Réponse au camarade Steinklopfer

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Nous continuons à publier des contributions à un débat interne relatif à la compréhension de notre concept de décomposition, aux tensions inter-impérialistes et à la menace de guerre, et au rapport de forces entre le prolétariat et la bourgeoisie. Ce débat a été rendu public pour la première fois par le CCI en août 2020, lorsqu’il a publié un texte du camarade Steinklopfer dans lequel il exprimait et expliquait ses désaccords avec la résolution sur la situation internationale du 23ᵉ Congrès du CCI. Ce texte était accompagné d’une réponse du CCI et les deux peuvent être consultés ici. La deuxième contribution du camarade (ici) développe ses divergences avec la résolution du 24ᵉ Congrès et le texte ci-dessous est une réponse supplémentaire exprimant la position du CCI. Enfin, il y a une contribution du camarade Ferdinand (ici) qui exprime également ses divergences avec la résolution du 24ᵉ Congrès. Une réponse à ce texte sera publiée en temps utile.


Le CCI est plus ou moins seul à considérer que l’effondrement du bloc impérialiste de l’Est en 1989 a marqué le début d’une nouvelle phase dans la décadence du capitalisme – la phase de décomposition, résultant d’une impasse historique entre les deux principales classes de la société, aucune n’étant capable de faire avancer sa propre perspective face à la crise historique du système : guerre mondiale pour la bourgeoisie, révolution mondiale pour la classe ouvrière. Ce serait l’étape finale du long déclin du mode de production capitaliste, entraînant la menace d’une descente dans la barbarie et la destruction qui pourrait engloutir la classe ouvrière et l’humanité même sans une guerre entièrement mondiale entre deux blocs impérialistes[1].

Les groupes du milieu prolétarien ont rarement, voire jamais, répondu aux Thèses sur la Décomposition qui posaient les bases théoriques du concept de décomposition. Certains, comme les bordiguistes, avec leur idée de l’invariance de la théorie marxiste depuis 1848, ont eu tendance à rejeter le concept même de décadence capitaliste. D’autres, comme la Tendance communiste internationaliste, considèrent comme idéaliste notre conception de la décomposition comme une phase de chaos croissant et de destructivité irrationnelle, même s’ils ne contestent pas que ces phénomènes existent et sont même en augmentation. Mais pour ces camarades, notre conception n’est pas directement basée sur une analyse économique, et ne peut donc pas être considérée comme matérialiste.

En même temps, bien qu’ils situent leurs origines dans la Gauche communiste italienne, ces groupes n’ont jamais accepté notre notion du cours historique : l’idée que la capacité du capitalisme à mobiliser la société pour une guerre mondiale dépend de la question de savoir s’il a infligé une défaite décisive à la classe ouvrière mondiale, en particulier à ses bataillons centraux. C’était assurément l’approche de la Fraction de gauche qui a publié Bilan dans les années 1930, qui insistait sur le fait qu’avec la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23, la voie vers une Seconde Guerre mondiale était ouverte ; et c’était une méthode reprise par le CCI dès sa création. Dans les années 1970 et 1980, nous avons soutenu que, malgré l’aggravation de la crise économique et l’existence de blocs impérialistes stables, le capitalisme était incapable de faire des pas décisifs vers la troisième guerre mondiale parce qu’il était confronté à une génération invaincue de prolétaires qui n’étaient pas prêts à faire les sacrifices exigés par une marche vers la guerre. Aucun de ces arguments n’avait de sens pour la majorité des groupes du milieu qui ne tenaient pas compte du rapport de forces entre les classes pour comprendre la direction que prenait la société[2].

Le concept de cours historique a été un élément clé dans la formulation de la théorie de la décomposition. Dans les années 1970, période caractérisée par des vagues internationales de luttes ouvrières en réponse à la crise économique ouverte, nous considérions encore que la société se dirigeait vers des affrontements de classes massifs dont l’issue déterminerait si la voie était ouverte à la guerre mondiale ou à la révolution mondiale. Cependant, vers la fin des années 1980, malgré l’incapacité de la bourgeoisie à mobiliser la société pour une nouvelle guerre mondiale, il est devenu évident que la classe ouvrière avait de plus en plus de mal à affirmer sa propre perspective révolutionnaire. Paradoxalement, le concept d’un cours historique, d’un mouvement défini vers soit une guerre mondiale, soit une lutte de classe massive, n’était plus applicable dans la nouvelle phase ouverte par l’impasse historique, comme nous l’avons clarifié lors de notre 23ᵉ Congrès international[3].

À quelques exceptions près, la majorité des groupes du milieu ont également rejeté l’une des principales conclusions que nous avons tirées de l’analyse de la décomposition au niveau des conflits impérialistes – une analyse développée dans notre Texte d’orientation de 1990 « Militarisme et décomposition » et sa mise à jour en mai 2022 – à savoir que la tendance croissante au chacun pour soi entre les États, la vague de fragmentation et de désordre qui caractérise cette nouvelle phase, était devenue un élément central de la difficulté pour la bourgeoisie de reconstituer des blocs impérialistes stables[4]. La plupart des groupes considèrent que la formation de nouveaux blocs est à l’ordre du jour aujourd’hui, et affirment même qu’elle est assez avancée.

Bien qu’à notre avis les principales prévisions des Thèses sur la Décomposition et du Texte d’orientation sur le militarisme aient résisté à l’épreuve du temps (cf. rapport du 22ᵉ Congrès [5]), la guerre en Ukraine a mis en évidence la divergence avec les groupes qui voient le mouvement rapide vers les blocs et la menace imminente d’une troisième guerre mondiale.

Des idées similaires sont apparues dans nos propres rangs, comme on peut le voir dans les textes des camarades Steinklopfer et Ferdinand [6]. Ces camarades insistent cependant toujours sur le fait qu’ils sont d’accord avec le concept de décomposition, bien qu’à notre avis certains de leurs arguments le remettent en question.

Dans cet article, nous allons expliquer pourquoi nous pensons que c’est le cas dans la contribution du camarade Steinklopfer. Bien que les positions de Steinklopfer et de Ferdinand soient très similaires, elles ont été présentées comme des contributions individuelles, nous y répondrons donc séparément.

Nous diviserons notre réponse en trois parties : sur les désaccords concernant le concept de base de décomposition ; sur la polarisation impérialiste ; et sur le rapport de forces entre les classes. En répondant aux critiques du camarade Steinklopfer, nous devrons passer un temps considérable à corriger diverses représentations erronées de la position de l’organisation, qui, à notre avis, découlent d’une perte d’acquis de la part du camarade – un oubli de certains éléments de base de notre cadre analytique. Qui plus est, certaines de ces représentations erronées ont déjà été traitées dans des réponses précédentes aux textes du camarade, mais ces dernières ne sont pas prises en compte ou ne font pas l’objet de réponses dans les contributions ultérieures du camarade. C’est le signe d’une réelle difficulté à faire avancer le débat.

Sur le concept de base de décomposition : où est le révisionnisme ?

Selon le camarade Steinklopfer, c’est pourtant le CCI qui « révise » sa conception de la décomposition.

« il y a un fil rouge qui relie entre eux ces désaccords, qui tourne autour de la question de la décomposition. Bien que l’ensemble de l’organisation partage notre analyse de la décomposition comme phase ultime du capitalisme, lorsque nous voulons appliquer ce cadre à la situation actuelle, des différences d’interprétation apparaissent. Ce sur quoi nous sommes tous d’accord est que cette phase terminale, non seulement a été ouverte par l’incapacité de l’une ou l’autre des principales classes de la société d’offrir une perspective à l’humanité toute entière, unir de grandes parties de la société soit derrière la lutte pour la révolution mondiale (le prolétariat), soit derrière la mobilisation pour la guerre généralisée (la bourgeoisie), mais qu’elle y a ses plus profondes racines. Mais, pour l’organisation, il y aurait une seconde force motrice à cette phase terminale, qui serait la tendance au chacun-pour-soi : entre les États, au sein de la classe dominante de chaque État national, dans la société bourgeoise au sens large. Sur cette base, en ce qui concerne les tensions impérialistes, le CCI tend à sous-estimer la tendance à la bipolarisation entre grands États dominants, la tendance vers la formation d’alliances militaires entre États, tout comme il sous-estime le danger grandissant de confrontation militaire directe entre grandes puissances, qui contient une dynamique potentielle vers ce qui ressemble à une Troisième Guerre mondiale, laquelle pourrait potentiellement détruire l’humanité entière ».

Nous reviendrons plus tard sur la question de la sous-estimation de la menace d’une troisième guerre mondiale. Ce que nous voulons préciser à ce stade, c’est que nous ne considérons pas la tendance au « chacun pour soi » comme une « seconde force motrice à cette phase terminale », au sens où elle serait une cause sous-jacente de décomposition, ce qui est sous-entendu dans la phrase du camarade « une seconde force motrice » et explicite lorsqu’il poursuit en disant que « bien que je sois d’accord avec l’idée que le chacun-pour-soi bourgeois est une très importante caractéristique de la décomposition, qui a joué un très grand rôle dans l’ouverture de la phase de décomposition avec la désintégration de l’ordre impérialiste mondial de l’après-Seconde Guerre mondiale, je ne crois pas que c’en soit une des principales causes ». Si nous sommes tous d’accord pour dire que la tendance de chaque État à défendre ses propres intérêts est inhérente à toute l’histoire du capitalisme, même pendant la période des blocs stables – ou comme le dit Steinklopfer, « le chacun-pour-soi bourgeois est une tendance permanente et fondamentale du capitalisme depuis sa naissance » – cette tendance est « libérée » et exacerbée sur un plan qualitatif pendant la phase de décomposition. Cette exacerbation reste un produit de la décomposition, mais elle est devenue un facteur de plus en plus actif dans la situation mondiale, un obstacle majeur à la formation de nouveaux blocs.

Cela nous amène à un deuxième désaccord clé sur le concept de décomposition – la compréhension que la décomposition, tout en faisant fructifier toutes les contradictions existantes du capitalisme décadent, prend le caractère d’un changement qualitatif. Selon Steinklopfer, « Comme je le comprends, l’organisation a migré vers la position que, avec la décomposition, le chacun-contre-tous a acquis une qualité nouvelle par rapport à la précédente phase du capitalisme décadent, représentée par une sorte de domination absolue de la tendance à la fragmentation. Pour moi, par contre, il n’y a pas de tendance majeure dans la phase de décomposition qui n’existait pas déjà auparavant, en particulier dans la période de la décadence capitaliste ouverte par la Première Guerre mondiale ».

Il semble qu’il s’agisse là d’un cas évident de « perte d’acquis », d’oubli de ce que nous avons dit nous-mêmes dans nos textes fondamentaux, en l’occurrence les Thèses sur la Décomposition elles-mêmes. Certes, les Thèses conviennent que « Dans la mesure où les contradictions et manifestations de la décadence du capitalisme, qui, successivement, marquent les différents moments de cette décadence, ne disparaissent pas avec le temps, mais se maintiennent, et même s’approfondissent, la phase de décomposition apparaît comme celle résultant de l’accumulation de toutes ces caractéristiques d’un système moribond, celle qui parachève et chapeaute trois quarts de siècle d’agonie d’un mode de production condamné par l’histoire » (Thèse 3). Mais la même thèse souligne ensuite que la phase de décomposition « se présente encore comme la conséquence ultime, la synthèse achevée » de ces caractéristiques : en somme, une telle synthèse marque le point où la quantité se transforme en qualité. Sinon, quel sens y aurait-il à décrire la décomposition comme une nouvelle phase de la décadence ?

Sur la polarisation impérialiste

Si nous revenons au TO sur Militarisme et Décomposition, il devient clair que nous n’avons jamais soutenu que la tendance à la formation de nouveaux blocs disparaît dans la phase de décomposition. « L’histoire (notamment celle du deuxième après-guerre) a mis en évidence le fait que la disparition d’un bloc impérialiste (par exemple l’« Axe ») met à l’ordre du jour la dislocation de l’autre (les « Alliés ») mais aussi la reconstitution d’un nouveau « couple » de blocs antagoniques (Est et Ouest). C’est pour cela que la situation présente porte effectivement avec elle, sous l’impulsion de la crise et de l’aiguisement des tensions militaires, une tendance vers la reformation de deux nouveaux blocs impérialistes ».

Cependant, le TO avait déjà souligné que

« ce n’est pas la constitution de blocs impérialistes qui se trouve à l’origine du militarisme et de l’impérialisme. C’est tout le contraire qui est vrai : la constitution des blocs n’est que la conséquence extrême (qui, à un certain moment peut aggraver les causes elles-mêmes), une manifestation (qui n’est pas nécessairement la seule) de l’enfoncement du capitalisme décadent dans le militarisme et la guerre. D’une certaine façon, il en est de la formation des blocs vis-à-vis de l’impérialisme comme du stalinisme vis-à-vis du capitalisme d’État. De même que la fin du stalinisme ne remet pas en cause la tendance historique au capitalisme d’État, dont il constituait pourtant une manifestation, la disparition actuelle des blocs impérialistes ne saurait impliquer la moindre remise en cause de l’emprise de l’impérialisme sur la vie de la société ». Et il poursuit en disant qu’en l’absence de blocs, les antagonismes impérialistes prendront un caractère nouveau, chaotique, mais non moins sanglant : « Dans la nouvelle période historique où nous sommes entrés, et les événements du Golfe viennent de le confirmer, le monde se présente comme une immense foire d’empoigne, où jouera à fond la tendance au « chacun pour soi », où les alliances entre États n’auront pas, loin de là, le caractère de stabilité qui caractérisait les blocs, mais seront dictées par les nécessités du moment. Un monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d’ordre par l’emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire ».

Ce scénario a été amplement démontré par les guerres qui ont suivi dans les Balkans, l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, la guerre en Syrie, les nombreux conflits en Afrique, etc. En particulier, les tentatives du gendarme américain de maintenir un minimum d’ordre deviendraient un facteur majeur dans l’exacerbation du chaos, comme nous l’avons vu au Moyen-Orient en particulier.

Bien entendu, l’analyse proposée dans le Texte d’orientation sur le militarisme, publié au début des années 1990, présente une limite majeure. S’il démontre à juste titre l’incapacité de nouveaux prétendants tels que l’Allemagne et le Japon à former un nouveau bloc opposé aux États-Unis, il ne prévoit pas la montée en puissance de la Chine et sa capacité à être un défi majeur à la domination américaine. Mais cela invalide-t-il la conclusion du TO selon laquelle la tendance à la formation de nouveaux blocs ne sera pas à l’ordre du jour pendant une période indéfinie ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’être clair sur ce que le CCI dit réellement sur le défi chinois aux États-Unis. Selon le camarade Steinklopfer,

« Dans l’analyse actuelle de l’organisation, cependant, la Chine n’est pas et ne sera jamais un concurrent sérieux des États-Unis, parce que son développement économique et technologique est considéré comme « un produit de la décomposition ». Si l’on suit cette interprétation, la Chine ne peut être et ne sera jamais plus qu’un pays semi-développé incapable de rivaliser avec les vieux centres du capitalisme d’Amérique du Nord, d’Europe ou du Japon. Cette interprétation n’implique-t-elle pas que l’idée, sinon d’un arrêt du développement des forces productives – que nous avons toujours, à juste titre, exclu comme caractéristique du capitalisme décadent – du moins de quelque chose qui n’en est pas loin, est maintenant postulée par l’organisation dans la phase finale de la décadence ? Comme un lecteur attentif l’aura noté, le 24ᵉ Congrès a condamné non seulement l’idée d’un défi global de l’impérialisme chinois comme remettant en cause la question de l’analyse théorique de la décomposition – l’idée même que la Chine a renforcé sa compétitivité au détriment de ses rivaux est rejetée comme une expression de mes prétendues illusions sur la bonne santé du capitalisme chinois ».

La position selon laquelle la Chine « ne sera jamais un concurrent sérieux des États-Unis » n’est pas du tout celle de l’organisation. Bien qu’il ait tardé à reconnaître l’importance de la montée de la Chine, depuis quelques années maintenant, le CCI insiste sur le fait que la stratégie impérialiste américaine – assurément depuis les années Obama, à travers la présidence Trump et en continuant sous Biden – est basée sur la compréhension que son principal rival est la Chine, tant sur le plan économique que militaire. Le rapport sur les tensions impérialistes publié dans le sillage de la guerre en Ukraine[7] développe l’argument selon lequel, derrière le piège que les États-Unis ont tendu à la Russie en Ukraine, derrière la tentative de saigner à blanc la Russie, la véritable cible de l’impérialisme américain est la Chine ; et il évoque assez longuement la « polarisation » croissante entre les États-Unis et la Chine comme un facteur central des rivalités impérialistes mondiales. Mais c’est une erreur – et nous pensons que le camarade Steinklopfer y tombe – de confondre ce processus de polarisation, dans lequel les rivalités entre les États-Unis et la Chine prennent de plus en plus le devant de la scène dans les événements mondiaux, avec la formation réelle de blocs militaires, qui impliquerait le développement d’alliances stables dans lesquelles une puissance est capable d’exercer une discipline sur ses « alliés ». Comme nous l’avons dit, le milieu prolétarien a prétendu que la guerre en Ukraine avait marqué une étape importante dans la marche vers de nouveaux blocs militaires, mais en réalité nous avons vu de nouvelles preuves de l’instabilité des alliances existantes :

– Si les États-Unis ont connu un certain succès en revigorant l’OTAN sous leur direction, ils n’ont pas mis fin à la volonté de pays comme l’Allemagne et la France d’adopter une ligne indépendante à l’égard de la Russie, comme en témoignent les tentatives de négociations séparées, la réticence à imposer des interdictions sur l’importation d’énergie russe et, surtout, la relance de la force militaire de l’UE et l’augmentation considérable du budget de la défense de l’Allemagne – une arme à double tranchant qui pourrait aller à l’encontre des intérêts américains à long terme ; entre-temps, la Turquie, membre de l’OTAN, a très clairement joué son propre jeu dans cette situation, comme en témoigne l’accord qu’elle a négocié entre l’Ukraine et la Russie pour permettre l’acheminement de céréales à partir des ports ukrainiens.

– Le « soutien » de la Chine à la Russie a été extrêmement discret malgré les demandes d’aide économique et militaire de la Russie. Il ne fait aucun doute que la classe dominante chinoise est consciente que la Russie est tombée dans le piège américain et sait qu’une Russie affaiblie constituerait un énorme fardeau plutôt qu’un « partenaire » utile.

– Un certain nombre de pays ont maintenu une position indépendante face à l’appel à isoler la Russie, notamment l’Inde et une série de pays d’Amérique du Sud et d’Afrique.

Nous devrions également souligner, en réponse à l’accusation selon laquelle le CCI « sous-estime le danger grandissant de confrontation militaire directe entre grandes puissances », que le rapport nie fermement que l’inexistence de blocs militaires rende le monde plus sûr, au contraire :

« L’absence de blocs rend paradoxalement la situation plus dangereuse dans la mesure où les conflits sont caractérisés par une plus grande imprédictibilité : « En annonçant qu’il plaçait sa force de dissuasion en état d’alerte, le président russe Vladimir Poutine a contraint l’ensemble des états-majors à mettre à jour leurs doctrines, le plus souvent héritées de la guerre froide. La certitude de l’annihilation mutuelle – dont l’acronyme en anglais MAD signifie « fou » – ne suffit plus à exclure l’hypothèse de frappes nucléaires tactiques, prétendument limitées. Au risque d’un emballement incontrôlé » (LMD, avril 2022, p.1). En effet, paradoxalement, on peut soutenir que le regroupement en blocs limitait les possibilités de dérapage

  • à cause de la discipline de bloc ;

  • à cause aussi de la nécessité d’infliger au préalable une défaite décisive au prolétariat mondial dans les centres du capitalisme (cf. l’analyse du cours historique dans les années 1980).

Ainsi, même s’il n’y a pas actuellement de perspective de constitution de blocs ou de troisième guerre mondiale, en même temps, la situation est caractérisée par une plus grande dangerosité, liée à l’intensification du chacun pour soi et à l’irrationalité croissante : l’imprévisibilité du développement des confrontations, les possibilités de dérapages de celles-ci, qui est plus forte que dans les années 50 à 80, marquent la phase de décomposition et constituent une des dimensions particulièrement préoccupante de cette accélération qualitative du militarisme. ».

Le danger esquissé ici n’est pas celui où la bourgeoisie est capable de faire marcher consciemment l’humanité vers une troisième guerre mondiale entre blocs, visant la conquête des marchés et des ressources des puissances rivales. Cela impliquerait que l’une des prémisses clés de la décomposition – l’incapacité de la bourgeoisie à offrir une perspective à l’humanité, aussi barbare soit-elle – ait été retirée de l’équation. Ce serait plutôt l’expression ultime de la propagation de l’irrationalité et du chaos qui sont si centraux dans la phase de décomposition. D’une certaine manière, Steinklopfer le reconnaît lui-même, lorsqu’il dit, plus loin dans le texte, qu’une spirale irréversible de destruction pourrait avoir lieu même sans la formation de blocs : « Il est de la plus haute importance politique de dépasser toute approche schématique, unilatérale de faire de l’existence de blocs impérialistes une précondition des affrontements militaires entre grandes puissances dans la situation actuelle », et il poursuit en affirmant que la tentative même d’empêcher la formation de nouveaux blocs pourrait rendre une troisième guerre mondiale plus probable. La provocation américaine à l’égard de la Russie s’inscrit assurément dans le cadre d’un effort visant à empêcher la formation d’un nouveau bloc entre la Russie et la Chine et elle pourrait effectivement prendre des proportions imprévisibles si une Russie désespérée décidait d’emprunter la voie suicidaire de l’utilisation de son arsenal nucléaire. Mais ce serait l’expression la plus claire de l’avertissement contenu dans les Thèses selon lequel le développement de la décomposition peut compromettre l’avenir de l’humanité même sans une mobilisation générale de la société pour une guerre mondiale.

Sans doute le camarade Steinklopfer fera-t-il référence à un passage prémonitoire de son texte (écrit avant la guerre en Ukraine) où il dit que

« La qualité nouvelle de la phase de décomposition consiste, à ce niveau, dans le fait que toutes les contradictions déjà existantes d’un mode de production en déclin sont exacerbées au plus haut point. Il en va de même avec la tendance au chacun-contre-tous qui est, elle aussi, exacerbée par la décomposition. Mais la tendance à la guerre entre puissances dominantes, et ainsi vers la guerre mondiale, est également exacerbée, comme le sont toutes les tensions générées par les mouvements vers la formation de nouveaux blocs impérialistes et par les tendances visant à les contrecarrer. L’incapacité à comprendre ceci nous amène aujourd’hui à gravement sous-estimer le danger de guerre, en particulier les conflits qui vont sortir des tentatives des États-Unis d’utiliser leur actuelle supériorité militaire contre la Chine, afin de stopper le développement de cette dernière, tout comme nous sous-estimons sérieusement le danger de conflits militaires entre l’OTAN et la Russie (ce dernier conflit étant, au moins à court terme, potentiellement encore plus dangereux que le conflit sino-américain du fait qu’il comporte un risque encore plus grand de déboucher sur une guerre thermonucléaire) ».

Il est assurément vrai que le CCI a initialement sous-estimé l’imminence de l’invasion russe en Ukraine, tout comme nous avons tardé à identifier les manœuvres machiavéliques des États-Unis destinées à attirer la Russie dans ce piège. Mais selon nous, il ne s’agissait pas d’une réfutation de notre cadre théorique sous-jacent, mais plutôt du résultat d’une incapacité à l’appliquer de manière cohérente. Après tout, nous avions déjà considéré la pandémie de Covid-19 comme la preuve d’une nouvelle et très sérieuse accélération de la décomposition capitaliste, et la guerre en Ukraine a pleinement confirmé ce jugement, en montrant que le processus de décomposition n’est pas simplement une descente lente et progressive vers l’abîme, mais sera ponctué de moments d’intensification et d’accélération sévères, comme ceux que nous vivons aujourd’hui.

Enfin, nous devons préciser que notre point de vue selon lequel la montée en puissance de la Chine n’a été possible qu’en conséquence de la décomposition, et à la dissolution des blocs en particulier, n’implique pas qu’il y ait eu un « arrêt du développement des forces productives » empêchant la Chine de devenir un rival sérieux des États-Unis. Au contraire, le développement de la Chine est un exemple éclatant de ce que, à la suite de Marx, nous avons décrit comme « la croissance comme déclin »[8], un processus où l’accumulation même des forces productives entraîne de nouvelles menaces pour l’avenir de l’humanité : par la dévastation écologique, la « production » de pandémies et l’aiguisement des antagonismes militaires. Non seulement la croissance chinoise est le résultat de la décomposition, mais elle est devenue un puissant facteur de son accélération. Argumenter, comme le fait le camarade Steinklopfer, qu’elle a eu lieu « malgré la décomposition » fait sortir la compréhension de l’essor de la Chine de notre cadre général d’analyse.

Sur la lutte de classe

Lorsque nous en arrivons à l’évaluation de l’état actuel de la lutte de classe, nous devons à nouveau consacrer un certain temps dans notre réponse à insister sur le fait que la description de notre position par le camarade Steinklopfer n’est pas du tout exacte.

– Le camarade répète l’argument selon lequel nous ne considérons plus le manque de perspective du prolétariat comme un facteur de recul de la lutte de classe : « Il est déjà frappant dans la résolution du 23ᵉ Congrès que le problème de la faiblesse, bientôt de l’absence de perspective révolutionnaire prolétarienne, n’est pas considéré comme central pour expliquer les problèmes des luttes ouvrières au cours des années 80 ». Nous avons déjà répondu à cette question dans notre précédente réponse publiée à l’article de Steinklopfer sur le 23ᵉ Congrès : « le camarade Steinkopfler suggère que la résolution sur le rapport de forces entre les classes du 23ᵉ congrès ne s’intéresse plus au problème de la perspective révolutionnaire, et que ce facteur a disparu de notre compréhension des causes (et conséquences) de la décomposition. En fait, la question de la politisation de la lutte de classe et des efforts de la bourgeoisie pour empêcher son développement est au cœur de la résolution » [9]. Il ne pouvait guère en être autrement, car toute la base des Thèses sur la Décomposition est l’argument selon lequel si le monde capitaliste est dans un état d’agonie et de désintégration, c’est avant tout parce qu’aucune des deux grandes classes de la société n’est capable d’offrir une perspective pour l’humanité.

– Steinklopfer se trompe également lorsqu’il affirme que le CCI fonde aujourd’hui ses espoirs sur une simple augmentation de la combativité, une sorte de saut automatique vers la conscience révolutionnaire poussé par la crise, une vision conseilliste ou économiste qui néglige le rôle de la théorie révolutionnaire (et donc de l’organisation révolutionnaire). Mais nous n’avons jamais nié la nécessité de la politisation des luttes et le rôle clé des organisations politiques dans cette évolution, ni le poids négatif de la rupture organique et de la séparation des organisations politiques de la classe. Il est certes vrai qu’aucune organisation révolutionnaire n’est à l’abri de faire des concessions aux erreurs conseillistes, économistes ou immédiatistes, mais nous considérons que lorsque de telles erreurs se produisent, elles sont en désaccord avec notre cadre analytique fondamental, ce qui nous donne la capacité de les critiquer et de les surmonter [10].

D’autre part, nous avons considéré que le rejet apparent par Steinklopfer de l’importance centrale de la lutte défensive de la classe ouvrière contre l’impact de la crise économique – explicitement affirmée dans la section finale des Thèses sur la Décomposition comme un antidote vital à l’engloutissement dans le processus de putréfaction sociale – ouvrait la porte aux idées modernistes. Pas dans le sens explicite de ceux qui appellent les travailleurs à abandonner leurs luttes défensives ou qui exigent l’auto-négation immédiate du prolétariat dans le processus révolutionnaire. Le camarade, dans son récent texte, affirme clairement qu’il considère les luttes défensives comme indispensables à la récupération future de l’identité de classe et d’une perspective révolutionnaire. Le problème réside dans la tendance à séparer la dimension économique de la lutte de sa dimension politique et donc à ne pas reconnaître l’élément implicitement politique dans même la plus « petite » expression de la résistance de classe. Dans son texte précédent, il semblait y avoir une expression claire de cette séparation entre les dimensions politique/théorique dans le point de vue apparent selon lequel l’apport théorique de l’organisation révolutionnaire pourrait de lui-même compenser la dimension politique manquante dans la lutte défensive quotidienne, un point de vue que nous avons critiqué comme frisant le substitutionnisme [11]. Dans la nouvelle contribution, Steinklopfer a précisé que le développement de la dimension théorique ne peut pas être l’œuvre d’une minorité seule, mais doit finalement être le travail de millions de prolétaires. C’est bien, mais le camarade affirme ensuite que c’est la majorité du CCI qui l’a oublié. « Cependant, l’organisation a peut-être oublié que les masses prolétariennes sont capables de participer à ce travail de réflexion théorique ». Nous ne l’avons en fait pas oublié. L’une des raisons pour lesquelles nous avons accordé tant d’importance au mouvement des Indignés de 2011, par exemple, était qu’il était caractérisé par une culture du débat très animée dans les assemblées, où les questions sur les origines de la crise capitaliste et l’avenir de la société étaient soulevées et discutées comme étant tout aussi pertinentes pour le mouvement que les décisions sur les formes d’action immédiates[12].

Cependant, il y a une composante très importante dans la capacité de la classe ouvrière « dans sa masse » à se réapproprier la dimension théorique de son combat : le processus de « maturation souterraine », par lequel nous voulons dire que, même dans les périodes où la classe dans son ensemble est en retrait, un processus de politisation peut encore avoir lieu parmi une minorité de la classe, dont certains graviteront bien sûr vers les organisations politiques de la Gauche communiste. C’est cet aspect souvent « caché » de la politisation de la classe qui portera ses fruits dans des mouvements de classe plus étendus et plus massifs.

Dans le rapport sur la lutte de classe au 24ᵉ Congrès du CCI [13], nous avons souligné que le camarade Steinklopfer abandonne ou discrédite le concept de maturation souterraine en affirmant que nous assistons en fait à un processus de « régression souterraine » dans la classe ouvrière. Nous avons soutenu que cela ignore la réalité des éléments en recherche qui répondent à l’état désespéré de la société capitaliste, malgré les difficultés extrêmes évidentes de la classe à prendre conscience d’elle-même à un niveau plus général ; l’organisation révolutionnaire a la tâche d’aider ces éléments à pousser plus loin leurs réflexions et à comprendre toutes leurs implications aux niveaux théorique et organisationnel. D’autre part, le concept de régression souterraine ne peut qu’aboutir à une sous-estimation de l’importance de ce travail envers les minorités en recherche.

Dans le nouveau texte, la position du camarade vis-à-vis de la notion de régression souterraine reste très floue. D’une part, elle n’est ni défendue ni répudiée. D’autre part, juste avant d’accuser le CCI d’oublier que les masses prolétariennes sont capables de réfléchir, il semble se rapprocher de la notion d’une dynamique de maturation souterraine : « Le travail théorique est la tâche, non des révolutionnaires seuls, mais de la classe ouvrière comme un tout. Étant donné que le processus de développement du prolétariat est inégal, il est de la responsabilité particulière des couches les plus politisées du prolétariat de l’assumer ; des minorités, donc, oui, mais cela comprend potentiellement des millions d’ouvriers qui, loin de se substituer eux-mêmes à l’ensemble, pousseront pour impulser et stimuler plus avant les autres. Pour leur part, les révolutionnaires ont la tâche spécifique d’orienter et d’enrichir cette réflexion qui doit être accomplie par des millions. Cette responsabilité des révolutionnaires est au pire au moins aussi importante que celle d’intervenir dans des mouvements de grève, par exemple ». Ce qui reste flou dans l’évaluation du camarade, c’est de savoir si ce potentiel de maturation politique est quelque chose pour l’avenir ou s’il a déjà lieu, même à très petite échelle.

Sur la question des défaites

Ce sur quoi le camarade Steinklopfer continue d’insister dans le nouveau texte est l’importance des revers, des défaites politiques, que la classe ouvrière a subis depuis la résurgence initiale de la lutte de classe à la fin des années 60, qui a mis fin à la période précédente de contre-révolution. Selon lui, la majorité du CCI sous-estime la profondeur de ces défaites et cela – ainsi que notre amnésie sur la capacité des masses à la réflexion théorique – exprime une perte de confiance dans le prolétariat de notre part :

« Cette perte de confiance s’exprime elle-même dans le rejet de toute idée que le prolétariat a subi des défaites politiques importantes au cours des décennies qui ont suivi 1968. Faute de cette confiance, nous finissons par minimiser l’importance de ces très graves revers politiques, en nous consolant avec les luttes défensives quotidiennes, vues comme le principal creuset de la voie à suivre, ce qui est à mes yeux une concession significative à une approche « économiciste » de la lutte de classe déjà critiquée par Lénine et Rosa Luxemburg au début du XXᵉ siècle. La compréhension que le « prolétariat n’est pas vaincu », qui donnait une vision correcte et très importante dans les années 70 et 80, est devenue un article de foi, un dogme creux, qui empêche toute analyse sérieuse, scientifique du rapport de force ».

Énumérant ces défaites, le camarade, dans une proposition d’amendement à la résolution sur la situation internationale du 24ᵉ Congrès, fait référence à (a) l’incapacité de la première vague internationale à développer l’aspect politique de la lutte, un potentiel annoncé notamment par les événements de mai-juin 1968 en France (b) l’impact de l’effondrement du bloc de l’Est et les campagnes contre le communisme qui ont suivi et (c) l’échec de la classe à répondre à la crise économique de 2008, un échec qui a ouvert la voie à la montée du populisme.

Il est difficilement soutenable d’affirmer que le CCI ait rejeté « toute idée que le prolétariat a subi des défaites politiques importantes au cours des décennies qui ont suivi 1968 ». Le camarade Steinklopfer reconnaît lui-même que le concept même de décomposition est basé sur notre reconnaissance que le prolétariat n’a pas été capable de réaliser le potentiel politique révolutionnaire contenu dans les luttes ouvrières des années 70 et 80 ; de plus, la compréhension que l’effondrement du bloc de l’Est a initié un profond recul de la combativité et de la conscience de classe a été au centre de nos analyses au cours des trente dernières années ; et nous pouvons assurément citer un certain nombre d’importants mouvements de classe qui ont été largement défaits par la classe dominante, de la grève de masse en Pologne en 1980 aux mineurs britanniques en 1985, en passant par les Indignés en 2011, etc. (comme Rosa Luxemburg l’a si bien dit, la lutte de classe prolétarienne est la seule forme de guerre dans laquelle la victoire finale ne peut être préparée que par une série de défaites).

Ce que le CCI rejette, ce n’est pas la réalité ou l’importance de défaites, d’échecs ou de revers particuliers, mais l’idée que ceux qui se sont produits depuis les années 1980 constituent une défaite historique comparable à celle des années 20 et 30, dans laquelle la classe ouvrière des principaux centres du capitalisme a été réduite à l’état où elle est prête à accepter d’être emmenée à la guerre pour « résoudre » les problèmes du système. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un dogme vide, mais qu’il continue à avoir une valeur opérationnelle, surtout en ce qui concerne la guerre actuelle en Ukraine, où la bourgeoisie des États-Unis et de l’Europe occidentale s’est donné beaucoup de mal pour éviter d’utiliser des troupes sur le terrain, sans parler de toute mobilisation directe des masses prolétariennes dans le conflit entre l’OTAN et la Russie.

Il est certain que, dans la période de décomposition, nous ne pouvons pas envisager une telle défaite historique de la même manière que dans la période 1968-89, où elle aurait été fondée sur la victoire de la bourgeoisie dans une confrontation décisive et directe entre les classes. Dans la période de décomposition, il y a un danger très réel que le prolétariat soit progressivement miné par la désintégration de la société sans même être un défi majeur à la bourgeoisie. Et les révolutionnaires doivent constamment évaluer si ce « point de non-retour » a été atteint. Selon nous, les signes continus de résistance de classe contre les attaques sur le niveau de vie (par exemple en 2019 et encore aujourd’hui, notamment en Grande-Bretagne au moment où nous écrivons ces lignes) est un signe que nous n’en sommes pas encore là ; un autre est l’émergence de minorités de recherche dans le monde entier.

En revanche, le camarade Steinklopfer semble régresser vers l’approche qui était valable dans la période précédente, lorsque le concept du cours historique était pleinement applicable, mais qui ne tient plus la route dans la phase de décomposition. Sans préciser ce qui a changé et ce qui reste inchangé dans la nouvelle phase, le camarade semble dériver vers l’idée que la classe ouvrière a subi une défaite à un niveau historique si important que le cours vers la guerre mondiale a été rouvert. Il ne dit pas quelles conséquences cela peut avoir, notamment pour l’activité de l’organisation révolutionnaire, et il avance de nombreuses mises en garde et réserves : « Non seulement parce que le prolétariat ne veut pas aller vers une telle guerre, mais parce que la bourgeoisie elle-même n’a pas l’intention de faire marcher qui que ce soit vers une nouvelle guerre mondiale ».

Les ambiguïtés de ce genre, comme nous l’avons noté, prolifèrent tout au long du texte et c’est pourquoi nous ne pensons pas que l’analyse actuelle du camarade offre une voie à suivre pour l’organisation.

Amos (août 2022)

 

[1] « Thèses sur la décomposition », Revue internationale n° 107

[2] Le groupe Internationalist Voice fait ici clairement exception. « Contrairement aux spéculations selon lesquelles cette guerre est le début de la troisième guerre mondiale, nous pensons que la troisième guerre mondiale n’est pas à l’ordre du jour de la bourgeoisie mondiale. Pour qu’une guerre mondiale ait lieu, les deux conditions suivantes doivent être remplies :

– l’existence de deux blocs impérialistes politiques, économiques et militaires ;

– une classe ouvrière vaincue au niveau mondial.

Au cours des dernières décennies, les conditions préalables essentielles à une guerre mondiale n’ont pas été réunies. D’une part, chacun des principaux acteurs – gangsters – pense à ses propres intérêts impérialistes. D’autre part, bien que la classe ouvrière ne soit pas prête à fournir le soutien nécessaire à l’alternative (c’est-à-dire une révolution communiste contre la barbarie du système capitaliste) et qu’elle ait reculé au cours de la dernière décennie, elle n’a pas été vaincue. Par conséquent, les guerres impérialistes qui peuvent s’enflammer ont tendance à se situer à un niveau régional et à être des guerres par procuration. Bien qu’il existe une sorte d’alliance entre la Russie et la Chine, et que certaines actions militaires russes bénéficient du soutien tacite de la Chine, nous ne devons pas oublier que chacune de ces puissances poursuit ses propres intérêts impérialistes, qui entreront inévitablement en conflit les uns avec les autres de temps à autre ».

[3] « Rapport sur la question du cours historique », Revue internationale n° 164.

[4] « Texte d’orientation : militarisme et décomposition », Revue internationale n° 64.

[5] « Rapport sur la décomposition aujourd’hui (Mai 2017) », 22ᵉ Congrès du CCI, Revue internationale n° 164 ; « Militarisme et décomposition (mai 2022) », Revue internationale n° 168.

[6] « Explication des amendements rejetés du camarade Steinklopfer », « Divergences avec la Résolution sur la situation internationale du 24ᵉ Congrès du CCI (explication d’une position minoritaire, par Ferdinand) ».

[7] « Signification et impact de la guerre en Ukraine ».

[8] « Growth as decay ».

[9] « Divergences avec la résolution sur la situation internationale du 23ᵉ congrès ».

[10] Voir par exemple la Revue internationale n° 167, « Rapport sur la lutte de classe internationale au 24ᵉ Congrès du CCI ». Ce rapport appuie une critique faite au rapport sur les luttes ouvrières en France en 2019 adopté par le 24ᵉ Congrès de notre section en France, qui contenait une surestimation du niveau de politisation de ces mouvements, et « ouvrait donc la porte à une vision conseilliste ».

[11] « Divergences avec la résolution sur la situation internationale du 23e congrès ».

[12] Voir « Bilan critique du mouvement des Indignés de 2011 ».

[13] « Rapport sur la lutte de classe internationale au 24ème Congrès du CCI ».

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