Cette série dénonce la partie la moins visible (la face cachée) des organisations de gauche et d’extrême gauche du capital (socialistes, staliniens, trotskystes, maoïstes, anarchistes officiels, “nouvelle” gauche à la Syriza, la France Insoumise ou Podemos). Dans le premier article de la série, nous avons vu comment ces organisations nient la classe ouvrière qu’ils prétendent défendre, dans le deuxième nous avons décortiqué leur méthode et leur façon de penser. Dans ce troisième article, nous analyserons leur fonctionnement, le régime interne de ces partis et comment leur fonctionnement est la négation même de tout principe du communisme et constitue un obstacle à toute avancée vers celui-ci.
Des forces comme le stalinisme, le trotskysme, etc. ont perpétré une falsification totale des positions prolétariennes en termes d’organisation et de comportement. La centralisation signifie pour eux soumission à une bureaucratie toute-puissante. La discipline est pour eux la soumission aveugle au commissaire de service. La position majoritaire est le résultat d’un processus de rapport de forces. Le débat est dans leur esprit manipulateur une arme pour déloger les positions des gangs rivaux. Et ainsi nous pourrions continuer jusqu’à la nausée.
Il peut arriver que le militant prolétarien au sein d’une organisation véritablement communiste ait tendance à voir les positions organisationnelles et comportementales de celle-ci avec les lunettes de ses sinistres souvenirs du temps où il était dans une ou l’autre organisation gauchiste.
Quand vous parlez à ce possible militant de la discipline nécessaire, il se souvient du cauchemar qu’il a subi quand il était membre des organisations bourgeoises de gauche.
Là, « par discipline », il devait défendre les choses les plus absurdes « parce que le parti le demandait ». Un jour, il devait dire qu’un tel parti rival était “bourgeois” et la semaine suivante, selon un changement dans la politique d’alliances de la direction, ce parti était le plus prolétarien du monde.
Si la politique du « comité central » était erronée, c’était dû uniquement au fait que des militants « avaient fait une erreur » et « n’avaient pas appliqué ce que le comité central avait décidé » ou ne l’avaient pas bien compris. Comme le souligne Trotski, « Chaque résolution du Comité exécutif de l’Internationale communiste en enregistrant de nouvelles défaites déclarait d’une part que tout avait été prévu et d’autre part que ce sont les “exécutants” qui sont responsables des échecs parce qu’ils n’ont pas compris la ligne qui leur avait été indiquée d’en-haut. »1.
À la suite de ces expériences traumatisantes, le militant qui est passé par ces partis ressent un rejet viscéral de la discipline, ne comprenant pas que la discipline prolétarienne est quelque chose de radicalement différent et opposé à la discipline bourgeoise.
Dans une organisation prolétarienne, “discipline” signifie respecter ce que tous ont décidé et ce que chacun s’est engagé à accomplir. C’est, d’une part, être responsable et, d’autre part, l’expression pratique de la primauté du collectif sur l’individu, ce qui ne signifie pas cependant que l’individu et le collectif s’affrontent, mais plutôt qu’ils expriment différents aspects de la même unité. Par conséquent, la discipline dans une organisation prolétarienne peut être volontaire et consciemment assumée. La discipline n’est pas aveugle, mais fondée sur une conviction et une perspective.
Dans une organisation bourgeoise, au contraire, la discipline veut dire soumission à une direction toute-puissante et la renonciation à toute responsabilité en la laissant entre les mains de ce que la dite direction a fait ou a dit. Dans une organisation bourgeoise, la discipline est basée sur l’opposition entre le “collectif” et les individus. Le “collectif” est l’intérêt du capital national et de son État que ces organisations défendent dans leur domaine spécifique, un intérêt qui ne coïncide en rien avec ceux de ses membres. C’est pourquoi la discipline s’impose nécessairement, soit par crainte de subir le châtiment d’une réprobation publique qui pourrait conduire à l’expulsion, soit, si elle est volontairement assumée, le fruit d’un sentiment de culpabilité ou d’un impératif catégorique qui provoque des conflits plus ou moins périodiques avec l’intérêt authentique de chaque individu.
L’incompréhension de la différence radicale qui existe entre la discipline prolétarienne et la discipline bourgeoise conduit souvent certains militants qui, après être passés par la gauche ou le gauchisme, se retrouvent dans une organisation prolétarienne, à tomber dans un cercle vicieux : avant, ils suivaient les ordres de leurs supérieurs comme des agneaux doux. Maintenant, dans les organisations prolétariennes, ils rejettent toute discipline et n’admettent qu’un seul ordre : celui dicté par leur propre individualité. À la discipline de caserne, ils opposent la discipline que chacun doit faire ce qu’il veut, c’est-à-dire la discipline anarchique de l’individualisme. C’est tourner en rond sans pouvoir s’en sortir entre la discipline féroce et violente des partis de la bourgeoisie à l’indiscipline individualiste (la « discipline de faire ce que je veux ») caractéristique de la petite bourgeoisie et de l’anarchisme.
La centralisation est un autre concept qui produit de l’urticaire chez les militants qui ont été soumis au fléau de l’influence de la gauche.
Ils associent la centralisation :
– à un sommet tout-puissant auquel il faut se plier sans se plaindre ;
– à une pyramide écrasante d’une bureaucratie et ses appareils de contrôle ;
– à une renonciation totale à toute initiative ou pensée personnelle, remplacée par une obéissance aveugle et un suivisme vis-à-vis des dirigeants ;
– les décisions ne sont pas prises par le biais de la discussion avec la participation de tous, mais par des ordres et des manœuvres de la direction.
En effet, la centralisation bourgeoise est basée sur ces concepts. Cela est dû au fait qu’au sein la bourgeoisie, l’unité n’existe que face à la guerre impérialiste ou face au prolétariat, pour tout le reste, il y a un conflit incessant d’intérêts entre ses différentes fractions.
Pour mettre de l’ordre dans un tel panier de crabes, l’autorité d’un « organe central » doit être imposée de gré ou de force. La centralisation bourgeoise est donc nécessairement bureaucratique et pyramidale et il ne peut en être autrement.
Cette bureaucratisation générale de tous les partis bourgeois et de ses institutions est encore plus indispensable dans les partis “ouvriers” ou « de gauche » qui se présentent comme les défenseurs des travailleurs.
Les bourgeois peuvent se soumettre à cette discipline de fer de l’appareil politique parce qu’ils jouissent d’un pouvoir total et dictatorial dans leurs propres entreprises. Cependant, dans une organisation de gauche ou d’extrême gauche, il existe un antagonisme soigneusement caché entre ce qui est officiellement proclamé et ce qui est réellement fait. Pour résoudre cette contradiction, il faut de la bureaucratie et une centralisation verticale.
Pour comprendre les mécanismes de centralisation bourgeoise appliqués dans les partis de gauche du capital, le modèle du stalinisme représente une école pionnière. Dans son livre précité, L’Internationale communiste après Lénine, Trotski analyse les méthodes de centralisation bourgeoise appliquées aux partis communistes.
Il rappelle comment, pour imposer la politique bourgeoise, le stalinisme « adopta une organisation à la carbonari avec son Comité central illégal (le « septemvirat ») et ses circulaires, ses agents, son code secret, etc. L’appareil du parti a créé en son sein un ordre refermé sur lui-même et incontrôlable qui dispose des ressources exceptionnelles non seulement de cet appareil mais aussi de l’État qui transforme un parti de masses en un instrument chargé de camoufler toutes les manœuvres des intrigants. » (idem, p. 97)
Afin d’écraser les tentatives révolutionnaires du prolétariat en Chine et de servir les appétits impérialistes de l’Etat russe, dans les années 1925-28, le Parti communiste chinois fut entièrement instrumentalisé, dont une illustration nous est donnée par le témoignage du Comité local de Kiang-Su qui y fait référence comme suit : « [Le comité central] lance des accusations et dit que le Comité provincial n’est pas bon ; ce dernier, à son tour, accuse les organisations de base et affirme que le Comité régional est mauvais. Celui-ci se met à accuser et assure que ce sont les camarades travaillant sur place qui ne sont pas bons. Et les camarades se défendent en disant que les masses ne sont pas révolutionnaires. » (idem, p. 159).
La centralisation bureaucratique impose aux membres du parti une mentalité d’arriviste, de soumission à ceux d’en haut et de mépris et manipulation vers « ceux d’en bas ». C’est une caractéristique patente de tous les partis du capital, de gauche ou de droite, qui suivent le modèle que Trotski perçut dans les partis communistes stalinisés en dénonçant comment dans les années 1920 « il s’est formé des équipes entières de jeunes académistes de la manœuvre qui, par souplesse bolchevique, entendent surtout l’élasticité de leur propre échine. » (idem, p.90),
Les conséquences de ces méthodes sont que « les couches montantes ont été imprégnées en même temps d’un certain esprit bourgeois, d’un esprit d’égoïsme étroit, de petits calculs. On s’est rendu compte qu’ils avaient la ferme volonté de se tailler une bonne place sans se soucier des autres, un arrivisme aveugle et spontané. Pour y parvenir, ils ont tous fait preuve d’une capacité d’adaptation sans scrupules, d’une attitude éhontée et de flagornerie envers les puissants. C’est ce que l’on voyait dans chaque geste, dans chaque visage, dans chaque regard. C’est ce qu’indiquaient tous les actes et les discours, généralement pleins d’une phraséologie révolutionnaire grossière. »2
Il est nécessaire de récupérer – en les actualisant de manière critique – tous les concepts d’organisation que le mouvement ouvrier utilisait avant l’énorme catastrophe qu’a signifié le premier pas des partis socialistes vers l’Etat capitaliste et plus tard la transformation des partis communistes en forces staliniennes du capital.
Les positions prolétariennes sur l’organisation, même si elles portent le même nom, n’ont rien à voir avec leur version falsifiée. Le mouvement prolétarien n’a pas besoin d’inventer de nouveaux concepts parce que ces concepts lui appartiennent. En fait ceux qui devraient changer leur terminologie, ce sont la gauche et l’extrême-gauche du capital, ce sont elles qui ont “innové” en adoptant les positions organisationnelles et morales de la bourgeoisie. Nous allons revoir quelque uns de ces concepts prolétariens et comment ils sont en totale opposition au stalinisme, au gauchisme et, en général, à toute organisation bourgeoise.
La centralisation est l’expression de l’unité naturelle d’intérêts qui existe au sein du prolétariat et, par conséquent, chez les révolutionnaires. Ainsi, dans une organisation prolétarienne, la centralisation est le moyen de fonctionnement le plus cohérent et c’est le résultat d’une action volontaire et consciente. Alors que la centralisation au sein d’une organisation gauchiste s’impose par la manœuvre et la bureaucratie, dans l’organisation politique prolétarienne, où des intérêts différents n’existent pas, l’unité s’exprime par la centralisation. Elle est donc consciente et cohérente.
D’autre part, dans une organisation gauchiste, comme dans toute organisation bourgeoise, il existe des intérêts différents liés à des individus ou à des factions, de sorte que, pour concilier ces intérêts opposés, on ne peut recourir qu’à l’imposition bureaucratique d’une faction ou d’un leader, ou à une sorte de « coordinateur démocratique » entre les différents leaders ou fractions. Dans tous les cas, les rapports de force, les manœuvres, la trahison, la manipulation, la soumission sont nécessaires pour “huiler” le fonctionnement de l’organisation car sinon elle se disloquerait ou éclaterait. Inversement, dans une organisation prolétarienne « Le centralisme n’est pas un principe abstrait ou facultatif de la structure de l’organisation. C’est la concrétisation de son caractère unitaire : il exprime le fait que c’est une seule et même organisation qui prend position et agit dans la classe. Dans les rapports entre les différentes parties de l’organisation et le tout, c’est toujours le tout qui prime. »3.
Au sein du gauchisme, cette « seule et même organisation prend position et agit dans la classe » est soit une farce, soit une imposition monolithique et bureaucratique du « comité central ». Dans une organisation prolétarienne, c’est la condition même de son existence. Il s’agit de dire au prolétariat, après une discussion collective et selon son expérience historique, tout ce qui est mieux pour sa lutte et non pas de le tromper et de le faire lutter pour des intérêts qui ne sont pas les siens. Pour cette raison, il est nécessaire de faire un effort commun de l’ensemble de l’organisation pour élaborer cette position.
Au sein du gauchisme, face à des positions de la « direction » jugées parfois absurdes, les militants de base se protègent en agissant de leur côté, en décidant dans des structures locales ou des groupes d’affinité, la position qu’ils jugent juste, étant dans certains cas une saine réaction prolétarienne face à la politique officielle. Cependant, cette méthode localiste et de chacun pour soi est contre-productive et très négative dans une organisation prolétarienne. Au sein de celle-ci « La conception selon laquelle telle ou telle partie de l’organisation peut adopter face à la classe ou à l’organisation des positions ou des attitudes qui lui semblent correctes au lieu de celles de l’organisation qu’elle estime erronées est à proscrire absolument car :
– si l’organisation fait fausse route, la responsabilité des membres qui estiment défendre une position correcte n’est pas de se sauver eux-mêmes dans leur coin, mais de mener une lutte au sein de l’organisation afin de contribuer à la remettre dans « le droit chemin" ;
– une telle conception conduit une partie de l’organisation à imposer arbitrairement sa propre position à toute l’organisation par rapport à tel ou tel aspect de son travail (local ou spécifique.) » (idem, point 3)
L’attitude de contribuer à partir de n’importe quelle instance de l’organisation (qu’il s’agisse d’une section locale ou d’une commission internationale) pour parvenir à une position juste avec l’effort de tous, est celle qui correspond à l’unité des intérêts qui existe dans une organisation révolutionnaire entre tous ses membres. D’autre part, dans une organisation de gauche, il n’existe pas d’unité entre la “base” et la “direction”. Celle-ci a pour mission de défendre l’intérêt général de l’organisation, qui est celui du capital national, alors que la « base » est tiraillée entre trois forces qui vont chacune dans un sens différent : l’intérêt du prolétariat ; la prise en charge de l’intérêt capitaliste de l’organisation ou, plus prosaïquement, celle de faire carrière dans les différents niveaux bureaucratiques du parti. Il en résulte une opposition et une séparation entre les militants et les organes centraux.
Les membres des organisations révolutionnaires d’aujourd’hui ont beaucoup de mal à clarifier tout cela. Ils sont tourmentés par le soupçon que les organes centraux vont finir par “trahir”, ils sont généralement gagnés par le préjugé que les organes centraux vont éliminer bureaucratiquement toute dissidence. Un mécanisme mental répandu est de dire que « les organes centraux peuvent faire des erreurs ». Cela est parfaitement vrai. Tout organe central d’une organisation prolétarienne peut se tromper. Mais il n’y a pas de fatalité pour faire des erreurs, et si elle en fait, l’organisation doit avoir les moyens de les corriger.
Illustrons cela par un exemple historique. En mars 1917, le Comité central du Parti bolchévique a commis une erreur en préconisant un soutien critique au gouvernement provisoire issu de la révolution de février. Lénine, de retour en Russie en avril, a présenté les fameuses Thèses d’avril pour lancer un débat dans lequel toute l’organisation s’est engagée à corriger l’erreur et à redresser l’orientation du parti.4
Ce que montre cet épisode, c’est le fossé entre l’idée préconçue que « les organes centraux peuvent se tromper » et la vision prolétarienne de combattre l’opportunisme partout où il se manifeste (chez des militants ou au sein d’un organe central). Toute organisation prolétarienne est soumise à la pression de l’idéologie bourgeoise et cela affecte tout militant autant que les organes centraux. La lutte contre cette pression est la tâche de toute l’organisation.
L’organisation politique prolétarienne se donne les moyens du débat pour corriger ses erreurs. Nous verrons dans un autre article de cette série le rôle des tendances et des fractions. Ce que nous voulons souligner, c’est que si la majorité de l’organisation, et surtout les organes centraux, ont tendance à se tromper, les camarades minoritaires ont les moyens de combattre cette dérive, comme le fit Lénine en avril 1917, ce qui l’a amené à demander une conférence extraordinaire du Parti. En particulier, « une minorité de l’organisation peut provoquer la convocation d’un Congrès extraordinaire à partir du moment où elle est significative (par exemple les 2/5) : en règle générale, il revient au Congrès de trancher sur les questions essentielles, et l’existence d’une forte minorité demandant sa tenue est l’indice de l’existence de problèmes importants au sein de l’organisation. »5.
On ne peut regarder qu’avec écœurement ce qu’est un congrès d’une organisation de la bourgeoisie, quelle que soit sa coloration. C’est un spectacle avec hôtesses et open bar. Les leaders viennent s’exhiber en faisant des discours applaudis au rythme imposé par les chauffeurs de salle ou à celui des apparitions programmées devant les caméras de télévision. Les discours suscitent le désintérêt le plus absolu, le seul et véritable enjeu du congrès étant de savoir qui va occuper les postes clés de l’organisation et qui va être limogé. Quatre-vingt-dix pour cent des réunions ne sont pas faites pour discuter, clarifier, délimiter des positions, mais pour attribuer des quotas de pouvoir aux différentes “familles” du parti.
Une organisation prolétarienne doit fonctionner de manière diamétralement opposée. Le point de départ de la centralisation d’une organisation prolétarienne est son Congrès international. Le Congrès rassemble et est l’expression de l’organisation dans son ensemble, laquelle, de manière souveraine, décide des orientations et des analyses qui doivent la guider. Les Résolutions adoptées par le Congrès définissent le mandat de travail des organes centraux. Ils ne peuvent agir arbitrairement selon les desseins ou les caprices de leurs membres, mais doivent prendre comme point de départ de leur activité les résolutions du Congrès.
Le 2e Congrès du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie, 1903) a conduit à la bien connue scission entre bolcheviks et mencheviks. L’une des raisons de la scission et de la forte controverse entre les deux parties de l’organisation fut que ces derniers n’ont pas respecté les décisions du Congrès. Lénine, dans son livre Un pas en avant, deux en arrière, a combattu cette attitude déloyale qui était en elle-même une attitude bourgeoise. En effet, on peut ne pas être d’accord avec les décisions d’un Congrès, mais l’attitude correcte est de présenter clairement les divergences et de pousser à un débat patient pour obtenir sa clarification.
« Le moment privilégié où s’exprime avec toute son ampleur l’unité de l’organisation est son Congrès International. C’est au Congrès international qu’est défini, enrichi, rectifié le programme du CCI, que sont établies, modifiées ou précisées ses modalités d’organisation et de fonctionnement, que sont adoptées ses analyses et orientations d’ensemble, qu’il est fait un bilan de ses activités passées et élaboré ses perspectives de travail pour le futur. C’est pour cela que la préparation du Congrès doit être prise en charge avec le plus grand soin et la plus grande énergie par l’ensemble de l’organisation. C’est pour cela que les orientations et décisions du Congrès doivent servir de références constantes à l’ensemble de la vie de l’organisation après celui-ci. »6 Dans un Congrès prolétarien, on ne vient pas pour tenir des cénacles où l’on conspire contre des rivaux, mais pour discuter, pour comprendre, pour prendre position de la manière la plus consciente possible.
Dans les organisations bourgeoises, les couloirs sont le cœur du congrès, on y bavarde, on y conspire contre les rivaux, on y tisse des manœuvres et des intrigues, les couloirs sont l’arrière-salle où le congrès se décide vraiment. Comme le dit Ciliga dans son livre précité, « Les séances étaient moyennement ennuyeuses. Pour les participants, les séances publiques étaient un pur verbiage. Tout se décidait dans les coulisses. »
Dans une organisation prolétarienne, « les couloirs » doivent être interdits comme centres de décision et réduits à un moment de repos ou pour établir des liens fraternels entre militants. Le cœur du Congrès doit se situer uniquement et exclusivement dans les sessions officielles. Là, les délégués doivent évaluer très soigneusement les documents soumis au Congrès, en demandant des clarifications et en formulant des amendements, des critiques, des propositions. L’avenir de l’organisation est en jeu parce que les résolutions du Congrès ne sont pas une lettre morte ou de la rhétorique, mais des accords pris consciemment qui devraient servir de guide et d’orientation à l’organisation et servir de base à ses activités.
Les orientations et les décisions du Congrès engagent l’ensemble de l’organisation. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont infaillibles. Des discussions internationales régulières peuvent mener à la conclusion qu’il y a des erreurs à corriger ou que l’évolution de la situation historique entraîne des changements qu’il faut reconnaître. Cela peut même conduire à la convocation d’un Congrès extraordinaire. Toutefois, tout cela doit être fait avec rigueur et sérieux et sur la base d’un débat international très large et approfondi. Cela n’a rien à voir avec ce qui se passe habituellement dans les organisations gauchistes où les perdants d’un congrès essaient de se venger en proposant de « nouvelles positions » qui servent de levier pour régler leurs comptes avec les vainqueurs.
Dans une organisation prolétarienne, le Congrès donne des orientations qui définissent le mandat de l’organe central, qui représente l’unité et la continuité de l’organisation entre un Congrès et le suivant. Dans un parti bourgeois, l’organe central est un outil de pouvoir car il doit soumettre l’organisation aux besoins de l’Etat et du capital national. L’organe central est une élite séparée du reste de l’organisation et consacrée à la contrôler, à la superviser et à lui imposer des décisions. Dans une organisation prolétarienne, l’organe central n’est pas séparé de l’organisation dans son ensemble, mais il en est son expression active et unitaire. L’organe central n’est pas le sommet privilégié et tout-puissant de l’organisation, mais un moyen de l’exprimer et de la développer.
« Contrairement à certaines conceptions, notamment celles dites “léninistes”, l’organe central est un instrument de l’organisation et non le contraire. Il n’est pas le sommet d’une pyramide suivant une vision hiérarchique et militaire de l’organisation des révolutionnaires. L’organisation n’est pas formée d’un organe central plus les militants, mais constitue un tissu serré et uni au sein duquel s’imbriquent et vivent toutes ses composantes. Il faut donc plutôt voir l’organe central comme le noyau de la cellule qui coordonne le métabolisme d’une entité vivante » (idem, point 5).
Le rôle des sections
La structure des organisations gauchistes est une hiérarchie qui va de la direction nationale aux organisations régionales, elles-mêmes divisées en “fronts” (travailleurs, professionnels, intellectuels, etc.), et, au bas de cet ensemble, les cellules. Cette forme d’organisation est héritée du stalinisme qui imposa en 1924 la fameuse “bolchevisation” sous prétexte « d’aller vers la classe ouvrière ».
Cette démagogie masque l’élimination de la structure classique des organisations ouvrières basées sur des sections locales où tous les militants d’une ville se réunissent pour se donner des tâches globales et une vision globale. Au contraire, la structure de la “bolchevisation” cherche à diviser les militants et à les enfermer dans un milieu fermé par usine, par entreprise, selon la profession ou le secteur social… Leurs tâches sont purement immédiates, corporatives, elles restent enfermées dans un puits, où seuls des problèmes immédiats, particuliers et locaux sont traités. L’horizon des militants est fortement réduit, au lieu d’une vision historique, internationale et théorique, il est réduit à une tâche immédiate, corporatiste et localiste et purement pragmatique. Cela les appauvrit sérieusement et permet à la « direction » de les manipuler à leur convenance et, de cette façon, de les soumettre aux intérêts du capital national en les déguisant avec une démagogie populaire et ouvriériste.
Les résultats de cette fameuse “bolchevisation”, en réalité l’atomisation des militants dans des ghettos d’entreprises, furent bien remarqués par Ciliga : « Les gens que j’y ai rencontrés – des collaborateurs permanents du Komintern – semblaient incarner l’étroitesse de l’institution elle-même et la grisaille du bâtiment qui les hébergeait. Ils n’avaient ni portée ni ampleur de vision, et ne montraient aucune indépendance de pensée. J’attendais des géants, j’ai rencontré des nains. J’espérais recueillir les enseignements de vénérables maîtres, et j’ai rencontré des laquais. Il suffisait d’assister à certaines réunions du parti pour se rendre compte que les discussions d’idées ne jouaient qu’un rôle complètement secondaire dans cette lutte. Le rôle principal était joué par les menaces, l’intimidation et la terreur. »
Pour renforcer encore l’isolement et l’ignorance théorique des militants, le « comité central » désigne généralement tout un réseau de « commissaires politiques » strictement soumis à sa discipline et chargés d’agir comme courroie de transmission des consignes de la “direction”.
La structure que doivent se donner les organisations révolutionnaires est radicalement opposée. La tâche principale des sections locales est d’étudier et de se prononcer sur les questions de l’organisation dans son ensemble, ainsi que sur l’analyse de la situation historique et l’étude des thèmes théoriques généraux considérés comme nécessaires. Naturellement, cela n’exclut pas, mais donne du sens et de la force à l’activité locale d’intervention, de presse et de discussion avec des camarades ou des groupes intéressés. Cependant, les sections tiennent des « réunions régulières des sections locales et des mises à l’ordre du jour de celles-ci les principales questions débattues dans l’ensemble de l’organisation : d’aucune façon le débat ne saurait être étouffé » (idem). En même temps, la « circulation la plus ample possible des différentes contributions au sein de l’organisation au moyen des instruments prévus à cet effet » est nécessaire. Les bulletins internationaux de discussion sont le moyen de canaliser le débat international et de le faire circuler dans toutes les sections.
C. Mir, 16 janvier 2018
1L’Internationale Communiste après Lénine, p. 159, https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical.pdf [1].
2Ante Ciliga, Dix ans au pays du mensonge déconcertant.
3« Rapport sur la structure et le fonctionnement des organisations révolutionnaires » (janvier 82), point 2 (Revue internationale n°33, 2e trim. 1983) : https://fr.internationalism.org/print/book/export/html/1013 [2]
4Pour une analyse sur comment le parti bolchevique est tombé dans l’erreur opportuniste et comment par le moyen d’un débat de fond il réussit à le redresser, lire 1917 : « la révolution russe : les ‘‘Thèses d’avril’’, phare de la révolution prolétarienne » [3] (1997). On peut aussi lire dans l’Histoire de la Révolution russe de Trotski, les chapitres correspondant à cette période.
5« Rapport sur la structure et le fonctionnement des organisations révolutionnaires » (janvier 82), point 6 (Revue internationale n° 33, 2e trim. 1983) : https://fr.internationalism.org/print/book/export/html/1013 [2]
6Idem, point 4.
La série que nous publions sur la différence radicale (une différence de classe) (1) entre, d’un côté, la gauche et l’extrême-gauche du capital et, de l’autre, les petites organisations qui se réclament de la Gauche Communiste, comportait jusqu’à présent trois parties : une vision erronée de la classe ouvrière ; une méthode et un mode de pensée au service du capitalisme ; un mode de fonctionnement reniant les principes communistes. (2) Nous consacrons ce quatrième article à la question morale afin de démontrer l’abîme qui sépare la morale de ces partis qui prétendent défendre les exploités et la morale prolétarienne que les organisations véritablement communistes doivent pratiquer.
Le prolétariat a une morale. De ce fait, ses organisations doivent en posséder une qui soit cohérente avec son combat historique et la perspective communiste qu’il porte avec lui. Alors que dans une organisation bourgeoise règne l’amoralisme, l’absence de scrupules, le pragmatisme et l’utilitarisme des plus abjects, il doit nécessairement exister, dans une organisation prolétarienne, une cohérence entre le programme, le fonctionnement et la morale.
Quelle morale prévaut dans un parti bourgeois ? Tout simplement le “tout est permis”, les manœuvres et les coups de couteaux dans le dos, les intrigues et les calomnies, la pire hypocrisie. Le stalinisme en donne un exemple éclatant en demandant aux militants de commettre des actes répugnants au nom de la “dictature du prolétariat”, “la défense du socialisme”, etc. Tout comme les staliniens, les groupes trotskistes prônent le même pragmatisme moral et un comportement aveugle et sans scrupules, s’appuyant sur les erreurs théoriques de Trotski dans son livre : Leur morale et la nôtre [4], qui contient cependant des réflexions et des éléments valides.
Pour leur part, les partis “socialistes” se sont érigés en champions des bons sentiments : la “solidarité”, l’ “inclusion”, la “mémoire historique”, le “politiquement correct”, le “bon sens”.
Tout ce verbiage est radicalement démenti par leurs actions au sein du gouvernement où ils attaquent sans pitié la classe ouvrière, répriment ses grèves avec une férocité qui n’a rien à envier à la droite et prennent des mesures, par exemple, contre les immigrés, qui relèvent du pur racisme. (3) Quant à leur fonctionnement interne, il offre un échantillon d’intrigues des plus raffinées, de changements subits d’alliances, de guerres de familles. Les partis socialistes sont experts dans les pires tactiques d’infiltration, de destruction de l’intérieur, création de chevaux de Troie, etc. De même, leur savoir-faire proverbial concernant la gestion de “dossiers” de manière à écarter aussi bien des “amis” du haut commandement que des ennemis qu’ils tentent, ou de ligoter avec des alliances forcées, ou d’évincer des sphères du pouvoir.
Quel bagage moral s’impose aux militants qui sont passés par les partis bourgeois en général et plus spécifiquement les organisations de gauche et d’extrême-gauche ?
1. Obéissance aveugle aux chefs.
2. Pragmatisme et utilitarisme abjects.
3. Absence de scrupules au nom de la “cause”.
4. Soumission inconditionnelle aux impératifs du Capital national.
5. Accepter l’exécution d’actes qui renient les critères moraux les plus élémentaires.
6. Spécialisation dans la manœuvre et l’intrigue déguisées en “tactique géniale”. (4)
Cependant, tout ceci se justifie avec l’hypocrisie propre à la bourgeoisie qui défend la pire barbarie et les méfaits les plus indignes au nom des valeurs morales “les plus élevées” : solidarité, justice, honnêteté… C’est la fameuse double morale : les politiciens et les dirigeants possèdent “leur” morale qui consiste à s’enrichir grâce aux trafics les plus sordides, écraser les rivaux (“camarades” de parti inclus) et se maintenir au pouvoir à tout prix sans hésiter à commettre les actes les plus répréhensibles. Simultanément, ils défendent une “autre morale” pour leurs subordonnés, pour les membres, pour les troupes de choc du parti qui, comme nous l’avons énoncé auparavant, doivent pratiquer la rectitude, le sacrifice, l’obéissance, etc.
Afin de détruire au sein des militants l’instinct prolétarien de morale, on insiste beaucoup sur le fait que toute morale est “bourgeoise ou religieuse”, que le militant ne peut de ce fait en posséder une et que seules les “considérations politiques” doivent orienter sa conduite. Cette argumentation prend sa source sur le fait que “L’histoire montre, évidemment, que dans toutes les sociétés divisées en classes la morale dominante a toujours été la morale de la classe dominante. Et cela à tel point que morale et État, mais aussi morale et religion, sont presque devenus synonymes dans l’opinion populaire. Les sentiments moraux de la société dans son ensemble ont toujours été utilisés par les exploiteurs, par l’État et par la religion, pour sanctifier et perpétuer le statu quo afin que les classes exploitées se soumettent à leur oppression. Le “moralisme” grâce auquel les classes dominantes se sont toujours efforcées de briser la résistance des classes laborieuses à travers l’instillation d’une conscience coupable, est un des grands fléaux de l’humanité. C’est aussi l’une des armes les plus subtiles et efficaces des classes dominantes pour assurer leur domination sur l’ensemble de la société”. (5)
Le moralisme nous inocule le sentiment de culpabilité. Il nous fait sentir coupables de manger, de lutter pour nos besoins, de vouloir aspirer au bonheur. Ceci, selon le moralisme, exprimerait un sentiment égoïste et exclusif. Les moralistes nous disent : Comment oses-tu manger alors que des gens meurent de faim partout dans le monde ? Comment oses-tu gaspiller l’eau en te douchant tous les jours alors que l’environnement se dégrade toujours plus ? Comment peux-tu prétendre dormir sur un matelas confortable alors que les immigrés dorment sur des matelas en mousse posés sur un sol dur ?
La morale de la bourgeoisie, et plus particulièrement celle de la bourgeoisie décadente des XXe et XXIe siècles, consiste à faire croire aux ouvriers que les moyens de subsistance minimaux dont ils disposent (logement, nourriture, vêtements) ou le confort dont ils peuvent jouir (appareils électroménagers, télévision et internet, congés payés) seraient des luxes insolents gagnés sur le dos des pauvres de ce monde, un “privilège”, occultant que ce sont juste les outils essentiels à la poursuite de leur exploitation.
Le moralisme et ses prédicateurs de gauche et d’extrême-gauche veulent nous faire sentir coupables des maux du monde causés par le capitalisme, faisant d’un problème de système social un problème d’individus. Ainsi, le fléau du chômage serait causé individuellement par chacun des 212 millions de chômeurs qui existent dans le monde.
De manière générale, la culpabilité détruit la conviction et la combativité. Cette société propage le sentiment de culpabilité comme mode de vie et fait de l’accusation d’autrui un moyen de la lutte individualiste de certains contre les autres faisant que celui qui se sent coupable à un moment donné, recherche des responsables à un autre moment. Il n’est pas contradictoire de se sentir coupable parfois et d’accuser les autres par la suite ; cela fait partie d’un univers moral individualiste et inhumain qui orbite toujours autour de la “faute”. La lutte contre cette dernière, qu’elle vienne de la propagande capitaliste et de ses partis spécialisés ou bien lorsqu’elle jaillit au sein des relations entre militants comme forme d’individualisme, est un combat central de la morale prolétarienne.
Le combat contre le moralisme bourgeois ne doit pas nous conduire à rejeter la morale. Nous devons faire la distinction entre moralisme et morale, “la perversion de la morale du prolétariat entre les mains du stalinisme ne constitue pas une raison pour abandonner le concept de morale prolétarienne, de la même façon que le prolétariat ne doit pas rejeter le concept de communisme sous prétexte qu’il a été récupéré et dénaturé par la contre-révolution en URSS. Le marxisme a démontré que l’histoire morale de l’humanité n’est pas seulement l’histoire de la morale de la classe dominante. Les classes exploitées ont des valeurs éthiques qui leur sont propres et ces mêmes valeurs ont eu un rôle révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité. La morale ne fait pas corps avec la notion d’exploitation, d’État ou de religion ; le futur appartient à une morale qui va au-delà de l’exploitation, de l’État et de la religion”.
“La conception de la morale dans le mouvement ouvrier, bien qu’elle ne fût jamais, pourrait-on dire, au centre de l’attention, des débats ou des préoccupations théoriques n’a rien à voir avec la version qu’en donne le gauchisme. La morale n’est pas une question “idéaliste” ou scolastique qui intéresserait seulement les imitateurs/continuateurs des philosophes de l’Empire byzantin qui débattaient sur le sexe des anges alors que les Ottomans assaillaient les murailles de Constantinople. La morale, comme tout produit social de l’être humain par définition, est une des principales caractéristiques des relations sociales que nous nous sommes données.
Une réalité qui pourrait se résumer comme le sens, collectivement étalonné, de ce qui est adéquat ou non, de la forme et l’orientation que nous donnons aux relations dans lesquelles nous nous inscrivons… Cela doit-il être étranger au prolétariat, à la classe qui est à la fois le fruit de relations sociales déterminées mais qui est également porteuse d’autres types de relations, d’une forme autrement plus élevée d’organiser notre existence sociale ? Si dans le passé la question n’a pas vraiment été soulevée, ce fut parce que le mouvement prolétarien comptait avec une longue et riche tradition de vie organisationnelle, dans laquelle la majorité de ses militants observaient certaines règles pour débattre, s’adresser à des camarades, vivre avec eux, leur prêter assistance ainsi que toute sa confiance et sa solidarité lorsque cela était nécessaire ; en d’autres termes, ils observaient une morale obéissant à la nature même de la classe prolétarienne : la classe de la solidarité, de la confiance, porteuse des véritables capacités créatives de l’humanité et d’une véritable culture humaine”. (6)
En réalité, l’individu bourgeois veut une morale pour la majorité exploitée (la morale des esclaves dirait Nietzsche) et une “autre morale” bien plus “souple”, libérée de tout scrupule, pour la classe dominante. Pour le capital, tous les moyens (y compris l’assassinat) sont bons s’ils permettent d’augmenter les profits ou de conquérir le pouvoir. Comme le disait Marx, le capital est “né dans la boue et le sang” et tous les moyens furent employés pour préparer son expansion : massacres, traite des esclaves, alliances sordides avec les classes féodales, assassinats d’État, conspirations… N’oublions pas que l’un des premiers idéologues de la bourgeoisie fut Machiavel et que le mot machiavélisme s’utilise pour définir la bassesse morale et l’absence scandaleuse de scrupules. (7)
La double morale est l’habit qui sied le mieux à l’idéologie et aux méthodes du Capital. Elle est le miroir de la concurrence féroce et du sauve-qui-peut régnant dans les rapports de production capitalistes. “Dans toute affaire de spéculation, chacun sait que la débâcle viendra un jour mais chacun espère qu’elle emportera son voisin après qu’il aura lui-même recueilli la pluie d’or au passage et l’aura mise en sûreté. “Après moi le déluge !”, telle est la devise de tout capitaliste et de toute nation capitaliste”. (8)
Le prolétariat rejette fermement la double morale. Dans sa lutte, les moyens doivent être en adéquation avec les buts ; on ne peut lutter pour le communisme en utilisant le mensonge, la calomnie, l’insinuation, la rumeur, la manœuvre, la duplicité, le sentiment de culpabilité, la soif de notoriété, etc. Les attitudes analogues doivent être combattues énergiquement et rejetées comme étant radicalement incompatibles avec les principes communistes. Avec ces “raccourcis moraux”, on n’avance pas d’un millimètre sur le difficile chemin du communisme ; c’est, au contraire, se retrouver pieds et poings liés face aux conduites propres du système capitaliste, c’est se laisser contaminer par les lois de son fonctionnement, se détachant ainsi de toute perspective révolutionnaire.
La morale prolétarienne a pour le CCI un rôle central : “on trouve dans nos statuts (adoptés en 1982) la concrétisation vivante de notre vision de cette question. Nous avons toujours insisté sur le fait que les statuts du CCI ne sont pas une liste de règles définissant ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, mais une orientation pour notre attitude et notre conduite, incluant un ensemble cohérent de valeurs morales (notamment en ce qui concerne les rapports des militants entre eux et envers l’organisation). C’est pourquoi nous exigeons de tous ceux qui veulent devenir membres de notre organisation un accord profond avec ces valeurs. Nos statuts sont une partie intégrante de notre plate-forme”.
Or, développer un fonctionnement organisationnel et des relations entre camarades sur la base des critères moraux du prolétariat n’est pas une tâche aisée ; cela requiert une lutte assidue. Aujourd’hui le prolétariat souffre d’un sérieux problème d’identité et de confiance en lui-même et ceci, dans le contexte historique général que nous appelons la décomposition du capitalisme, (9) accroît la difficulté de la pratique vivante et quotidienne d’une morale prolétarienne non seulement au sein de la classe ouvrière dans son ensemble mais également dans ses organisations révolutionnaires. Ce que la société actuelle exsude par tous ses pores de manière pestilentielle est l’absence de scrupules, la malhonnêteté, le scepticisme, le cynisme… Tout ceci attaque sans relâche la morale prolétarienne.
Contrairement à la vision que le stalinisme a donné des communistes comme des individus fanatiques capables de tout pour imposer le “communisme”, ceux-ci ont toujours affiché une solide attitude morale (10) et avec cela ils ont exprimé l’importance de la question morale pour le mouvement ouvrier. (11)
Il existe un préjugé contre le marxisme qui rend difficile de comprendre son solide ancrage dans des critères moraux. Face au socialisme utopique, le marxisme défendit la nécessité d’asseoir les positions communistes non sur des critères moraux mais sur une analyse scientifique de la situation du capitalisme, les rapports de force entre les classes, la perspective historique, etc. Cependant, on ne doit pas en déduire que le marxisme doive uniquement se baser sur des critères scientifiques et rejette les principes moraux : “Le marxisme n’a jamais nié la nécessité ni l’importance de la contribution de facteurs non théoriques et non scientifiques dans l’ascension de l’espèce humaine. Au contraire, il a toujours compris leur caractère indispensable et même leur indépendance relative. C’est pourquoi il a été capable d’examiner leurs connexions dans l’histoire et de reconnaître leur complémentarité”.
Le marxisme n’est pas une idéologie froide (comme le prétendait un auteur grec, Kostas Papaïoannou dans les années 1960) voyant les militants comme des pions qu’un “Comité central” manipule selon son bon vouloir dans une partie d’échecs contre les classes dominantes. Les militants dans leurs relations entre eux-mêmes et envers l’organisation, tout comme envers le prolétariat, se comportent avec la plus stricte rectitude morale.
Ce dernier point est vital pour comprendre que, dans notre époque, la décomposition sociale rend encore plus importante la morale pour la lutte révolutionnaire : “Aujourd’hui, face au “chacun pour soi”, à la tendance au délitement du tissu social et à la corrosion de toutes les valeurs morales, il sera impossible aux organisations révolutionnaires – et plus généralement à la nouvelle génération de militants qui apparaît – de renverser le capitalisme sans clarifier les questions de morale et d’éthique. Non seulement le développement conscient des luttes ouvrières mais aussi une lutte théorique spécifique sur ces questions, vers une réappropriation du travail du mouvement marxiste, est devenue une question de vie ou de mort pour la société humaine. Cette lutte est indispensable non seulement pour la résistance prolétarienne aux manifestations de la décomposition du capitalisme et à l’amoralisme ambiant, mais aussi pour reconquérir la confiance du prolétariat dans le futur de l’humanité à travers son propre projet historique”.
La difficulté que rencontrent aujourd’hui les générations révolutionnaires est que, d’un côté la morale prolétarienne fondée sur la solidarité, la confiance, la loyauté, la coopération consciente, la recherche de la vérité, etc., est plus que jamais nécessaire et, cependant, les conditions historiques de la décadence et de la décomposition capitaliste ainsi que les difficultés de la classe ouvrière, la font paraître plus utopique, plus impraticable, plus dépourvue de sens.
Comme le dit notre texte sur l’éthique “la barbarie et l’inhumanité de la décadence capitaliste sont sans précédent dans l’histoire de l’espèce humaine. Il est vrai qu’il n’est pas facile après les massacres d’Auschwitz et Hiroshima, et face aux génocides, à la destruction permanente et généralisée, de maintenir sa confiance dans la possibilité d’un progrès moral. (…) L’opinion populaire voit se confirmer le jugement du philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679) selon lequel l’homme serait, par nature, un loup pour l’homme. Selon cette vision, l’homme serait un être fondamentalement destructeur, prédateur, égoïste, irrémédiablement irrationnel et son comportement social serait inférieur à celui de la plupart des espèces animales”.
Il y a, en outre, un élément qui ajoute une difficulté supplémentaire au développement moral : le décalage entre l’avancée des sciences naturelles et technologiques et le retard toujours plus accentué des sciences sociales, comme l’a observé Pannekoek dans son livre Anthropogénèse : une Étude des origines de l’homme : “Les sciences naturelles sont considérées comme le champ dans lequel la pensée humaine, dans une série continue de triomphes, a développé avec la plus grande vigueur les formes conceptuelles de la logique… Au contraire, à l’autre extrémité demeure le grand champ des actions et relations humaines dans lequel la pensée et l’action sont principalement déterminées par la passion et les impulsions, par l’arbitraire et l’imprévisibilité, par la tradition et la croyance (…). Le contraste qui apparaît ici, avec la perfection d’un côté et l’imperfection de l’autre, signifie que l’homme contrôle les forces de la Nature mais qu’il ne contrôle pas les forces de la volonté et de la passion qui lui sont inhérentes. Là où il est demeuré immobile, peut-être même en revenant parfois sur ses pas, c’est dans le manque manifeste de contrôle sur sa propre “nature”. Ceci est, évidemment, la raison pour laquelle la société possède tant de retard sur la science. Potentiellement l’homme possède la domination sur la Nature. Mais il ne possède pas encore la domination sur sa nature propre”.
Cette situation de méconnaissance et d’incompréhension de ces aspects profonds de la conduite humaine rend très difficile l’abord de ce phénomène que la décomposition sociale et idéologique du capitalisme exacerbe chaque fois plus : “le développement du nihilisme, du suicide des jeunes, du désespoir (tel que l’exprimait le “no future” des émeutes urbaines en Grande-Bretagne), de la haine et de la xénophobie qui animent les “skinheads” et les “hooligans”, (…) le raz-de-marée de la drogue, qui devient aujourd’hui un phénomène de masse, participant puissamment à la corruption des États et des organismes financiers, n’épargnant aucune partie du monde et touchant plus particulièrement la jeunesse, un phénomène qui, de moins en moins, exprime la fuite dans des chimères et, de plus en plus, s’apparente à la folie et au suicide (…), la profusion des sectes, le regain de l’esprit religieux, y compris dans certains pays avancés, le rejet d’une pensée rationnelle, cohérente, construite, y inclus de la part de certains milieux “scientifiques” (…), le “chacun pour soi”, la marginalisation, l’atomisation des individus, la destruction des rapports familiaux, l’exclusion des personnes âgées, l’anéantissement de l’affectivité et son remplacement par la pornographie”. (12)
Alors que tous les partis bourgeois (qu’ils soient de droite ou de gauche) ont comme objectif de gérer le présent afin de conserver le capitalisme, l’organisation révolutionnaire est un pont entre le présent et l’avenir communiste du prolétariat. Pour cela, elle cultive les qualités morales que nous avons mentionnées précédemment et qui seront les piliers de la future société communiste mondiale. Ces qualités se voient constamment menacées par le poids de l’idéologie dominante et de la décomposition capitaliste. Pour cela, son développement requiert un effort permanent, une vigilance et un esprit critique infatigables joints à une constante élaboration théorique.
Pour les organisations révolutionnaires, cette culture occupe une place aussi bien à l’intérieur (fonctionnement interne) qu’à l’extérieur (intervention). Il ne s’agit pas que l’organisation s’isole du monde et s’enferme dans de petites communautés autogérées (ceci est l’erreur réformiste de l’anarchisme) sinon qu’en son sein, existe un combat permanent pour le développement de ces principes. Comme le disait Lessing (un poète allemand du XVIIIe siècle) : “il y a une chose que j’aime plus que la vérité : la lutte pour la vérité”. Dans l’organisation révolutionnaire, les principes sont aussi importants que la lutte pour ces derniers.
La lutte pour le communisme ne se réduit pas à une simple question de propagande : expliquer comment sera la future société, présenter son rôle historique comme dépassement des contradictions qui font couler le capitalisme, etc. Ce serait une conception tronquée et unilatérale. À la différence des modes de productions qui l’ont précédé, le communisme ne peut surgir de processus aliénants et aliénés, mais de la pleine conscience et de l’engagement subjectif massif du prolétariat. Dans l’organisation révolutionnaire, la lutte pour vivre de manière cohérente avec les principes du communisme est encore plus déterminante. La lutte pour le communisme est impossible sans une vigilance et une réponse permanente contre les comportements d’envie, de jalousie, de rivalité, de calomnie, de mensonge, d’intrigue, de manipulation, de vol, de violence envers ses semblables, etc.
Dans l’un de ses excès polémiques, Bordiga affirma qu’on pouvait arriver au communisme même à partir d’une monarchie.
Par cela il voulait démontrer que l’important est “d’arriver au communisme” alors que “la façon d’y arriver” importe peu, n’importe quel moyen serait bon. Nous rejetons catégoriquement une telle manière de penser : pour arriver au communisme, il faut savoir comment y parvenir, les moyens doivent être en symbiose avec la fin communiste. Contre le pragmatisme des staliniens et des trotskistes, qui suivent aveuglément la maxime jésuite de “la fin justifie les moyens”, le prolétariat et ses organisations révolutionnaires doivent maintenir une cohérence claire entre la fin et les moyens, entre la pratique et la théorie, entre l’action et les principes.
La morale dominante oscille entre deux alternatives qui apparaissent comme opposées mais qui gravitent autour du conflit individu/société et qui non seulement, ne permettent pas de le résoudre mais en plus l’aggravent.
D’un côté, nous avons l’individualisme exacerbé selon lequel l’individu fait “ce que bon lui semble” aux dépens des autres. De l’autre, nous avons la soumission de l’individu aux “intérêts de la société” (formule derrière laquelle se cache la domination totalitaire de l’État), qui, fondamentalement, se présente sous deux formes : celle d’un collectif d’individus anonymes et impersonnels (la formule préférée des staliniens et des trotskistes) ou celle de l’impératif moral kantien qui mène au renoncement individuel et au sacrifice pour les autres (dans cette tendance se fond également le moralisme chrétien).
En réalité, ces deux pôles moraux ne sont pas opposés. Ils sont, au contraire, complémentaires puisqu’ils reflètent deux aspects de la dynamique du capitalisme. D’un côté, l’utilitarisme moral de Bentham est une vision idéalisée de la concurrence féroce qui est le moteur du capitalisme. Que chaque individu lutte pour son bien-être sans aucune considération pour les autres serait le “bonheur de tous”, c’est-à-dire le “bonheur” du bon fonctionnement du système capitaliste qui (au contraire du féodalisme) ne respecte pas les privilèges ni les positions acquises, sinon qu’il soumet le fonctionnement de la société à une concurrence extrême.
Un second composant du pôle utilitariste et amoral est la déformation de la théorie de Darwin, transformée en “darwinisme social”. Selon cette vision, la sélection naturelle serait le résultat d’une guerre féroce et impitoyable dans laquelle le triomphe des “meilleurs” et l’élimination des “faibles” permettraient “d’améliorer l’espèce humaine”. Nous ne pouvons pas développer ici la défense réelle de la conception matérialiste darwinienne de l’évolution (13), ce qui est évident, c’est que cette vision morale du « darwinisme social » constitue une idéalisation, revêtant des habits pseudo-scientifiques, pour cautionner l’existence même du capitalisme qui est effectivement la guerre de tous contre tous, réalité exacerbée par la décomposition du système.
Face à ce pôle moral effrontément barbare, Kant et d’autres théoriciens entrevirent le résultat du chaos et de la destruction que le capitalisme portait en lui. De là, ils préconisèrent un autre pôle moral en apparence opposé : le fameux impératif moral. Celui-ci constitue une espèce de “retenue dans l’égoïsme déchaîné” afin de ne pas détruire la cohésion sociale. Ce qui veut dire une reconnaissance et une acceptation “critique” de la barbarie de la concurrence tout en essayant d’y mettre des limites et des régulations afin d’éviter qu’elle ne soit excessivement destructrice. Le capitalisme conduit à la destruction du genre humain car il porte dans son ADN l’anéantissement du caractère social de l’humanité, durement acquis tout au long de nombreux siècles d’existence. L’impératif moral kantien, qui veut mettre un frein à cette tendance, n’est rien de plus qu’une version idéalisée du rôle “régulateur” et garant de la cohésion sociale minimale qu’assume l’État, rôle qui s’est accentué sous le capitalisme décadent par le chaos et l’autodestruction que ses contradictions déchaînent. Le moralisme kantien est l’autre face de l’utilitarisme. La tendance qui se développa au sein de la social-démocratie dès la fin du XIXe siècle sous le slogan du “retour à Kant” ne se contentait pas d’attaquer et démolir le matérialisme marxiste, il attaquait également la morale prolétarienne, laquelle n’a rien à voir avec l’impératif moral.
Le stalinisme et les groupes gauchistes ont transmis l’idée que le militantisme communiste serait le sacrifice aveugle du militant à l’impératif moral incarné par les intérêts supérieurs du “Parti” ou de la “Patrie du Socialisme”.
Le rejet de cette barbarie morale qui conduit à la soumission aveugle et l’autodestruction de militants a conduit dans de nombreux cas à l’autre extrême de la morale bourgeoise : le culte de l’individualisme à outrance, caractéristique de la petite-bourgeoisie et dont l’une des expressions les plus exacerbées est l’anarchisme.
Le prolétariat porte en son sein le dépassement du conflit individu/société. Comme le dit le “Manifeste du Parti communiste”, sous le communisme, “à la place de l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous”. Sous le capitalisme, le travail associé à l’échelle mondiale des prolétaires contient en perspective ce dépassement : si le travail en commun permet d’aller plus loin que la somme des travaux individuels, l’apport de chacun est unique et indispensable pour l’aboutissement de ce travail en commun.
Les organisations révolutionnaires se sont vues constamment attaquées par ce conflit individu/société sous la forme de l’individualisme. Nous avons déjà, dans de nombreux textes, traité ce problème que nous évoquons rapidement ici. (14) Cet individualisme qui se prétend “libéré”, “rebelle” et “critique” est, en réalité, prisonnier de toutes les pulsions destructrices qui incubent sous le capitalisme (concurrence, égoïsme, manipulation, culpabilisation, rivalité et esprit de revanche) et exerce un lourd poids sur la vie de l’organisation révolutionnaire. Sa “révolte” ne va pas plus loin que la polarisation aveugle et stupide “contre toute autorité”, ce qui l’amène à être un facteur de désorganisation et de tensions entre camarades. Enfin, sa “critique” se base la méfiance et le rejet de toute pensée cohérente, la remplaçant par la spéculation, les préjugés et les interprétations les plus extravagantes.
Cet individualisme est aux antipodes de la solidarité qui n’est pas seulement une des colonnes vertébrales du prolétariat mais aussi le fonctionnement des organisations révolutionnaires. Nous ne pouvons détailler ici ce point que nous avons amplement traité dans notre texte d’orientation sur la confiance et la solidarité dans la lutte prolétarienne. (15)
C. Mir, 1er mars 2018
1. Pour une analyse plus globale de cette différence voir notre article en espagnol : Quelles sont les différences entre la Gauche Communiste et la IVe internationale ? [5]
et plusieurs de nos articles en français :
– Principes révolutionnaires et pratique révolutionnaire [6]
– La Gauche Communiste et la continuité du marxisme [7]
– Les Conférences internationales et la Gauche Communiste (1976-1980)- Leçons d’une expérience pour le milieu prolétarien [8] (Revue Internationale n° 122, 3e trimestre 2005)
3. Le Parti Social-démocrate allemand (SPD) donne un parfait exemple de cette conduite dans laquelle ce qui est proclamé n’a rien à voir avec ce qui se fait (en réalité il le dissimule). Il fut celui qui réprima les tentatives révolutionnaires du prolétariat en Allemagne en 1918-1923, causant 100 000 morts et il ordonna également l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht (1919). Ce fut, récemment, le gouvernement social-démocrate de Schröder qui lança le terrible programme 2010 qui fit chuter de manière brutale les conditions de vies des ouvriers favorisant par exemple les contrats poubelles de 400 euros mensuels.
4. Trotski lui-même adopta une posture ambiguë sur les manœuvres.
D’un côté, il reconnaissait que “pour les classes dominantes, possédantes, exploiteuses, instruites, leur expérience du monde est si grande, leur instinct de classe si exercé, leurs moyens d’espionnage si divers, qu’en tentant de les tromper, en feignant d’être ce que l’on n’est pas, on attire en réalité dans le piège non pas les ennemis, mais les amis”. Cependant, dans un même temps il proclamait “la valeur auxiliaire, subordonnée, des manœuvres, qui doivent être utilisées strictement comme des moyens, par rapport aux méthodes fondamentales de la lutte révolutionnaire” (L’Internationale Communiste après Lénine, page 209, édition espagnole Akal).
Cette théorisation de la manœuvre en général, sans éclaircir le fait qu’elle ne doive être utilisée uniquement que contre l’ennemi de classe mais jamais contre la classe ouvrière, ni au sein des organisations révolutionnaires, a servi aux organisations trotskistes pour justifier les manœuvres de tous types contre le prolétariat et contre les militants eux-mêmes.
5. Texte d’orientation sur l’Ethique et le Marxisme [12] (sauf mention contraire, les citations proviennent de ce texte).
7. Machiavélisme, conscience et unité de la bourgeoisie [13], Revue Internationale no 31 – 4e trimestre 1982.
8. Marx, Le Capital, Livre premier, 3e section, chapitre X.
9. Voir La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste [14]
Revue Internationale no 107 – 4e trimestre 2001
10. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y eut pas de différences dans la conception morale, certaines plus utilitaires, comme dans le cas de Lénine et d’autres beaucoup plus cohérentes comme dans le cas de Rosa Luxemburg. C’est une question qu’il faudra approfondir.
11. Nous pouvons donner deux exemples de ce fait. En 1839-42 se produisirent les mobilisations probablement les plus importantes[de l’histoire du prolétariat britannique et elles eurent pour motifs principaux l’indignation et l’horreur que suscitèrent dans les secteurs les plus aisés du prolétariat la terrible exploitation que subissaient leurs frères de classes, hommes, femmes et enfants, particulièrement dans les fabriques de textiles.
La seconde est la grève spontanée qui éclata en Hollande en 1942 contre les déportations de Juifs opérées par les nazis.
12. La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste [14], Revue Internationale nº 107 (4e trimestre 2001).
13. Voir par exemple le texte d’Anton Pannekoek Darwinisme et Marxisme [15] (parties 1 et 2 [16] republiées dans la Revue Internationale n° 137 et 138).
14. Rapport sur la Structure et le fonctionnement des organisations révolutionnaires [17] Revue Internationale n° 33 (janvier 1982).
Links
[1] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/print/book/export/html/1013
[3] https://fr.internationalism.org/revorusse/chap2a.htm
[4] https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/morale/morale.pdf
[5] https://es.internationalism.org/cci-online/200706/1935/cuales-son-las-diferencias-entre-la-izquierda-comunista-y-la-iv-internacional
[6] https://fr.internationalism.org/content/principes-revolutionnaires-et-pratique-revolutionnaire
[7] https://fr.internationalism.org/icconline/1998/gauche-communiste
[8] https://fr.internationalism.org/rint/122_conf
[9] https://fr.internationalism.org/content/9760/legs-dissimule-gauche-du-capital-i-fausse-vision-classe-ouvriere
[10] https://fr.internationalism.org/content/9857/legs-dissimule-gauche-du-capital-ii-methode-et-facon-penser-au-service-du-capitalisme
[11] https://fr.internationalism.org/content/9910/legs-dissimule-gauche-du-capital-iii-fonctionnement-qui-nie-principes-communistes
[12] https://fr.internationalism.org/rint127/ethique_morale.html
[13] https://fr.internationalism.org/rinte31/machiavelisme.htm
[14] https://fr.internationalism.org/french/rint/107_decomposition.htm
[15] https://fr.internationalism.org/rint137/darwinisme_et_marxisme_anton_pannekoek.html
[16] https://fr.internationalism.org/rint138/darwinisme_et_marxisme_2_anton_pannekoek.html
[17] https://fr.internationalism.org/french/rinte33/structure_et_fonctionnement_organisation_revolutionnaire.htm
[18] https://fr.internationalism.org/rinte111/confiance.htm