicite de votre part).
Cette préoccupation de la nécessité de rompre avec la dispersion et l'isolement des groupes révolutionnaires, de même que la conviction de sa validité, ont été à la base de tentatives telles que les trois conférences internationales des groupes révolutionnaires impulsées par nous et Battaglia Comunista durant les années 1977 à 1980. Ces conférences, qui auraient pu devenir un lieu de rencontre et un pôle de référence et de regroupement pour de nouveaux groupes surgissant dans différents pays, ont échoué en se heurtant justement au sectarisme de groupes comme Battaglia Comunista pour qui ces conférences devaient rester muettes, être un lieu uniquement de confrontation de groupes à la recherche de recrutement et de "pêche à la ligne". Sur notre insistance, les comptes rendus de ces Conférences ont été publiés en français, anglais et italien. Nous nous ferons un devoir de vous les communiquer au plus vite.
Le besoin urgent de rompre avec 1'éparpillement et l'isolement n'est certes pas une tâche facile de même qu'il ne peut se réaliser du jour au lendemain. Pour autant, cela ne constitue pas une raison pour abdiquer mais, au contraire, cette difficulté même devrait stimuler les efforts de chaque groupe révolutionnaire digne de ce nom de s'y engager résolument.
Nous ne pouvons, dans le cadre de cette lettre, nous livrer à un examen détaillé de chaque paragraphe et encore moins de chaque formulation. Comme' vous le dites vous-mêmes, ce texte ne prétend ni être complet ni définitif .Nous aurons largement le temps de discuter de telle ou telle formulation, de tel ou tel argument. Pour le moment, ce qui importe c'est le principe, la démarche-même qui sous-tend votre "Proposition". C'est là-dessus que porte notre accord. Toutefois, il faut retenir deux questions fondamentales que soulève cette "Proposition" :
1°) A qui s'adresse une telle "Proposition" ?
Pour répondre à cette question, il est évident que nous recherchons la participation la plus large possible des groupes authentiquement révolutionnaires,, même si des divergences sur des points particuliers mais secondaires existent entre ces groupes. Cependant, il ne s'agit pas de réunir n'importe qui, ce qui donnerait l'image d'un panier de crabes et constituerait une démarche négative, une entrave et non un renforcement du mouvement révolutionnaire. Il n'existe pas, surtout au stade actuel du mouvement -avec la dispersion et les différents degrés de maturité des groupes existants- de critères discriminatoires et sélectifs pouvant garantir, d'emblée, de façon absolue, une telle sélection. Mais il existe -et on doit pouvoir les formuler- un minimum de critères permettant d'établir un cadre général dans lequel les groupes qui s'y inscrivent puissent adhérer tout en maintenant des positions qui leur sont propres mais qui restent néanmoins compatibles avec ce cadre. Il nous faut rejeter tant le monolithisme que le rassemblement de forces fondamentalement hétérogènes sur la base de positions politiques vagues et incohérentes.
Dans votre chapitre;"A qui faisons-nous cette proposition ?vous essayez de donner une réponse en énumérant longuement (peut-être trop longuement) certaines positions devant servir de critères. Quelles que puissent être les améliorations toujours possibles dans leurs formulations, ces positions erronées sont, dans leur fond politique, absolument juste, à notre avis.
Cependant, le manque de prise de position claire et explicite sur des questions très importantes peut inquiéter. Nous en citerons quelques-unes :
- le rejet de toute participation aux campagnes électorales dans la période actuelle du capitalisme décadent ;
- la nécessité de se concevoir et de se situer dans la continuité de l'histoire du mouvement ouvrier, de ses acquis théoriques et politiques (non pas une continuité passive et de simple répétition, mais une continuité dynamique et de dépassement étroitement liée aux expériences et à l'évolution des exacerbations de toutes les contradictions du système capitaliste mettant désormais à l'ordre du jour la nécessité objective de sa destruction). Ceci implique la reconnaissance du marxisme comme la théorie révolutionnaire du prolétariat, le fait de se revendiquer des apports successifs des 1ère, 2ème et 3ème Internationales et des gauches communistes qui en sont issues ;
- la reconnaissance, sans ambiguïté, de la nature prolétarienne du parti bolchevik (avant sa banque route et son passage définitif dans le camp de la contre-révolution) et de la révolution d'octobre. ?
Il est surprenant de ne trouver, dans votre tex- i te, aucune référence à ces questions, pas plus qu'à la reconnaissance des Conseils Ouvriers, "forme enfin trouvée" de l'organisation unitaire de la classe en vue de la réalisation concrète de la révolution prolétarienne. Nous nous étonnons également de ne trouver aucune mention sur la question du terrorisme, des guérillas (urbaines ou non), et sur le rejet catégorique de ce type d'actions (armes propres aux couches désespérées de la petite-bourgeoisie, du nationalisme, et qui sont efficacement entretenues et manipulées par tous les Etats), non pas au nom du pacifisme qui n'est que ' l'autre face de la même médaille, mais au nom de son inefficacité et de sa prétention, , au mieux, à réveiller et, au pire, à se substituer à la seule violence de classe adéquate : celle de la lutte ouverte, massive et généralisée des grandes masses de la classe ouvrière. Votre silence est d'autant plus étonnant que vous vivez et luttez dans un continent et un pays qui ont tristement connu ce type d'actions aventuristes, les tupamaros et autres guérillas guévaristes.
2°) La deuxième question se rapporte à vos propositions concrètes de réalisation de ce grand projet, notamment à la publication d'une revue commune aux groupes adhérents et au mode de fonctionnement d'une telle coordination. Commençons par ce dernier point. Vous proposez l'unanimité comme règle de toute activité et décision. Une telle règle ne nous semble par forcément la plus appropriée. Elle comporte le risque soit de l'exigence d'un accord constant -et donc, du monolithisme-, soit de la paralysie de l'ensemble des groupes participants à chaque fois que l'un d'entre eux se trouve en désaccord. Le point 5 de votre "Proposition" porte sur l'éventualité d'une publication commune. Il est inutile d'ouvrir une discussion sur la structure d'une telle publication (division en 3 parties, etc...) puisque le projet-même d'une telle publication immédiate nous semble, en tout état de cause, largement prématuré. Une publication commune à de nombreux groupes présuppose deux conditions :
a) une connaissance plus approfondie de la trajectoire politique des différents groupes et de leurs positions actuelles, un constat de l'intégration effective de ces positions dans le cadre des critères élaborés de même que leur tendance à converger à plus ou moins long terme ;
b) et sur cette base, une avancée sérieuse de l'expérience d'une activité commune permettant à ces groupes de s'engager davantage sur le plan organisationnel avant de pouvoir affronter vraiment les difficultés inhérentes à une publication (questions politiques et techniques de la nomination d'une rédaction responsable, question de langues dans lesquelles doit être publiée une telle revue et, enfin, questions d'administration et de ressources financières).
Aucune de ces deux conditions n'étant actuellement remplie, ce point de la "Proposition" nous semble, de ce fait, irréalisable pour le moment et, en conséquence, il serait erroné de vouloir en faire un point central. Il serait plus judicieux et davantage à notre portée de nous contenter, pour le moment, de la tâche réalisable consistant à assurer la circulation de textes de discussion entre les groupes adhérents sur des thèmes importants et, autant que possible, convenus en commun.
Reste la proposition de 1'information réciproque, de l'échange de publications, de favoriser réciproquement la diffusion de la presse des différents groupes adhérents, la possibilité de publication d'articles dans la presse des autres groupes et, enfin, l'éventualité de prises de position communes sur des événements importants et, donc, l'éventualité d'une intervention publique commune. Cette partie de votre proposition générale peut être réalisée dans une échéance relativement brève, toujours dans le souci de rompre l'isolement, de resserrer les contacts entre les groupes révolutionnaires existants et surgissants, de développer les discussions et de favoriser un processus de décantation et de regroupement des révolutionnaires.
En un mot, mieux vaut partir avec prudence et arriver au but que de partir au galop, de s'essouffler et de s'arrêter à mi-chemin.
Avec nos salutations communistes.
[1] Nous ne publions pas l'adresse de ces groupes; pour tout contact, les lecteurs peuvent écrire à la boîte postale de R.I. qui transmettra.
[2] "Emancipacion Obrera" a du subir la répression et la violence du MAS, groupe trotskyste qui a appelé à participer à la guerre des Malouines, appuyant les généraux