Bilan critique du mouvement des Indignés de 2011

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Dix ans après, quelles leçons pouvons-nous tirer du mouvement des Indignés ? Comprendre à travers une analyse critique les luttes passées, tout en ayant le regard tourné vers l’avenir est source de force et d’encouragement pour le prolétariat dans une situation historique qui se détériore par moments sur tous les plans : pandémie, crise économique, barbarie guerrière, destruction de l’environnement, effondrement moral…

La force du prolétariat réside en sa capacité de tirer des leçons d’une lutte qui a plus de trois siècles d’expérience historique. Grâce à elle, il peut développer sa conscience de classe afin de lutter pour la libération de l’humanité du joug du capitalisme.

Le prolétariat a besoin de revenir constamment sur ses luttes passées, non pas pour tomber dans la nostalgie, bien au contraire, mais pour examiner de façon implacable ses faiblesses, ses limites, ses erreurs, ses points faibles, etc. afin d’en extirper un trésor de leçons qui lui servent à aborder sa lutte révolutionnaire.

Revenir sur le mouvement des Indignés de 2011 est nécessaire pour réaffirmer sa nature prolétarienne mais également pour comprendre ses énormes limites et faiblesses. C’est seulement de cette façon que nous pourrons tirer parti de ses leçons pour la période à venir.

L’entrée en lutte des nouvelles générations de la classe ouvrière

Tout mouvement prolétarien doit être analysé dans son contexte historique et mondial. Le mouvement du 15 Mai s’est produit en 2011 au sein d’un cycle de luttes qui s’est développé sur la période 2003-2011.

En 1989-91, l’effondrement de l’URSS et de ses régimes satellites a permis à la bourgeoisie mondiale de lancer une accablante campagne anticommuniste qui martelait sans répit ces trois slogans : « Fin du communisme », « Faillite du marxisme » et « Disparition politique de la classe ouvrière ». Cela a provoqué un fort repli dans la combativité et la conscience des ouvriers[1].

Depuis lors, la majorité des ouvriers ne se reconnaissent plus comme tels mais ils se voient pour certains comme une minorité plus chanceuse, la « classe moyenne » et pour les autres comme « ceux d’en bas », « les précaires », « les perdants dans la vie », etc. Face à la notion de classe, scientifique, unificatrice, universelle et avec une perspective de futur, la bourgeoisie propage à sa grande joie la vision réactionnaire, divisionniste de « catégories sociales » à travers son armée de serviteurs (partis, syndicats, idéologues, “influenceurs”) qui ne cessent de crier sur tous les toits – depuis Internet jusqu’aux universités en passant par le parlement et les moyens de “communication” – que la classe ouvrière n’existe pas, que c’est un concept « dépassé » qu’il n’y a que des « citoyens » de la « communauté nationale ».

Le repli s’est également exprimé à travers le retour en force des idéologies démocratiques, syndicalistes, humanistes, réformistes qui proclament la « fin de l’histoire ». Il n’y aurait pas d’autre monde possible que le capitalisme et le mieux qu’on puisse faire serait de « l’améliorer » pour que chacun puisse trouver sa « place » en son sein.

Toute tentative de changer le capitalisme conduirait à des situations bien pires, ce qui serait accrédité par ce qu’il s’est passé en URSS ou ce que l’on voit en Corée du Nord, à Cuba, au Venezuela, au Nicaragua, etc. et qui démontrerait que le dilemme historique formulé par Engels à la fin du XIXe siècle, Communisme ou Barbarie, serait faux parce que « le communisme, c’est aussi la barbarie ».

Malgré cet énorme fardeau, depuis 2003, il y a un renouveau des luttes ouvrières. Il y a eu des grèves significatives comme celle du métro de New York (2005), la grève de Vigo (2006), les grèves dans le nord de l' Égypte (2007), les protestations de jeunes ouvriers en Grèce (2008) mais les deux mouvements les plus importants furent la lutte contre le CPE[2] en France (2006) et le mouvement des Indignés en Espagne (2011)[3].

« Ces deux mouvements massifs de la jeunesse prolétarienne ont retrouvé spontanément les méthodes de luttes de la classe ouvrière, notamment la culture du débat dans les assemblées générales massives ouvertes à tous. Ces mouvements ont également été caractérisés par la solidarité entre les générations (alors que le mouvement des étudiants de la fin des années 1960, très fortement marqué par le poids de la petite bourgeoisie, s’était développé contre la génération qui avait été embrigadée dans la guerre).

Si, dans le mouvement contre le CPE, la grande majorité des étudiants en lutte contre la perspective du chômage et de la précarité, s’est reconnue comme faisant partie de la classe ouvrière, les Indignés en Espagne (bien que leur mouvement se soit étendu à l’échelle internationale grâce aux réseaux sociaux) n’avaient pas une claire conscience d’appartenir à la classe exploitée.

Alors que le mouvement massif contre le CPE était une riposte prolétarienne à une attaque économique (qui a obligé la bourgeoisie à reculer en retirant le CPE), celui des Indignés était marqué essentiellement par une réflexion globale sur la faillite du capitalisme et la nécessite d’une autre société » (Résolution sur le rapport de force entre les classes du 23e Congrès du CCI (2019))[4].

Malgré ces contributions, ces mouvements n’ont pas réussi à dépasser le repli de la conscience et de la combativité de 1989 et furent très marqués par ses effets mais aussi par les dérivés du processus de décomposition sociale et idéologique qui touche le capitalisme depuis les années 1980[5].

Leurs limites les plus importantes furent qu’ils ne réussirent pas à mobiliser l’ensemble de la classe ouvrière et se produisirent dans un nombre limité de pays. Ils se réduisirent aux nouvelles générations ouvrières. « Les travailleurs des grands centres industriels restaient passifs et leurs luttes demeuraient sporadiques (la peur du chômage étant un élément central d’une telle inhibition). Il n’y eut pas de mobilisation unifiée et massive de la classe ouvrière, mais seulement d’une partie d’entre elle, la plus jeune »[6].

Les jeunes ouvriers entrèrent en grève (beaucoup d’entre eux étaient encore étudiants), la majeure partie affectée par la précarité, le chômage, le travail totalement individualisé et isolé, reliés à de petites entreprises, la plupart d’entre elles n’ayant pas de siège social. Dans de telles conditions, au poids asphyxiant du recul historique expliqué précédemment, s’est ajouté l’inexpérience, l’absence totale de vie collective préalable, la terrible dispersion sociale.

La perte de l’identité de classe

La lutte des Indignés s’est retrouvée face à un mur qu’elle n’a pas pu franchir : la perte de l’identité de classe qui perdure depuis 1989.

Cette perte d’identité a fait que la grande majorité des participants au mouvement ne se reconnaissait pas comme faisant partie de la classe ouvrière.

Beaucoup étaient encore étudiants ou avaient fait des études supérieures[7]. Ceux qui étudiaient encore travaillaient sporadiquement pour payer leurs études et beaucoup de ceux qui occupaient des emplois précaires et mal payés pensaient que cette situation était transitoire, espérant obtenir un poste en accord avec leur niveau d’études. Pour résumer, beaucoup de participants croyaient que leur appartenance à la classe ouvrière était circonstancielle, une sorte de purgatoire avant d’arriver finalement au « paradis » de la « classe moyenne ».

Un autre facteur qui empêchait qu’ils se reconnaissent comme membres de la classe ouvrière est qu’ils changeaient constamment d’entreprise ou de poste de travail, la majorité travaillant dans de petites entreprises ou des entreprises de sous-traitance qui opèrent dans des usines ou des centres de distribution, de commerce ou de service[8].

Nombre d’entre eux travaillent seuls, fréquentant à peine leurs collègues, enfermés chez eux avec le télétravail ou participant à ce qu’on appelle « l’ubérisation du travail », « en passant par l’intermédiaire d’une plateforme internet pour trouver un emploi, l’ubérisation déguise la vente de la force de travail à un patron en une forme d'"auto-entreprise » tout en renforçant la paupérisation et la précarité des « auto-entrepreneurs ». L’ubérisation du travail individuel renforce l’atomisation, la difficulté de faire grève, du fait que l’auto-exploitation de ces travailleurs entrave considérablement leur capacité à lutter de façon collective et à développer la solidarité face à l’exploitation capitaliste » (op.cit. note 4).

Bien qu’elle exprimât de la sympathie pour la classe ouvrière, la majorité n’avait pas le sentiment d’appartenir à cette dernière. Elle se voyait comme une somme d’individus atomisés, frustrés et indignés par une situation toujours plus angoissante de misère, d’instabilité et d’absence de futur.

Le contexte du chômage accompagne tel une ombre angoissante les jeunes générations ouvrières. Ils vivent piégés dans un engrenage d’emplois précaires qui alternent avec des phases de chômage plus ou moins prolongées, beaucoup d’entre eux tombant dans une situation de chômage de longue durée. Ceci a pour effet ce que nous annoncions il y a 30 ans dans nos Thèses sur la décomposition : « Une proportion importante des jeunes générations ouvrières subit de plein fouet le fléau du chômage avant même qu’elle n’ait eu l’occasion, sur les lieux de production, en compagnie des camarades de travail et de lutte, de faire l’expérience d’une vie collective de classe. En fait le chômage, qui résulte directement de la crise économique, s’il n’est pas en soi une manifestation de la décomposition, débouche, dans cette phase particulière de la décadence, sur des conséquences qui font de lui un élément singulier de cette décomposition. S’il peut en général contribuer à démasquer l’incapacité du capitalisme à assurer un futur aux prolétaires, il constitue également, aujourd’hui, un puissant facteur de “lumpénisation” de certains secteurs de la classe, notamment parmi les jeunes ouvriers, ce qui affaiblit d’autant les capacités politiques présentes et futures de celle-ci. » (voir note 4)

ILS FONT PARTIE DE LA CLASSE OUVRIERE mais subjectivement ils ne se reconnaissent pas en elle. Cela a eu pour effet que le mouvement de 2011 n’a pas coupé le cordon ombilical de la sournoise « communauté nationale »[9]. Par exemple le slogan « nous sommes les 99%, ils sont le 1%", si populaire dans le mouvement Occupy aux États-Unis, n’exprime pas une vision de la société divisée en classes mais plutôt la vision typiquement démocratique que répète si souvent le gauchisme, du “peuple”, des « citoyens de base » face au 1% de “ploutocrates” et d'“oligarques” qui “trahiraient” la nation. Dans cette optique, les classes n’existent pas mais il existerait plutôt une somme d’individus répartie entre une majorité de “perdants” face à une élite de “gagnants”. Ainsi les participants au mouvement avaient d’énormes difficultés pour comprendre que « la société est divisée en classes, une classe capitaliste qui possède tout et ne produit rien et une classe exploitée, le prolétariat, qui produit tout et possède de moins en moins. Le moteur de l’évolution sociale n’est pas le jeu démocratique de « la décision d’une majorité de “citoyens” (ce jeu est plutôt le masque qui couvre et légitime la dictature de la classe dominante) mais la lutte de classe. » (se reporter à la note 2).

L’illusion d’une réforme de la démocratie.

Dépossédés de la force et la perspective que procure le fait de se reconnaître comme membres d’une classe historique qui représente l’unique futur pour l’humanité, les jeunes Indignés étaient terriblement vulnérables à l’illusion d’un « renouveau du jeu démocratique ».

Partout dans le monde, l’État démocratique est un leurre qui recouvre la dictature du Capital. Cependant, vu que domine l’idéologie selon laquelle « le communisme a échoué » ou « le communisme est le cauchemar que nous voyons à Cuba, au Venezuela ou en Corée du Nord », les participants au mouvement du 15 mai se sont accrochés à la chimère de « rénover la démocratie » suivant cette vieille mystification que répètent tant les politiciens : « la démocratie est le moindre mal de tous les régimes ».

Avec ce slogan, ils veulent nous embrigader dans la « lutte pour une véritable démocratie ». Ainsi le groupe bourgeois qui a accompagné et contrôlé le mouvement en Espagne s’appelait Democracia Real Ya (DRY)[10]. Ils nous disent « D’accord, la démocratie n’est pas parfaite, elle traîne le lourd fardeau des politiciens, de la corruption, de la complaisance envers les pouvoirs financiers et les entreprises », par conséquent la question n’est pas de lutter pour des utopies qui débouchent sur la barbarie sinistre de la Corée du Nord, de Cuba ou du Venezuela mais plutôt d'« épurer la démocratie » pour créer une « démocratie au service de tous ».

C’est cela la véritable utopie réactionnaire car la démocratie est ce qu’elle est et elle ne peut ni « se réformer » ni « s’améliorer ». Nouvelles constitutions, référendums, fin du bipartisme, démocratie participative, etc. sont les rapiéçages qui ne changent absolument rien à rien et dont l’unique finalité est de nous livrer pieds et poings liés à la dictature du capital sous son costume démocratique.

Le slogan le plus étendu dans les Assemblées du 15 Mai était « Ils appellent cela démocratie, mais ce n’est pas le cas ». C’était un piège, une mystification très dangereuse qui a sapé de l’intérieur le mouvement et l’a empêché de s’étendre. Les États bourgeois sont cela : de la démocratie. Ils l’appellent démocratie et C’EN EST UNE, c’est cela la démocratie, autrement dit, le déguisement démocratique de l’État totalitaire de la décadence capitaliste.

Comme l’ont dénoncé les « Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne », adoptées par le 1er Congrès de l’Internationale Communiste en 1919, il n’existe et n’existera jamais une démocratie qui soit bonne, pure, participative, humaine, au « service de tous », « la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière mettre la masse des travailleurs à la merci de la bourgeoisie et d’une poignée de capitalistes »[11].

Nous ne vivons pas dans une société de « citoyens libres et égaux », nous vivons dans une société DIVISÉE EN CLASSES… Et par conséquent, l’État n’est pas un organe neutre au service des citoyens mais il représente la DICTATURE de la classe dominante, du capital, qui oriente la société non vers la satisfaction des besoins des “citoyens” mais vers l’ACCUMULATION DU CAPITAL, le profit des entreprises et l’intérêt national.

Le Capital domine la société au nom de l’intérêt de la Nation qui serait une supposée « communauté de citoyens libres et égaux » et se barricade dans l’État qui, pour garder l’apparence de « représentant de la majorité », organise un rituel d’élections, de droits, de consultations, d’oppositions, d'« équilibres des pouvoirs », d'« alternance », etc.

Une critique encore timide du piège démocratique surgit dans de petites minorités au sein des assemblées. Il y en eut qui « complétèrent » la consigne « ils l’appellent démocratie, mais ce n’est pas le cas » avec une autre consigne « C’est une dictature mais ça ne se voit pas ». Il existait ici un début de prise de conscience. Ils l’appellent démocratie MAIS c’est une dictature, la dictature du Capital.

La dictature qui, au lieu d’un parti unique ou d’une autocratie militaire, présente une constellation de partis et de syndicats qui s’expriment différemment mais tendent tous vers le même but : la défense du capital national. La dictature qui ne compte pas de grand dictateur inamovible mais qui change de dictateur tous les 4 ans par le jeu des élections, jeu que l’État organise et contrôle pour faire en sorte que le résultat soit l’option majoritaire de la défense du capital national[12].

La dictature qui, au lieu des menaces et du despotisme flagrant des régimes autoritaires, se cache vertueusement et hypocritement derrière les belles paroles sur la solidarité, l’intérêt de tous, la volonté de la majorité, etc.

La dictature qui, au lieu de voler ouvertement pour le bénéfice de la minorité prend le déguisement de la « justice sociale », du « prendre soin des plus démunis », « personne ne reste à la traîne », et autres balivernes.

La dictature qui au lieu de réprimer sans vergogne ou de nier tout type de droit ou d’organisation, nous enferme dans les « droits » qui nous privent de tout et dans des « organisations » qui nous divisent et nous désorganisent comme classe.

Ce début de compréhension (« c’est une dictature mais ça ne se voit pas ») fut très minoritaire, ce qui domina dans les assemblées fut l’illusion d’un « renouveau démocratique »[13].

Dix ans après, en quoi consiste le « renouveau démocratique » qu’espéraient beaucoup de jeunes dans les assemblées ? Eh bien, nous le voyons bien. Les deux grands partis (PP et PSOE) sont désormais accompagnés par de nouveaux requins : Vox, Ciudadanos et Podemos. Ces « rénovateurs » ont amplement démontré qu’ils sont IDENTIQUES aux autres. Les mêmes tromperies, le même service inconditionnel au capital espagnol, la même soif insatiable de pouvoir, le même clientélisme[14]… La démocratie ne s’est pas renouvelée, elle a renforcé la machine d’État contre les travailleurs et contre toute la population.

Le virus démocratique entraina une inefficacité de la lutte face aux opérations de répression policière, car « malgré quelques réponses solidaires basées sur l’action massive contre la violence policière, c’est la “lutte” conçue comme pression pacifique et citoyenne sur les institutions capitalistes qui amena le mouvement très facilement vers l’impasse » (se reporter à la note 2).

Avec le mensonge démocratique, la bourgeoisie espagnole a réussi à faire en sorte que le mouvement du 15 Mai ne s’articule pas « autour de la lutte de la principale classe exploitée qui produit collectivement l’essentiel des richesses et assure le fonctionnement de la vie sociale : les usines, les hôpitaux, les écoles, les universités, les ports, les travaux, la poste… » (op.cit. note 2) mais qu’elle soit diluée dans une indignation interclassiste totalement impuissante. Malgré quelques timides tentatives d’extension aux centres de travail, cela échoua et le mouvement est demeuré toujours plus cantonné aux places publiques. Le regroupement et l’action commune des minorités qui exprimaient une « frange prolétarienne » face à la confusion dominante dans les assemblées n’a pas abouti. Pour cela, le mouvement, malgré les sympathies qu’il a suscitées, perdit en force jusqu’à se réduire à une minorité toujours plus désespérément activiste.

L’impasse de l'« indignation ».

Le slogan du mouvement fut « l’indignation ». L’indignation se distingue de la vengeance, de la haine, de la revanche, du dédommagement et autres manifestations morales propres à la bourgeoisie et à la petite bourgeoisie. En cela, l’indignation concorde plus avec la morale prolétarienne qu’avec ces sentiments profondément réactionnaires et destructeurs. Cependant l’indignation, aussi légitime qu’elle soit, exprimait plus une impuissance qu’une force, plus une perplexité qu’une certitude. L’indignation est un sentiment très primaire dans la lutte de classe du prolétariat et comme tel, il ne possède pas la capacité pour affirmer, même à un niveau élémentaire, la force, l’identité et la conscience de notre classe.

Les ouvriers s’indignent à cause du renvoi d’un camarade de travail, à cause des manœuvres des syndicats, à cause de l’arrogance et du sentiment de supériorité des patrons et des contremaîtres, à cause des accidents du travail qui fauchent subitement une vie humaine ou condamnent un camarade à l’invalidité… Cependant, l’indignation en elle-même ne définit nullement le terrain de classe du prolétariat si elle ne se place pas du point de vue de son autonomie politique de classe, du point de vue de ses revendications et de sa recherche d’une perspective propre, l’indignation apparaît comme un sentiment « humain » indifférencié que n’importe quel individu de n’importe quelle classe peut sentir et qui peut faire partie de n’importe quelle lutte bourgeoise ou petite-bourgeoise. Lorsque l’indignation s’élève comme catégorie indépendante et absolue, le terrain de classe prolétarien disparaît.[15]

Le fait que les prolétaires mobilisés en Espagne aient adopté le nom même « d’Indignés » comme signe de reconnaissance soulignait la difficulté manifeste qu’ils avaient pour trouver le chemin de classe prolétarien auquel ils appartenaient. C’était l’expression de leur impuissance et elle contenait le danger de se laisser dévier sur un terrain bourgeois, démocratique, de « protestation populaire », totalement interclassiste. L’indignation est par nature passive et purement morale. Elle peut correspondre à une étape embryonnaire de la prise de conscience qui doit être nécessairement dépassée par l’affirmation d’un terrain de classe, posant l’alternative pour le communisme. Si elle demeure le slogan du mouvement, la porte reste ouverte à son extinction ou si elle tente l’affrontement, le résultat est nécessairement son encadrement et sa récupération sur un terrain bourgeois, une défaite prolétarienne sans palliatifs.

Ce danger, nous l’avons clairement observé pendant les mobilisations aux États-Unis contre l’assassinat de Georges Floyd par la police. L’indignation fut canalisée vers une revendication pour une police « plus humaine » qui agisse « démocratiquement », c’est-à-dire un terrain radicalement bourgeois de défense de l’État démocratique et de ses appareils répressifs.

Les jeunes ouvriers qui occupaient les places et célébraient les assemblées massives quotidiennes avaient besoin de mettre de côté cette conception initiale de « l’indignation ». Le fait de ne pas y arriver et de ne pas réussir à allumer la mèche de la lutte dans les centres de travail, a perdu le mouvement.

Une vision erronée de la crise capitaliste

Si le mouvement des Indignés fut une réponse à la grave crise capitaliste de 2008, les participants se sont obstinés à voir les effondrements financiers qui se succédaient, les violentes coupes budgétaires que les gouvernements mettaient en œuvre, l’austérité brutale qu’ils promouvaient non comme une crise mais plutôt comme une “arnaque”. Les coupes budgétaires, la misère, la précarité étaient perçues comme résultat de la corruption (« il n’y a pas assez d’argent pour tous ces voleurs » fut l’une des phrases les plus répétées dans les assemblées) et non comme un résultat des convulsions et de l’impasse historique du capitalisme.

« Avec la faillite de la banque Lehman Brothers et la crise financière de 2008, la bourgeoisie a pu enfoncer encore un coin dans la conscience du prolétariat en développant une nouvelle campagne idéologique à l’échelle mondiale destinée à instiller l’idée (mise en avant par les partis de gauche) que ce sont " les banquiers véreux » qui sont responsables de cette crise, tout en faisant croire que le capitalisme est personnifié par les traders et le pouvoir de l’argent. La classe dominante a pu ainsi masquer les racines de la faillite de son système. Elle a cherché d’une part, à amener la classe ouvrière sur le terrain de la défense de l’État “protecteur”, les mesures de sauvetage des banques étant censées protéger les petits épargnants. Mais au-delà de ces mystifications, l’impact de cette campagne sur la classe ouvrière a consisté à renforcer son impuissance face à un système économique impersonnel dont les lois générales s’apparentent à des lois naturelles qui ne peuvent être contrôlées ou modifiées ». (se reporter à la note 4).

La majorité des participants voyaient comme responsables de leurs souffrances « une poignée de “méchants” (des financiers sans scrupules, des dictateurs sans pitié) alors que [Le capital] est un réseau complexe de rapports sociaux qui doit être attaqué dans sa totalité et non pas se disperser en poursuivant ses expressions multiples et variées (la finance, la spéculation, la corruption des pouvoirs politico-économiques). (se reporter à la note 2).

Cette terrible faiblesse donnait à la bourgeoisie une énorme marge de manœuvre pour embrouiller le mouvement dans toutes sortes de mystifications, toutes plus démobilisatrices et démoralisantes les unes que les autres.

En premier lieu, il n’y a pas de reconnaissance de l’obsolescence historique du capitalisme et de la nécessité impérieuse de le détruire mais il est considéré plutôt comme un système qui pourrait être « réformé et amélioré ».

En second lieu, le capitalisme n’est pas considéré comme un rapport social mais plutôt comme une somme d’individus, d’entreprises ou de secteurs (financiers, industriels, etc.). Ce raisonnement laisse la porte ouverte à l’idée qu’il y aurait des fractions du capital « meilleures et progressistes » alors que d’autres seraient « pires et réactionnaires ». Les maux du capitalisme ne sont pas identifiés à la nature même d’un système composé d’un ensemble de nations qui luttent à mort pour le profit et la domination impérialiste mais plutôt à des individus « mauvais », à la « finance », aux « spéculateurs », etc. C’est-à-dire que la voie est libre pour le Frontisme : se regrouper derrière telle ou telle fraction de la bourgeoisie considérée « moins mauvaise » contre une autre fraction estampillée comme étant « la pire ». La voie est libre pour tous les pièges avec lesquels la bourgeoisie a embrigadé le prolétariat dans la barbarie guerrière et au sacrifice de ses conditions de vie : choisir entre démocratie et fascisme, entre dictature et démocratie, entre le moindre mal et le plus grand mal[16].

Enfin la « lutte contre la corruption » cache la réalité qui est que le VOL est dans la plus-value que le capital extrait aux ouvriers de façon légale et consentie à travers un « contrat de travail » qui serait d'« égal à égal ». La corruption est à la base de la production de la plus-value qui est extorquée légalement et structurellement aux ouvriers et, dès lors, le problème n’est pas la corruption mais la plus-value. Le slogan « il n’y a pas assez d’argent pour tous ces voleurs » a caché l’exploitation capitaliste, l’exploitation du prolétariat par l’ensemble du capital.

Ainsi donc, cette fausse vision de la crise, cette campagne contre « les méchantes finances » et la « corruption », attaquait l’autonomie politique du prolétariat, niait l’exploitation capitaliste et l’existence de classes et liait les prolétaires à l’idée du frontisme ainsi qu’au fait de choisir son plat dans le menu empoisonné des options capitalistes.

La présence de la petite bourgeoisie radicalisée

Les assemblées se remplirent de petits-bourgeois radicalisés par les effets de la crise et, face à ceux-ci, le manque de confiance des jeunes ouvriers en leurs propres forces fit qu’ils se laissèrent embobiner par les belles paroles de ces secteurs dominés par le verbiage, les incohérences, le crétinisme, les oscillations constantes, l’empirisme et l’immédiatisme.

Tous les mouvements authentiques du prolétariat se sont vus accompagnés des couches de la petite bourgeoisie, de couches sociales non exploiteuses. La Révolution russe de 1917 sut gagner à sa cause des paysans et des soldats. Il est nécessaire de comprendre la nature du prolétariat et la nature de la petite bourgeoisie et des autres couches non exploiteuses

« De toutes les classes qui, à l’heure présente, s’opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie ; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique » dit le Manifeste Communiste.

« Les classes moyennes, petits fabriquants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu’elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sont réactionnaires : Elles cherchent à faire tourner à l’envers la roue de l’histoire. »

Cela veut-il dire que le prolétariat doit considérer la petite bourgeoisie comme son ennemie ? Non. Ce qu’il doit faire est de lutter de toutes ses forces contre l’influence néfaste et destructrice de la petite bourgeoisie, spécialement de l’idéologie petite-bourgeoise. Cependant, il doit imposer son propre terrain de classe, son autonomie politique comme classe, ses revendications et partant de cette position de force, gagner à sa cause au moins une partie de la petite bourgeoisie, vu que :

1/ « Tous les mouvements historiques ont été, jusqu’ici, accomplis par des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l’immense majorité au profit de l’immense majorité ».

2/ La petite bourgeoisie et les couches non exploiteuses « si elles sont révolutionnaires, c’est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ; elles abandonnent leur point de vue pour se rallier à celui du prolétariat ».

La grave faiblesse du mouvement du 15 Mai ne fut pas la présence des couches de la petite bourgeoisie radicalisée. Le problème fut que les jeunes ouvriers, les minorités résolument prolétariennes, ne furent pas capables de défendre et de faire assumer aux Assemblées les positions, leurs revendications et perspectives de classe. A la place, ce qui domina furent les approches individualistes, citoyennes, les « solutions » comme les coopératives, les jardins urbains, etc. c’est-à-dire qu’après les premiers efforts de réflexion et d’intuitions sur un terrain de classe, c’est le glissement vers les illusions petites-bourgeoises qui finit par prédominer de sorte que la partie était gagnée pour la bourgeoisie.

Les apports du mouvement

Cette critique impitoyable des faiblesses et déviations dont a souffert le mouvement des Indignés n’invalide en rien son caractère de classe prolétarien et ses apports pour les luttes futures. Le prolétariat est une classe exploitée et révolutionnaire à la fois. Sa principale force n’est pas une succession de victoires mais la capacité de tirer des leçons de ses défaites.

Dans son dernier écrit, Rosa Luxemburg, la veille de son assassinat par les sbires de la social-démocratie, « L’Ordre règne à Berlin » précise : « Que nous enseigne toute l’histoire des révolutions modernes et du socialisme ? La première flambée de la lutte de classe en France s’est achevée par une défaite. Le soulèvement des canuts de Lyon, en 1831, s’est soldé par un lourd échec. Défaite aussi pour le mouvement chartiste en Angleterre. Défaite écrasante pour la levée du prolétariat parisien au cours des journées de juin 1848. La Commune de Paris enfin s’est terminée par une terrible défaite. La route du socialisme – à considérer les luttes révolutionnaires – est pavée de défaites. Où en serions-nous aujourd’hui sans toutes ces “défaites”, où nous avons puisé notre expérience, nos connaissances, la force et l’idéalisme qui nous animent ? De chacune, nous tirons une portion de notre force, une partie de notre lucidité »[17].

Les terribles leçons que nous venons d’exposer font partie des orientations que les luttes futures devront suivre. Cependant, la lutte de 2011 nous apporte une série d’éléments positifs très importants.

L’article que nous avons cité précédemment, Le mouvement du 15 Mai cinq ans après, résume ces acquis (voir note 5). Nous soulignerons quelques-unes d’entre-elles.

Les assemblées générales

L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ou ne sera pas, affirmait la Première Internationale. Les assemblées générales massives, ouvertes à l’ensemble des ouvriers, sont la réponse concrète à cette nécessité. Dans les assemblées générales, les ouvriers discutent, pensent, décident et mettent en œuvre les accords ENSEMBLE. Une participante au mouvement du 15 Mai s’exclamait : « Cest merveilleux que 10.000 inconnus aient pu se réunir !".

Les assemblées sont le cœur et le cerveau des luttes ouvrières.

Le cœur : elles sont un mélange de solidarité, de camaraderie, d’unité, de fraternité. Le cerveau : parce qu’elles doivent être l’organe collectif et unitaire de direction du mouvement, analysant les obstacles et les dangers qui le menacent et proposant la marche à suivre.

Mais les assemblées générales furent également une réponse concrète au problème que nous analysions au début : la majeure partie des jeunes ouvriers se retrouvent atomisés et dispersés par le télétravail, les emplois « uberisés », les petites entreprises, les situations de chômage, etc. En s’unissant dans les assemblées, en occupant les places, (le slogan du mouvement était « Occupe les places publiques »), ils réussirent à créer un lieu de regroupement, de construction d’unité, d’organisation de la lutte.

Il ne s’agit pas de glorifier les assemblées, nous avons vu comment en leur sein, les confusions qui tenaillaient les participants, l’affluence de la petite bourgeoisie et SURTOUT le travail de sape de la bourgeoisie et concrètement de DRY, finirent par leur ôter toute force. En filant la métaphore d’une légende tirée de la Bible, on pourrait dire que ces Salomé ont réussi à raser le crane du Sanson prolétaire. Face à cela, les futures assemblées « devront se renforcer avec un bilan critique des faiblesses apparues :

  • Elles ne se sont étendues que très minoritairement vers les lieux de travail, les quartiers, les chômeurs… Si le noyau central des assemblées doit être l’assemblée générale de ville, en occupant les places et les bâtiments publics, il doit se nourrir de l’activité d’un large réseau d’assemblées dans les usines et lieux de travail principalement.
  • Les commissions (de coordination, de culture, d’activités, etc.) doivent être sous le contrôle strict de l’assemblée générale devant laquelle elles doivent rendre des comptes scrupuleusement. Il faut éviter ce qui est arrivé au mouvement du 15 Mai où les commissions sont devenues des instruments de contrôle et de sabotage des assemblées manipulées par des groupes en coulisse tels que DRY (Democracia Real Ya)

La solidarité

La société capitaliste sécrète par tous ses pores « la marginalisation, l’atomisation des individus, la destruction des rapports familiaux, l’exclusion des personnes âgées, l’anéantissement de l’affectivité », c’est-à-dire « l’anéantissement de tout principe de vie collective au sein d’une société qui se trouve privée du moindre projet, de la moindre perspective ».

Face à tout cela, le mouvement du 15 Mai a semé une première graine : « il y a eu des manifestations à Madrid pour exiger la libération des détenus ou empêcher que la police arrête des migrants ; des actions massives contre les expulsions de domicile en Espagne, en Grèce ou aux États-Unis ; à Oakland, « l’assemblée des grévistes a décidé l’envoi de piquets de grève ou l’occupation de n’importe quelle entreprise ou école qui sanctionne des employés ou des élèves d’une quelconque manière parce qu’ils auraient participé à la grève générale du 2 novembre. »

Le mouvement a également fait preuve d’une recherche de la solidarité entre les différentes générations de la classe ouvrière, par exemple, les jeunes ouvriers accueillirent avec enthousiasme la présence des retraités qui apportaient leurs propres revendications.

Cependant, ce fut un premier pas, encore timide, miné par la perte de l’identité de classe, et situé encore plus sur un terrain de « la solidarité en général » que sur le terrain universel et libérateur de la SOLIDARITE DE CLASSE PROLETARIENNE. Pour cela, la vague populiste qui a secoué les pays centraux (le Brexit, Trump…) a éclipsé ces tentatives, imposant la xénophobie et la haine des migrants. Le prolétariat doit retrouver le terrain de sa solidarité de classe. Les Assemblées Générales doivent se concevoir comme un instrument de l’ensemble de la classe, ouverte aux ouvriers de toutes les entreprises, précaires, travailleurs “uberisés”, chômeurs, retraités… ».

La lutte doit s’étendre en brisant les barrières de l’entreprise, de la région, de la nationalité, de la catégorie, de la race, le prolétariat s’affirmant comme la classe formant un creuset dans lequel se révèle la véritable humanité unifiée dans le communisme. Toute lutte doit se concevoir comme partie de la lutte de TOUTE LA CLASSE OUVRIÈRE, se donnant comme première priorité L’EXTENSION ET L’UNIFICATION DES LUTTES.

Avec l’arme de la solidarité de classe, il faut combattre à mort la FAUSSE SOLIDARITE que propage la bourgeoisie, ses syndicats, ses partis : la « solidarité citoyenne », la « solidarité nationale », les collectes caritatives qui humilient les ouvriers en les convertissant en mendiants.

La culture du débat

La société actuelle nous condamne à l’inertie du travail, à la consommation, à la reproduction de modèles à succès qui provoquent des millions d’échecs, à la répétition de stéréotypes aliénants qui ne font rien sinon amplifier ce que répète l’idéologie dominante. Face à tout cela, et comme fausses réponses qui entraînent toujours plus dans la putréfaction sociale et morale, apparaît « la profusion des sectes, le regain de l’esprit religieux, y compris dans certains pays avancés, le rejet d’une pensée rationnelle, cohérente, construite, y inclus de la part de certains milieux “scientifiques” et qui prend dans les médias une place prépondérante, notamment dans des publicités abrutissantes, des émissions décervelantes ; l’envahissement de ces mêmes médias par le spectacle de la violence, de l’horreur, du sang, des massacres, y compris dans les émissions et magazines destinés aux enfants ; la nullité et la vénalité de toutes les productions “artistiques”, de la littérature, de la musique, de la peinture de l’architecture qui ne savent exprimer que l’angoisse, le désespoir, l’éclatement de la pensée, le néant. » (se reporter à la note 5).

Face à cela, durant les premières semaines du mouvement en Espagne, un débat vivant, massif s’est développé, abordant une multitude de sujets qui reflétaient la préoccupation, non seulement pour la situation actuelle mais aussi pour le futur ; pas seulement les problèmes économiques, sociaux ou politiques mais également des questions morales et culturelles. L’importance de cet effort, même timide et accablé par des faiblesses démocratiques et des approximations petites-bourgeoises est évidente. Tout mouvement révolutionnaire du prolétariat surgit toujours à partir d’un gigantesque débat de masse. Par exemple la colonne vertébrale de la Révolution en Russie de 1917 résidait dans le débat et la culture de masse. John Reed rappelle que « la soif d’instruction, si longtemps réprimée, avec la révolution prit la forme d’un véritable délire. Du seul Institut Smolny pendant les six premiers mois, sortaient chaque jour des trains et des voitures chargés de littérature pour saturer le pays. La Russie, insatiable, absorbait toute matière imprimée comme le sable chaud absorbe de l’eau. Et ce n’était point des fables, de l’histoire falsifiée, de la religion diluée et des romans corrupteurs à bon marché-mais les théories sociales et économiques, de la philosophie, les œuvres de Tolstoï, de Gogol et Gorki[18]. ».

Ce développement de la culture du débat est une arme porteuse d’avenir, car cela permet à l’ensemble des prolétaires de forger sa conviction, son enthousiasme, sa capacité de lutte, comme le dit l’Idéologie allemande, l’ouvrage de Marx et Engels : « la révolution est nécessaire non seulement parce qu’il n’est pas d’autre moyen pour renverser la classe dominante, mais encore parce que c’est seulement dans une révolution que la classe du renversement réussira à se débarrasser de toute l’ancienne fange et à devenir ainsi capable de donner à la société de nouveaux fondements[19] ». De façon concrète, la culture du débat permet au prolétariat de faire face à trois nécessités fondamentales :

  • S’affirmer comme classe, donnant un cadre dans lequel il peut gagner à sa cause les couches sociales non exploiteuses ;
  • Acquérir une conscience claire des objectifs et des moyens concrets de sa lutte ;
  • Combattre jusqu’à se libérer pleinement de tout le poids de l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise.

C. Mir 27-12-21


[1] Ce que nous avons mis en évidence en janvier 1990 voir Effondrement du bloc de l’Est : des difficultés accrues pour le prolétariat

[2] CPE : Contrat Première Embauche, une mesure du gouvernement français qui légalisait la précarité sous prétexte de donner « des opportunités d’emploi » aux jeunes.

[4] Résolution sur le rapport de forces entre les classes (2019)

[7] Le capitalisme, depuis les années 1960, s’est vu obligé, pour les besoins de sa reproduction, de généraliser l’éducation universitaire à une majorité de la population. Cela non pas par charité, mais avec l’objectif d’augmenter la productivité du travail…

[8] Aux différents étages des grandes entreprises, par exemple, dans les usines d’automobiles, travaillent non seulement les employés directs de l’entreprise mais aussi une myriade de sous-traitants ou d’entreprises auxiliaires qui appartiennent à un autre groupe ou dépendent d’une autre convention collective, ont d’autres conditions de travail, d’autres salaires, d’autres horaires, mangent à part, etc.

[9] Le nationalisme a pesé comme une chape de plomb sur le mouvement des Indignés en Grèce où sont apparus des drapeaux nationaux durant les concentrations et les marches. En Espagne s’il n’y eut pas de drapeaux espagnols dans les manifestations, beaucoup de jeunes qui ont participé aux assemblées de Barcelone se sont laissés entraîner dans la répugnante mobilisation pour l' « indépendance de la Catalogne » depuis 2012.
Voir L’Espagne et la Catalogne : deux patries pour imposer la même misère

[10] Pour une dénonciation de cette racaille voir Le mouvement citoyen « Democracia Real Ya !": une dictature sur les assemblées massives.
Il importe de signaler que beaucoup des cadres qui ont milité dans DRY se sont unis a posteriori à cette entreprise de duperie et d’hypocrisie capitaliste qu’est Podemos.

[11] La démocratie bourgeoise, c’est la dictature du capital (Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne (mars 1919)

[12] Avec le développement de la décomposition politique et idéologique du capitalisme, la bourgeoisie des pays centraux tend à perdre le contrôle du jeu électoral. De cela découle l’émergence de fractions populistes qui sont des défenseurs acharnés du capital national mais qui agissent de façon indisciplinée, chaotique, défendant des options impérialistes, économiques, etc. qui ne sont pas en adéquation avec l’intérêt global de l’État capitaliste.

[13] Malgré la résistance à la volonté de DRY d’imposer un « décalogue démocratique »

[15] Pour une analyse du sens et des limites de l’indignation voir le chapitre sur ce thème de notre Rapport sur la lutte de classe internationale au 24e Congrès du CCI.
Voir également la dénonciation de l’essai de Stéphane Hessel sur l’indignation : S’indigner, oui ! contre l’exploitation capitaliste ! (à propos des livres de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! » et « Engagez vous !")

[17] « L’ordre règne à Berlin »

[18] Dix Jours qui Ébranlèrent le Monde

[19] L’Idéologie allemande, Chapitre : Feuerbach, Conception matérialiste contre conception idéaliste, Résultats, Ed. La Pléiade, p. 1123.

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Rubrique: 

Histoire du mouvement ouvrier