Malgré tout le zèle et les efforts de sa bourgeoisie nationale au cours de ces dernières années, le capital français doit encore combler un retard certain sur ses principaux concurrents dans ses mesures antiouvrières pour faire face à la crise économique mondiale. Cette compétition s'exerce aussi bien dans le cadre européen contre les Etats-Unis que vis-à-vis de ses autres rivaux européens. La logique du capitalisme et de défense du capital national conduit ainsi simultanément la classe dominante à poursuivre et intensifier les licenciements dans les entreprises, à réduire les effectifs du secteur public avec comme objectif avoué d'éliminer 50 000 salariés d'ici 2007 et surtout à accélérer le démantèlement de l'Etat-providence, qui constitue pour elle l'encombrant héritage d'une période aujourd'hui révolue (voir dans ce n° l'article sur la Sécurité sociale).
Après les retraites et l'indemnisation du chômage, la
bourgeoisie française a commencé à s'attaquer à
la remise en cause de la Sécurité sociale et à
la réforme de la santé publique (incluant la révision
du mode de financement des hôpitaux, contenue dans le plan "Hôpital
2007"). Mais le niveau de cette attaque, pourtant annoncée
depuis plus d'un an et malgré un certain nombre de mesures touchant
d'ores et déjà tous les prolétaires (voir RI n°
347), reste largement en deçà de celle assénée
l'an dernier sur les retraites. Pourquoi ?
Il est clair que la bourgeoisie hexagonale se retrouve actuellement
en situation particulièrement délicate pour faire passer
les attaques sur la Sécurité sociale. Après le
revers et le désaveu essuyés par le parti au pouvoir lors
des élections régionales en mars, obtenant moins de 20
% des suffrages exprimés, les élections européennes
en mai dernier sont venues confirmer le manque flagrant de "légitimité
démocratique" de l'équipe gouvernementale. Celle-ci
est toujours conduite après trois remaniements ministériels
successifs par le même premier ministre, Raffarin, de plus en
plus impopulaire. Le clan chiraquien qui s'accroche au pouvoir est lui-même
ouvertement déchiré par la lutte fratricide entre le président
de la République et le nouveau prétendant aux dents longues,
Sarkozy.
Dans ce contexte, la bourgeoisie nationale savait bien qu'elle ne pourrait
pas se permettre de renouveler avec la "réforme" de
la Sécurité sociale, le "coup" du passage en
force de l'attaque massive et frontale contre les retraites pendant
l'été 2003.
C'est pourquoi elle a chargé un patelin ministre de la Santé,
Douste-Blazy, d'expédier un premier train de mesures qui donnent
cependant un avant-goût de ce qui attend la classe ouvrière
dans les années qui viennent.
Les faiblesses de la bourgeoisie et les rivalités au sein de
son appareil politique ne lui permettent pas le moindre faux pas et
la contraignent à étaler sur une période plus longue
que prévue cette nouvelle attaque majeure, en la fragmentant
au compte-gouttes, mois après mois. Pour autant, la classe ouvrière
ne doit se faire aucune illusion, le démantèlement de
la Sécurité sociale est une nécessité absolue
pour le capital national et la bourgeoisie, si elle est contrainte de
freiner l'allure de ses attaques aujourd'hui, n'a pas d'autre choix
que de devoir mettre les bouchées doubles dans l'avenir.
C'est aussi parce que la classe dominante ne veut pas prendre le risque
de déclencher un large mouvement social qu'elle pourrait ne pas
contrôler, qu'elle ne relâche pas ses manoeuvres et qu'elle
a déjà balisé le terrain. La journée nationale
de manifestations sur la "défense de la Sécurité
sociale" ,organisée par tous les syndicats le 5 juin dernier,
a été une "mobilisation molle" et une balade
sans conviction pour laquelle les syndicats n'avaient affrété
que quelques cars et avaient organisé des manifestations disséminées
dans tous les recoins de l'hexagone. La manifestation parisienne, pour
sa part, a été largement détournée en cours
de route vers la mobilisation anti-Bush par les gauchistes et les "rassemblements
anti-guerre" de gauche de tous poils, si bien que la plus grande
partie du cortège s'était dispersée avant même
le point d'arrivée.
Juste après cette "journée symbolique", le spectacle
affiché de la "désunion syndicale" était
le plus approprié pour achever de décourager toute velléité
de mobilisation massive des ouvriers. La CFDT et les syndicats des médecins
ont voté pour le projet de loi du gouvernement présenté
devant les caisses de Sécurité sociale, jugeant que le
projet allait dans le bon sens mais "manquait d'audace" et
n'allait "pas assez loin" (tel que !), FO s'abstenait, réclamant
le retour à l'ancienne parité de gestion des caisses d'assurances
maladie (sur laquelle elle a longtemps détenu la haute main,
avant d'être supplantée par la CFDT). Ainsi, la CGT se
retrouvait isolée parmi les "grands syndicats" dans
son "opposition" à la réforme de l'assurance-maladie,
cette "opposition résolue" … prenant la forme
dérisoire d'une pétition nationale envoyée au gouvernement
(la CGT se targue fièrement d'avoir recueilli ainsi plus de 700
000 signatures). On ne saurait faire mieux de la part de tous les syndicats
pour décourager tout élan de lutte et de mobilisation.
Mais la bourgeoisie recourt également une nouvelle fois préventivement
à une stratégie qui a déjà fait ses preuves
à plusieurs reprises et notamment lors de chaque attaque antiouvrière
d'envergure au cours de ces dernières années. Il s'agit
de porter deux attaques en même temps, l'une dirigée contre
les conditions de vie de l'ensemble de la classe ouvrière et
l'autre concernant un secteur plus particulier du prolétariat
ou en d'autres termes, d'ajouter une attaque plus particulière
qui fasse écran à une attaque générale.
Ainsi en décembre 1995, au printemps 2003 et encore aujourd'hui,
on assiste à l'application de ce même schéma général.
Mais derrière cette tactique similaire, en chaque occasion, c'est
dans un contexte et avec des objectifs tout à fait différents.
En 1995, l'objectif essentiel de la manoeuvre était de permettre
aux syndicats discrédités par leurs actions de sabotage
ouvert des luttes ouvrières tout au long des années 1980,
de reprendre pied et de pouvoir revenir sur le devant de la scène
sociale pour assumer plus efficacement leur fonction d'encadrement des
ouvriers. Dans ce but, la bourgeoisie qui, à travers le plan
Juppé, mettait en place une série d'attaques frontales
sur la sécurité concernant l'ensemble de la classe ouvrière,
a cristallisé l'attention sur la mobilisation derrière
les cheminots contre l'attaque spécifique de leur régime
spécial des retraites. Elle a fait une large publicité
à la lutte de ce secteur, le plus combatif mais aussi un des
plus corporatistes, désigné comme le phare de la lutte,
derrière lequel les syndicats avaient mobilisé massivement,
sous leur contrôle, le secteur public. Le retrait, programmé
à l'avance, de l'attaque spécifique visant les cheminots
a permis aux syndicats de crier "victoire" en semant l'illusion
que "tous ensemble", avec les syndicats, les ouvriers avaient
fait reculer le gouvernement. Par la suite, sous les gouvernements successifs
de gauche comme de droite, la bourgeoisie a pu aggraver sans être
inquiétée les mesures du plan Juppé sur la sécurité
sociale. Ce n'est pas un hasard non plus si la lutte des cheminots français
était ensuite mise en avant comme modèle de lutte à
l'échelle internationale et son exemple exploité par d'autres
bourgeoisies, notamment en Allemagne et en Belgique pour entraîner
les prolétaires le plus massivement possible derrière
les actions syndicales.
Au printemps 2003, au milieu de l'attaque générale sur
les retraites visant déjà prioritairement la fonction
publique, le gouvernement rajoutait une couche supplémentaire
d'attaques sur un secteur particulier, celui de l'Education nationale,
avec un projet de délocalisation spécifique concernant
les personnels ATOS. Cela constituait une véritable provocation
alors que les travailleurs de l'enseignement manifestaient déjà
depuis des mois un mécontentement croissant suite à la
détérioration sensible de leurs conditions de travail
au cours des dernières années. Le but essentiel de cette
attaque spécifique était d'empêcher le développement
d'une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme des
retraites. Rapidement, les luttes des personnels de l'enseignement sont
apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais
en leur sein, les syndicats n'ont cessé de mettre en avant les
revendications spécifiques contre la délocalisation, dans
lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître,
qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci
au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement
de faire passer l'attaque sur les retraites mais d'entraîner le
secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par
une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et
impopulaires de boycott d'examens de fin d'année, dans une défaite
la plus amère et cuisante possible, notamment à travers
le non paiement des journées de grève.
Le contexte de la manoeuvre esquissée aujourd'hui avec les électriciens
et les gaziers en même temps que tombait l'annonce des premières
mesures sur la Sécurité sociale est sensiblement différent.
La publicité donnée à l'attaque particulière
liée au changement de statut d'EDF et de GDF vise bien entendu
à masquer l'attaque générale sur la Sécurité
sociale. Pas moins de cinq journées d'action ont été
organisées en un mois dans ce secteur et tous les syndicats se
retrouvent cette fois côte à côte pour s'opposer
au projet de privatisation au nom de la "défense du service
public".
Mais l'action de sabotage de la lutte par les syndicats est surtout
révélatrice de la volonté de la bourgeoisie de
gagner du temps et de miner le terrain pour l'avenir afin de dissuader
cette fois à l'avance les ouvriers de s'engager dans une mobilisation
massive. Elle n'engage pas un secteur entier mais une minorité
de celui-ci. Alors que l'attaque plus spécifique concerne les
deux entreprises publiques chargées de distribuer l'énergie,
les médias focalisent sur les actions des seuls employés
d'EDF. Les syndicats lancent ainsi les ouvriers dans une série
d'actions les plus spectaculaires et les plus médiatisées
possible en cherchant à les faire passer pour ce qu'elles ne
sont absolument pas : des moyens de la lutte. Ils coupent l'électricité
tantôt dans les transports publics, tantôt dans les entreprises,
tantôt chez des ministres ou des parlementaires de la majorité,
ils font même ponctuellement quelques distributions gratuites
ou moins chères d'énergie. De fait, dès le lundi
7 juin au matin, des coupures de courant interviennent dans plusieurs
gares parisiennes, sur une partie du réseau SNCF et sur des lignes
de métro, au moment où les prolétaires doivent
reprendre le chemin de leur travail par les transports en commun. Rien
de tel pour donner une image négative de la lutte de classe.
Pris à parti pour le "caractère illégal"
de leur action, les syndicats se défendent pourtant d'en être
responsables et déclarent que ce sont les agents d'EDF eux-mêmes,
"à la base", qui ont décidé de ces actions
"coups de poing" et qui en ont pris l'initiative dans des
votes démocratiques au cours d'assemblées générales.
Quelle hypocrisie alors que les syndicats depuis des lustres, et notamment
la CGT, n'ont jamais hésité à prendre les autres
ouvriers en otage dans ce type d'actions ! D'ailleurs, le secrétaire
CGT d'EDF pour la région d'Ile-de-France n'hésite pas
à revendiquer ces actions : "On s'est vite rendu compte
de l'impact limité des manifestations festives dans la rue. Pour
qu'on parle de notre lutte, il a fallu s'affranchir de certains tabous
et reprendre l'outil de travail." (cité par Le Monde daté
du 18 juin)
Ce type de manoeuvres, où la bourgeoisie n'a encore besoin que
d'entretenir une agitation syndicale sporadique et limitée pour
faire passer ses attaques constitue pourtant un poison redoutable pour
l'avenir. Il est révélateur des obstacles que les prolétaires
trouveront sur le difficile chemin de la reconquête de leur identité
de classe. Au sein de la bourgeoisie, les syndicats sont appelés
à jouer à nouveau un rôle de premier plan pour entraver
et saper le développement nécessaire de la lutte de classe.
A travers l'entretien d'une agitation sociale sur un terrain hyper corporatiste
et pseudo-radical et par leurs petites actions minoritaires de sabotage,
les syndicats divisent et dénaturent les luttes. Mais en renvoyant
une image de repoussoir, une image négative et dévalorisante
de la lutte de classe, les syndicats visent avant tout à empêcher
une mobilisation massive de la classe ouvrière, discréditent
la lutte de classe et alimentent un sentiment d'impuissance dans les
rangs de la classe ouvrière.
Pour pouvoir s'opposer aux attaques de la bourgeoisie, les ouvriers
doivent prendre conscience que les syndicats sont les plus indispensables
auxiliaires de l'Etat bourgeois comme ils sont les véritables
maîtres d'oeuvre de ces opérations de sabotage de la mobilisation
et de la lutte.
Aujourd'hui, l'accumulation
d'atrocités comme actuellement en Irak, la généralisation
du terrorisme et l'accélération brutale des attaques contre
les conditions de vie de la classe ouvrière (réforme des
retraites, de l'assurance chômage et maladie) suscitent inexorablement
une série d'interrogations croissantes chez cette dernière
et plus particulièrement au sein de ses minorités les
plus avancées.
Quel avenir nous réserve cette société ? Quelle
signification peut-on donner à toutes ces attaques ?
Dans ce flot de questionnements, qui offre un terrain propice au développement
d'une réflexion en profondeur dans la classe ouvrière
sur la nature du capitalisme, il est tout à fait légitime
de se demander de quelle façon une organisation telle que Lutte
Ouvrière (qui prétend être révolutionnaire)
participe à la fructification de ce processus. La question est
d'autant plus légitime que vient de se dérouler, du 29
au 31 mai, l'édition 2004 de la fête de LO.
Enfin, l'enjeu pour LO (et la LCR) est aussi d'éluder la question
de leur implication dans l'épuisement des enseignants. Les trotskistes,
en 2003, avaient tout mis en œuvre pour que ces derniers, après
plus d'un mois de conflit, aillent jusqu'au bout de leurs forces et
soient complètement dégoûtés de la lutte.
Dans le forum que LO avait animé en 2003 sur les luttes dans
l'Education nationale, l'exposé introductif déclarait
notamment : "Ce n'est pas le mouvement qui s'essouffle, c'est le
gouvernement qui manque d'air." Le mot d'ordre trotskiste était
alors de nier purement et simplement la réalité de l'état
du mouvement, c'est-à-dire l'essoufflement. Ainsi, en faisant
croire aux enseignants que la grève "se généralisait"
et que le gouvernement était sur le point de céder, les
groupes trotskistes comptaient emmener les prolétaires dans un
voyage jusqu'au bout de la démoralisation (voir à ce sujet
RI n°337).
Néanmoins, face à la réalité de plus en
plus cauchemardesque du capitalisme, les questionnements restent et
le silence ne suffit pas. Alors quelles réponses met en avant
LO ? Quelle perspective cette organisation soi-disant communiste propose-t-elle
à la classe qu'elle prétend défendre ?
D'abord aller voter. Même si LO, comme caution de sa "radicalité
révolutionnaire", s'est présentée tout au
long de sa fête comme "anti-électoraliste". Comme
toujours LO manie le double langage. La participation systématique
de LO aux élections à l'image de sa porte-parole Arlette
Laguiller, éternelle candidate aux présidentielles depuis
1974, mais aussi des dernières régionales et européennes,
parle d'elle-même. Dans son allocution du 29 mai dans l'enceinte
de la fête, Arlette Laguiller déclarait d'ailleurs : "Nous
participons à ces élections [européennes]. Un courant
comme le nôtre, qui a pour programme de défendre les intérêts
politiques de la classe ouvrière (…) doit être présent
dans une telle campagne électorale." Mais LO n'entend
pas faire de la figuration, comme en témoigne cette profession
de foi de LO/LCR pour les élections régionales de mars
dernier : "En votant pour les listes conduites par LO et la
LCR, vous pouvez élire dans les conseils régionaux des
hommes et des femmes qui représenteront les intérêts
des travailleurs." LO ne se présente-t-elle pas avec
un "programme : "Faire payer les riches", "interdire
les licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices"
et les réquisitionner au passage. En somme, le message consiste
à dire aux ouvriers que, s'ils veulent se défendre, ils
doivent se livrer pieds et poings liés à un ennemi redoutable,
le premier des capitalistes, l'Etat et à son système législatif.
Dans cette logique promue par les organisations trotskistes, les prolétaires
sont réduits au statut inoffensif de citoyen dont le premier
devoir est d'aller voter. Ainsi, la perspective est toute tracée
: la voie démocratique des urnes bourgeoises pour réformer
le monde capitaliste.
Voilà comment concrètement LO donne de la chair aux mystifications
démocratiques pour mieux brouiller la perspective communiste
du prolétariat.
LO va même plus loin, en apportant un inestimable soutien à
la gauche, tout en s'en défendant la main sur le cœur ;
mais comment comprendre des discours se "réjouissant"
de la défaite de la droite sanctionnée par "un vote
qui fait plaisir" (voir à ce sujet RI 346), si ce n'est
comme un salut à la victoire de la gauche ?
Dans ces conditions, l'intervention des révolutionnaires est
cruciale (une responsabilité très largement assumée
par le CCI). En effet, nos interventions dans les divers forums de discussions
de la fête trotskiste avaient pour objectif non seulement de dénoncer
et combattre le réformisme diffusé par LO mais aussi de
susciter une réflexion sur la réalité de ce système,
à savoir sa crise historique irrémédiable et la
nécessité pour le prolétariat de le mettre à
bas à travers le développement de ses luttes. Par exemple,
au cours du forum dédié à la réforme de
la Sécurité sociale, alors que LO, exactement comme pour
les retraites, nous a resservi son vieux couplet "faisons payer
les patrons", l'intervention du CCI s'est efforcée de démontrer
pourquoi la classe dominante procède aujourd'hui au démantèlement
de "l'Etat-Providence". En quoi la faillite du capitalisme
contraint la bourgeoisie à défaire un système d'assurance
maladie dont elle avait par ailleurs besoin pour soigner et réparer
la force de travail des prolétaires. Puisque l'extraction de
la plus-value (à la base du profit) ne s'obtient que par l'exploitation
de la force de travail, si cette dernière n'est pas entretenue
elle devient très vite inexploitable ce qui est la pire chose
qui soit pour un capitaliste. Par conséquent, ce n'est pas par
cupidité, comme veut nous le faire croire LO, que la bourgeoisie
saigne le prolétariat mais parce que la crise insurmontable de
son système l'y conduit forcément. Dès lors, toute
proposition de contre-réforme façon LO pour une meilleure
gestion des richesses est un leurre pour détourner les ouvriers
de la seule réponse possible, la révolution communiste.
De même, lors du forum consacré à l'altermondialisme,
l'exposé de LO s'est entouré de nombreuses précautions
pour se démarquer de ce mouvement taxé de réformisme,
qualificatif en soi tout à fait juste. Mais, comme l'a montré
notre intervention, si le mouvement altermondialiste relève de
l'idéologie réformiste, LO n'a absolument aucune leçon
à recevoir en ce domaine. De plus, malgré sa posture condescendante
vis-à-vis de l'altermondialisme et son air de ne pas trop y toucher
(bien qu'elle se retrouve main dans la main à de nombreuses occasions
avec la LCR, organisation trempée jusqu'au cou dans cette mouvance),
LO n'hésite pas à apporter un crédit à ce
mouvement créé de toute pièce et financé
de bout en bout par la classe dominante (voir RI n°341). Quoi d'étonnant
à cela puisque leurs objectifs sont communs, à savoir
: pourrir la réflexion de la classe ouvrière et de ses
minorités les plus avancées en les plongeant dans le purin
réformiste. Comme LO l'a répété dans un
forum et l'a aussi mis en avant dans son organe Lutte de Classe n°77,
"nous n'excluons pas d'être solidaires de certaines de
ses initiatives [du mouvement altermondialiste] et de nous retrouver
ponctuellement dans certains de ses combats, voire de participer à
certaines de ses manifestations, exactement comme nous pouvons participer
ou être solidaires d'actions ou de manifestations du PCF…"
Et voilà comment la boucle est bouclée. La solidarité
avec l'altermondialisme ne pouvait que se confondre pour LO avec la
solidarité qu'elle doit aux partis bourgeois qui le compose parmi
lesquels se comptent le PS et le PCF. C'est ce que nous avons pu constater,
une fois de plus, à la fête de Presles lors d'un forum
intitulé "Où va le PCF ?" et où toute
la rhétorique infâme de LO s'ingéniait à
nous faire croire qu'en dépit de sa direction pervertie, le PCF
reste animé d'une vie prolétarienne ! Belle preuve de
solidarité de LO envers son frère de classe pour redorer
le blason d'un parti aujourd'hui à des années lumières
de la classe ouvrière, qui fut l'un des fers de lance de la contre-révolution
stalinienne des années 1930 et un pourvoyeur de chair à
canon sans pareil au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la fête de LO, tous les moyens nécessaires ont
été mis en oeuvre pour qu'aucune réflexion en profondeur
ne puisse voir le jour. En fait, le combat que mène LO est celui
de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, un combat contre
le développement de sa conscience et de ses luttes.
Au cours de cette fête de LO, le CCI (avec l'appui de ses sympathisants)
a assumé son rôle d'organisation révolutionnaire
en intervenant le plus largement possible pour combattre les entraves
posées et les poisons idéologiques déversés
par les trotskistes. A l'avenir, comprendre la nature contre-révolutionnaire
du trotskisme sera pour le prolétariat une condition incontournable
pour qu'il se réapproprie sa perspective, celle de la révolution
communiste.
Avec son nouveau plan de
"sauvetage de la sécurité sociale", le gouvernement Raffarin
s'apprête une nouvelle fois à réduire le coût du salaire social. C'est au tour
de la santé de faire les frais de ce nouveau plan d'austérité, après les
attaques significatives menées au printemps dernier vis-à-vis des pensions de
retraite et des indemnités de chômage en janvier dernier. Loin d'être une
spécificité nationale, ces attaques se développent et se généralisent à
l'ensemble des pays capitalistes qui avaient mis en place l'État-providence à
la fin de la Seconde Guerre mondiale en vue de reconstruire leurs économies
dévastées et qui avaient besoin pour cela d'une main d'oeuvre en bonne santé.
L'attaque actuelle sur le système de soins en France, comme en Allemagne il y a
quelques mois, signifie la fin du Welfare State et fait voler en éclats le
mythe des "acquis sociaux". Cette attaque révèle que, face à
l'approfondissement de la crise économique, au développement du chômage massif,
la bourgeoisie ne peut continuer à entretenir la force de travail en grande
quantité. La survie du capitalisme passe par une intensification de la productivité
du travail, la recherche d'une main d'oeuvre la moins chère possible, tout en
réduisant le coût de l'entretien de cette force de travail. Pour une grande
majorité de prolétaires, c'est la précarité et la misère, voire l'exclusion
définitive du système de production ou la mort comme on l'a vu pour les plus
démunis (personnes âgées, SDF, handicapés) lors de la canicule de l'été 2003.
Alors que cette attaque massive sur la santé nécessite une riposte massive et unitaire de l'ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, au chômage et retraités), les syndicats et leurs complices trotskistes et altermondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour "sauver la sécurité sociale". Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu'un pan supplémentaire de l'État-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : "La Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la continuité des acquis sociaux du Front populaire de 1936." Face à cette nouvelle falsification de l'histoire par l'ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s'appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue des besoins du capitalisme. C'est cette réaffirmation de l'analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c'est la faillite historique de l'Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la sécurité sociale.
C'est le prolétariat durant la seconde moitié du 19e siècle, dans la phase
de développement du capitalisme, qui va développer dans un premier temps pour
faire aboutir ses revendications économiques (réduction horaire de la journée
de travail, l'interdiction de l'exploitation des enfants, du travail de nuit
pour les femmes, etc.) ses propres caisses de grève ou de secours, ses propres
mutuelles en cas de maladie ou de licenciement. Le plus souvent ce sont les
syndicats ouvriers qui gèrent la mise en place de cette solidarité économique
au sein de la classe ouvrière. Mais cette solidarité a un sens politique, car
au cours de ses luttes pour arracher une amélioration de ses conditions d'existence
et des réformes sur le plan politique, le prolétariat se constitue en classe
avec comme perspective, lorsque les conditions économiques seront à maturité,
la prise du pouvoir politique en vue de l'instauration de la société
communiste.
Avec le développement meurtrier de la Première Guerre mondiale, le capitalisme
signe la fin de son expansion économique et l'entrée de son mode de production
dans sa phase de décadence. Celle-ci se caractérise par une absorption de la
société civile par l'Etat. La bourgeoisie doit imposer sa domination de classe
sur l'ensemble de la vie économique, sociale et politique et c'est l'Etat qui
va remplir ce rôle. Face à ce changement de période, les syndicats vont devenir
une force d'encadrement de la classe ouvrière, au service du capital.
"L'Etat maintient les formes d'organisation des ouvriers (syndicats)
pour mieux les encaserner et mystifier. Le syndicat devient un rouage de l'Etat
et comme tel intéressé à développer la productivité, c'est à dire accroître
l'exploitation du travail. Le syndicat fut l'organe de défense des ouvriers
tant que la lutte économique eut un sens historique. Vidé de ce contenu ancien,
le syndicat devient sans changer de forme, un instrument de répression
idéologique du capitalisme d'Etat et de contrôle sur la force de travail."
("Sur le capitalisme d'Etat", Internationalisme 1952, repris dans la
Revue internationale n°21, 2e trimestre 1980).
Ainsi, l'Etat s'approprie directement, ou par le biais de sa police syndicale,
les différentes caisses de secours et mutuelles ouvrières et vide de son
contenu politique la notion même de solidarité ouvrière.
"La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du
prolétariat pour la transférer en solidarité économique aux mains de l'Etat. En
subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une
rétribution indirecte par l'Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la
mystification consistant à présenter l'Etat comme un organe au-dessus des
classes, garant de l'intérêt commun et garant de la Sécurité sociale de la
classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et
idéologiquement la classe ouvrière à l'Etat." (Revue Internationale
n°115, page 13)
Non seulement la bourgeoisie fait apparaître l'Etat comme le défenseur des
classes laborieuses, mais la tentative de mise en place des premières
assurances sociales a pour objectif aussi d'encadrer le prolétariat.
Dans les années 1920, le projet des assurances sociales est porté par la
volonté d'instaurer la paix sociale par la participation des ouvriers à la
gestion nationale, comme le souligne le rapport Cerinda :
"Dans les conseils d'administration des assurances sociales se
trouveront réalisés le rapprochement et la collaboration fraternelle des
classes ; salariés et employeurs n'y défendront pas des intérêts antagonistes :
ils seront unis dans une même pensée : celle de combattre les deux grands
fléaux des travailleurs, la maladie et la misère. Ce contact permanent
préparera l'association de plus en plus étroite du capital et du travail."
(Citation page 86 du livre de Bruno Palier, Gouverner la Sécurité sociale,
éditions PUF)
Malgré cette volonté politique de l'Etat, du patronat et des syndicats de
mettre en œuvre ce projet d'assurances sociales obligatoires, ce n'est que
pendant la Seconde Guerre mondiale que le Conseil National de la Résistance
mettra au point l'organisation du régime général de la sécurité sociale.
C'est au cours de la deuxième boucherie mondiale que la bourgeoisie,
consciente des millions de victimes que le conflit militaire va provoquer,
ainsi que des destructions et des ravages pour son économie mondiale, qu'elle
s'empresse de donner une justification morale à sa propre barbarie.
"Dans un message solennel au congrès prononcé le 6 janvier 1941, le
président Roosevelt a donné le premier une justification morale au conflit en
lui assignant notamment pour objectif une "libération du besoin" pour
les masses. Ce mouvement culmine en mai 1944 avec la déclaration de
Philadelphie de l'Organisation internationale du travail par laquelle les pays
membres font de la réalisation d'une véritable sécurité sociale un objectif
prioritaire de l'après-guerre. En conséquence, la sécurité sociale figure en
bonne place dans les buts de guerre définis par les Alliés." (Histoire
de la Sécurité sociale, 1945-1967, page 30, Bruno Valat, Ed.Economica)
Dès 1941, l'Angleterre met en chantier le développement des allocations familiales
et le "plan Beveridge" en 1942, en pleine guerre, crée une couverture
sociale étatique pour soutenir l'effort de guerre et le moral des troupes. En
Belgique, c'est en 1944 que se crée un système obligatoire de sécurité
collective sous le contrôle de l'Etat.
En France, alors qu'une partie de la bourgeoisie se retrouve dans le
gouvernement de Vichy[1] [6],
l'autre partie en exil avec à sa tête le général de Gaulle, reprend cette
préoccupation. Il déclare en avril 1942 dans un message solennel à la Résistance
: "La sécurité nationale et la sécurité sociale sont pour nous des buts
impératifs et conjugués." (Bruno Valat, idem) Aussi n'est-il pas
étonnant que le programme de mars 1944 du Conseil National de la Résistance, où
les staliniens du PCF sont majoritaires, réclame un plan complet de sécurité
sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence.
Ainsi, loin d'être une victoire ouvrière, c'est surtout la capacité de la
bourgeoisie internationale à prévoir l'encadrement du prolétariat à la fin de
la guerre en vue de l'effort de reconstruction qui est à l'origine de la
généralisation des systèmes de protection sociale. Les années d'après-guerre
sont terribles pour les conditions de vie du prolétariat. Les salaires sont
bloqués depuis la guerre, l'inflation galope, dopée par un marché noir toujours
florissant, les tickets de rationnement existant depuis l'occupation vont être
maintenus jusqu'en 1950, y compris l'électricité et l'essence. La ration de
pain qui est de 200 g à l'été 1947, n'est que de 250 g en juin 1948. Le revenu
national en 1948 est encore inférieur de 4% à son niveau de 1938. Aux maigres
salaires et à la pénurie alimentaire se rajoutent un état sanitaire déplorable
et une démographie catastrophique. La mortalité infantile est en 1946 de plus
de 84 pour 1000, et la population adolescente souffre de rachitisme. Face à
cette situation, la bourgeoisie sait qu'elle ne pourra relever le capital
national avec une classe ouvrière autant affaiblie, d'autant plus que se
rajoute les pertes humaines de la guerre qui font que la main-d'œuvre fait
défaut. La création de la sécurité sociale, la médicalisation de la santé est
donc le moyen de se donner une force de travail et d'entretenir celle-ci à la
hauteur des enjeux de la reconstruction. En échange d'une surexploitation (la
durée de travail en 1946 est de 44 h et 45 h en 1947), le prolétariat va avoir
accès à une couverture sociale lui permettant de reconstituer sa force de
travail. Pierre Laroque, haut fonctionnaire, chargé de mettre en oeuvre la
sécurité sociale avec l'ordonnance du 4 octobre 1945, est explicite sur ces
objectifs, même s'il enveloppe la marchandise avec un couplet humaniste :
"Le but était d'assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer
aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une
transformation sociale et même économique : l'effort qu'on leur demandait pour
la remise en marche de l'économie devait avoir une contrepartie".
Ainsi que le commente Bruno Palier : "En 1945, c'est aussi un
investissement politique immédiat, qui doit permettre d'obtenir la
participation des salariés aux travaux de reconstruction (…) Cette dimension du
plan français de Sécurité sociale, contrepartie aux efforts de reconstruction
(et à la modération des augmentations des salaires directs), qui apparaît comme
une sorte de contrat social de la Libération." (Ibid.)
Face aux critiques de certains parlementaires qui estiment trop important le
coût financier de la sécurité sociale, le socialiste Daniel Mayer, ministre du
travail en 1949, répond :
"Tout industriel considère comme normal et nécessaire de prélever sur
ces recettes les sommes indispensables à l'entretien de son matériel. La
Sécurité sociale, dans une large mesure, représente l'entretien du capital
humain du pays, qui est aussi nécessaire aux industriels que les machines. Dans
la mesure où la Sécurité sociale contribue à conserver le capital humain, à
développer ce capital, elle apporte à l'économie un concours que l'on ne
saurait sous-estimer." (Bruno Valat, idem).
C'est pour cela que dans un premier temps, la sécurité sociale sera réservée
aux travailleurs salariés, du fait que c'est sur eux que la bourgeoisie compte
pour redresser le pays et l'on renvoie à plus tard l'application du régime à la
population non salariée. On mesure ainsi le mensonge des syndicats sur la
création de la "Sécu" comme une conquête ouvrière, alors que cette
"concession" se fait au prix d'une surexploitation sans commune
mesure de la force de travail. Ainsi, en 1950, l'industrie française a presque
retrouvé le niveau de production de 1929. Comme en 1936, ce sont les staliniens
(PCF) grâce à leur engagement au sein de la résistance qui vont jouer un rôle
déterminant dans l'embrigadement du prolétariat pour la reconstruction. Plusieurs
ministres communistes seront présents dans le gouvernement du général de
Gaulle, appelant le prolétariat par la voix de son leader Thorez à "se
retrousser les manches" pour reconstruire le pays et dénonçant la grève
comme étant "l'arme des trusts", de même que la CGT aura le monopole
de la présidence des caisses d'assurance sociale jusqu'en 1947. (Voir notre
brochure, Comment le PCF est passé au service du capital) Par la suite, ce sont
les autres syndicats qui succèderont à la CGT.
Si, dans les années qui suivent la guerre, la sécurité sociale va être
étendue à l'ensemble de la population, dès le début des années 1970, les
premiers signes de la crise économique viennent sonner le glas de ces
politiques sociales. La Sécurité sociale en soi ne pouvait fonctionner que dans
la mesure où le capitalisme pouvait garantir le plein emploi. Le développement
du chômage fait que les dépenses sociales augmentent plus vite que le Produit
Intérieur Brut (PIB). Face à cette situation, la bourgeoisie répond par des
mesures keynésiennes de relance de la consommation notamment en augmentant et
en créant de nouvelles prestations familiales sous conditions de ressources. Du
point de vue de la gestion du capitalisme, ces mesures vont augmenter de façon
considérable les déficits publics. Dorénavant, de 1975 jusqu'à aujourd'hui, la
bourgeoisie ne va pas cesser de courir après les déficits, avec notamment le
fameux "trou de la Sécu" qui semble un gouffre sans fin, malgré les
hausses permanentes des cotisations sociales et des baisses à répétition des
prestations sociales. Tout au long des années 1980 et 1990, les gouvernements
successifs de droite comme de gauche vont redoubler d'ingéniosité pour inventer
toutes sortes de taxes (alcools, tabac, essence) et de création de nouvelles
cotisations (CSG), accompagnées de multiples plans d'austérité qui se succèdent
tant sur le plan de l'assurance maladie que pour les retraites et les
allocations chômage. Le bilan est sans appel ! Non seulement la classe ouvrière
qui a encore du travail voit une partie toujours plus importante de son salaire
ponctionné pour financer les déficits et autres mutuelles complémentaires, mais
en plus le système de soins se dégrade compte tenu des réductions d'effectifs
dans le secteur de la santé et des plans d'austérité à répétition. Pour le
reste de la classe ouvrière et de la population, la perspective est à toujours
plus de paupérisation et d'exclusion sociale.
Ainsi, loin d'être une conquête ouvrière, la Sécurité sociale est par contre un
organe d'encadrement étatique réel. Grâce à la participation des syndicats à la
gestion des caisses d'assurance maladie, en compagnie du patronat, puis par la
suite des caisses de retraite et de chômage, cette gestion paritaire donne
l'illusion qu'on peut faire une politique qui va dans le sens des intérêts des
travailleurs[2] [7].
Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la santé signifient la faillite du
système capitaliste, la fin de l'État-providence et du mythe d'une couverture
sociale "du berceau à la tombe". Si les révolutionnaires sont
solidaires de leur classe face aux attaques tant sur le salaire direct que sur
le salaire social, en même temps nous dénonçons avec virulence le mythe d'une
Sécurité sociale mise en oeuvre par un Etat qui serait au-dessus des classes
sociales pour le bien-être des ouvriers. La préoccupation du capitalisme en
1945 était d'avoir une main-d'œuvre en bonne santé pour réussir la
reconstruction. En 2004, face à un réservoir sans fin de main-d'œuvre, le
capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir
à bas coût l'achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres.
"Il n'est pas besoin de souligner que si la société socialiste défend
l'individu contre la maladie ou les risques de l'existence, ses objectifs ne
sont pas ceux de la Sécurité sociale capitaliste. Celle-ci n'a de sens que dans
le cadre de l'exploitation du travail humain et en fonction de ce cadre. Elle
n'est qu'un appendice du système." (Internationalisme 1952, repris
dans notre Revue Internationale n°21, 2e trim. 1980).
[1] [8] La mystification qui consiste à présenter le gouvernement d'union nationale de 1945 de la "Libération", comme une rupture politique avec le régime de Vichy est un mensonge. Non seulement les partis de la résistance regroupés autour du général de Gaulle vont reprendre ce qui existait au niveau social sous Pétain (issu du modèle allemand de Bismarck) en l'élargissant, notamment la création de la retraite des vieux travailleurs et les allocations familiales (mesure votée à la fin de la 3e République), mais c'est la même administration et les hauts fonctionnaires de Vichy qui mettront en oeuvre la sécurité sociale. Quel que soit le régime, la continuité de l'Etat capitaliste est toujours préservée. (Voir à ce propos, le livre de Robert O. Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, éditions du Seuil, page 309)
[2] [9] Non seulement, les syndicats sont un rouage de l'Etat, mais en plus ils vivent de façon parasitaire sur le dos de la classe ouvrière. En fait une des raisons pour lesquelles les syndicats sont autant attachés à préserver leur participation dans la gestion des assurances sociales, c'est que l'Etat leur verse des subsides conséquents pour cela, grâce aux multiples cotisations versées par les ouvriers. "La manne de l'assurance maladie prend aussi une forme sonnante et trébuchante. L'ensemble des partenaires reçoit des crédits au titre de la formation des administrateurs et des frais de secrétariat technique, les syndicats touchant en outre des fonds pour la formation aux questions de Sécurité sociale. En 1994, selon les chiffres de la caisse nationale, la CGT a reçu 10 millions de francs, FO 9,9 millions, la CFDT 9,3 millions, la CGC 6,2 millions et la CFTC 5,6 millions (avec environ 3 millions pour le patronat). Au total, de 1991 à 1994, la CNAM a versé 181,7 millions aux partenaires sociaux. Le tout sans grand contrôle sur leur utilisation…" (Les Echos, 28 juin 1995)
L'année 1989 connaît l'effondrement du bloc soviétique. Cet événement, en premier lieu fruit de la crise économique mondiale du capital, va avoir immédiatement des répercussions de très grande importance sur la vie et le développement du capitalisme. La classe ouvrière doit se rappeler qu'à ce moment-là tous les leaders de la bourgeoisie mondiale nous promettaient une nouvelle époque : "Une ère de paix et de stabilité". L'effondrement du stalinisme devait signifier la fin de la barbarie. L'évolution sanglante de la réalité allait très rapidement démontrer exactement le contraire. Dès le début des années 1990, la barbarie s'installait comme une donnée permanente dans la vie de la société, se généralisant à l'ensemble de la planète, frappant de manière de plus en plus aveugle, s'étendant progressivement aux grandes métropoles capitalistes. Elle concrétisait, dans le sang et la boue, l'entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence : celle de sa décomposition accélérée. A la place d'un affrontement impérialiste enserré dans le corset de fer des blocs impérialistes soviétique et américain, commençait à s'installer une logique guerrière radicalement différente, une logique où chaque pays capitaliste allait défendre ses intérêts propres en dehors de toute alliance stable soumise à un état impérialiste dominant. Chaos, perte de contrôle, anarchie grandissante et accélération de la décomposition ne pouvaient en être que la concrétisation dramatique.
En 1991, la première guerre du Golfe concrétisa pour la première fois l'ouverture toute grande des portes du nouveau désordre mondial, même si ce conflit permit momentanément aux Etats-Unis de réaffirmer leur rôle de toute première puissance. A cette époque, c'est le gouvernement américain qui a voulu cette guerre, en affirmant auprès de Saddam Hussein par l'entremise de son ambassadrice April Glaspie qu'un conflit éventuel entre l'Irak et le Koweït relevait d'un problème "interne au monde arabe", laissant entendre que les Etats-Unis se désintéressaient de la question. De fait, le piège ainsi tendu à Saddam Hussein poussa celui-ci à envahir militairement le Koweït, fournissant ainsi le prétexte à une intervention massive des Etats-Unis. Pour l'impérialisme américain, cette guerre fut l'instrument de la réaffirmation brutale de leur autorité sur les principales puissances rivales telles l'Allemagne, la France et le Japon qui, depuis 1989 et l'effondrement du bloc soviétique, tendaient de plus en plus clairement à défendre leur seul intérêt impérialiste en développant une politique croissante de contestation du leadership américain. Il est indéniable qu'à cette époque la puissance américaine remporta une victoire sur l'ensemble de la scène mondiale. Elle se paya même le luxe de laisser Saddam Hussein maître de Bagdad afin que l'Irak ne sombre pas dans un chaos total comme aujourd'hui. Mais cette victoire ne pouvait être que de courte durée. Alors qu'aucun apaisement sur le plan de la concurrence économique ne pouvait être envisagé, les tendances centrifuges au "chacun pour soi" de chaque puissance impérialiste ne pouvaient que gagner en ampleur, poussant ainsi inexorablement à nouveau les Etats-Unis à utiliser leur suprématie militaire, afin de tenter de freiner la contestation croissante à leur égard. Ainsi pouvions nous déjà percevoir en 1991 : "Que ce soit sur le plan politique et militaire ou sur le plan économique, la perspective n'est pas à la paix et à l'ordre mais à la guerre et au chaos entre nations." (Revue Internationale n°66, article "Le chaos"). Cette tendance à la décomposition du capitalisme et à l'affaiblissement du leadership américain allait se poursuivre et se confirmer tout au long des années 1990. Ce sont en effet ces mêmes puissances qui, quelques mois seulement après la première guerre du Golfe, allaient pousser un nouveau déchaînement de la barbarie qui devait aboutir en 1992 à un embrasement total de la région des Balkans. En effet, c'est l'Allemagne qui, en poussant la Slovénie et la Croatie à proclamer leur indépendance vis-à-vis de l'ancienne confédération yougoslave, a fait éclater ce pays et a joué un rôle primordial dans la déclenchement de la guerre en 1991. Face à cette poussée de l'impérialisme allemand, ce sont les quatre autres puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie) qui ont soutenu et encouragé le gouvernement de Belgrade à mener une contre-offensive particulièrement meurtrière. Cependant, l'affaiblissement historique des Etats-Unis déjà à l'œuvre en 1991 allait les conduire à des changements d'alliance successifs se traduisant par leur soutien à la Serbie en 1991, à la Bosnie en 1992 et à la Croatie en 1994. Les Balkans se transformaient alors irrémédiablement, comme l'Afghanistan quelque temps plus tard, en un véritable bourbier fait de guerres civiles permanentes. Aujourd'hui encore en Afghanistan, aucune autorité, locale ou américaine, ne peut s'exercer en dehors de la capitale Kaboul. Les années 1990 vont ainsi connaître une généralisation progressive du chaos, expression de l'évolution de la décomposition de la société capitaliste, décomposition qui va connaître une violente accélération au début des années 2000.
Il est impossible de décrire aujourd'hui la situation en Irak.
Courrier International du 14 juin titrait : "En Irak, la violence,
toujours." A elle seule, la journée du jeudi 24 juin est
un exemple dramatique de l'état de guerre civile dans lequel
se trouve plongé l'Irak. Ce jour-là, il n'y aura pas eu
moins de sept attentats dans la seule ville de Mossoul, faisant officiellement
au moins 100 morts. Dans le même temps, des affrontements armés
se poursuivaient dans de nombreuses villes irakiennes comme à
Bakuba ou Nadjaf. A quelques jours du transfert de pouvoir au nouveau
gouvernement irakien, le pays est plongé dans un chaos total,
une anarchie généralisée où les forces politiques
et militaires ne peuvent plus contrôler que des zones géographiquement
limitées. Le premier ministre irakien Iyad Allaoui s'efforce
d'annoncer, à grand renfort de publicité, qu'il prendra
personnellement en main la lutte contre la violence, et ceci après
la montée en puissance des accrochages militaires, attentats
et autres sabotages d'oléoducs, en passant par des prises d'otages
finissant le plus souvent par des meurtres sanglants. La décapitation
des otages, filmée et projetée sur tous les écrans
du monde, devient aujourd'hui une pratique courante, un moyen de guerre
comme un autre, à l'égal d'un terrorisme n'ayant pour
objectif que la destruction massive. Torture et terrorisme ont toujours
fait partie des conflits armés dans l'histoire, mais ils restaient
des phénomènes secondaires. Cette dégradation des
règles d'affrontements est sans aucun doute une des expressions
majeures de l'accélération de la décomposition
du système capitaliste.
La perspective dans ce pays ne peut être que vers une déstabilisation
croissante. L'affaiblissement, la perte de contrôle des Etats-Unis
y sont patents. Le New York Times déclare : "Les forces
de la coalition n'ont pas seulement échoué à assurer
la sécurité de la population irakienne, mais également
à réaliser un autre objectif désigné comme
prioritaire par l'administration provisoire : le rétablissement
total de l'électricité avant le début des chaleurs
d'été." En Irak aujourd'hui, tout manque, y compris
l'eau, à une population confrontée à des conditions
de survie effroyables. De plus en plus clairement, les Kurdes, Chiites,
Sunnites expriment leurs intérêts propres et divergents.
De plus, un phénomène nouveau est en train de se généraliser
: l'apparition de bandes armées, fanatisées, passant à
l'offensive armée contre les intérêts américains
en dehors de tout contrôle assumé par des organisations
ethniques ou religieuses nationales. Avant même que d'être
mis en place, le gouvernement provisoire apparaît totalement impuissant
et discrédité.
Le Washington Post affirme : "Quoique l'administration Bush ait
plusieurs fois promis que les Irakiens retrouveraient leur entière
souveraineté, il est clair que ce sont des officiers américains
qui garderont la mainmise sur la question essentielle de la sécurité."
Cette perspective est celle d'un enfoncement croissant de la puissance
américaine dans le bourbier irakien. Elle traduit l'incapacité
américaine à maîtriser même militairement
la situation irakienne. Cet affaiblissement accéléré
s'est concrétisé par l'obligation pour les Etats-Unis
d'en passer par l'ONU, un projet de résolution américano-britannique
proposé fin mai au Conseil de sécurité prévoyant,
entre autres, la mise en place de forces multinationales sous un commandement
américain. Ce recours obligé à l'ONU par l'administration
américaine est la manifestation directe de son incapacité
à assurer sa domination par les armes, y compris dans un pays
aussi faible que l'Irak. Derrière les premières déclarations
de façade ayant le ton de la satisfaction, l'appétit des
autres grandes puissances voulant profiter de chaque recul des Etats-Unis
pour défendre leurs propres intérêts impérialistes
s'est clairement manifesté. Le 27 mai, la Chine a diffusé
un document soutenu par la Russie, la France et l'Allemagne soulevant
des objections et contenant des propositions de changement majeur de
cette résolution. Notamment le gouvernement intérimaire
devait jouir de la "pleine souveraineté sur les questions
économiques, de sécurité, de justice et de diplomatie".
En outre, ces puissances ont proposé que le mandat de la force
multinationale en Irak s'achève fin janvier 2005 et que le gouvernement
provisoire soit consulté pour les opérations militaires
à l'exclusion des mesures d'autodéfense. De fait, ce document,
directement dirigé contre les Etats-Unis, démontre que
la seule préoccupation de ces grandes puissances est d'enfoncer
et d'affaiblir autant que possible la première puissance mondiale
sans se préoccuper le moins du monde des conséquences
d'un tel affrontement pour la population irakienne et pour toute la
région.
On assiste aujourd'hui à une déstabilisation de l'ensemble
de l'Asie du Sud-Ouest. En Arabie saoudite, les attentats attribués
à Al-Qaida se multiplient, manifestant l'énorme montée
des tensions entre le régime de Ryad et les éléments
Wahhabites toujours plus nombreux à se fanatiser. La virulence
des dirigeants chiites irakiens ne manque pas également d'avoir
des répercussions sur la stabilité en Iran. Quant à
la Turquie, la tension y est particulièrement forte. Le 1er juin,
le PKK (Parti des travailleurs kurdes) a annoncé qu'il mettait
unilatéralement fin au "cessez le feu" dans la guerre
menée contre l'Etat turc. Le Neue Zueriche Zeitung du 3 juin
rapportait que "des cercles de l'armée turque pensent que
des centaines de rebelles armés du PKK ont infiltré la
Turquie depuis le Nord de l'Irak au cours des dernières semaines.
Le gouvernement turc accuse les Etats-Unis de n'avoir rien fait contre
la présence du PKK dans le Nord de l'Irak." Le même
quotidien de Zurich observe qu'"un nouvel éclatement de
la guerre pourrait être dévastateur pour l'ensemble de
la région".
Par ailleurs, depuis l'arrivée de l'administration Sharon au
pouvoir en Israël, la situation au Moyen-Orient n'a fait que sombrer
dans une guerre permanente et des massacres aveugles de population.
Derrière le projet d'un grand Moyen-Orient, d'un retrait hypothétique
de la part des Israéliens de la Bande de Gaza et d'une occupation
militaire croissante de la Cisjordanie, se matérialise à
l'égal de celle des Etats-Unis une politique de fuite en avant
de la part du gouvernement israélien. Il est patent que la logique
guerrière y prend de façon absolue le pas sur tout autre
modalité de défense des intérêts nationaux
israéliens. Cette politique, suicidaire à terme, a même
provoqué une montée de tensions entre Israël et l'Egypte,
cette dernière restant pourtant, après l'Etat hébreu,
un des seuls alliés des Etats-Unis dans la région. De
fait, l'administration américaine pèse de moins en moins
sur l'orientation de la politique guerrière israélienne.
Ceci traduit l'incapacité actuelle des Etats-Unis à être
les gendarmes du monde. Cette réalité ne fait qu'exprimer
au plus haut niveau la perte de contrôle de toutes les autres
grandes puissances dans les zones qu'elles tentent encore de maintenir
sous leur influence.
Les raids militaires menés en Ingouchie dans la nuit du 21 au
22 juin et qui ont fait au moins 48 morts, dont le ministre Kostoiev,
viennent rappeler que c'est l'ensemble des anciennes républiques
du Sud de l'URSS, et pas seulement la Tchétchénie, qui
est plongé dans l'anarchie et la guerre civile. Quant à
la France, et ceci après sa participation active il y a dix ans
au massacre de près d'un million de personnes au Rwanda, elle
ne peut que constater aujourd'hui sa propre impuissance, les Tutsis
étant en cette mi-juin à nouveau au centre d'un conflit
touchant la république du Congo. Le Soir (quotidien belge) du
4 juin affirme : "Les incidents à l'Est du pays font craindre
le pire a de nombreux observateurs : la résurgence de la guerre
dans une région meurtrie par des conflits frontaliers, politiques
et ethniques sanglants."
Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York avaient amené les Etats-Unis à affirmer qu'ils traqueraient le terrorisme aux quatre coins de la planète, ramenant ainsi la démocratie et la paix. Le résultat aujourd'hui s'inscrit en lettres de sang partout dans le monde. L'anarchie totale que l'on voit en Iran et qui s'étend progressivement à toute l'Asie du Sud-Ouest manifeste la perte de contrôle grandissante des grandes puissances de ce monde sur la marche générale de la société. La dynamique de la guerre en Irak n'est que l'exemple dramatique et barbare de ce qui attend toute l'humanité si la classe ouvrière laisse aller le capitalisme à sa seule perspective. L'engrenage dans lequel sont entraînées toutes les puissances impérialistes, y compris les plus fortes, ne peut que produire, en plus dramatique, des guerres telles que celle qui se déroule en Irak. Cette barbarie en pleine évolution touche maintenant le cœur de l'Europe, avec les attentats terroristes du 11 mars dernier à Madrid dont l'objectif était le massacre le plus important possible de la population ouvrière. Il est important que le prolétariat comprenne que, contrairement à ce que tente de nous faire croire la bourgeoisie, cette évolution guerrière, totalement irrationnelle et barbare, n'est pas due à la folie de quelques dirigeants du monde. Il est par exemple de notoriété publique que J.Kerry, le candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles américaines, n'a aucune alternative à proposer à l'actuelle orientation en politique étrangère de l'administration Bush. Quel que soit le résultat de ces élections, le fond de la logique impérialiste américaine ne sera en rien modifié. La fuite en avant militaire de l'Amérique refusant son affaiblissement historique et sa perte de contrôle sur le monde est un fait totalement irréversible. Le désordre mondial actuel n'est pas dû, comme l'affirme la propagande de la bourgeoisie, à un fanatique religieux nommé Ben Laden ou à une administration américaine composée d'autres fanatiques de la guerre à outrance comme Rumsfeld ou Wolfowitz. Bien au contraire, c'est la faillite en cours du capitalisme mondial, poussant celui-ci dans une logique de guerre totalement irrationnelle, qui détermine l'évolution des mœurs de la bourgeoisie et des équipes qui gouvernent les Etats. En ce sens, le capitalisme tendra de plus en plus, dans l'avenir, à porter au pouvoir des fractions de la bourgeoisie de plus en plus fanatisées, y compris au sein des plus grandes puissances de ce monde. Comme les marxistes l'ont toujours affirmé, seul le prolétariat porte en lui la force capable de détruire le capitalisme et d'empêcher ce monde de s'effondrer dans la pire des barbaries. La classe ouvrière doit garder en mémoire que c'est la révolution du prolétariat en Russie en octobre 1917 qui a mis fin à la première boucherie mondiale.
Tino (25 juin)Cela fait longtemps
que le capitalisme américain fait preuve de créativité
en utilisant les statistiques pour donner un coup de pouce à
une réalité par ailleurs fort morose. Par exemple, le
gouvernement américain calcule le chômage en ne comptant
que les chômeurs qui ont activement cherché du travail
pendant les 30 derniers jours. Ceux qu'on appelle les "ouvriers
découragés", qui ont laissé tomber la recherche
d'emplois inexistants, ne sont pas considérés comme chômeurs -on considère qu'ils ne font plus partie des actifs. D'après
le gouvernement, ce ne sont plus des ouvriers. Un autre exemple : jusqu'au
début des années 1980, on calculait le taux de chômage
sur la base de l'ensemble des civils actifs. Puis le gouvernement a
décidé que les quasi trois millions de membres des forces
armées seraient désormais considérés comme
des ouvriers actifs (auparavant, ils n'étaient pas comptabilisés
dans les civils actifs). Cela s'est avéré un moyen très
efficace de diminuer le taux de chômage. Quand le ministère
du travail fait des estimations du nombre d'emplois dans l'économie,
tout travail qui requiert 10 heures par semaine minimum est considéré
comme un emploi à temps plein - c'est ce qui explique toutes
les étranges proclamations à propos de millions d'emplois
subitement créés en même temps. Avec cette contrefaçon
dans la "comptabilité" des emplois et des sans emplois,
il est tout à fait possible qu'un ouvrier qui perd son travail
à plein temps et retrouve tant bien que mal trois emplois à
temps partiel mal payés pour survivre, soit comptabilisé
comme chômeur dans les statistiques du chômage et permette
d'afficher trois nouveaux emplois créés dans l'économie
!
En février, dans le Economic Report annuel du Président,
le président Bush a lancé une idée innovante et
suggéré que les travailleurs de la restauration comme
McDonalds ne soient plus considérés comme des employés
de service mais soient reclassés comme employés d'industrie.
Le conseiller économique en chef de Bush, Gregory Mankiw, se
demandait "Quand un restaurant fast-food vend un hamburger par
exemple, est-ce qu'il fournit un 'service' ou est-ce qu'il est en train
d'assembler des pièces pour 'fabriquer' un produit ?". L'économie
ayant perdu 2,6 millions d'emplois dans la transformation industrielle
depuis janvier 2001, les économistes du gouvernement ont finalement
trouvé comment ranimer la force de travail du secteur manufacturier
-un hamburger après l'autre ! Evidemment, les démocrates
et les comiques à la télévision s'en sont donné
à coeur joie pour ridiculiser cette absurdité. On n'avait
pas vu une manoeuvre aussi manifestement grossière depuis que
l'administration Reagan en 1981 avait suggéré qu'on considère
le ketchup comme un légume, dans le calcul de la valeur nutritionnelle
d'un repas de cantine scolaire.
Lors de la dernière fête de Lutte Ouvrière, le PCI (qui publie Le Prolétaire) a tenu un forum sur le thème des élections européennes et la construction de l'espace européen. L'exposé du PCI a défendu une position de classe en critiquant le cirque électoral et le mythe cher aux trotskistes des "États-Unis d'Europe". Le CCI, pour sa part, est intervenu pour soutenir la position révolutionnaire du PCI et dénoncer, citations à l'appui, la politique capitaliste de LO. Notre intervention avait pour principal objectif de délimiter clairement le camp bourgeois du camp prolétarien[1] [15], notamment en interpellant le militant de LO représentant son organisation à ce forum afin de démasquer les positions bourgeoises de cette organisation. Malheureusement, notre intervention a été immédiatement suivie par celle du porte-parole d'un groupuscule parasitaire autoproclamé "Fraction interne du CCI" (FICCI) qui, au lieu de défendre la position des révolutionnaires face à la politique électoraliste de LO, a saboté le débat ouvert par l'exposé du PCI et a dénoncé rageusement l'intervention du CCI en affirmant que celle-ci était une "manoeuvre" visant à masquer l'incapacité de notre organisation à avoir la moindre analyse sur le cours historique actuel, sur le niveau de la lutte de classe et la question impérialiste.
Ainsi, l'intervention
du ténor de la FICCI a eu pour effet de permettre au militant de LO d'éviter de
répondre aux questions posées par l'intervention du CCI ; la défense de la
position de la Gauche communiste sur la question électorale face aux
mystifications bourgeoises véhiculées par le trotskisme étant bien le dernier
de ses soucis. Ce qui lui importait avant tout, c'était de dénoncer, non pas LO
mais le CCI, comme l'ennemi de classe. Ainsi, cette brillante tirade de la
FICCI contre le CCI a révélé au grand jour sa véritable nature de classe,
anti-prolétarienne, et sa principale raison d'existence : discréditer le CCI
quitte à faire obstacle à toute critique de la politique bourgeoise de Lutte
Ouvrière. Le CCI n'est pas intervenu pour riposter aux attaques de la FICCI
dans la mesure où nous refusons toute discussion avec ces éléments du milieu
parasitaire qui se sont comportés comme des mouchards à l'encontre de notre
organisation (voir "Les méthodes policières de la FICCI" dans RI n°
330) et dont l'objectif n'est nullement la clarification et la défense des
positions de classe mais la volonté de nuire au CCI. Contrairement à la FICCI,
nous n'étions pas intéressés à ce que ce forum du PCI sur le thème de l'Union européenne
se transforme en foire d'empoigne entre le CCI et des parasites de la pire
espèce.
Lors de ce forum, la FICCI a une fois encore montré que sa véritable fonction
consiste non pas à défendre les positions des révolutionnaires face aux
mystifications de la classe dominante mais à compléter le travail de la
bourgeoisie contre les organisations révolutionnaires. A travers ses campagnes
anticommunistes et anti-négationnistes, la classe dominante cherche par tous
les moyens à discréditer le courant de la Gauche communiste et à empêcher les
éléments à la recherche d'une perspective de classe de se rapprocher des
véritables organisations révolutionnaires. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard
si cette prétendue "fraction" n'a pas jugé utile de faire la moindre
prise de position contre les calomnies déversées dans le livre de C.
Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, contre les groupes de la Gauche
communiste, contrairement au PCI (voir "Histoire générale de
l'ultra-gauche ou comment s'en débarrasser" dans Le Prolétaire n° 470) et
au CCI (voir "A propos du livre de Bourseiller, la bourgeoisie relance sa
campagne sur la mort du communisme" dans RI n° 344). Ce n'est pas un
hasard non plus si l'ouvrage de cet "historien" bourgeois, dans son
entreprise de dénigrement des organisations de la Gauche communiste, se fait
l'avocat des groupes parasitaires et reprend à son compte les calomnies de la
FICCI contre le CCI. En réalité, le silence de la FICCI sur le livre de
Bourseiller n'a qu'une seule signification. Ce groupuscule vise le même
objectif : empêcher les éléments en recherche des positions de classe de se
rapprocher des groupes de la Gauche communiste et notamment du CCI, en
inoculant l'idée que ce dernier serait une secte stalinienne qui pratiquerait "l'épuration
des dissidents".
Cette intervention hystérique du porte-parole de la FICCI au forum du PCI se
situe dans la pleine continuité de sa politique visant à semer le trouble et la
confusion au sein du milieu politique prolétarien. Ainsi, on peut citer les derniers
"exploits" de cette prétendue "fraction" :
Ces "preuves" ont d'ailleurs été annoncées sur le site Internet de la
FICCI. Elles seraient contenues dans un document intitulé "Historique du
SI". La FICCI n'a pas affiché sur son site Web ce fameux document (qui,
soit dit en passant, vaut vraiment son pesant de cacahuètes !) mais, dans
plusieurs numéros de son Bulletin publié sur Internet, elle annonce que tous
ceux qui veulent obtenir ce document peuvent lui en faire la demande.
L'ensemble des militants du CCI a bien évidemment pris connaissance de ce
document qui leur a donné la nausée. Certains éléments extérieurs au CCI en
ayant eu connaissance nous ont commenté qu'ils trouvaient cela délirant. La
meilleure façon pour ridiculiser la FECCI et finir de la démasquer serait de le
rendre public. Mais nous ne pouvons pas le faire du fait qu'il est truffé de
détails sur la vie personnelle des militants (problèmes de santé, activité
professionnelle) qui ne peuvent que servir aux forces de répression de l'État
bourgeois. Néanmoins, comme nous l'avion déjà affirmé dans notre presse (voir
l'article "Les méthodes policières de la FICCI") nous sommes toujours
intéressés à ce qu'une commission spéciale composée de militants sérieux des
groupes de la Gauche communiste prennent connaissance des "preuves"
recueillies par la FICCI. Encore une fois, le CCI n'a rien à cacher et est tout
à fait prêt à démontrer que ces "preuves" récoltées dans les égouts
ne sont qu'un tissu de mensonges, de basses calomnies basées sur des ragots et
des interprétations totalement fantaisistes dignes d'une imagination malade et
d'un esprit totalement dérangé.
La FICCI n'a cessé de crier sur tous les toits que son seul objectif était de
"sauver le CCI" qui serait aujourd'hui aux mains d'une
"direction liquidatrice" manipulée par un "flic". Or, pour
justifier leur constitution en "fraction" et leurs comportements
anti-prolétariens lorsqu'ils étaient encore membres du CCI (refus de payer
leurs cotisations ; vol de l'argent de l'organisation, de documents internes et
du fichier d'adresses de nos militants et abonnés ; diffusion de rumeurs sur
l'existence d'un "flic" ; calomnies contre des militants de l'organe
central ; organisations de réunions secrètes dans le dos de l'organisation
visant à élaborer une stratégie en vue de "déstabiliser" le CCI,
etc.), ces éléments sont partis en guerre contre l'analyse actuelle de la
"décomposition du capitalisme" en prétendant que le CCI l'a distordue
et déformée. Dans la réalité, les positions qu'ils dénoncent aujourd'hui sont
celles que le CCI a élaborées en 1989, et qu'eux-mêmes ont soutenues sans la
moindre réticence jusqu'en 2000. En fait, s'ils rejettent aujourd'hui cette
analyse, ce n'est pas seulement pour se donner un semblant de crédibilité mais
aussi pour lécher les bottes des autres groupes de la Gauche communiste puisque
ces derniers ne partagent pas cette analyse du CCI.
Le CCI a connu dans le passé plusieurs scissions qui ont
donné naissance à des groupuscules parasitaires qui, tous, nous accusaient de
"dégénérescence stalinienne" (le CBG, la FECCI, le Cercle de Paris
dont le principal animateur a même eu droit aux remerciements de C. Bourseiller
pour sa contribution à son ouvrage Histoire générale de l'ultra-gauche ; tous
dénigreurs des groupes de la Gauche communiste). Mais de tous les groupuscules
parasitaires dont la seule fonction consiste à déverser des calomnies contre le
CCI, la FICCI est certainement le plus répugnant. Sa seule raison d'être
consiste à coller au CCI, à suivre nos militants à la trace sur tous nos lieux
d'intervention en faisant usage de la provocation, du chantage, de la menace
avec un cynisme sans nom. En ce sens, ces éléments sont certainement les pires
morpions que nous n'ayons jamais connus. N'ayant pas réussi à détruire le CCI,
leurs agissements visent aujourd'hui à semer le trouble en faisant à
l'extérieur le sale travail digne d'agents provocateurs qu'ils faisaient à
l'intérieur de l'organisation, entre autres en faisant circuler des rumeurs sur
l'existence d'un flic au sein du CCI.
L'incapacité des membres de la FICCI à organiser ses propres réunions publiques
montre qu'elle n'a strictement rien à dire ni à la classe ouvrière ni aux
éléments à la recherche des positions de classe[2] [16]
Ainsi, les agissements de la FICCI et la politique de
sabotage du débat qu'elle a menée dans le forum du PCI lors de la fête de Lutte
Ouvrière, animés par la haine et la volonté de discréditer le CCI par tous les
moyens (y compris en se rendant complice des trotskistes et des idéologues
patentés de la bourgeoisie, tel Bourseiller) est une illustration éloquente de
notre analyse du parasitisme publiée dans la Revue Internationale n° 94. C'est
dans une période où les organisations du prolétariat ont encore un faible
impact que "le parasitisme trouve son terrain le plus propice. Ce fait est
lié à la nature même du parasitisme qui, pour être efficace, doit trouver en
face de lui des éléments en recherche vers des positions de classe qui aient du
mal à faire la différence entre les véritables organisations révolutionnaires
et les courants dont la seule raison d'être est de vivre aux dépens de
celles-ci, de saboter leur action, voire de les détruire (...) La notion de
parasitisme n'est nullement une 'invention du CCI'. C'est l'AIT qui, la
première, a été confrontée à cette menace contre le mouvement prolétarien, qui
l'a identifiée et combattue. C'est elle, à commencer par Marx et Engels, qui
caractérisait déjà de parasites ces éléments politisés qui, tout en prétendant
adhérer au programme et aux organisations du prolétariat, concentrent leurs
efforts sur le combat, non pas contre la classe dominante, mais contre les
organisations de la classe révolutionnaire. L'essence de leur activité est de
dénigrer et de manoeuvrer contre le camp communiste, même s'ils prétendent lui
appartenir et le servir (...) Comme à l'époque de Marx et Engels, cette vague
parasitaire réactionnaire a pour fonction de saboter le développement du débat
ouvert et de la clarification prolétarienne (...) L'existence :
sont parmi les éléments les plus importants suscitant actuellement l'offensive politique du parasitisme politique." ("Thèses sur le parasitisme").
RI[1] [17] Ce n'est pas l'objet de
cet article de développer notre analyse de cette question. Pour cela nous
renvoyons nos lecteurs au n°347 de RI
dans lequel nous montrons que l'unité européenne au nom de l'internationalisme
prolétarien et du communisme est une mystification. En effet, cela n'a jamais
été le point de vue de l'internationalisme prolétarien et des communistes
puisqu'il est clair pour eux que, seule la lutte de la classe ouvrière à
l'échelle internationale peut venir à bout du capitalisme et de ses divisions
nationales.
[2] [18] Ce n'est d'ailleurs pas un
hasard si, malgré ses gesticulations tonitruantes contre la
"dégénérescence stalinienne" du CCI, le seul élément que cette
prétendue "fraction" a pu intégrer dans ses rangs est un individu qui
avait démissionné du CCI en 1995 en conservant contre notre organisation une
énorme rancœur. Par contre, il faut signaler que les agissements de la FICCI
(et surtout le contenu de leur infâme Bulletin diffusé sur Internet et envoyé
systématiquement à nos abonnés) a davantage rendu service au CCI, comme en
témoignent les nombreuses lettres de solidarité que nous avons reçues (certains
de nos contacts récents sont même allés, à la simple lecture de la prose de la
FICCI, jusqu'à affirmer que ces gens-là "font un travail de flics").
Récemment, la classe ouvrière en Grande-Bretagne a été littéralement bombardée par une série de campagnes hypocrites de déboussolement sur les questions de race et de l'immigration. D'un côté, le gouvernement n'a pas lésiné sur les déclarations diabolisant les immigrants : ils seraient de "faux" chercheurs d'asile, des "pseudo-touristes en quête de pensions" ou encore des "touristes de la santé". De l'autre, on a vu une série de discours visant à introniser l'Etat démocratique comme seul moyen pour se défendre contre le racisme, ce dernier étant présenté comme le produit d'individus ignorants ou de groupes néfastes comme le BNP (British National Party, équivalent britannique du Front National en France), dénoncés comme étant des forces hostiles à la démocratie.
L'immigration et
les immigrants sont clairement utilisés par la bourgeoisie comme
boucs émissaires du chômage et de la pénurie de
logements, des dépenses de santé et des difficultés
que connaissent d'autres secteurs des services publics. Cependant, la
bourgeoisie ne brandit pas la question de l'immigration uniquement pour
s'en servir dans le but de détourner l'attention des ouvriers
des effets de la crise économique et des attaques ; il s'agit
aussi pour elle d'un véritable problème.
L'immigration est un phénomène qui a toujours accompagné
le développement du capitalisme et a même été
une précondition de son développement initial, en premier
lieu avec le mouvement vers les villes de "nombreux paysans
qui, chassés continuellement des campagnes par la transformation
des champs en prairies et par les travaux agricoles nécessitant
moins de bras pour la culture des terres, vinrent affluer dans les villes
pendant des siècles entiers" (Misère de la philosophie,
Karl Marx, p. 161, Editions sociales). De fait, la classe ouvrière
est une classe composée essentiellement d'immigrants.
Tout au long de son existence, le capitalisme n'a en effet eu de cesse
d'arracher les populations de la campagne vers les villes - et cela
dans le monde entier. Le sort qui en résultait pour tous ces
migrants était avant tout fonction du développement même
du capitalisme. Au 19e siècle, le capitalisme, système
en pleine expansion, a ainsi encouragé des déplacements
massifs de populations, ce qui lui a permis de développer considérablement
les forces productives à travers ce qui a constitué la
"révolution industrielle".
Mais, au début du 20e siècle, une fois que le capitalisme
eût conquis la planète, il est entré dans sa phase
de déclin, limitant ainsi, pour ceux qui étaient contraints
à l'émigration, la possibilité de trouver du travail
ailleurs et de s'intégrer à la classe ouvrière.
L'immigration s'est de ce fait transformée en un véritable
problème pour la classe dominante contrainte de maintenir sous
le contrôle de l'Etat des masses d'immigrants. Cette question
se fit particulièrement aiguë lors de la dépression
économique des années 1930, alors que chaque économie
nationale s'efforçait de se dépêtrer des effets
de la crise.
Cependant, dans les années 1950, en Grande-Bretagne et dans la
plupart des pays développés, s'impose à nouveau
la nécessité de faire appel à l'immigration. Suite
aux destructions et au bain de sang de la Seconde Guerre mondiale, la
pénurie de main d'œuvre a poussé la classe dominante
à encourager l'immigration en provenance de ses colonies ; pour
la puissance anglaise, il s'agissait de puiser dans les réserves
humaines du Moyen-Orient et du sous-continent indien afin de pallier
cette pénurie. Mais, avec le retour de la crise économique
vers la fin des années 1960, la bourgeoisie vit à nouveau
dans ce phénomène de l'immigration une réelle difficulté.
Des quotas d'immigration commencèrent à être imposés
de même que l'on vit apparaître un changement radical du
discours sur les immigrés. L'histoire des "Asiatiques"
de l'ex-empire britannique est particulièrement illustratif de
ce changement de politique et caractéristique de ce tournant
dans la propagande de la bourgeoisie envers ceux-ci.
Le British National Act de 1948 stipulait que les populations des pays
devenus indépendants, ayant appartenu au Commonwealth, prenaient
la nationalité britannique une fois sur le sol de la Grande-Bretagne.
Malgré les lois dont se dota la bourgeoisie d'outre-Manche pour
limiter le flux d'immigrants dès 1962, ce pays devint la "terre
d'asile" des Indiens venant non seulement des Indes mais également,
pour deux millions d'entre eux, des communautés indiennes installées
en Afrique orientale. Avec le développement de la crise économique,
la bourgeoisie anglaise décida, en 1968, que seraient distinguées
deux catégories de membres du Commonwealth possesseurs de passeports
britanniques : ceux qui avaient obtenu ces passeports avant l'indépendance
et ceux qui les avaient reçus après. Cette politique permit
de ramener à 6000 personnes par an l'entrée des immigrants
en Grande-Bretagne.
De pair avec cette politique de restriction draconienne des immigrants,
on vit se développer un discours particulièrement musclé
à l'égard de ces derniers, présentés par
l'ensemble des partis bourgeois comme une vraie menace pour la stabilité
du pays. Un protagoniste en vue de cette campagne, Enoch Powell, ancien
membre du gouvernement, conservateur et populiste professant une hostilité
profonde à l'égard des immigrés "de couleur",
fit à l'époque un discours retentissant sur les "rivières
de sang" lors d'affrontements que, dans l'avenir, des vagues massives
d'immigration rendraient inévitables.
Claire illustration de l'hypocrisie bourgeoise, la législation
anti-discrimination fut introduite à la même époque
pour donner l'illusion que l'Etat pouvait servir à combattre
le racisme, au moment où, justement, c'est cette institution
suprême elle-même qui commençait à mettre
en place les mesures discriminatoires visant spécifiquement les
immigrants.
Pendant ce temps, avec le développement international de la crise,
le manque de travail et de ressources, la misère s'aggravait
sur les populations du "tiers-monde". Dans ces régions,
les bidonvilles se mirent à pousser dans des proportions gigantesques
autour des villes. La nécessité d'émigrer pour
trouver du travail devenait ainsi de plus en plus impérieuse
pour des masses grandissantes de miséreux.
Les choses sont devenues encore bien pires dans la période que
nous avons définie comme étant celle de la décomposition
capitaliste, dans laquelle la durée de la crise, sans aucune
perspective d'en sortir, a conduit à une aggravation qualitative
de tous les aspects du déclin historique du système capitaliste,
avec en particulier la prolifération des famines dans les pays
du "tiers-monde".
Non seulement la crise s'est aggravée dans les principaux centres
des pays développés mais ce sont des zones du monde plus
étendues et nombreuses qui sont confrontées aux catastrophes
économiques (et écologiques ), engendrant ainsi une immigration
à plus grande échelle. L'Europe de l'Est, avec des taux
d'émigration impressionnants, constitue une illustration frappante
de ce phénomène. C'est d'ailleurs de façon régulière
que les médias en Europe occidentale mettent en garde contre
les dangers d'une nouvelle vague d'immigrés en provenance de
l'Est, propagande qui connaît un regain d'activité avec
l'élargissement de l'Union Européenne.
En plus des difficultés économiques et de la misère
qui contraignent les populations à émigrer, la multiplication
des guerres sur l'ensemble de la planète pousse un nombre grandissant
d'entre elles à fuir les combats et les destructions. Ces guerres
ne sont pas le produit de facteurs extérieurs au capitalisme,
mais le résultat inévitable de l'impérialisme lié
à sa période de décadence. Et la responsabilité
de ces guerres incombe au premier chef aux grandes puissances. C'est
évident lorsqu'on voit les Etats-Unis, soutenus par la Grande-Bretagne,
déchaîner la barbarie guerrière en Afghanistan et
en Irak. Mais, si cela est moins évident, c'est tout aussi vrai
lorsque les grandes puissances attisent une situation locale de tensions.
L'éclatement de l'ex-Yougoslavie, du fait de l'action des grandes
puissances luttant pour imposer leur influence en soutenant telle ou
telle fraction yougoslave, en est un exemple. Même le génocide
rwandais il y a dix ans, toujours présenté comme s'il
n'était au fond que le produit pur et simple de conflits tribaux
entre "primitifs", fut en réalité mené
par un impérialisme français aux abois dans une lutte
contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le contrôle de
cette région d'Afrique (voir notre article dans RI n°345).
En d'autres termes, le nombre grandissant de réfugiés,
phénomène que la bourgeoisie met elle-même en évidence,
est le produit de son propre système, le capitalisme, et plus
spécifiquement de sa politique impérialiste. Si l'on se
rappelle les profondes résistances des bourgeoisies britannique
et américaine à recevoir les réfugiés européens
dans les années 1930 et 1940, tout particulièrement les
Juifs fuyant les camps de concentration, on peut alors difficilement
s'attendre à les voir accueillir ceux qui fuient aujourd'hui
les conflits s'étendant sur la planète.
Au contraire, il faut s'attendre à ce que la bourgeoisie de tous
les pays, surtout dans les pays développés, encourage
le développement de l'esprit de pogrome dans la même logique
que celle qui consiste à provoquer des divisions raciales ou
nationales dans la classe ouvrière aujourd'hui. C'est la réelle
signification de la propagande mise en œuvre par tous les gouvernements,
derrière les discours patenôtres et hypocrites contre le
racisme de ceux qui s'apitoient avec des larmes de crocodile sur la
misère du monde.
D'après World Revolution n°274, mai 2004, organe
en Grande-Bretagne du Courant Communiste International.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/interventions
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauchisme
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/trotskysme
[6] https://fr.internationalism.org/ri348/secrite_sociale.htm#_ftn1
[7] https://fr.internationalism.org/ri348/secrite_sociale.htm#_ftn2
[8] https://fr.internationalism.org/ri348/secrite_sociale.htm#_ftnref1
[9] https://fr.internationalism.org/ri348/secrite_sociale.htm#_ftnref2
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/guerre-irak
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/decomposition
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/guerre
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/50/etats-unis
[15] https://fr.internationalism.org/ri348/parasitisme_Ficci.htm#_ftn1
[16] https://fr.internationalism.org/ri348/parasitisme_Ficci.htm#_ftn2
[17] https://fr.internationalism.org/ri348/parasitisme_Ficci.htm#_ftnref1
[18] https://fr.internationalism.org/ri348/parasitisme_Ficci.htm#_ftnref2
[19] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/ficci-gigcigcl
[20] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe