Soumis par ICConline le
Un certain Cleto, qui se présente comme un «camarade d’accord avec les positions du BIPR» 1, a fait dans le forum «Comunistas internacionales» 2 une critique a notre article «Notes pour une histoire de la Gauche communiste» 3 qu’avait aimablement publié le modérateur du forum 4.
Nous nous livrions dans cet article à une réflexion sur la première époque (de 1943 à 1948) du Parti communiste international, période au cours de laquelle cette organisation qui se réclame de la Gauche communiste commit à notre avis deux graves erreurs : celle d’établir des contacts avec des groupes de partisans 5 et celle de participer aux élections de 1948 en présentant une liste 6.
Mensonges et déformations ou désaccord politique ?
Cleto commence par nous accuser de «mensonges et de déformations». La lecture de son texte confirme cependant totalement tout ce que nous avançons : il reconnaît que le PCI participa aux groupes partisans, qu’une partie de la section de Turin participa à l’insurrection organisée par le Comité de libération nationale où étaient présentes toutes les forces bourgeoises italiennes à l’exception des fascistes qui n’avaient pas encore retourné leur veste, que le PCI participa aux élections de 1948.
Pour que le débat soit réellement enrichissant, il faut commencer par distinguer ce que sont les faits et l’interprétation politique que l’on peut en faire. Les faits sont clairs et évidents, et Cleto ne peut les nier. Cependant, et c’est un aspect différent, son analyse et son interprétations sont différentes de la notre. Cette différence ne l’autorise en rien à nous accuser de «mensonges et de déformations»… à moins de considérer que tous ceux qui ne partagent pas son interprétation sont des menteurs…
Est-il idéaliste d’être intransigeant dans la défense des principes prolétariens ?
Entrons dans la question de fond. Cleto affirme que nous serions aveuglés par un «idéalisme dilettante», prisonniers de «fantaisies» qui n’auraient rien à voir avec la «véritable lutte de classe», que nous vivrions dans un «château enchanté», ce qui nous conduirait à «ne pas comprendre la dialectique des faits historiques» et à «discréditer l’activité de ceux qui risquèrent leur vie sur l’autel du militantisme communiste».
Staliniens et trotskistes ont l’habitude de justifier leurs politiques au nom du «réalisme» et de la sacro-sainte nécessité «d’être avec les masses», qualifiant toute position révolutionnaire «d’infantilisme théorique». Ils se présentent comme les champions du communisme pour finir par dire qu’ils sont «forcés» de soutenir toutes sortes de guerres impérialistes, de mouvements de «libération nationale» ou de fractions de la bourgeoisie «pour rester avec les masses».
Ce qui est pour le moins surprenant, c’est que ce type d’argument vienne de la part de quelqu’un qui se réclame de la Gauche communiste. Il faut alors remettre les choses à leur place, parce que ce qui différencie radicalement la Gauche communiste de tous les autres courants politiques est précisément la défense de la cohérence entre les principes proclamés et les moyens avec lesquels on les défends.
Cleto s’interroge : «Pendant que les masses sont en train de verser leur sang pour une perspective politique mystificatrice (le Front populaire ou la Résistance), que doivent faire les communistes ? Doivent-ils rester enfermés dans leur cercle et écrire scolastiquement de méticuleuses analyses sur les erreurs que commettent les masses ?».
Quand les ouvriers prennent parti pour une des bandes en conflit au cours d’une guerre entre fractions de la bourgeoisie, ils perdent toute leur force, deviennent des pions manipulables à souhait, ils versent leur sang pour leurs exploiteurs et oppresseurs. Face à une telle situation, seuls les principes révolutionnaires peuvent permettre aux ouvriers de retrouver leur autonomie de classe et de lutter de façon décidée contre le capitalisme. Accepter en 1944-45 le terrain de la lutte partisane, c’est-à-dire celui du nationalisme et de l’impérialisme, sous prétexte de «convaincre les masses», c’était contribuer à ce qu’elles restent enfermées dans le cercle infernal de la guerre et de l’exploitation capitaliste. Seul le «cercle fermé» des «analyses méticuleuses» pouvait aider les ouvriers à sortir du piège infernal dans lequel ils s’étaient laissé prendre.
En 1914, le capitalisme put déchaîner la Première Guerre mondiale grâce au soutien de la majorité de la social-démocratie et des syndicats, qui firent croire aux ouvriers qu’ils devaient accepter la mort sur le front et les sacrifices à l’arrière pour défendre une «juste cause» à géométrie variable. Pour les allemands, il s’agissait d’en finir avec la barbarie tsariste alors que pour la bande des Alliés, parmi lesquels figurait le sinistre régime tsariste, l’objectif était d’en finir avec la dictature germanique du Kaiser !
Que firent alors les révolutionnaires ? Ils acceptèrent le terrain de la défense nationale sous prétexte de «rester avec les masses» ? Non ! Mille fois non ! Ils livrèrent le combat pour défendre les principes internationalistes, préconisant la lutte intransigeante pour la révolution prolétarienne mondiale. La minorité internationaliste (Lénine, RosaLuxemburg, Trotski, Bordiga…) «s’éloigna des masses», resta «enfermée dans son cercle» et écrivit des «analyses méticuleuses» sur les erreurs des masses. Elle contribua grâce à cette activité à ce que les masses critiquent leurs erreurs, à ce qu’elles retrouvent leur force, leur solidarité et, ainsi, prépara les conditions de la vague révolutionnaire mondiale qui s'éleva en 1917.
Lénine était idéaliste ?
Quand Lénine revint en Russie en avril 1917 et défendit le besoin d’orienter la révolution commencée en février vers la prise de pouvoir et la lutte pour le socialisme, il rencontra une forte opposition de la part du Parti bolchevique, que dirigeaient alors Staline, Kamenev et Molotov, qui soutenait le Gouvernement provisoire dont les objectifs déclarés étaient la poursuite de la guerre et l’enfermement de la révolution dans le carcan de la démocratie bourgeoise. Au cours de la polémique qui se développa dans le Parti au sujet des positions de Lénine, Kamenev accusa ce dernier d’être «idéaliste» et de se «séparer des masses». Lénine répondit : «Le camarade Kaménev oppose le "parti des masses" au "groupe de propagandistes". Or, aujourd'hui précisément, les "masses" sont intoxiquées par le jusqu'au-boutisme "révolutionnaire" 7. Ne conviendrait-il pas mieux, surtout à des internationalistes, de savoir à pareil moment s'opposer à cette intoxication "massive" plutôt que de "vouloir rester" avec les masses, autrement dit de céder à la contagion générale ? N'avons-nous pas vu dans tous les pays belligérants d'Europe les chauvins chercher à se justifier en invoquant leur désir de "rester avec les masses" ? Ne doit-on pas savoir rester un certain temps en minorité pour combattre une intoxication "massive" ? L'activité des propagandistes n'est-elle pas, surtout à l'heure actuelle, le facteur essentiel qui doit permettre à la ligne prolétarienne de se dégager de l'intoxication jusqu’au-boutiste et petite-bourgeoise où sont plongées les "masses" ?» 8.
Dans un autre document datant de la même époque 9, Lénine clôt la perpétuelle accusation d’idéalisme sur sa position en disant : «Travail de propagande “et rien de plus”, semblerait-il. C’est en réalité un travail révolutionnaire éminemment pratique10; car on ne saurait faire progresser une révolution qui s'est arrêtée, grisée de phrases, et qui “marque le pas”».
Cleto pense peut-être que Lénine aussi était un «idéaliste» qui «dédaignait descendre aux masses parce qu’elles ne seraient pas communistes». Nous pensons quand à nous que cet apport de Lénine est essentiel pour inspirer l’activité des révolutionnaires. Dans sa réponse à Kamenev citée plus haut, Lénine rappelle que «la bourgeoisie se maintient non seulement par la violence, mais aussi grâce à l'inconscience, à la routine, à l'abrutissement, au manque d'organisation des masses».
La classe ouvrière est la classe porteuse du communisme 11, mais c’est aussi une classe exploitée qui est maintenue la plupart du temps soumise à l’emprise de l’idéologie dominante. Sa nature communiste s’exprime, en particulier, par la capacité qu’elle a à sécréter en son sein des minorités communistes qui tentent d’exprimer ses buts et ses principes ainsi que les moyens pour y parvenir.
Ces minorités n’ont pas comme objectif de courir derrière les masses en les suivant dans toutes les situations multiples et contradictoires qu’elles traversent. Il s’agit d’être avec le prolétariat en tant que classe révolutionnaire et non de se coller au «prolétariat sociologique», qui passe par différents stades de conscience. Dans le texte déjà cité, Lénine rappelait qu’il valait mieux «rester seul, comme Liebchnecht –et rester seul ainsi c’est rester avec le prolétariat révolutionnaire– que d’avoir ne serait-ce qu’une minute l’idée d’une union avec le Comité d’organisation 12».
La classe ouvrière n’est pas une masse aveugle à qui il faudrait administrer sans qu’elle ne s’en aperçoive les recettes communistes. Ce tacticisme pragmatique recouvre dans le fond une vision manipulatrice, un profond mépris pour la classe ouvrière. Les ouvriers ne craignent pas la critique de leurs erreurs. Rosa Luxemburg disait du prolétariat que «ses erreurs sont aussi gigantesques que ses tâches. Il n'y a pas de schéma préalable, valable une fois pour toutes, pas de guide infaillible pour lui montrer le chemin à parcourir. Il n'a d'autre maître que l'expérience historique. Le chemin pénible de sa libération n'est pas pavé seulement de souffrances sans bornes, mais aussi d'erreurs innombrables. Son but, sa libération, il l'atteindra s'il sait s'instruire de ses propres erreurs. Pour le mouvement prolétarien, l'autocritique, une autocritique sans merci, cruelle, allant jusqu'au fond des choses, c'est l'air, la lumière sans lesquels il ne peut vivre.» 13
Quelle fut la position de nos «pères» politiques ?
Cleto mentionne la position de la Gauche communiste d’Italie face au Front populaire et la Guerre d’Espagne de 1936 en affirmant : «Le problème que se posaient nos pères politiques –tant en ce qui concerne l’Espagne que la lutte partisane– et que jamais ne se pose le CCI (ni ses dérivés), car c’est totalement étranger à leur méthode (idéaliste) et à leur compréhension du militantisme communiste : comment faire pour que se rencontrent les principes avec les masses en mouvement, disposées à une lutte sans merci et aux pires sacrifices ?».
Ce passage semble laisser entendre que Bilan aurait maintenu en 1936 la même position que le PCI en 44-48. Rien n’est plus faux. On peut lire notre livre 1936, Franco y la República masacran a os trabajadores (Franco et la République massacrent les travailleurs) 14, qui se base sur les textes de Bilan, pour constater que Bilan maintint alors une politique «idéaliste» de défense intransigeante des principes.
Quelques années auparavant, Bilan avait polémiqué avec l’Opposition de gauche 15 qui évoquait elle aussi –comme malheureusement le firent aussi en 1948 les «parents politiques» de Cleto– le besoin de «ne pas se couper des masses». Le titre de l’article était significatif : «Les principes, armes de la révolution». Il dénonçait «le militant qui expose une position de principe dans une situation donnée et s’empresse d’ajouter que cette position serait valable si tous les ouvriers étaient communistes, qu’elle pourrait alors s’appliquer, mais qu’il se voit forcer de prendre en compte les situations concrètes et en particulier la mentalité des ouvriers» 16. Il met à nu les «arguments» avec lesquels on valide cette capitulation : «Le problème se posera de façon interrogative à chaque occasion : la question de principe est-elle en jeu ? Si on répond négativement, il faudrait se laisser conduire par les suggestions de la situation, se livrer à des conjectures sur les avantages que l’on peut tirer de la lutte puisqu’en définitive même Marx et Lénine, pour intransigeants qu’ils aient été sur les questions de principes, n’hésitaient pas à se lancer dans la lutte pour se gagner le plus grand nombre d’alliés possible, sans prendre en compte leur nature, sans établir préalablementsi leur nature sociale leur permettrait d’être un véritable appui à la lutte révolutionnaire».
Face à ces positions, Bilan défendait que «le Parti doit rester scrupuleusement fidèle aux thèses politiques qu’il a élaborées, car à ne pas le faire il s’interdirait d’avancer dans la lutte révolutionnaire», concluant catégoriquement que «pour préparer la victoire prolétarienne contribuent tant les antagonismes sociaux que le travail conscient des fractions de gauche : le prolétariat ne reprendra la lutte que sur la base de ses principes et de son programme».
1948 : la régression du PCI sur la question électorale et parlementaire
C’est la Fraction communiste abstentionniste constituée en octobre 1919, qui précéda la Gauche communiste d’Italie, qui dénonça la mystification électorale et parlementaire. C’est un de ses militants les plus remarquables, Bordiga, qui apporta les enrichissements les plus clairs sur cette question 17 et qui livra un combat tenace contre la dégénérescence de l’Internationale communiste, s’attaquant à une de ses erreurs les plus graves, le «parlementarisme révolutionnaire».
C’est pour cela que le fait que le Parti communiste internationaliste jette par-dessus bord tout ce patrimoine et préconise la participation à la farce électorale, destinée à avaliser la configuration politique de l’Etat démocratique italien autour d’un gouvernement démocrate-chrétien et d’une opposition constituée par le parti stalinien, est une véritable régression.
Cleto défend néanmoins cette argumentation avec des arguments très peu convaincants : «Que dire des élections de 1948 ? Tout simplement que ce fut une tentative de s’insérer dans la grande excitation politique dans laquelle s’était faite piéger la classe ouvrière afin de mieux faire connaître nos positions en profitant de la vitrine qu’offrait la propagande électorale ; mais personne ne se faisait d’illusions sur une renaissance du parlementarisme révolutionnaire : quiconque affirme le contraire ment ou ne sait pas ce qu’il dit. Dans ses manifestes, dans sa presse, le Parti appelait à l’abstention en l’expliquant politiquement et il ajoutait “si vous ne pouvez éviter de voter, alors votez pour nous”».
Appeler en même temps les masses à l’abstention et à voter ne leur apportait pas la moindre clarté et ne pouvait que démontrer la propre confusion du Parti. Donner comme tâche au Parti de “s’insérer dans la grande excitation politique dans laquelle s’était faite piéger la classe ouvrière” (une excitation nourrie par la bourgeoisie pour que tout le monde accepte son Etat démocratique) ne peut que confirmer ce que nous disons : une organisation révolutionnairene peut se mettre à la remorque d’une «excitation» mais doit participer à développer la conscience des masses pour les aider à s’émanciper précisément de cette excitation.
Cleto dit aussi en passant qu’il faudrait profiter «de la vitrine qu’offrait la propagande électorale» et proclame avec une certaine arrogance que ce n’est pas du parlementarisme révolutionnaire, accusant ceux qui affirment le contraire d’être des menteurs ou des ignorants. Notre censeur ne connaît certainement pas la «Résolution sur le Parti communiste et le parlementarisme» adoptée par le IIe Congrès de l’Internationale communiste en mars 1920, celle qui proclama le «parlementarisme révolutionnaire». Il y est dit que «La participation aux campagnes électorales et la propagande révolutionnaire du haut de la tribune parlementaire ont une signification particulière pour la conquête politique des milieux de la classe ouvrière qui, comme les masses laborieuses rurales, sont demeurées jusqu’à présent à l’écart du mouvement révolutionnaire et de la politique» 18. Quelle différence y a-t-il entre la position de Cleto et celle de l’IC ? Quelle différence avec celle que défendent les trotskistes pour justifier leur participation dans la mystification électorale ? Pas la moindre.
L’argument sentimental
«Nos camarades entrèrent en contact avec les groupes de partisans, risquant leur vie pour tenter de leur faire comprendre l’erreur politique dans laquelle ils étaient tombés ; Ils organisèrent et participèrent à des grèves contre la guerre –en pleine guerre !– et beaucoup payèrent de leur vie leur militantisme révolutionnaire, fusillés ou déportés dans les camps d’extermination nazis. Comment le CCI ose-t-il se permettre d’exprimer publiquement de telles aberrations sur la terrible expérience de nos camarades ?».
Ce qui est en cause, dans notre critique, ce n'est évidemment pas l'organisation et la participation à des grèves. Ce que nous rejetons catégoriquement, c'est la politique (pudiquement baptisée par Cleto "entrer en contact avec les groupes partisans") consistant à pratiquer "l'entrisme" au sein d'une organisation militaire contre-révolutionnaire de la pire espèce, constituée directement sous le contrôle des Alliés et, sur place, du PC et du PS. Une organisation militaire bourgeoise basée sur le volontariat et qui, à ce titre, n'offre aucun terrain propice à la diffusions des principes et tactiques révolutionnaires, ce qui la distingue de l'armée officielle dans laquelle les ouvriers sont mobilisés de force. C'est pourquoi, l’héroïsme des militants ainsi envoyés infiltrer les rangs des "partisans" de même que les persécutions dont ils ont été victimes de ce fait ne peuvent être des arguments justifiant une telle politique. Le seul critère pour analyser celle-ci est de déterminer si elle répond ou pas à la situation en restant en cohérence avec les principes et les moyens de lutte prolétariens. Mélanger tout ne peut qu’introduire la confusion.
Cleto devrait réfléchir sur le fait que les groupes d’extrême-gauche du capital justifient leur politique antifasciste, leur politique de libération nationale, leur politique de soutien à un camp impérialiste en invoquant les morts, les torturés, les détenus de ces causes bourgeoises. L’opposition chilienne à Pinochet n’a pas cessé de rappeler ses morts et ses torturés. Les péronistes, les montoneros, les trotskistes ont fait de même avec les disparus et les torturés de la dictature argentine. Ils profitent du sang versé comme d’un capital dont les intérêts servent à imposer une politique de misère et de répression envers les ouvriers et les exploités, comme l’illustrent Bachelet et le couple Kirchner. Le parti stalinien français se présentait partout dans l’après-guerre de 45 comme le parti «des 100.000 fusillés». Ce chantage émotionnel leur permit entre autre de saboter la grande grève de Renault en 1947 en proclamant que «la grève est l’arme des trusts». Les 100 000 fusillés furent utilisés par leur chef, Maurice Thorez, pour demander aux ouvriers français de «retrousser leurs manches pour relancer l’économie nationale».
Les principes sont l’arme de la révolution
La bourgeoisie traite de fanatisme et de fondamentalisme l’attitude intransigeante de défense des principes. Elle est, quand à elle, la classe du pragmatisme, des combines et des manoeuvres machiavéliques. La politique bourgeoise est devenue un spectacle repoussant d’alliances contre-nature, dans lesquelles les coups fourrés et les contorsions idéologiques les plus délirantes sont de mise. Elle a provoqué un dégoût général de «la politique».
Pour sa part, le prolétariat n’a aucun besoin d’occulter, ni de se cacher à lui-même, les principes et les moyens de sa lutte. Il n’existe pas pour lui de contradiction entre ses intérêts historiques et ses intérêts immédiats, entre ses principes et sa lutte quotidienne. L’apport des révolutionnaires réside dans une politique claire où principes et pratique sont cohérents et ne se contredisent pas à chaque moment. Pour le prolétariat, la pratique, c’est la défense intransigeante des principes de classe, car ce sont eux qui lui donnent une perspective pour sortir de l’impasse dans lequel le capitalisme plonge l’humanité, ce sont eux qui orientent ses luttes immédiates vers la perspective révolutionnaire. Comme l’affirmaient nos camarades de Bilan,les principes sont des armes de la révolution.
CCI 28-10-07
Annexe :texte de Cleto
Salut à tous
Les camarades qui adhèrent aux positions politiques du Bureau international pour le Parti révolutionnaire (BIPR www.ibrp.org) sont depuis longtemps habitués aux entorses, pour ne pas dire aux mensonges, répandus par le CCI. J’ai cependant décidé de ne pas laisser passer impunément les commentaires déversés par le CCI à la fin du compte rendu « Notes pour une histoire de la Gauche communiste » publié dans ce forum de discussion le 26 septembre. Je m’attends naturellement à une contre-réplique du CCI, mais je veux d’abord m’excuser auprès des membres de ce forum pour n’avoir pas répondu plus tôt : je dispose de peu de temps et je préfère le dédier à la véritable lutte de classe et non aux fantaisies du CCI. Celui-ci projette dans le passé son idéalisme dilettante, déformant l’histoire, justifiant son idéalisme caractéristique et, ce qui est pire, discréditant l’activité de ceux qui risquèrent leur vie sur l’autel du militantisme communiste.
Aveuglé par son idéalisme, le CCI n’est même pas capable de lire ce qui est pourtant écrit clairement, et encore moins de comprendre la dialectique des faits historiques. Comment peut-il dire que nos camarades en 43-45 avaient la même position que la minorité qui partit en Espagne ? Nos camarades tentaient de mettre en pratique un marxisme vivant et non un marxisme de recettes de cuisine, tentant d’amener les partisans (des prolétaires en grande partie, illusoirement convaincus de combattre le nazi-fascisme pour préparer la voie de la révolution prolétarienne) sur des positions de classe, ils ne versèrent donc pas leur sang pour une cause bourgeoise ; ils le firent en outre dans des conditions extrêmement difficiles, menacés à la fois par les fascistes et les staliniens. Le problème que se posaient nos pères politiques – tant en ce qui concerne l’Espagne que la lutte partisane – est celui que jamais ne se pose le CCI (nises dérivés), car il est totalement étranger à leur méthode (idéaliste) et à leur compréhension du militantisme communiste : comment faire pour que se rencontrent les principes avec les masses en mouvement, disposées à une lutte sans merci et aux pires sacrifices ? Quand les masses versent leur sang pour une fausse perspective politique mystificatrice (le Front populaire ou la Résistance), que doivent donc faire les communistes ? Doivent-ils rester enfermés dans leur cercle et écrire scolastiquement de méticuleuses analyses sur les erreurs que commettent les masses, dédaignant de s’abaisser à la lutte parce que les masses ne sont pas… communistes pures (si elles l’étaient, quel besoin auraient-elles du Parti ou même de la propagande… cciste ?), ou doivent-ils tenter de traduire en actions leurs principes pour les faire comprendre et assumer par les masses ?
Ils risquent bien sûr de commettre des erreurs, mais c’est le type d’erreurs de ceux qui vivent dans la vraie vie, et non dans la vie livresque d’un château enchanté où tout est forcément juste parce que jamais vérifié par la réalité.
Nos camarades entrèrent en contact avec les groupes de partisans, risquant leur vie pour tenter de leur faire comprendre l’erreur politique dans laquelle ils étaient tombés ; ils organisèrent et participèrent à des grèves contre la guerre – en pleine guerre ! – et beaucoup payèrent de leur vie leur militantisme révolutionnaire, fusillés ou déportés dans les camps d’extermination nazis. Comment le CCI ose-t-il se permettre d’exprimer publiquement de telles aberrations sur la terrible expérience de nos camarades ?
En avril 1945, quand le prolétariat de Turin participa à l’insurrection et qu’une partie de la section de Turin participa avec elles, en totale indépendance du CLN (Comitato diLiberazione Nazionale), sans aucune intention frontiste et sans illusions sur la lutte partisane, alors que la guerre s’achevait et que les Alliés étaient aux portes de Turin, c’était une erreur ? C’est peut-être le genre d’erreur que commettent ceux qui vivent dans la lutte de classe, c’est-à-dire le genre d’erreur que le CCI ne commettra jamais !
Que dire des élections de 1948 ? Tout simplement que ce fut une tentative de s’insérer dans la grande excitation politique dans laquelle s’était faite piéger la classe ouvrière afin de mieux faire connaître nos positions en profitant de la vitrine qu’offrait la propagande électorale ; mais personne ne se faisait d’illusions sur une renaissance du parlementarisme révolutionnaire : quiconque affirme le contraire ment ou ne sait pas ce qu’il dit. Dans ses manifestes, dans sa presse, le Parti appelait à l’abstention en l’expliquant politiquement et il ajoutait “si vous ne pouvez éviter de voter, alors votez pour nous”.
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1 - Bureau international pour le Parti révolutionnaire : www.leftcom.org. Sur les origines du BIPR et de notre organisation et sur les diverses façons dont chaque groupe conçoit la continuité avec la Gauche communiste italienne, lire la polémique « A l’origine du CCI et du BIPR », Revue internationale nos 90 et 91.
2 - espanol.groups.yahoo.com/group/comunistasinternacionales
3 - Publié dans la Revue internationale no 9.
4 - Lire la critique de Cleto traduite et publiée en annexe à cet article.
5 - Il s’agissait de groupes de guérilla impulsés par le Parti stalinien pour harceler les armées nazi-fascistes pour le compte du camp rival, celui des staliniens et des démocrates.
6 - Nous avons publié dans la Revue internationale nos 36 et 37 l’analyse du IIe Congrès du PCI (1948) faite par Internationalisme, organe de la Gauche communiste de France, groupe dont nous nous réclamons.
7 - Le “défaitisme révolutionnaire” ouvertement préconisé par les mencheviques et les socialistes-révolutionnaires – et indirectement soutenu parle Comité central bolchevique – consistait en poursuivre la participation de la Russie à la guerre impérialiste car « désormais, la situation avait changé et la Russie était une démocratie ».
8 - Lénine, « Lettres sur la tactique ».
9 - Lénine, Les tâches du prolétariat dans notre révolution (plus connu sous le titre les Thèses d’avril).
10 - Souligné dans l’original.
11 - Ce qui ne veut en rien dire que tous les ouvriers doivent se déclarer de “purs communistes”, ni que pour faire la révolution chacun d’entre eux doive se reconnaître comme communiste.
12 - Centre organisateur du Parti menchevique.
13 - Rosa Luxemburg, la Crise de la social-démocratie.
14 - Nous venons d’en faire une 4e édition. Il peut aussi être consulté sur notre site web.
15 - Qui donnera finalement naissance dans sa dégénérescence à ce que l’on a appelé le courant « trotskiste ».
16 - Bilan no 5, « Les principes, armes de la révolution ».
17 - Voir, par exemple, « Le principe démocratique ».
18 - Quatre premiers Congrès mondiaux de l’Internationale communiste – 1919-1923.