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Crise économique
La situation de la Grèce attend tous les pays
Malgré les gesticulations d’un Sarkozy se présentant ensuite lors d’une interview devant les caméras de la télévision française en “sauveur... du monde” (rien de moins !), “un accord a minima”, comme titrait le quotidien le Monde du 28 octobre, arraché dans la nuit du 26 au 27 lors du sommet européen de Bruxelles, ne va pas “sauver” l’Europe ni même la Grèce. Derrière les rodomontades pleines de suffisance du président français, futur candidat à sa réélection, qui s’attribue sans vergogne une bonne part du mérite d’avoir évité une catastrophe, la barre du gouvernail du navire européen en pleine tempête a été à l’évidence tenue d’une main ferme par la bourgeoisie allemande derrière sa chancelière Angela Merkel. Mais au contraire d’un succès, ces manœuvres à court terme sont l’expression même – au-delà du rebond des places boursières lié au à un soulagement très momentané après s’être retrouvées au bord du précipice – de l’impuissance des Etats et de leurs organismes financiers. Du FMI à la BCE, censés réguler le marché et endiguer la déferlante de la crise économique mondiale, l’emballement de l’endettement, la menace de récession, les paniques financières et monétaires sont bel et bien là et révèlent la faillite réelle du système capitaliste aux abois. En fait, la réalité que le monde des capitalistes s’obstine à cacher, c’est que la faillite avérée de la Grèce ouvre la voie de la banqueroute dans laquelle sont déjà engagés les autres Etats développés, à commencer par ceux d’Europe. Il n’y a pas de bons et de mauvais élèves, tricheurs ou truqueurs comme le prétend Sarkozy. C’est le système capitaliste tout entier et tous les Etats, qui vivent désormais à crédit, dans le surendettement, qui sont amenés à tricher et à transgresser en permanence les propres lois qu’ils se fixent sur le marché mondial pour pouvoir perpétuer leurs rapports d’exploitation.
Que traduit réellement cet accord péniblement obtenu aux forceps ?
• Un effacement de 50 % de la dette grecque à hauteur de 106 milliards d’euros, partis en fumée, qui va contraindre les banques européennes créancières de l’Etat grec à faire une croix définitive sur le remboursement de leurs prêts et à se recapitaliser. Cela alors même que les Etats les contraignent pour l’instant à ne pas compter sur les fonds publics pour les renflouer, ce qui va les fragiliser davantage et sera le prélude à un effondrement brutal en cascade ; car la plupart d’entre elles sont déjà dans le rouge, comme la Société générale, BNP-Paribas ou le Crédit agricole, pour ne citer que les banques françaises. Ces mesures ne parviendront pas davantage, contrairement à ce que tous prétendent, à “sauver le soldat grec” qui est un train de s’enfoncer dans un marasme sans fin. L’Espagne, qui a vu récemment sa notation abaissée de deux crans par l’agence Moody’s, va continuer à s’enliser ; de même que les autres pays déjà désignés “à risque élevés” : l’Irlande, le Portugal ou l’Italie, cette dernière de surcroît plombée par la fragilité politique et l’impopularité d’un Berlusconi menacé par ses alliés gouvernementaux eux-mêmes malgré un cahier des charges rédigé in extremis à la hâte par les condotttieri à la solde du pouvoir. Mais cette liste ne peut que s’étendre rapidement, notamment à la France, pilier fragile de l’Europe aux côtés de l’Allemagne.
• Le relèvement d’un FESF (Fonds européen de stabilité financière), structure jusque-là famélique (servant à gérer les versements dans un pot commun des Etats réputés les plus riches destiné à éponger les dettes des nations européennes les plus faibles) à hauteur de 1000 milliards d’euros. Cela passe par la création d’une “structure bis” qui sera alimentée par des Etats émergents à commencer par son plus gros contributeur, l’Etat chinois, mais aussi l’Inde, la Russie, l’Afrique du Sud (le Brésil qui avait publiquement lancé ses offres de service semble se rétracter). C’est donc par l’intermédiaire d’un nouveau montage financier qui n’est qu’un tour de passe-passe juridique pour éviter l’humiliation d’une mainmise directe de ces fameux pays émergents sur le chantier déjà plein de lézardes de la fière puissance européenne. Ce qui signifie une interdépendance croissante d’économies concurrentes alors que la Chine, qui détient déjà 360 milliards d’euros d’avoirs sur les dettes souveraines européennes, est elle-même fortement dépendante des fluctuations des Bons du Trésor américain. On assiste donc à l’élévation d’un véritable château de cartes qui ne peut que menacer de s’écrouler en cas d’aggravation d’une récession américaine, qui est déjà imminente.
• Cela annonce une terrible accélération des plans d’austérité, des attaques frontales que les prolétaires et les couches sociales les plus défavorisées vont prendre sur la tête une fois encore de plein fouet. Alors qu’en Grèce, le gouvernement bombarde la population et particulièrement les prolétaires à coups de plans d’austérité toujours plus draconiens et rapprochés qui la plonge dans une misère d’ores et déjà dramatique, surtout chez les jeunes générations plongées dans une précarité extrême et privées d’avenir. Quant à l’Italie, elle s’est entre autres mesures engagée à reporter l’âge légal de la retraite à 67 ans pour tous les salariés (contre 65 ans actuellement) d’ici 2026. L’Espagne qui connaît déjà un taux de chômage dépassant 20 % de la population active, qui a déjà prolongé à 67 ans l’âge du départ légal à la retraite et n’en finit pas de patauger dans la crise de son secteur immobilier va encore intensifier la précarisation du travail alors que les secteurs les plus vitaux des services publics sont déjà sérieusement grippés comme l’éducation nationale et la santé à cause du manque de moyens budgétaires et de la pénurie de personnel qui ont entraîné une large mobilisation d’une part à Madrid (pour les enseignants) et à Barcelone (pour le milieu hospitalier) et des manifestations de solidarité importante des autres ouvriers (40 000 personnes à Madrid). Un sérieux tour de vis est prévu en France, sous la menace directe d’une dégradation et de la perte de son triple A par les agences de notation. L’annonce d’une hausse de la TVA très impopulaire, et en pleine période électorale, qui va toucher les produits alimentaires de première nécessité et la restauration (alors qu’en 2007 le candidat Sarkozy avait promis qu’il n’augmenterait pas les impôts), une nouvelle hausse probable de la CSG et une nouvelle limitation du remboursement des dépenses de santé comme une taxation supplémentaire des mutuelles (alors que la hausse des dépenses d’assurance-maladie devrait atteindre 2,8 % en 2012) sont dans le premier wagon du train de mesures qui va suivre. Ce que Sarkozy appelle des “mesures courageuses”, des “réformes nécessaires” au lieu de rigueur et d’austérité pour faire entre 6 à 8 milliards d’économies sur le budget. Les indemnités de licenciements pourraient elles aussi être taxées. Un ralentissement de l’appareil productif est annoncé, notamment dans le secteur de l’automobile dont les ventes un temps dopées artificiellement par des mesures provisoires comme les “primes à la casse” sont en chute libre contraignant Renault et PSA à mettre leurs ouvriers au chômage technique au moins pour les deux derniers mois de l’année et surtout à annoncer un plan de 6800 suppressions d’emplois en Europe en 2012. Tandis que le taux de chômage continue à grimper, touchant désormais officiellement près de 4, 2 millions de personnes dans l’Hexagone (près de 4,5 millions avec les DOM) (+ 0,9 % en septembre pour ceux reconnus “activement demandeurs d’emplois”). Mais plus significativement encore, le plongeon ne va pas épargner le pays salué comme un “modèle” et qui fait figure de locomotive économique de l’Europe, l’Allemagne, qui vient de réviser à la baisse sa prévision de taux de croissance pour 2011 pour atteindre un très modeste 1 %, après des années de rigueur budgétaire stricte et au prix d’un gel des salaires depuis plusieurs années.
Il ne fait aucun doute que l’avenir s’annonce menaçant partout et que ce ne sont pas les banques qui vont payer la note de la crise mais bien la population, contrairement à ce que raconte l’omniprésident français qui a eu le culot d’affirmer dans son interview : “Si les accords sont respectés, si on adopte les mesures nécessaires, il n’y aura rien à payer !” Bien sûr que si, et ce seront toujours les mêmes à qui on demandera partout des sacrifices de plus en plus lourds, y compris dans les pays les plus développés au cœur du capitalisme (voir les exemples aux Etats-Unis dans notre article en p. 2) où il est révélateur que ce système n’arrive plus à subvenir aux besoins les plus élémentaires (de quoi se nourrir, se loger, se soigner…) d’une part croissante de la population, qu’elle soit au chômage ou en activité, à procurer du travail pour les jeunes, à assurer une retraite pour les vieux... Les prolétaires ne doivent pas se faire d’illusions, ni sur un changement d’équipe gouvernementale qui sera de toutes façons contrainte d’appliquer les mêmes mesures avec une rigueur féroce, ni sur une embellie de relance économique. Les solutions miracles n’existent pas pour sortir de cette impasse, qu’il s’agisse même de la taxation des banques, de celle des spéculateurs, ou encore de celle des hauts revenus.
Dans cette situation, les prolétaires n’ont rien à attendre de ce système qui les mène dans le mur. Ils sont de plus en plus nombreux à savoir partout dans le monde que les sacrifices grandissants qu’on leur demande ne les tirent que vers le bas. Ils vont être précipités dans une misère toujours plus inacceptable, ressentant dans leur chair des conditions de vie et de travail de plus en plus insupportables et intolérables. La classe ouvrière a une histoire, celle de ses innombrables luttes, qui démontre qu’à travers leur développement et leur prise en mains, elle peut, à travers la riposte nécessaire pour se défendre contre les attaques capitalistes, être porteuse des intérêts d’une humanité qui ne sera libérée que par le renversement de ce système, par l’abolition des rapports d’exploitation et l’instauration d’une autre société basée non plus sur le profit mais sur les besoins humains. A-t-elle les moyens de réaliser cette tâche qui paraît aujourd’hui titanesque ? Oui ! Même si beaucoup pensent que ce n’est pas réalisable, qu’une telle société reste une utopie. Les minorités révolutionnaires doivent réaffirmer et faire comprendre à l’ensemble de leur classe qu’elle seule est porteuse d’un avenir pour l’humanité, qu’elle ne peut compter que sur ses propres forces, sur la prise de conscience que, partout dans le monde, elle est poussée pour se défendre à mener le même combat face à ce monde pourrissant sur pied. Mais cela passe par la perte de toute illusion de pouvoir réformer les banques, l’Etat et le système capitaliste. Malgré ses faiblesses et ses limites qui viennent principalement du fait que la classe ouvrière ne s’y manifeste pas en tant que telle et reste à la traîne des illusions démocratiques que véhicule la bourgeoisie, la mobilisation des jeunes Indignés partie d’Espagne (1) est déjà porteuse de cet espoir avec quelques germes essentiels de cette maturation. Elle participe de ce combat en ce qu’elle se conçoit déjà comme partie d’un mouvement international qui n’a pas de frontières et qui fait tâche d’huile de façon significative dans le monde entier sur la base et le principe, comme les assemblées ouvrières, d’un fonctionnement en assemblées générales ouvertes à tous, où se mènent les débats et où toutes les décisions se discutent et sont prises collectivement. Ce n’est qu’un début.
W (29 octobre)
1) Le 15 octobre, lors de la journée mondiale des Indignés, la mobilisation en Espagne a atteint des records et il y a eu de nombreuses discussions où participaient des ouvriers et où le la remise en cause capitalisme était au cœur des débats. Nous y reviendrons ultérieurement.