Soumis par Révolution Inte... le
Comme à chaque élection présidentielle, toute l’artillerie électorale de l’État bourgeois est à l’œuvre pour rameuter la classe ouvrière vers les urnes. La bourgeoisie a besoin de cette mystification pour maintenir l’illusion que les choses peuvent changer en mieux dans le cadre de la société capitaliste, et assurer sa légitimité aux yeux des exploités.
Mais avec le discrédit croissant des partis traditionnels de gouvernement (PS et LR, en particulier), les élections ne font plus recette comme avant, renforçant l’hypothèse d’une forte abstention. C’est même un vrai casse-tête pour la bourgeoisie de rendre tout ce cirque crédible alors que sa faillite morale, politique, économique s’étale au grand jour.
L’indiscipline croissante des cliques bourgeoises
Au-delà du spectacle mystificateur des élections, ce qui apparaît de plus en plus nettement, c’est l’indiscipline croissante des cliques bourgeoises dans le paysage politique, en France comme à l’échelle internationale. En effet, le poids de la décomposition sur l’ensemble de la société pousse les différentes cliques concurrentes à s’entre-déchirer de façon encore plus ostentatoire, à coups de trahisons, de volte-faces ou de ralliements opportunistes.
Le système des primaires, qui devait avoir un rôle régulateur et permettre que sorte du chapeau un candidat incontesté pour chacun des différents groupes politiques, n’a fait que contribuer à la débandade et montrer leur difficulté à résister aux pressions centrifuges de la décomposition. Il suffit de regarder ce qui s’est passé à droite, avec les LR, où la tentative de hold-up de Xavier Bertrand et l’intensité des luttes internes ont bien failli hypothéquer la capacité du « parti de l’ordre » à présenter une candidature unique.
Cette tendance au chacun pour soi, au carriérisme, à la lutte d’ego s’exprime aussi de manière éclatante à gauche. Les écologistes se sont livrés une bataille acharnée entre la tendance « social-démocrate » incarnée par Jadot et la « radicalité » sociétale affichée par Rousseau. Quant au Parti socialiste, le naufrage de la candidate Hidalgo suite à ses innombrables volte-faces, n’a fait que renforcer les luttes internes pour sauver les strapontins qui peuvent encore l’être aux élections législatives.
Face à cette situation d’éclatement de la gauche, la bourgeoisie qui s’est voulue innovante, moderne, au fait de l’évolution des « aspirations » de la société, s’est dotée d’un nouvel outil de propagande, présenté comme encore « plus démocratique » : la « primaire populaire » qui a réuni près de 400 000 participants (c’est-à-dire plus que les primaires LR, EELV et FI réunies). Les candidats étaient évalués à la « sauce démocratique » revisitée : du « très bien » au « passable ». Le résultat fût une pagaille sans nom entre les écuries en lice, accouchant d’une candidature qui a aussi pris la forme d’une tentative de hold-up, celle de la prétendue « égérie » de la gauche, Taubira, ex-ministre de Valls et de Hollande.
S’il semble que la gauche de gouvernement n’ait pas eu de véritable intention de jouer la « victoire » à la présidentielle, la bourgeoisie s’inquiète, malgré tout, de la disparition de structures fiables sur lesquelles elle a pu compter auparavant en tant que force d’encadrement et de mystification du prolétariat. Et ce n’est pas l’appui surprise opportuniste de Ségolène Royal à Mélanchon qui fera la différence !
Le piège du populisme et de l’anti-populisme
À l’extrême droite, la nouvelle carte Zemmour vient encore entacher le sérieux de l’élection. Les scores annoncés des partis populistes posent problème au reste de la bourgeoisie, même si la « mise en orbite » médiatique de la candidature de Zemmour avait initialement comme fonction de diviser et affaiblir électoralement le camp de l’extrême droite.
La persistance de l’extrême droite et du populisme n’est pas un phénomène spécifique à la France. C’est même une expression de la perte de contrôle toujours plus grande de la classe dominante sur la conduite de sa politique, contrainte de laisser se développer au sein de son appareil politique, des fractions totalement irrationnelles qui pourraient affaiblir la capacité à gérer au mieux les intérêts du capital national et accélérer la crise historique du capitalisme, comme on a pu le voir avec Trump aux États-Unis ou avec le Brexit au Royaume-Uni. Le populisme s’est ainsi implanté dans de nombreux pays : Autriche, Pologne, Danemark, Canada, Inde, Turquie, Tchéquie, Portugal, etc. Ces groupes prétendent et parviennent, petit à petit, à prendre leur place aux côtés des partis traditionnels, de même que l’ancrage et l’influence persistante du « trumpisme » aux États-Unis, malgré la défaite de Trump. Une partie de la classe ouvrière précarisée et atomisée se trouve ainsi happée par cette propagande qui se présente comme étant « anti-système » et ne s’est pas encore trop mouillée avec l’exercice du pouvoir.
La bourgeoisie essaie d’utiliser Zemmour au mieux de ses intérêts. Face au prétendu « péril fasciste », les prolétaires sont priés de se rendre aux urnes pour défendre l’État démocratique bourgeois. Il est vrai que la ficelle de l’anti-fascisme (ou de l’anti-populisme) n’est plus aussi efficace qu’auparavant, comme lorsque la bourgeoisie avait fait sortir la population dans les rues en 2002 pour protester contre l’accession de Le Pen-père au second tour de la présidentielle. Aujourd’hui, de nombreux « électeurs » ont bien compris que le RN était avant tout utilisé comme épouvantail au profit de partis « de gouvernement » dont la politique anti-migratoire et les représsions brutales n’ont rien à envier aux propositions des Le Pen.
Mais les outrances et les discours immondes de Zemmour facilitent grandement l’idéologie anti-fasciste. On a ainsi pu voir les partis et les médias de gauche affirmer que nous étions dans une période « pré-fasciste ». Les manifestations « contre le populisme » se sont également multipliées à chaque déplacement du candidat « Z ».
À ce petit jeu sordide, la bourgeoisie prend cependant des risques : Le Pen va finir par apparaître moins comme une candidate populiste que « démocratiquement acceptable », respectueuse des Institutions, ne faisant plus peur à personne.
Les élections contre la classe ouvrière
Les élections sont une vraie arme de guerre contre la classe ouvrière consistant à entraver la capacité de celle-ci à prendre conscience qu’elle demeure la seule force sociale capable de combattre la barbarie capitaliste. Il s’agit de lui faire croire qu’elle fait partie d’une même « nation » constituée d’individus et de « catégories » diverses : les jeunes, les femmes, les retraités, les handicapés, les LGBT, les classes moyennes, etc., pour mieux lui faire oublier qu’elle est une classe exploitée par une autre et que son intérêt réside, non pas dans la perpétuation d’un capitalisme prétendument « mieux géré » et « plus humain », mais dans la destruction de ce système et de ses États !
Tous les appels à participer au cirque électoral ne font que renforcer le mensonge présentant les élections comme un véritable choix pour les exploités. Ils livrent individuellement les prolétaires à la propagande de la bourgeoisie : une classe sociale qui gagne toujours les élections. N’oublions pas que la « démocratie » est la forme la plus hypocrite de la domination de la bourgeoisie pour assurer l’exploitation capitaliste.
Toutes les fractions de la bourgeoisie sont également réactionnaires. Tous les soi-disant partis ouvriers, socialistes, communistes, les organisations gauchistes participent à cette mascarade électorale afin de contenir et détourner le prolétariat de son combat révolutionnaire.
Après les « marches pour le climat », EELV comme l’ensemble des partis de gauche, vont profiter d’un temps d’audience non négligeable pour distiller leurs fausses solutions (comme la « décroissance » ou la « taxation des pollueurs », par exemple). Le « vote de survie » pour le climat proposé par EELV tente de rameuter la jeunesse en direction des urnes, même si, pour le moment, il semblerait que leurs gesticulations soient infructueuses et ne paient pas vraiment électoralement parlant. Cela, sans jamais remettre en cause le système capitaliste.
Du côté de La France insoumise, et son chef Mélenchon, dont les colères théâtralisées animent les débats sur les plateaux de télévision, le discours pseudo-radical n’est qu’un poncif éculé de l’idéologie républicaine. Derrière les fables de la « redistribution des richesses », du « renouveau du service public » et de l’ « économie verte », Mélenchon et sa clique n’ont qu’un seul objectif : faire croire au « peuple » que son intérêt réside dans la défense de la République et de la nation !
Les organisations gauchistes (principalement le NPA et LO) ont également leur place réservée dans ce cirque électoral. Eux aussi participent pleinement à entretenir un double discours : d’un côté, il n’y a rien à attendre des élections, mais d’un autre, ils présentent systématiquement des candidats quand ils ne soutiennent pas ouvertement le PS comme ils ont pu le faire en appelant à voter Miterrand en 1981… C’est leur fonction mystificatrice, d’ailleurs, et pour ce qui est de leur participation aux élections bourgeoises en France, depuis de nombreuses décennies, les trotskistes jouent pleinement leur rôle de soutien à la bourgeoisie nationale comme rabatteurs visant à redonner crédit aux institutions. Renvoyer la lutte ouvrière à la participation à un scrutin revient à demander aux exploités de se livrer pieds et poings liés à leurs exploiteurs comme somme d’individus et non comme une classe combative.
Sans préjuger du résultat de la prochaine élection, tant la situation semble instable, il apparaît que la bourgeoisie a pleinement conscience que le cirque électoral s’organisant autour de l’alternance des partis traditionnels, la « social-démocratie » et des conservateurs, est usé et rejeté. La situation politique risque à l’avenir de devenir plus confuse, plus chaotique et imprévisible.
Pour l’heure, la grande préoccupation de la bourgeoisie est l’abstention : alors que l’incurie dont elle fait preuve dans la gestion du Covid et son incapacité à endiguer la crise sautent aux yeux, la bourgeoisie cherche à limiter l’abstention massive qui est annoncée face au sentiment de dégôut des exploités. La classe ouvrière sait faire les comptes des promesses non tenues, elle a accumulé une méfiance envers les élections bourgeoises, elle a partiellement assimilé, au fil de son expérience historique, le fait que ces élections ne peuvent absolument rien changer à ses conditions de vie, d’exploitation et qu’elles ne sont, en définitive, qu’un piège pour l’entretenir dans des illusions et de faux espoirs sur le futur. Mais cela ne signifie pas qu’elle soit en mesure de rejeter clairement la mystification démocratique et avancer sur la voie de la remise en cause du système capitaliste. Pour cela, il lui faudra mener un combat, prendre en main ses luttes pour affirmer sa perspective révolutionnaire de manière consciente à l’échelle internationale.
Mathilde, février 2022