La bourgeoisie de tous les pays les plus développés, chacune pour la défense de leurs propres intérêts impérialistes, y compris aux Etats-Unis a salué la sortie du plan Baker sur la politique extérieure américaine, élaboré par un groupe d’étude comprenant de hauts responsables politiques américains : conservateurs et démocrates. Après l’échec cuisant du président Bush et de son administration aux dernières élections américaines pour renouveler les chambres des représentants, provoqué essentiellement par l’échec total de la politique impérialiste des Etats-Unis en Afghanistan et plus encore en Irak, la bourgeoisie américaine se devait de tenter de réagir. L’enlisement toujours plus grand de son armée en Irak, l’absence totale de perspectives, et un chaos s’agrandissant sans cesse ne sont que des manifestations de l'affaiblissement accéléré de la première puissance impérialiste. Dans une impasse totale, la bourgeoisie américaine travaillait très officiellement depuis plusieurs mois à une nouvelle orientation qui se voulait plus crédible et mieux adaptée à la défense de ses intérêts impérialistes. Telle est la raison de la constitution de la commission d’enquête sur l’Irak, qui vient, sous les feux des projecteurs et des médias, de publier son rapport.
Ce plan aborde toute la politique impérialiste des Etats-Unis. Il part d’un constat, visible par tous, de l’absence totale de possibilités de réussite de la politique de guerre américaine en Irak. Mais bien plus encore, il souligne la montée en puissance de la résistance de la politique anti-américaine et anti-israélienne, partout, au Proche et au Moyen-Orient. Ce rapport semble ainsi prendre le contre-pied de la politique suivie depuis plusieurs années par les Etats-Unis dans toute cette partie du monde. Il préconise un retrait progressif des troupes américaines d’Irak et le renforcement massif de l’armée irakienne qui devrait passer sous la direction du premier ministre Nouri Kamal Al-Maliki. Alors que les attentats se succèdent tous les jours de manière de plus en plus meurtrière, avec un gouvernement totalement impuissant et une armée américaine retranchée dans des camps fortifiés, une telle proposition apparaît immédiatement pour ce qu’elle est : irréaliste, inapplicable et en dehors de toute réalité. Ceci est à ce point la vérité que le plan Baker se garde bien de préciser la date butoir d’un retrait des troupes américaines d’Irak. Tel est également le cas de toutes les autres propositions avancées par ce rapport. Ce qui frappe également à la lecture du rapport, ce sont les propositions de renouer un dialogue officiel avec la Syrie et l’Iran. Le rapport précise même : « L’Iran doit recevoir des propositions incitatives, telle que le rétablissement des relations avec les Etas-Unis, et dissuasives pour stopper le flots d’armes à destination des milices irakiennes. Le pays doit être intégré au Groupe d’étude sur l’Irak. » (Courrier International du 14 décembre 2006) Cette proposition du rapport est tellement irréaliste qu’elle montre clairement l’impasse totale des Etats-Unis en Irak, et pire encore, leur incapacité croissante à limiter la montée des exigences syriennes et iraniennes. L’impossibilité pour l’armée américaine de résoudre la situation en Irak pousse même la bourgeoisie américaine à envisager d’associer l’Iran dans une tentative de maîtriser le chaos irakien. Cette alternative politique ne pourrait se traduire que par des exigences accrues de l’Iran, en matière de développement de son arme nucléaire, mais également sur le terrain, dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient. Autant d’exigences et de pas en avant de l’impérialisme iranien que ni Israël, ni les Etats-Unis eux mêmes, ne seraient en mesure de supporter. Il est fort possible que, dans les mois à venir, la tonalité des discours américains en matière de politique internationale soient plus mesurés et fassent plus appel à une « collaboration internationale », dans ce que la bourgeoisie appelle sa lutte contre le terrorisme international. Au cas fort improbable où celle-ci passerait, un chaos tout aussi important se développerait dans tout le Proche et Moyen-Orient. Le ton est d’ailleurs donné par la déclaration du roi d’Arabie Saoudite Abdallah au vice président américain Dick Cheney, en visite il y a quelques semaines à Riyad : « L’Arabie Saoudite a fait savoir à l’administration Bush qu’en cas de retrait des troupes américaines le royaume pourrait apporter un soutien financier aux Sunnites en Irak dans n’importe quel conflit qui les opposerait aux Chiites. » (Courrier International du 13 décembre 2006) En Irak, les Etats-unis sont totalement coincés. Aucune des options envisagées sur le plan militaire n’est satisfaisante pour l’impérialisme américain. La montée en puissance de la contestation de la suprématie américaine non seulement par l’Iran, mais également par des puissances impérialistes telles que la France, l’Allemagne ou encore la Russie, ne peut pousser dans l’avenir les Etats-Unis, par delà l’évolution de leur politique en Irak, que dans une fuite en avant guerrière, toujours plus meurtrière et barbare. De la part de ce capitalisme en pleine décomposition, les actes militaires les plus destructeurs et les plus irrationnels, sont encore et plus que jamais devant nous.
Rossi
L'année 2006 est venue confirmer l'existence d'une remontée significative de la combativité de la classe ouvrière et de ses luttes à l'échelle internationale. Il faut dire que partout dans le monde, ses conditions de vie se dégradent et que les attaques pleuvent. Tous les Etats, avec à leur tête des gouvernements de gauche comme de droite, que ce soit en Grande-Bretagne, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine ou ailleurs, mènent une politique anti-ouvrière féroce. La faillite historique dans laquelle se trouve le capitalisme pousse la classe dominante de tous les pays à baisser le coût de la main d'œuvre, en diminuant les salaires réels et en augmentant les charges de travail. C’est un pur mensonge que de dire que les ouvriers anglais - dont 17 % vivent en dessous du seuil de pauvreté - espagnols, chinois ou américains peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. La réalité, c'est bien que, sous le capitalisme, la misère s’aggrave et va continuer de s'aggraver partout pour la classe ouvrière. Il en est de même en France où tous les prolétaires sont touchés par des attaques incessantes : les actifs, les chômeurs, les retraités. L'accroissement de la précarité, les plans de licenciements, les suppressions de postes, le blocage des salaires, la chute de mois en mois plus dramatique du pouvoir d'achat, l'abandon des couvertures sociales, la détérioration accélérée des conditions de travail dans tous les secteurs, dans le public comme dans le privé, poussent partout les prolétaires à se mobiliser contre ces attaques. Ils n'ont pas d'autre choix.
Récemment encore au Brésil, la grève des employés de banques en a fourni une claire illustration (voir RI n°373 [2], novembre 2006). De façon plus significative encore, une lutte comme celle qui s'est produite au mois de mai à Vigo, en Espagne, autour des métallurgistes et suivie en solidarité par les ouvriers des chantiers navals, a su pendant quelques jours rompre l'enfermement syndical et corporatiste par l'organisation d'assemblées générales en-dehors des usines et ouvertes à la population de la ville (voir Internationalisme n°326 [3], juin 2006). Après des années sombres, sans réaction, la classe ouvrière est en train de retrouver progressivement le chemin de sa lutte et de reprendre en main l'organisation de ce combat.
Evidemment, la bourgeoisie a parfaitement conscience de cette dynamique. Partout, dans tous les pays, elle tente de l'endiguer en dévoyant la réflexion, en sabotant les luttes, et parfois même en les réprimant, comme à Oaxaca, au Mexique (voir RI n°374 [4]).
En France, la classe dominante déploie une énergie considérable pour endiguer toute éventuelle riposte du prolétariat. Sur le terrain de la lutte, ce sont les syndicats qui sont chargés de ce sale boulot. Encadrer et saboter les grèves ouvrières, voilà quelle est toujours et partout la fonction des syndicats. Depuis trois mois, ceux-ci égrènent un chapelet de journées d'action épuisantes, démoralisantes, tantôt à la SNCF, tantôt dans les transports publics de telle ou telle ville, tantôt chez les pompiers civils, tantôt chez les fonctionnaires, noyant, saucissonnant et isolant systématiquement chaque lutte avec des revendications spécifiques par centre, par secteur, par corporation, par catégorie. Ainsi, dans l'Education nationale, le grève du 18 décembre ne fut proposée qu'au seul corps enseignant, excluant d’emblée les personnels administratifs et de service, ainsi que (comme de bien entendu) tout le reste des travailleurs.
Mais la bourgeoisie ne se contente pas de diviser les ouvriers grâce à ses chiens de garde syndicaux. En permanence, elle leur bourre le crâne de sa propagande, martelant encore et toujours le même message : "Votez, votez et revotez !". Ainsi, après avoir confisqué aux ouvriers l'organisation de leur lutte, elle fait tout pour les empêcher de réfléchir par eux-mêmes. Depuis plus de six mois, il n'est question dans les médias que des échéances électorales d’avril 2007. Toute la bourgeoisie s'efforce de faire gober à travers cet intense matraquage idéologique, contre toute évidence, que le sort de la classe ouvrière dépendrait du "choix" de tel ou tel candidat. Un battage monstre est organisé partout pour pousser les nouvelles générations de prolétaires à aller s'inscrire sur les listes électorales ; les rappeurs, les chanteurs, les sportifs et artistes en tous genres font du racolage tous azimuts envers les "jeunes". Ils nous chantent sur tous les tons "si tu veux que ça change, mon pote, utilise ton bulletin de vote" (voir notre article dans ce même numéro).
Mais ce barouf n'a rien d'étonnant. Si la bourgeoisie française déploie autant d'effort à saboter les luttes au risque de décrédibiliser ses syndicats, à pourrir la réflexion en usant jusqu'à la corde la mystification électorale, c'est parce que c'est justement en France que s'est produite la lutte la plus importante pour le prolétariat, non seulement pour 2006, mais de ces vingt dernières années : le mouvement anti-CPE.
Toute la bourgeoisie est aujourd'hui liguée pour tenter d'effacer des mémoires qu'au printemps dernier, un mouvement social dont les méthodes de lutte et d'organisation s'inspiraient du meilleure de la tradition ouvrière a été capable de faire reculer les attaques gouvernementales non seulement en France, mais aussi en Allemagne où l'Etat a été obligé de freiner la mise en œuvre du frère jumeau du CPE par peur de voir le mouvement de lutte s’étendre.
Les luttes de 2006 constituent une expression de la maturation et du développement de la lutte de classe à l'échelle internationale. Alors que les conditions de vie et de travail des ouvriers partout dans le monde ne cessent de se dégrader, alors que l’avenir que nous offre le système capitaliste est chaque jour plus sombre, alors que la barbarie s’étend sur une partie toujours plus grande de la planète, la classe ouvrière et en particulier ses nouvelles générations ont mené des luttes qui montrent le chemin et indiquent comment développer le combat de classe contre le capitalisme ! Voilà pourquoi la bourgeoisie déploie une telle débauche d'énergie pour tenter de les faire oublier.
W (16 décembre)
En 2005, la commémoration des cent ans de la SFIO a pu servir à rappeler l'attachement des socialistes français à la social-démocratie. Avec le grand cirque des primaires au PS en 2006, le terme "social-démocratie" a été là encore remis au goût du jour au gré des candidats à la candidature, lui collant tour à tour les épithètes de "moderne" ou de "social". Quoi qu'il en soit, le PS ne rate pas une occasion de rappeler "son" vieil héritage. Pour la bourgeoisie, l'opportunité est trop belle pour ne pas revendiquer "l’appartenance" de sa "gauche gouvernementale" à un mouvement né dans le 19e siècle au sein même de la classe ouvrière. Cette prétendue continuité historique qui irait de Bebel à Royal en passant par Jaurès, Blum et Mitterrand aurait de quoi séduire… encore aurait-il fallu que nous soyons frappés d'un Alzheimer foudroyant.
En effet, s'il y a un rapport évident et historique entre la social-démocratie et le mouvement ouvrier, ce rapport a volé en éclats il y a près d'un siècle, dans une rupture définitive en forme d’aller sans retour, au cours de la Première Guerre mondiale. Et depuis, le curriculum vitae de la social-démocratie n’a cessé de se remplir de nouveaux faits d'armes, aussi bien dans les périodes de responsabilité gouvernementale que lorsqu’elle était dans l'opposition, faisant ainsi la preuve de son attachement viscéral au camp anti-ouvrier.
La social-démocratie voit le jour en Allemagne avec la fondation en 1875 du SPD (Sozialistische Partei Deutschlands), issu de la fusion entre les partisans de Karl Marx et de Ferdinand Lassalle. Très rapidement, ce premier parti de masse de l'histoire va constituer le phare théorique et politique du mouvement ouvrier, même après la fondation de l'Internationale Socialiste, deuxième Internationale, en 1889. Cependant, la gangrène opportuniste fera très tôt son funeste travail et les dissensions entre révolutionnaires et réformistes trouveront une première réponse au congrès d'Erfurt en 1899, où le courant réformiste emmené par Bernstein sera battu par la majorité représentée par Bebel. Beaucoup de sociaux-démocrates de nos jours considèrent le congrès d'Erfurt comme le moment fondateur de la social-démocratie moderne. L'Histoire, quant à elle, ne tardera pas à trancher le différend de manière radicale, en plaçant le SPD devant le choix entre d'une part l'internationalisme prolétarien qu'il défendait encore un an avant le conflit, et le soutien à l’effort national en vue de la préparation à la guerre. Si le combat fut rude, il aboutira à la trahison de l'internationalisme par le vote de la majorité du SPD en faveur des crédits de guerre au parlement le 4 août 1914. En France, la SFIO se rallie aussi au même moment à la politique de défense nationale, alors qu'à la mi-juillet de la même année, elle votait une motion quasi-unanime en faveur d'une réponse de classe à la guerre qui se préparait.
Laissant peu de répit à ses nouvelles recrues, la bourgeoisie ne tarde pas à placer des sociaux-démocrates dans les gouvernements, histoire de parfaire la trahison et de renforcer le profond désarroi que provoquent ces brutales volte-faces des principaux partis européens. Plusieurs dirigeants social-démocrates accèdent à des maroquins ministériels, et pas n'importe lesquels : en Allemagne, Gustav Noske, futur boucher de la révolution allemande en 1919, est nommé... ministre de la guerre ; en France, Jules Guesde est nommé ministre d'Etat dès le 27 août, Marcel Sembat devient ministre des travaux publics et Albert Thomas, après avoir organisé la production de guerre pour le gouvernement, devient en 1916... ministre de l'armement !
Ainsi, la social-démocratie n'aura pas mis longtemps à mettre sur le terrain les principes ayant présidé à sa trahison en livrant le prolétariat à la première boucherie impérialiste.
Parallèlement à la guerre qui tire à sa fin, la bourgeoisie internationale doit gérer la première vague révolutionnaire mondiale dont un poste avancé campe en Allemagne. Et là, face au soulèvement ouvrier, c'est un social-démocrate, Friedrich Ebert, qui est promu à la présidence de la République, afin d’organiser la répression sanglante de la révolution allemande et d'ordonner l'assassinat des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, tâche abjecte dont se chargeront les corps francs, avec une barbarie qui démontre toute leur haine pour le prolétariat révolutionnaire.
Sitôt la classe ouvrière vaincue, la bourgeoisie ne tardera pas à se confronter, dans les années 1930, à une crise économique telle que la perspective d'un second conflit impérialiste généralisé devient inévitable. En Allemagne, le délitement économique et social phénoménal et la situation d'écrasement physique et idéologique du prolétariat permet la mise en place d'une solution dictatoriale. Mais en France par exemple, c'est de nouveau la social-démocratie qui est mise à contribution pour préparer le terrain d’une prochaine guerre mondiale.
En mai 1936, le Front Populaire fondé moins d'un an plus tôt emporte les législatives et conduit Léon Blum à la Présidence du Conseil. Composé majoritairement des radicaux de gauche et de la SFIO, avec le plein soutien significatif des staliniens du PCF, il va construire sa politique autour de l'anti-fascisme et, partant de là, de la préparation à la guerre. C'est par un enfermement progressif de la classe ouvrière dans l'idéologie démocratique et nationaliste que le Front Populaire va s'illustrer en premier lieu, en agitant devant les ouvriers en grève le "danger fasciste" qui n'attend qu'un "affaiblissement de la nation française" pour "déferler sur le pays".
La classe dominante cherche à enrôler le prolétariat dans la guerre, et d'ores et déjà, à le soumettre aux conditions intensives de travail nécessitées par la préparation de cette guerre. Et finalement, ces mesures ne s'éloigneront que par leur vernis idéologique des mesures économiques mises en oeuvre dans les années 1930 par l'URSS stalinienne ou l'Allemagne nazie. Cette similitude n'est pas un hasard ni un accident : c'est la manifestation flagrante que toute la bourgeoisie, confrontée à une crise généralisée de son système, s'engage dans la seule voie possible pour elle, la guerre.
On pourrait toujours rétorquer que les augmentations de salaires, les congés payés et autres "avantages" acquis sous la pression des grèves de 1936 ont contribué dans la durée à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière. A cela, nous ne pourrons pas mieux dire que Léon Blum lui-même pour apporter un démenti définitif. Lors du procès de Riom, fantaisie vichyste destinée à faire porter la responsabilité du gouvernement social-démocrate dans la défaite de 1940, "l'homme de 36" défend sa politique avec ferveur en rappelant comment les mesures sociales ont servi à masquer, accompagner et rendre possible l'intensification du travail nécessitée par le développement de l'économie de guerre : "Ne croyez-vous pas que cette condition morale et physique de l’ouvrier, toute notre législation sociale était de nature à l’améliorer : la journée plus courte, les loisirs, les congés payés, le sentiment d’une dignité, d’une égalité conquise, tout cela était, devait être, un des éléments qui peuvent porter au maximum le rendement horaire tiré de la machine par l'ouvrier".
Les deux premières expériences de la social-démocratie au pouvoir offrent un bilan sans appel : écrasement du prolétariat révolutionnaire dans le sang, et enrôlement dans la préparation de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, d’autres terrains vont s’offrir à la social-démocratie "moderne" qui pourra, au pouvoir comme dans l'opposition, continuer son sale boulot contre la classe ouvrière.
Il serait trop long de revenir sur tous les faits remarquables de la social-démocratie au service du capital. Mais il faut tout de même évoquer les années 1970, où la gauche française va commencer à jouer un rôle important, cette fois dans l'opposition.
Tout commence en 1971 avec le mythique congrès d'Epinay-sur-seine, qui marque la mue de la vieille social-démocratie dans ses nouveaux habits. François Mitterrand y fait forte impression à la tribune en ce dimanche 13 juin, au point qu'il termine le congrès à la tête de ce PS "d'union de la gauche" avec un mandat, conclure un accord de gouvernement avec le PCF. Le ton est donné par Mitterrand dans son discours : il y parle de "révolution", de "rupture anti-capitaliste" et de "front de classe".
Pendant toutes les années 1970, cette social-démocratie moderne incarnée par le PS de Mitterrand va fourbir ses armes dans l'opposition. Mais loin d'être passive, cette opposition va permettre au PS d'apporter une contribution fondamentale à la bourgeoisie, en encadrant la colère ouvrière provoquée par les attaques de la droite, en se présentant comme une alternative crédible pour accéder au pouvoir, ce qui permet d'entretenir au passage l'illusion démocratique et parlementaire dans les rangs ouvriers.
En 1981, Mitterrand est élu président, le moment est logiquement venu de mettre en oeuvre concrètement cette "rupture anti-capitaliste" tant scandée au congrès d’Epinay, de faire cette "révolution".
L’illusion ne durera pas longtemps. Après une petite année "de grâce", les masques ne tiennent déjà plus. Le programme d'austérité établi dès 1982 par Pierre Mauroy est brutal : fin de l'indexation des salaires sur les prix alors même que depuis 1981 l'inflation ne pouvait être contenue, restructurations dans les grandes entreprises entraînant la suppression de centaines de milliers d'emplois dans tous les grands secteurs d'activité, développement du travail précaire avec l'invention des premiers contrats précaires publics (les TUC en 1984). Au final, le chômage se développera sans cesse pendant ces années, alors même que son indemnisation sera toujours plus réduite.
Le deuxième septennat de Mitterrand est du même tonneau : renforcement du flicage de la société, développement de la chasse aux immigrés clandestins, premières réflexions sur la réforme des retraites dont la philosophie générale sera reprise dans la réforme de 2003.
Sur le front de l'emploi, pour réduire encore et toujours l'indemnisation du chômage, la gauche a créé le RMI. Présenté comme une mesure sociale, il est au contraire tout à la fois une façon plus économique d'assurer la survie de ceux que le système ne peut plus intégrer, et un formidable aveu d'impuissance de la bourgeoisie face à l'avancée de sa crise.
A l'étranger, les sociaux-démocrates se sont toujours illustrés, au gouvernement, par la défense de l'intérêt national, en particulier en Afrique. Pour défendre son pré-carré, la gauche n'a jamais reculé devant aucun massacre, aucun amoncellement de cadavres : du Tchad au Zaïre, les raids militaires s'enchaînent et le génocide du Rwanda, ce déchaînement de barbarie planifié par Mitterrand 1 [7], se met en place. Sans oublier que la France a tenu son rang dans la première guerre du Golfe contre l'Irak.
Enfin, le tableau de l’œuvre social-démocrate ne serait pas complet si nous n’évoquions l'une des plus grandes attaques portées contre la classe ouvrière depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : les 35 heures. Cette loi portée par Martine Aubry, ministre de l'emploi de Jospin, a touché et continue de toucher l'ensemble de la classe ouvrière en introduisant un maximum de flexibilité dans l'exploitation, tout en contribuant à bloquer les salaires.
La voilà donc cette social-démocratie qu'on nous dit "pleine d'avenir" ! La voilà donc cette "nouvelle façon de faire de la politique". A la rigueur, nous pourrions concéder au PS d'aujourd'hui un certain talent pour faire du neuf avec du vieux. Mais cette entourloupe de brocanteur véreux ne trompera personne, le vernis ne tient pas ! La social-démocratie, depuis sa trahison de l'internationalisme en 1914, n'a plus aucun lien avec le mouvement ouvrier. Au contraire, elle a eu d'innombrables occasions de faire la joie de sa mère adoptive, la bourgeoisie. Au pouvoir comme dans l'opposition, elle n'aura fait que servir les intérêts de sa classe et de l'Etat, sans hésiter, quand il le faudra, à y mettre elle-même les mains, quitte à les enduire du sang de la classe ouvrière. Hier encore, elle était au pouvoir et montrait la même détermination à attaquer le prolétariat dans ses conditions de travail et ses conditions de vie. Aujourd'hui, elle s'apprête à reprendre du service avec exactement les mêmes objectifs 2.
Mais demain, elle devra s'attendre à trouver sur sa route une classe ouvrière déterminée à lui arracher son masque et à l'envoyer avec le reste de la bourgeoisie dans les oubliettes de l'histoire.
GD (15 décembre)
1 [8] Voir notre article [9] à ce sujet.
2 Lire « En costume ou en tailleur, le PS reste un ennemi de la classe ouvrière » [10] dans RI n° 374.
Le rapport 2006 de la Fondation Abbé Pierre sur le "mal logement" est sans appel : la France est en proie à une "crise sans précédent". Comme les Restos du cœur, submergés d’année en année de nouvelles demandes d’aide alimentaire 1 [12], les Compagnons d’Emmaüs font à leur tour le constat de leur propre impuissance. Le long cortège des sans-abri, mal-logés, mal nourris ne cesse de s’étirer de par le monde telle une interminable muraille de Chine et l’ombre énorme des bidonvilles tentaculaires de Rio, Nairobi, Port au Prince ou Bombay, plane désormais ostensiblement au-dessus des têtes des travailleurs des pays les plus riches. Pour exemple, un recensement commandé par le gouvernement britannique vient de faire le sinistre constat de l’existence à Londres de plus de 60 000 familles sans domicile fixe, contraintes de vivre dans des hôtels miteux ou des foyers sociaux.
Le phénomène n’est certes pas nouveau. Le termes de "slum" (bidonville) est lui-même apparu pour la première fois à Londres au 19e siècle lorsque les prolétaires, tout juste sortis des campagnes, allaient se concentrer, pêle-mêle, à la ville où fabriques et usines les attendaient (tels de monstrueux alchimistes) pour changer en or leur sueur et leur sang. Depuis, la classe ouvrière s’est organisée et a mené le combat pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’époque de la pleine vitalité du système capitaliste rendait cela encore possible et la perspective était alors celle de la transformation des banlieues sordides de Manchester, magistralement dépeintes par Engels, vers des conditions de logement plus humaines ou, dans un premier temps, moins indignes. En revanche, avec l’entrée fracassante du capitalisme dans sa période de faillite historique, à partir du 20e siècle, cette dynamique se renverse et ce monde, ne sachant plus propager autre chose que la misère, condamne l’humanité entière à un seul et même avenir… la planète bidonville !
De ce point de vue, la situation des ouvriers en France est on ne peut plus emblématique du sort réservé à l’ensemble de la classe ouvrière.
Loin de l’image d’Epinal d’un Archimède le Clochard, réfractaire et marginal interprété par Jean Gabin à la fin des années 1950, ou à l'opposé de celle du philosophe grec Diogène ayant élu domicile dans un tonneau pour trouver le bonheur, la réalité est avant tout celle d’une masse croissante d’ouvriers, chômeurs ou non, se heurtant à l'impossibilité de se loger décemment. Retraités, étudiants, jeunes travailleurs, chômeurs, salariés de la "grande distribution", fonctionnaires de l’Education Nationale ou des collectivités territoriales, ce sont des pans entiers de la classe ouvrière qui se retrouvent dans l’incapacité croissante de faire face à cette dépense répondant pourtant à une nécessité vitale…
Le choix que laisse le capitalisme à un nombre toujours plus grand de prolétaires se résume entre périr dans l’incendie d’un taudis insalubre, ou mourir de froid l'hiver sous une tente de sans-abri.
Et l’Abbé Pierre de lancer son cri : "Mon Dieu…Pourquoi ?". Mais il est bien inutile de jeter un regard interrogatif vers le ciel pour trouver une réponse improbable quand celle-ci nous crève les yeux ici-bas.
En 20 ans, le nombre de contrat à durée déterminée (CDD) a été multiplié par 6, le temps partiel subi gagne chaque année en ampleur, les 2/3 des jeunes accèdent au travail sous une forme précaire (intérim, stage, CAE…) et 1/5 sont au chômage. Entre emploi précaire et chômage, on compte en France 15 à 20 millions de personnes en état de survie.
Pas besoin d’aller chercher, avec l’Abbé, midi à 14 h sur la grande horloge céleste, pour se rendre compte que le capitalisme n'est plus capable de faire vivre ses esclaves autrement qu’avec des salaires de misère et dans la précarité.
Dans ces conditions, accéder à un logement, payer un loyer et en assumer les charges (eau, gaz, électricité…) devient un problème insurmontable, révélateur de la gangrène du système. Le poids du loyer dans le budget des ménages est à ce point insupportable qu’il est souvent inévitable pour ceux-ci de se serrer la ceinture en économisant sur la nourriture et les soins médicaux. Et lorsque ce n’est pas possible, que la somme restante est trop dérisoire, alors il ne reste plus qu’à renoncer aux formes "traditionnelles" de l’habitat pour se retourner vers des solutions de fortune. Le logement "atypique" fait de bric et de broc : squat, hébergement chez des proches, sur-entassement façon boîte à sardines, construction de cabanes avec 3 planches et une bâche dans les sous-bois de la région parisienne (où se réfugient des retraités dont les pensions misérables ne permettent plus de régler le loyer), ou encore le camping à l’année qui accueillent du côté de Toulouse (et ailleurs) les caravanes de salariés en contrat précaire. Le camping se fait aussi sauvage, sous les ponts et bretelles du périphérique parisien où des familles (au grand complet) s’installent et où poussent, tels des champignons, des camps de travailleurs (bulgares, roumains…). Enfin, sur les sites de production automobile de Peugeot Ile-de-France et Citroën à Rennes, les responsables avouent (sans en faire mystère) que les rémunérations de bon nombre de leurs salariés ne leurs permettent pas de se loger à proximité du lieu de travail. Pour ceux-là, il reste l’hôtel miteux, les structures d’urgence ou bien vivre dans leur voiture ! Voilà comment, un peu partout, les bidonvilles réapparaissent.
La situation des jeunes travailleurs est particulièrement symptomatique de cette société aux promesses d’avenir bien sombres. Traditionnellement, le jeune prolétaire débute dans la vie avec une situation inconfortable, sorte de période de transition vers une plus grande stabilité. A présent, il n’en n’est plus question. Les jeunes ne parviennent plus à se sortir des solutions d’habitat bricolées… elles sont là pour la vie ! Le rapport de la Fondation Abbé Pierre le pose avec beaucoup de lucidité : "la jeunesse est devenu un temps d’apprentissage de la précarité" qui marquera le reste de l’existence du sceau de l’incertitude. De là, tout projet de vie aussi simple que fonder une famille, avoir des enfants se trouve irrémédiablement compromis.
Evidemment, la bourgeoisie tient à nous faire savoir qu’elle fera tout pour désamorcer ce qu’elle a elle-même appelé "la crise du logement". Mais dans les faits, elle essaie surtout de nous embobiner en rejetant la faute sur "la folie des bailleurs" qui réclament des loyers toujours plus prohibitifs. La solution est donc toute trouvée… l’intervention de l’Etat "justicier" pour faire "rendre gorge" à ces "gougnafiers" mais aussi pour contraindre les maires à respecter le quota de 20% de logements sociaux dans leurs communes. Piètre supercherie… L’unique politique du logement menée par la classe dominante, poussée par la crise de son système, consiste à supprimer, purement et simplement, ce qu’il reste des aides au logement. Celles-ci permettent actuellement de rendre solvables plus de 6 millions de familles en France qui, sans elles, se retrouveraient manu militari à la rue. Or, depuis l’année 2000, les économies réalisées ont provoquées la sortie du dispositif de plusieurs dizaines de milliers de ménages. Cette évolution pousse d’ailleurs la revue Habitat et Société (n°39) à se demander si nous ne sommes pas engagés dans un processus conduisant à passer "de l’aide à la personne à l’aide à personne" …
Finalement, la "crise du logement" se résume au fait qu’une part croissante de la classe ouvrière ne dispose plus d’un revenu suffisant pour échapper à la pauvreté. "Le travailleur devient un pauvre et le paupérisme s’accroît… Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rôle de classe dirigeante… Elle ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave…" (Le Manifeste communiste).
C’est pourquoi l’appel de l’abbé Pierre à "l’insurrection de la Bonté", variante chrétienne de l’antienne gauchiste "partageons les richesses mais ne touchons pas aux sacro-saints rapports d'exploitation capitaliste" ne nous sera d’aucun secours. Le renversement du capitalisme et la révolution du prolétariat à l'échelle mondiale sont les seuls moyens capables d'ouvrir un avenir à l’humanité et de fonder de nouveaux rapports sociaux permettant à chacun de vivre en fonction de ses besoins.
Jude (17 décembre)
1 [13]En vingt ans, la misère a explosé. Les Restos du cœur distribuaient 8,5 millions de repas en 1985, aujourd'hui c'est plus de 66,5 millions !
Le "jeune" est devenu depuis quelques temps le cœur de cible privilégié de la campagne électorale pour les prochaines présidentielles. De Ségolène Royal à Nicolas Sarkosy, chacun sort sa panoplie de meilleur ami de la jeunesse en s’exhibant avec les starlettes (fraîchement recrutées) du moment : Sarko parade avec son Doc Gynéco quand Ségo prend la pose avec le chanteur pop-rock, Cali. Comme le dit Jack Lang, fin connaisseur en la matière, il s’agit d’une véritable opération de "drague vers les jeunes".
Cela étant, l’engouement pour la fleur de l’âge n’a rien d’une lubie. Attirer la jeunesse dans les filets de l’électoralisme est devenu un objectif majeur de la classe dominante afin de couper court à toutes formes de réflexions portant sur l’avenir que réserve le monde capitaliste.
Ainsi, à côté de l’effort de séduction que fournissent les partis politiques pour racoler le plus grand nombre et en plus de la campagne gouvernementale appelant par voie d’affichage, jusque dans les lycées, au "civisme" électoral, une opération phénoménale est actuellement menée au niveau national à travers la contribution d’artistes à la mode pour appeler les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à "aller voter". Chanteurs, humoristes, acteurs, sportifs, tous les emplumés du show bizz défilent, à la queue leu leu, sur les plateaux de télévision et de radios, des trémolos dans la voix, pour mieux persuader la jeunesse de France (et de Navarre) de la nécessité d’apporter sa pierre à l’édifice démocratique.
Pour donner encore plus d’écho à ce cirque, TF1 n’a pas hésité a financer et à diffuser, du 15 au 31 décembre, une série de mini-films où une ribambelle de "people" se succèdent pour marteler l’idée selon laquelle : "S’inscrire, c’est voter. Voter, c’est exister." donc "si tu votes pas, t’es mort !" Admirable syllogisme qui parvient à faire d’une planche pourrie une planche de salut !
Le concours de l’artiste qui farcira de purée électoraliste le plus de jeunes cerveaux est ouvert, et c’est dans la grande famille du rap français que l’on trouve les meilleurs compétiteurs.
Ainsi, Joe Star, ex-leader du groupe NTM, connu pour son radicalisme "anti- système" et ses brutalités en tous genres, appelle "férocement" à voter. Monsieur Morville, de son vrai patronyme, ne reculant devant rien est même allé pousser la chansonnette sur le prime time de la Star Academy pour faire son office de bourrage de crâne : "n’oubliez pas d’aller voter"… "n’oubliez pas de vous inscrire"… "n’oubliez pas d’aller voter"… Le disque devait être rayé ce soir-là !
D’autres, comme Diam’s, nous chante "Ouvre-la"… dans l’isoloir, confirmant par là (et bien malgré elle) ce que nous savions déjà : "Si la dictature, c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours" !
On voit même aujourd’hui l’ancien groupe de rock Trust, célèbre en son temps, reprendre du service pour participer à la grande foire électoraliste. Ainsi, à chacun de ses concerts, s’inscrit en lettres de lumière, au-dessus de la scène, le titre de leur album : "Soulagez-vous dans les urnes."
Un tel rouleau compresseur lancé contre la conscience des plus jeunes est totalement inédit dans l’histoire des campagnes électorales françaises. Et il ne s’explique pas par le seul besoin des présidentiables de récolter un maximum de suffrages.
Il s’agit avant tout d’une opération de décervelage répondant aux interrogations quant au futur que prépare cette société et qui se développent en profondeur depuis plusieurs années dans toute la classe ouvrière et en particulier dans les rangs de ceux qui formeront les prochaines générations de travailleurs. La mobilisation des lycéens en 2005 et le mouvement des étudiants contre le CPE au printemps dernier ont une signification que la classe dominante a très bien perçue. Tous ces jeunes sont dans un âge où il est normal de se demander "quel sera mon avenir ?", "quel métier vais-je trouver ?", "quels choix professionnels?"…or, les choix qu’offre ce système en crise ne sont guère reluisants. "Précarité à toutes les sauces", voilà le menu affiché par la bourgeoisie.
Dès lors, le risque pour cette dernière est, bien évidemment, que cette foule de questionnements n’aboutissent à une remise en cause de fond en comble de son système.
D’où cette frénésie propagandiste, sollicitant tous les canaux susceptibles de parvenir aux oreilles de ces jeunes, afin qu’ils se soulagent l’esprit de l’idée de lutte en se défoulant dans la cellule capitonnée de l’isoloir.
De plus, au son de la trompette anti-extrême droite et anti-Sarko, on leur répète à satiété qu’il existe, grâce à cette "démarche citoyenne" un espoir : celui de changer l’avenir, qu’ils vont ainsi construire une société "meilleure"… Foutaises !
Les élections sont d’abord le terrain de nos exploiteurs, ceux qui font ce monde tel qu’il est.
Ce monde d’horreurs et de misère ne changera pas par la "magie" du bulletin de vote. Bien au contraire, il n’en sera que mieux consolidé. Seule la lutte de la classe ouvrière porte l’espoir d’une société nouvelle.
Mulan (20 décembre)
Depuis un mois, l’impérialisme français intervient militairement au Tchad et en Centrafrique, mobilisant tous ses dispositifs militaires dans la région, à savoir 1200 soldats basés au Tchad, 800 hommes au Gabon et des centaines d’autres soldats présents en Centrafrique avec aussi des avions Mirage, des hélicoptères et d’autres engins de mort.
Officiellement, l'Etat français intervient au Tchad et en Centrafrique pour "accentuer la coopération des forces de paix"et prêter "main- forte"aux pauvres forces de l’Union africaine au Darfour. Voilà un gros mensonge, tellement énorme qu'un autre justificatif plus "présentable », moins cynique, est mis en avant. Celui qui consiste à dire que la France serait intervenue uniquement pour protéger des "régimes amis", dont Paris est lié par des "accords de défense mutuelle", agressés par des forces extérieures : le Soudan et ses alliés. Mais il s'agit là aussi d'une ignoble mystification pour mieux masquer le but de l’intervention de l’impérialisme français.
Quelles que soient les "raisons"avancées, l’intervention de Paris est une réponse à l'exportation au Tchad et en Centrafrique du conflit qui ravage le Darfour depuis plusieurs années. Les dissensions aggravées entre les fractions dites "rebelles"opposées à Khartoum et les forces du gouvernement soudanais appuyées par les bandes armées, les "djanjawids", à sa solde ont provoqué une situation de plus en plus incontrôlable. Entre l'exode massif de plus d'un million et demi de gens depuis trois ans, la dispersion des forces "rebelles"au-delà de la frontière même du Soudan, avec les tensions qui se manifestent ouvertement en Ethiopie et en Somalie, avec un redémarrage des guerres dans cette région, les risques sont grands pour la France de se voir rapidement débordée. Aussi, ce n'est nullement pour venir soutenir les forces de paix de l'Union africaine et de l'Europe, ni pour aider une population qu'elle laisse crever depuis des années que le gouvernement français vient apporter son soutien logistique militaire : c'est pour essayer d'endiguer les risques de perte de contrôle d'une région stratégiquement fondamentale dans sa position impérialiste en Afrique. En effet, l'extension actuelle du conflit au Darfour vient clairement mettre en cause la stabilité des régimes du Tchad et de Centrafrique, qu'elle soit voulue ou non par le Soudan et derrière lui éventuellement les Etats-Unis. Voilà les vraies raison de l'intervention musclée de l'Etat français. "Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1 350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c’est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. A deux reprises, de 1980 à 1984 et 1985-1986, elle a décidé de se retirer et chaque fois, elle a dû renvoyer un contingent militaire à N’Djamena. Depuis l’indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, du Français Tombalbaye au général Maloum, d’Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris." (Le Monde du 17 avril 2006)
Et pour mieux se faire comprendre face à ses ennemis impérialistes, la France a dû dépécher sur place, à N’Djamena (en novembre dernier), Mr de Villepin, son premier ministre, afin de notifier à tous la volonté de Paris d’user de tous les moyens pour se défendre. Ce message s’adresse d’abord aux grands concurrents des Français au Tchad, c'est-à-dire aux Américains et aux Libyens, dont la forte présence dans ce pays sonne comme une volonté d’éjecter Paris de son ancien pré carré. "En attendant, fidèles à leurs habitudes, les Américains ne se sont pas fait prier pour renforcer leur présence dans le pays. Déjà présents sur le champ pétrolier du bassin de Doba (200 000 barils/J de brut) avec la firme américaine Exxon Mobil, qui détient 40% du consortium d’exploitation, c’est dans la foulée de la visite de Donald Yamamoto (sous–secrétaire d’Etat aux affaires africaines) qu’un accord dit' ciel ouvert' a été signé le 31 mai 2006." (Jeune Afrique du 2 décembre 2006) La riposte de l'Etat français et de ses alliés est donc massive : "Kadhafi vient en effet de prêter à Idriss Déby Itno, confronté aux rebelles de Mahamet Nouri, cinq avions d’attaque au sol italiens Machetti, deux appareils russes de transport de troupes- le tout équipage compris- et un important stock d’armes, dont certaines se sont aussitôt retrouvées entre les mains des milices zaghawas du Darfour, qui combattent l’armée soudanaise sous la houlette de Daoussou, le propre frère du président tchadien."(idem)
Le contrôle du Tchad et de sa région constitue donc l’enjeu principal de la guerre entre les divers vautours impérialistes. C’est cela qui les pousse à régler leurs comptes dans cette région. Voilà pourquoi le Tchad et ses voisins sont à feu et à sang depuis des décennies, ruinés à jamais et qu'ils n’ont jamais connu la "paix"depuis leur "indépendance ».
Parallèlement à leurs confrontations indirectes mais sanglantes sur le terrain, les brigands impérialistes se battent à l’ONU comme des chiffonniers à coups d’innombrables "résolutions de paix"sur le Darfour. En réalité, leurs résolutions ne sont que des masques visant à cacher les abominables crimes qu’ils commettent sur le terrain. En clair, pendant leurs interminables bavardages hypocrites à l‘ONU, les mêmes puissances impérialistes, France et Etats-Unis en tête, laissent sciemment les bandes criminelles qu’ils téléguident poursuivre tranquillement les massacres et les mutilations des populations. C’est ainsi qu'en trois ans, on dénombre au Darfour des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés. Et on vient d’apprendre, au moment où nous écrivons ces lignes, que l’offensive en cours a déjà tué, en quelques jours, des centaines de civils et provoqué l’exode de 80 000 personnes.
Amina (15 décembre)
Chaque jour, les médias bourgeois font des articles et des reportages sur la tragédie que vit actuellement le Liban. Il n’y a là aucun souci pour la vie humaine. Les préoccupations des bourgeoisies de tous les pays, sont autrement plus sordides. Le Liban est un tout petit pays de quatre millions d’habitants et, contrairement à bien d’autres Etats du Moyen-Orient, son sous-sol ne contient aucune ressource stratégique et économique particulière : pas de pétrole, pas de gaz, rien qui puisse aiguiser, en apparence, l’appétit de tous les prédateurs impérialistes de la planète. Et pourtant beaucoup d’entre eux, du plus petit au plus puissant, sont impliqués dans la crise majeure que connaît ce pays. D’où vient cet intérêt de la part de toutes ces puissances impérialistes ? Quel avenir peut-il y avoir pour la population du Liban, prise dans l’étau mortel du développement des tensions inter- impérialistes ?
Le dimanche 10 décembre, Beyrouth, capitale du Liban, a vu la tenue de manifestations massives, entraînant une foule surexcitée et prête à toutes les exactions. C’est la première fois dans ce pays, à l’histoire déjà très tourmentée, qu’une telle foule est rassemblée. Dans un des quartiers de la ville, ce sont plusieurs centaines de milliers de chiites, partisans du Hezbollah pro-syrien, rejoints par les chrétiens fidèles au général Aoun, ayant lui-même à son tour épousé la cause chiite, qui ont étalé une haine violente envers la communauté sunnite.
Cette foule, encadrée par des miliciens en armes, a réclamé à cor et à cri la démission du gouvernement. Dans le même temps, à Tripoli, une foule tout aussi nombreuse et tout aussi excitée, formée essentiellement de Sunnites, clamait son soutien à ce même gouvernement. Durant ce mois de décembre, le Hezbollah, renforcé politiquement et militairement après ce qui est apparu comme une victoire sur l’armée israélienne et indirectement sur le "grand Satan américain" lors de la dernière confrontation armée, au mois d’août dernier, a tout simplement organisé le siège du Sérail, haut-lieu du premier ministre Fouad Siniora.
Des dizaines de tentes ont été dressées dans le centre ville de Beyrouth, bloquant tous les accès au Sérail et l’encerclant de toutes parts, sans que l’armée libanaise ne puisse intervenir. De leur côté, des groupes armés sunnites menacent d’assiéger le parlement et de prendre en otage son président chiite Nabil Berri. Les routes reliant Beyrouth à la plaine de la Bekaa et au Sud-Liban, siège des fiefs du Hezbollah, sont menacés d'être coupées.
A ce stade de tensions entre les différentes fractions dont les Druzes eux-mêmes ne sont pas écartés, la moindre étincelle provoquerait un embrasement généralisé de tout le pays. Lors d’un entretien télévisé tout récent, le général Michel Aoun a proposé : "Un plan de l’opposition pour former un nouveau gouvernement" et "des réflexions du président de la République Emile Lahoud et du président du Parlement Nabih Berri sur la manière de faire tomber le gouvernement de Fouad Siniora." (cité par Courrier International du 14 décembre 2006)
Il est même question de former de la part du Hezbollah et des Chiites, ainsi que de leurs alliés, un gouvernement provisoire, clairement pro-syrien. Et tout cela avec la bénédiction de la partie chiite de l’armée libanaise.
Ainsi, le bras de fer s’accélère au Liban entre les différentes communautés, chacune inféodée à des requins impérialistes plus puissants qu’eux.
Il serait erroné de penser que, lorsque des centaines de milliers de personnes font le siège du gouvernement de Fouad Siniora, il ne s’agit là que de faire tomber le gouvernement. L’enjeu est bien plus vaste et implique directement de nombreux Etats de la région, derrière lesquels se cachent les plus puissants pays impérialistes de la planète. Ce que veulent en réalité les Chiites et les partisans du général Aoun, c’est tout simplement un retour en force de la Syrie au Liban.
Pour Damas qui, à l'égal de l’Iran, soutient politiquement et militairement le Hezbollah, il s’agit de profiter au maximum de l’affaiblissement de l’Etat israélien et de son allié américain pour faire valoir ses appétits sur le Liban et indirectement sur la région du Golan, occupée par l’Etat hébreu. Depuis le retrait forcé de ses troupes du Liban en 2005, jamais la Syrie ne s’est retrouvée dans une situation apparemment aussi favorable. Mais l’Iran, qui est actuellement un allié de circonstance de la Syrie au Liban, n’a lui-même aucunement renoncé à renforcer sa présence et son influence politique dans ce pays. Pour l'Etat iranien, peser sur le Liban, au travers de la communauté chiite, c’est de fait renforcer son influence sur cette même communauté en Irak et s’affirmer toujours plus comme un acteur incontournable dans toute la région, face à Israël et aux Etats-Unis.
D'autre part, apparemment inquiètes d’un renforcement du rôle dans la région de l’Iran chiite, qui finance le Hezbollah, l’Egypte, l‘Arabie Saoudite et la Jordanie, dirigées par des Sunnites, ont apporté ces derniers jours leur soutien au gouvernement de Siniora. Ces Etats arabes, particulièrement influencés par la politique impérialiste américaine, expriment ainsi directement leur inquiétude devant la montée en puissance du frère ennemi iranien.
Aussi, ce qui se profile, c’est une cassure irrémédiable au sein de l’ensemble du monde musulman. Et cette montée en puissance des tensions au sein du monde arabe ne présage rien de bon dans l’avenir pour toute cette région.
Et cette brèche ouverte est une opportunité pour des puissances telles que l’Allemagne et la France, cette dernière étant déjà présente militairement sur le terrain. Le mardi 5 décembre, ces deux pays ont ainsi fait savoir dans une déclaration commune qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence extérieure au Liban ; ils ont même précisé qu'il fallait que la Syrie " s’abstienne d’apporter son soutien aux forces qui recherchent la déstabilisation du Liban et de la région, et établisse avec le Liban, une relation égalitaire et respectueuse de la souveraineté de chacun ". (Libération du l5 décembre 2006) Pour tout requin impérialiste qui se respecte, l’ennemi de mon allié du moment est mon propre ennemi. La France notamment, qui ne peut s’appuyer pour l’heure au Liban que sur la majorité chrétienne ennemie de la Syrie n’a de cesse de critiquer cette dernière.
La montée des tensions guerrières dans toute la région, dont la crise libanaise est une tragique expression, vient de s’exprimer directement et spectaculairement dans ce que la presse bourgeoise a appelé hypocritement "le vrai-faux lapsus nucléaire" du premier ministre israélien Ehoud Olmert. Maintenir l’ambiguïté sur son arsenal nucléaire était une règle d’or de la politique internationale de l’Etat d’Israël. Pourtant lors d’une interview accordée le 12 décembre à une chaîne de télévision allemande, ce même premier ministre, critiquant les tentatives de justifications de l’Iran en matière de recherche et de développement nucléaire, a laissé directement entendre qu’Israël posséderait l’arme nucléaire, au même titre que la France, la Russie ou encore les Etas-Unis. Cette affirmation prend tout son sens, quand on la relie au fait que quelques jours plus tôt, Robert Gates, nouveau ministre de la défense américain, a cité Israël, dans une audition devant le Congrès, parmi les pays possédant la bombe nucléaire. Il n’y a à ce niveau aucune erreur ni de lapsus. C'est un avertissement clair et net à l’Iran qui remet à sa juste place le plan Baker et le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak dont nous parle actuellement sans relâche la bourgeoisie. Selon le quotidien pan-arabe Al-Quds-Arabi, ceci serait également "une préparation pour un éventuel recours au nucléaire, si jamais Israël se décide à attaquer les sites nucléaires iraniens". (cité par Courrier International du 13 décembre 2006) Cette éventualité n’est malheureusement plus à écarter. Marx, il y a près de cent cinquante ans, constatait que le capitalisme était né dans la boue et le sang. Aujourd'hui, en pourrissant sur pied, l'agonie de ce système se prépare à faire plonger l’humanité dans un enfer autrement plus terrifiant.
Tino (15 décembre)
Malgré la spirale de haine nationaliste qui paralyse la plupart du temps la lutte de classe en Israël et en Palestine, les sévères privations économiques résultant de l’état de guerre permanent ont poussé les ouvriers des deux camps antagoniques à se battre pour leurs propres intérêts de classe. En septembre, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, des grèves et des manifestations ont été organisées pour exiger que le gouvernement du Hamas règle plusieurs mois de salaires impayés, suite au blocus des fonds internationaux par l'Etat israélien, rejoignant ainsi les revendications d'une bonne partie des 170 000 fonctionnaires en grève. Ainsi, les enseignants des écoles se sont mis en grève depuis le 4 septembre avec des taux de grévistes atteignant de 80 à 95%, de Rafah (sud de la bande de Gaza) à Jénine (nord de la Cisjordanie).
Ce mouvement s'est propagé jusque dans la police palestinienne et surtout début octobre dans le secteur de la santé où la situation sanitaire est dramatique, y compris en Cisjordanie. Les fonctionnaires du ministère de la Santé n'ont reçu que trois paiements partiels en sept mois et ils ont décidé une grève illimitée pour réclamer le paiement de leur dû.
Parallèlement, le 29 novembre, le site d’information Libcom.org rapportait qu’une grève générale avait surgi dans le secteur public israélien, comprenant les aéroports, les ports, et que les bureaux de poste étaient tous fermés. 12 000 employés des services municipaux ainsi que les pompiers se sont mis en grève à l'appel de la centrale syndicale Histadrout (la Fédération Générale du Travail) en réponse aux violations des accords entre les syndicats et les autorités locales et religieuses. Histadrout a ainsi déclaré que ces dernières ont des arriérés de salaires à payer et que l’argent des employés qui devaient être versés en fonds de pension avait disparu.
La guerre impérialiste amplifie la ruine économique et la misère des prolétaires dans la région. La bourgeoisie des deux camps est de plus en plus incapable de payer ses esclaves salariés.
Ces deux luttes ont fait l’objet de toutes sortes de manipulations politiques. En Cisjordanie et à Gaza, la fraction d’opposition nationaliste, le Fatah, a essayé de se servir des grèves comme d’un moyen pour faire pression sur ses rivaux du Hamas.
En Israël, Histadrout a une longue tradition d’appels à des « grèves générales » hyper-contrôlées pour rabattre la colère des ouvriers sur le terrain bourgeois et au profit de telle ou telle fraction. Mais il est significatif qu’en Israël, la grève générale d'Histadrout (qui a été arrêtée au bout de 24 heures) a été précédée d’une vague de grèves moins bien contrôlées parmi les bagagistes, les enseignants, les professeurs d’université, les employés de banque et les fonctionnaires.
La désillusion devant le fiasco militaire d’Israël au Liban a sans aucun doute alimenté ce mécontentement grandissant. Pendant la grève de septembre dans les territoires palestiniens, le gouvernement du Hamas dénonçait l’action des fonctionnaires comme étant contraire à l’intérêt national et tentait de dissuader les enseignants grévistes: "Si vous voulez manifester, manifestez contre Israël, les Américains et l'Europe !".
En effet, la lutte de classe s’affirme comme contraire à l’intérêt national et s’oppose de ce fait à la guerre impérialiste.
Amos (2 décembre)
En septembre 2006, le CCI a eu l'occasion de présenter, devant un auditoire de 170 étudiants d'une université brésilienne, son analyse de la conjoncture mondiale et de l'alternative historique. Cette présentation1 [20] était organisée autour des axes suivants : la guerre, la lutte de classe et le rôle des élections. Nous publions l'essentiel des débats auxquels elle a donné lieu2 [21].
Avant tout, nous voulons souligner la manière dont les participants se sont situés par rapport à notre présentation, dont le contenu n'était pas "habituel" pour eux puisqu'il dénonçait les élections comme étant totalement au service de la bourgeoisie et mettait en évidence la perspective du développement de la lutte de classe internationale. Malgré cela, loin de provoquer hostilité ou scepticisme, nos analyses ont au contraire suscité un grand intérêt, et souvent même un soutien explicite.
La présentation avait peu développé sur le rôle et la nature des syndicats. Une intervention sur cette question a été particulièrement bienvenue puisqu'elle a mis en évidence que ceux-ci sont des appendices des partis bourgeois et qu'ils constituent un tremplin pour ceux qui veulent faire partie de la haute bureaucratie de l'Etat.
Il nous a été demandé si nous estimions que le gouvernement de Lula était de gauche ou de droite. Nous avons répondu, "de gauche, sans le moindre doute". Le fait qu'il se soit comporté au gouvernement comme un ennemi du prolétariat ne change en rien cette réalité, vu que la gauche est élue avec la même mission que la droite : défendre les intérêts du capital national, ce qui ne peut être réalisé qu'au détriment du prolétariat.
Quel que soit le discours, plus ou moins radical, de Bachelet au Chili, de Kirchner en Argentine, de Chàvez au Vénézuela ou Morales en Bolivie, ils sont tous les mêmes. Le plus "radical" d'entre eux, Chàvez, qui se confronte aux secteurs de la bourgeoisie nationale qui gouvernaient jusqu'en 1988 et qui ne rate pas une occasion pour dénoncer publiquement l'impérialisme des Etats-Unis -et de renforcer sa propre zone d'influence dans les Caraïbes- n'hésite pas à organiser, avec la même brutalité, l'exploitation des prolétaires vénézuéliens.
Si nous disons que la gauche et la droite défendent toutes les deux les intérêts du capital national contre le prolétariat, cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont identiques. En effet, de façon générale, les prolétaires ne se font pas d'illusion sur les intentions de la droite qui défend ouvertement les intérêts de la bourgeoisie. Mais malheureusement, ce n'est pas le prolétariat dans son ensemble qui parvient à la même clarté en ce qui concerne le rôle de la gauche. Ceci signifie que la gauche, et encore plus l'extrême gauche, disposent d'une plus grande capacité pour mystifier le prolétariat. Pour cette raison, ces fractions de l'appareil politique de la bourgeoisie constituent un ennemi plus dangereux pour le prolétariat.
Quelques interventions sont revenues sur les élections dont le rôle avait été largement développé dans la présentation. "Est-ce que c'est vraiment impossible de les utiliser en faveur d'une transformation sociale ?" Sur cette question, notre position n'a rien de dogmatique, mais reflète une réalité mondiale qui existe depuis le début du 20e siècle. À partir de ce moment, non seulement "Le centre de gravité de la vie politique quittait définitivement le parlement", comme disait l'Internationale communiste, mais en plus le cirque électoral ne peut qu'être une arme idéologique entre les mains de la bourgeoisie contre le prolétariat.
"Si les élections ne sont pas un moyen de la lutte de classe, comment le prolétariat va-t-il faire pour lutter ?"
Les luttes que le prolétariat a développées depuis 1968 n'ont pas été des "luttes électorales". Bien qu'elles n'aient pas été capables de tracer explicitement une perspective révolutionnaire, elles ont pourtant été suffisamment fortes pour empêcher une guerre mondiale du temps de la Guerre froide et – depuis - des chocs frontaux entre grandes puissances. Le prolétariat continue à être un frein au déchaînement de la guerre. Le prolétariat, et la population exploitée en général, ne sont pas mobilisés derrière les bannières des différentes bourgeoisies nationales. L'impossibilité actuelle des Etats-Unis à recruter des soldats pour servir de chair à canon dans les conflits en Irak et en Afghanistan, illustre une telle situation.
Refusant de se soumettre à la loi de la détérioration constante de ses conditions de vie résultant de l'aggravation de la crise, le prolétariat mondial va nécessairement amplifier ses luttes. En particulier depuis deux ans, ses luttes, qui se développent à l'échelle mondiale, présentent de manière croissante des caractéristiques qui constituent des ingrédients nécessaires au développement futur d'un processus révolutionnaire :
• le caractère massif de la lutte, comme nous venons de voir avec la grève de deux millions d'ouvriers au Bangladesh ;
• la solidarité démontrée par les prolétaires de l'aéroport de Heathrow à Londres et des transports à New York en 2005 ;
• la capacité de faire surgir, au sein de la lutte, des assemblées massives ouvertes à tous les ouvriers, comme dans la grève des métallurgistes à Vigo en Espagne au cours du dernier printemps ;
• la capacité de la lutte des étudiants en France, durant ce même printemps, à donner naissance à des assemblées générales souveraines, capables de préserver l'indépendance de la lutte par rapport aux syndicats et partis de la bourgeoisie qui essayaient de la contrôler pour l'affaiblir.
A propos de ce dernier mouvement, il s'est exprimé une insistance afin que nous en parlions davantage, ce que nous avons fait brièvement. Ce ne sont pas les salariés qu'il a essentiellement mobilisés mais, cependant, ceux qui étaient en lutte faisaient déjà partie du prolétariat. En effet, une très grande proportion des étudiants est contrainte de travailler pour survivre, de même qu’un très grand nombre d'entre eux va intégrer, à la fin de leurs études, les rangs du prolétariat. Les étudiants se sont mis en lutte pour la révocation d'une loi qui, parce qu'elle aggravait la précarité, constituait une attaque contre tout le prolétariat. C'est donc en toute conscience que la grande majorité du mouvement a pris en charge la recherche de la solidarité de l'ensemble du prolétariat et des tentatives de le mobiliser dans la lutte. A différentes reprises, il y a eu des manifestations massives qui ont mobilisé 3 millions de personnes le même jour dans différentes villes de France. Dans la plupart des universités en grève, il y avait régulièrement des assemblées générales souveraines qui constituaient le poumon de la lutte. La solidarité se trouvait au centre de la mobilisation alors que, dans le même temps, s'exprimait dans la population et dans le prolétariat en particulier, un énorme courant de sympathie en faveur de cette lutte. Tout ceci a obligé le gouvernement à reculer devant la mobilisation afin d'éviter qu'elle ne s'amplifie davantage.
Quelques interventions ont exprimé des préoccupations concernant les difficultés objectives du développement de la lutte de classe : "Est-ce que la dissolution des unités de production ne posera pas un obstacle à ce développement ?" De manière générale, nous assistons à une diminution du prolétariat industriel comme résultat, à la fois, des mutations dans le processus de production (qui a également comme conséquence qu'un nombre croissant de prolétaires travaillent dans le secteur dit tertiaire), de la crise économique et des délocalisations de secteurs de production vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère, comme la Chine, qui a connu un développement important ces dernières années. Ce phénomène constitue une difficulté pour le prolétariat mais celui-ci a déjà montré qu'il est capable de la surmonter. En effet, le prolétariat ne se limite pas à la classe ouvrière industrielle. Le prolétariat inclut tous ceux qui, en tant qu'exploités, n’ont que leur force de travail à vendre comme source de leur survie. Le prolétariat existe partout et son lieu privilégié pour se regrouper et s'unir est la rue, comme l'a à nouveau illustré le mouvement des étudiants en France contre la précarité.
La délocalisation de secteurs d'activité vers des pays comme la Chine a créé une division entre le prolétariat chinois, hyper exploité avec des conditions de vie terribles, et le prolétariat des pays centraux qui, à cause de la disparition de secteurs importants de production, souffre des conséquences d'un chômage accentué. Mais ceci n'est pas une situation exceptionnelle. En effet, depuis le début de son existence, le capitalisme a mis les prolétaires en concurrence les uns contre les autres. Et, dès le début, la nécessité de résister collectivement à cette concurrence a contraint les ouvriers à surmonter celle-ci par la lutte collective. Il vaut la peine en particulier de signaler que la fondation de la Première Internationale a correspondu à la nécessité d'empêcher la bourgeoisie anglaise d'utiliser des ouvriers de France, Belgique ou Allemagne afin de briser les grèves des ouvriers anglais. Aujourd'hui, malgré des luttes importantes du prolétariat chinois, celui-ci n'est pas capable, à lui seul, de rompre son isolement. Cela met en évidence la responsabilité du prolétariat des pays les plus puissants pour impulser, à travers ses luttes, la solidarité internationale.
Le développement de la lutte de classe sera marqué par la capacité croissante du prolétariat à contrôler ses luttes et à prendre en charge lui-même leur organisation. Pour cela, la pratique des assemblées générales souveraines, qui élisent des délégués révocables par elles-mêmes, tendra à se généraliser. Cette pratique précède le surgissement des conseils ouvriers, futurs organes de l'exercice du pouvoir du prolétariat. Ce type d'organisation est le seul permettant aux prolétaires de prendre collectivement un contrôle croissant sur la société, sur leur existence et sur le futur.
Un tel objectif ne saurait être atteint au moyen de formes organisationnelles qui ne rompent pas avec le cadre de l'organisation de la société bourgeoisie, telle que, par exemple, la "démocratie participative" qui, soi-disant, corrigerait les défauts de la démocratie représentative classique. Une intervention nous a demandé notre position à ce sujet. Pour nous, la démocratie participative n'est rien de plus qu'un moyen permettant de faire en sorte que les exploités et les exclus gèrent eux-mêmes leur propre misère, et visant à les tromper quant aux pouvoirs qui leur seraient ainsi réellement conférés au sein de la société. En fin de compte, la démocratie participative n'est rien de plus qu'une pure mystification.
Il est nécessaire d'asseoir les perspectives du développement de la lutte de classe sur l'expérience historique du prolétariat. A ce propos, la question suivante nous a été posée : "Pourquoi la Commune de Paris et la Révolution russe ont-elles été défaites ? Et pourquoi la Révolution russe a-t-elle dégénéré ?"
La Commune de Paris n'était pas encore une "vraie révolution", c'était une insurrection victorieuse du prolétariat limitée à une ville. Ses limites ont été essentiellement le résultat de l'immaturité des conditions objectives. En effet, à cette époque, d'un côté, le prolétariat ne s'était pas encore suffisamment développé pour pouvoir confronter, dans les principaux pays industrialisés, le capitalisme pour le renverser. De l'autre côté, le capitalisme n'avait pas encore cessé de constituer un système progressif, capable de développer les forces productives sans que ses contradictions se manifestent d'une manière chronique et encore plus brutale. Cette situation a changé au début du 20e siècle, avec le surgissement en Russie en 1905 des premiers conseils ouvriers, organes de pouvoir de la classe révolutionnaire. Peu après, le déclenchement de la Première Guerre mondiale constituait la première manifestation brutale de l'entrée du système dans sa phase de décadence, dans sa "phase de guerre et de révolutions" comme la caractérisait l'Internationale communiste. En réaction au déclenchement de la barbarie à une échelle inconnue jusqu'alors, une vague révolutionnaire s'est développée au niveau mondial, dans laquelle les conseils ouvriers ont de nouveau fait leur apparition. Le prolétariat parvenait à prendre le pouvoir politique en Russie, mais une tentative révolutionnaire en Allemagne en 1919 fut défaite grâce à la capacité de la social-démocratie de tromper les prolétaires. Cet échec a considérablement affaibli la dynamique révolutionnaire mondiale qui, en 1923, était déjà presque éteinte. Isolé, le pouvoir du prolétariat en Russie ne pouvait que dégénérer. La contre-révolution s'y est manifestée par l'ascension du stalinisme et à travers la formation d'une nouvelle classe bourgeoise personnifiée par la bureaucratie étatique. Mais, contrairement à la Commune de Paris qui n'avait pu s'étendre à cause de l'immaturité des conditions matérielles, la vague révolutionnaire mondiale fut défaite à cause de la conscience insuffisante, au sein de la classe ouvrière, des enjeux historiques et de la nature de classe de la social-démocratie qui avait définitivement trahi l'internationalisme prolétarien et le prolétariat au moment de la Guerre Mondiale. Les illusions persistantes dans les rangs prolétariens vis-à-vis de cet ennemi de classe ne lui ont pas permis de démasquer ses manœuvres visant à défaire la révolution.
Moins d'une année après avoir fait une présentation à l'université de Vitòria da Conquista, devant plus que 250 étudiants, sur le thème "La Gauche communiste et la continuité du marxisme", cette dernière réunion nous permet de vérifier avec beaucoup de satisfaction que, en lien avec un rejet croissant de la misère matérielle, morale et intellectuelle de ce monde en décomposition., il existe un intérêt croissant de la part des nouvelles générations pour le devenir de la lutte de classe Nous invitons tous ceux qui étaient présents à cette réunion ou qui ont l'opportunité de lire le présent article à continuer le débat commencé et de se manifester par écrit à propos des questions qui ont été présentées.
CCI (12 octobre 2006)
1 [22] Disponible en portuguais ici : “La conjoncture mondiale et les élections” [23]
Depuis le mois de juin, un des Etats les plus pauvres du Mexique, celui d’Oaxaca, connaît une situation sociale particulièrement dramatique (voir RI n° 373 [28] et 374 [4]). Les derniers évènements ont eu pour épilogue une répression féroce orchestrée par l’Etat mexicain qui a envoyé le 27 octobre dernier les FPF (Forces de la Police Fédérale) à la rescousse des milices du gouverneur Ulizes Ruiz confronté à une forte agitation de la population. Depuis une quinzaine de jours, on compte des dizaines de morts et des centaines d’emprisonnement. Voilà le vrai visage de la démocratie bourgeoise : assassinats et répression de masse ! Mais, pour que cette réponse de la classe dominante puisse avoir lieu, il a fallu auparavant que d'autres forces bourgeoises lui aient ouvert la voie. Syndicalistes, gauchistes et populistes de tous poils se sont ainsi mis à l’œuvre, sous prétexte de "soutien" au mouvement des enseignants, afin de pourrir la réflexion qui pouvait se mener au sein de ce mouvement. Parti initialement sur des revendications salariales et l’amélioration des conditions de travail des enseignants d’Oaxaca, le mouvement a été rapidement détourné sur des revendications populistes et interclassistes, se fixant non plus sur la défense des intérêts ouvriers mais sur celui de la défense de la démocratie et de l’opposition au gouverneur Ruiz. Dans cette entreprise de sabotage du mouvement des enseignants, on a vu se précipiter tout ce que le pays compte de groupes et groupuscules prêts à "soutenir" le mouvement comme la corde soutient un pendu. C’est ce travail de sape qui a permis d’ouvrir le temps de la répression contre le mouvement.
Nous reprenons ci-dessous un article de Revolucion Mundial [29] qui dénonce le travail de sabotage que, parmi d’autres, les groupes trotskistes ont mené pendant le mouvement.
Les groupes trotskistes voudraient nous faire croire qu’on se trouverait dans une situation révolutionnaire, avec des soviets, un double pouvoir (caractéristiques de la révolution prolétarienne) et presque en situation de prise du pouvoir par les travailleurs. Il est, bien sûr, regrettable que ce ne soit pas le cas, mais en mettant cela en avant, ces groupes ont semé la confusion et ont poussé les travailleurs à faire confiance à des actions clairement éloignées de leur terrain de classe.
Voici une affirmation mise en avant dans un tract du groupe trotskiste El Militante 1 [30]: “La décomposition sans précédent de l’appareil d’Etat est l’un des symptômes les plus clairs du fait que nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire. L’élément le plus important (…) est la disposition des masses pour la lutte et la volonté de mener cette lutte jusqu’au bout. Il ne manque que cette volonté de lutte soit dirigée vers la prise du pouvoir par les travailleurs et la destruction totale de l’appareil d’Etat bourgeois; c’est pour cela que le programme, la stratégie et la tactique qui seront décidés par la Convención Nacional Democrática (CND) 2 [31] seront déterminantes pour le futur mouvement”.
Il est d’abord nécessaire de clarifier une chose : le développement d’une grande combativité ne veut pas dire qu’au sein de la classe il y ait une conscience claire sur ce qu’on doit faire et vers où l'on va. Combativité et conscience ne vont pas forcément de pair dans le développement des luttes. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’expressions combatives qui finissent en révoltes sans lendemain. La combativité et la conscience ont tendance à se rejoindre au fur et à mesure qu’une situation révolutionnaire mondiale commence à poindre à l’horizon. La révolution est une œuvre consciente avant tout. Mais il faut surtout bien souligner que cette "volonté de lutte" dont parle El Militante est totalement soumise aux orientations d’une fraction de la bourgeoisie, parce que la CND est un défenseur de la démocratie, de l’Etat et, bien évidemment, elle ne mettra jamais en question le moindre aspect de la dictature du capital sur le travail.
Les travailleurs et les masses non exploiteuses prises dans la nasse des illusions du cirque électoral, ont beaucoup de difficultés pour voir clairement quelle direction prendre, par où il faut aller. Ainsi, lorsque El Militante affirme que "nous nous trouvons aux portes d’un processus ouvertement révolutionnaire", il cherche à mystifier les travailleurs en leur donnant de faux espoirs, pour ainsi les désarmer et les mettre sous contrôle de la fraction de la bourgeoisie représentée par Obrador, le PRD et la CND.
Face à ces évènements, un groupe trotskiste, la Ligue des travailleurs pour le Socialisme-A Contre-courant (LIT-CC), dans son journal Estrategia Obrera nº 53 (16-09-2006) joue son rôle d’instrument de la confusion. Tout en semblant dénoncer le PRD, il ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de la bourgeoisie : "…la combinaison d’une forte crise au sommet, l’existence d’un mouvement démocratique de masse et la commune d’Oaxaca, ouvrent une situation prérévolutionnaire, qui pourrait être le préambule de la deuxième révolution mexicaine, ouvrière et socialiste."
L’expression "Commune d’Oaxaca" est typique de ces phrases démagogiques dont le seul but est de créer la confusion chez les travailleurs. C’est un mensonge. D’abord parce que ce qui se passe à Oaxaca est l’expression d’une masse qui n’est pas dirigée par le prolétariat, mais à laquelle c’est lui qui est soumis aussi bien sur les objectifs que dans les décisions prises. Mais, surtout, parce que si la Commune de Paris a légué une leçon au mouvement ouvrier, une leçon que le marxisme a toujours défendue, c’est bien qu’il ne s’agit pas de "conquérir" la machine étatique mais de la détruire de fond en comble. Demander la destitution du gouverneur Ulises Ruiz est non seulement aux antipodes de la destruction de l’Etat mais représente surtout une manœuvre pour détourner la lutte des travailleurs vers un objectif bourgeois. Aussi, prétendre qu’à Oaxaca, il y aurait eu une "Commune" est une manière sournoise de faire passer pour prolétarien un mouvement qui a migré entiérement en dehors du terrain de la classe ouvrière.
La prétendue "Révolution mexicaine" relève de la même falsification de l’histoire du mouvement ouvrier. Les références à Lénine, pour caractériser une situation révolutionnaire, disant que "ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner", n’ont rien à voir avec ce qu’on est en train de vivre à Oaxaca. Dans cette région existait effectivement un processus de radicalisation des masses, mais qui a été détourné vers des actions stériles et désespérées de défense des objectifs bourgeois de l’APPO, sans autre objectif que de sortir du gouvernorat le satrape Ulises Ruiz.
Pour un autre groupe trotskiste, Germinal (Espagne), l’APPO n'est rien de moins que "l’embryon du possible Etat ouvrier 3 [32], l’organe de nature soviétique le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète" (13 septembre 2006). Une telle affirmation est une véritable épine dans le pied des ouvriers d’Oaxaca. Il s’agit d’une déformation délibérée pour faire en sorte que les travailleurs voient un soviet là où il n’y a qu’un vulgaire front interclassiste. Un soviet, ou conseil ouvrier, est une organisation qui germe dans une période prérévolutionnaire ou directement révolutionnaire, où participent tous les travailleurs, avec des assemblées qui sont l’âme et la vie de l’insurrection, avec des délégués élus et révocables. Dans l’APPO se sont enkystés des "leaders" dont la proximité avec les structures du pouvoir sont bien connues (comme les porte-parole de l’APPO : Rogelio Pensamiento, bien connu pour ses liens avec l’encadrement du PRI, l’ex-député du PRD, Flavio Sosa ou le syndicaliste du SNTE, Rueda Pacheco, dont on sait très bien qu’il a reçu pendant longtemps des "soutiens économiques" de la part du gouvernement d’Ulises Ruíz lui-même). Si, en plus, on regarde la composition de ce prétendu "soviet", on constate sur le premier compte-rendu de l’APPO que celle-ci s’est constituée avec 79 organisations "citoyennes", 5 syndicats et 10 représentants des écoles et de parents d'élèves. Cet amalgame permet l’expression de tout, excepté celle de l’indépendance et de l’autonomie du prolétariat.
Les décisions de ce pseudo “soviet” ou de cette prétendue “commune” dont parlent les trotskistes ne se distinguent pas, dans la pratique, de celles prises par n’importe quel organe préoccupé par la bonne marche des affaires capitalistes. Le groupe Germinal lui-même le fait remarquer pour l’applaudir des deux mains : "Une police municipale propre a été créée (le ‘corps de topiles’)" et "le 3 septembre, en même temps qu’il a été approuvé de convoquer à la constitution d’assemblées populaires dans tous les états du Mexique, il a été décidé : (…) que dans les ordonnances on envisage la réactivation de l’économie, de la sécurité citoyenne, de la propreté et de l’embellissement de la ville, une ordonnance pour le transport urbain et suburbain, une ordonnance pour attirer le tourisme et une autre pour la vie en commun harmonieuse". Voilà les faits qui leur font affirmer que c’est l'organe prolétarien "le plus développé qu’on a pu voir depuis des décennies sur toute la planète", autrement dit, la défense pure et simple d’un meilleur fonctionnement économique, politique et social du capitalisme !
Le soulèvement à Oaxaca était on ne peut plus justifié, les instituteurs se trouvent dans une misère noire, la même que des millions de leurs frères de classe dans le reste du pays et du monde entier, mais leur colère a été récupérée et dévoyée par la bourgeoisie. Voilà pourquoi l’APPO n’est pas un exemple de ce qu’il faut faire, mais de ce qu’il ne faut surtout pas imiter. La question vitale de l'autonomie de la lutte du prolétariat est toujours un problème qui reste à résoudre.
Marsan (10 octobre 2006)
1 [33] Ce groupe se dit être la "voix marxiste des travailleurs", ce qui ne l’empêche pas de se proclamer courant "cofondateur du Parti de la Révolution Démocratique", le PRD de Lopez-Obrador.
2 [34] La Convention National Démocratique, coalition de la gauche mexicaine qui ne reconnaît qu’Obrador comme président "légitime", et qui, à l'initiative de ce dernier, organise régulièrement des grands rassemblements à Mexico (comme le 1er décembre pour contrer l'investiture "officielle" de Calderon) afin de maintenir la "pression populaire".
3 [35] Ajoutons au passage que pour le CCI "Etat ouvrier" est un contresens. Les ouvriers devront détruire l’Etat et ce n’est pas en y ajoutant le qualificatif "ouvrier" qu’on va changer sa nature. Voir à ce sujet notre brochure L’État de la période de transition.
Links
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[2] https://fr.internationalism.org/ri373/bresil.html
[3] https://fr.internationalism.org/isme/326/vigo
[4] https://fr.internationalism.org/content/oaxaca-combativite-ouvriere-devoyee-lillusion-democratique
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/elections-2007
[7] https://fr.internationalism.org/ri375/socdem.html#sdfootnote1sym
[8] https://fr.internationalism.org/ri375/socdem.html#sdfootnote1anc
[9] https://fr.internationalism.org/revolution-internationale/201407/9101/retour-genocide-1994-au-rwanda-nature-barbare-et-sanguinaire-d
[10] https://fr.internationalism.org/ri374/ps.html
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/soi-disant-partis-ouvriers
[12] https://fr.internationalism.org/ri375/logement.html#sdfootnote1sym
[13] https://fr.internationalism.org/ri375/logement.html#sdfootnote1anc
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[19] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/58/palestine
[20] https://fr.internationalism.org/ri375/bresil.html#sdfootnote1sym
[21] https://fr.internationalism.org/ri375/bresil.html#sdfootnote2sym
[22] https://fr.internationalism.org/ri375/bresil.html#sdfootnote1anc
[23] https://pt.internationalism.org/icconline/2006/eleicoes
[24] https://fr.internationalism.org/ri375/bresil.html#sdfootnote2anc
[25] https://pt.internationalism.org/icconline/2006/perspectivas-de-luta-de-classe
[26] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[27] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/cours-historique
[28] https://fr.internationalism.org/ri373/amerique_latine.html
[29] https://es.internationalism.org/rm/2006/95_siturev
[30] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote1sym
[31] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote2sym
[32] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote3sym
[33] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote1anc
[34] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote2anc
[35] https://fr.internationalism.org/ri375/oaxaca.html#sdfootnote3anc
[36] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/53/mexique