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Le dimanche 16 octobre 2011, vers 19h, alors même que les chances de victoire de sa pouliche Martine Aubry étaient déjà définitivement enterrées, Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris déclarait à la presse : “Ces primaires sont une victoire pour la démocratie.” Evidemment, cette petite phrase cache une réelle déception par ce que les professionnels de la communication appellent un “discours positif”. Mais pas seulement. Il y a derrière ces quelques mots désabusés, une vérité fondamentale dont leur auteur n’a sans doute pas bien mesuré l’importance.
A quoi ont servi les primaires, finalement ? A unir le PS ? On en doute, et nos doutes risquent fort de s’envoler très vite, sitôt les embrassades de ce dimanche oubliées. A moderniser l’image du PS ? C’est sûrement vrai même si ce n’est là qu’affaire de paillettes. A montrer la diversité existant au sein du PS ? Sûrement pas : après tout le parti n’a pas attendu les primaires pour voter son programme, censé être donc repris par tous.
Alors à quoi ont servi ces débats soporifiques, cette organisation gigantesque, ces millions de pièces de un euro versés par les “citoyens électeurs” ? A la base, à désigner le candidat qui représentera le PS aux présidentielles. Mais bien au-delà, les primaires ont aussi servi, tout comme aux Etats-Unis par exemple où le système existe depuis longtemps pour les deux grands partis de pouvoir, à remettre une couche, toute fraîche et brillante, à la mystification démocratique. Ce n’est d‘ailleurs pas tant l’intérêt pour les idées d’un PS qui n’a rien à dire que ce souffle démocratique est venu presque faire la pige à la coupe du monde de rugby, mais la mobilisation de près de trois millions de personnes exaspérées par Sarkozy et dont la perspective essentielle est de ne plus le voir à la tête du pays.
Mais cela, c’est en définitive au service de toute la classe bourgeoise. C’est bien pour cela que la droite a patiemment et sagement attendu la proclamation des résultats avant de sortir ses armes lourdes et entrer en campagne. L’UMP avait-elle à ce point besoin de connaître l’identité de son adversaire pour s’adonner, comme elle l’a fait deux jours après, à la démolition en règle du programme socialiste, particulièrement sur la question économique où Hollande ne brille certainement pas plus que les autres par l’innovation ou le scoop qui viendrait renverser la vapeur de l’enfoncement inéluctable dans la crise ? Comme on vient de le dire, le programme socialiste est connu depuis longtemps. Qu’il y ait des nuances entre François Hollande et Martine Aubry, certes, on veut bien l’admettre. Mais c’est le programme d’un parti de la bourgeoisie, qui ne pourra faire de toutes façons qu’une politique d’austérité, emballée sous forme de cadeau aux ouvriers, comme à l’époque où Martine Aubry faisait avaler la réforme sur les 35 heures comme une avancée sociale sans précédent. On connaît la suite : aux embauches promises ont succédé des cadences de travail de plus en plus exténuantes et des licenciements massifs, une précarisation généralisée et des suppressions de postes tous azimuts.
Si la droite a laissé se dérouler les primaires sans intervenir autrement que par de molles critiques, voire au contraire des réflexions sur l’intérêt de procéder de même dans son camp, c’est parce qu’en sa qualité de fraction bourgeoise responsable, elle avait tout intérêt à ce que la classe ouvrière se retrouve embringuée en partie dans ces primaires socialistes et surtout focalisant l’attention sur le suspense de leurs résultats de façon à donner du grain à moudre à l’idée qu’il faudra se mobiliser dans les présidentielles de 12012. Le discours plus “radical”, anti-pouvoir des banques et altermondialiste (ou “démondialiste” comme il l’a rebaptisé) de Montebourg comme sa rhétorique sur la nécessité dune opération “mains propres” et des 17 % des voix du premier tour qui en a fait l’arbitre le plus courtisé. L’idée même que des primaires apportent un surcroît de pouvoir au “peuple” en maîtrisant une étape supplémentaire en amont du processus électoral, ont permis de ramener vers les urnes et de ranimer surtout les illusions d’un électorat de gauche qui se lassait de l’image de corruption donné par l’ensemble de la classe politique et des querelles internes entre les éléphants du parti social-démocrate. La publicité tapageuse des médias pour ces “primaires” pendant un mois où elles ont servi d’écran de fumée pour masquer les attaques s’est révélée très intéressante pour toute la bourgeoisie : elle a permis d’occuper la scène plus tôt sur le terrain électoral et elle redore le blason d’une démocratie passablement terni, même cl’argument de l’alternance : alors même que de plus en plus d’électeurs doutent , à juste titre de la pertinence du choix entre droite et gauche, la bourgeoisie cherche à lui faire croire que, non, en dépit de l’évidence, tout n’est pas joué d’avance et que c’est à lui de choisir !
Maintenant, suite au battage médiatique des primaires, et à son réel succès, l’anti-Sarkozysme a pris une meilleure consistance et va pouvoir tenir le haut du pavé jusqu’en mai prochain. L’occupation du terrain médiatique par la campagne présidentielle permettra de détourner au mieux les consciences ouvrières de la réalité catastrophique de la situation qui amènera le pouvoir, qu’il soit de droite ou de gauche, porté désormais par Hollande, à taper toujours et encore plus fort sur la force de travail. Hollande l’a dit lors de la campagne des primaires : “Je vais redresser la situation mais ça va être dur.” S’il est élu, on peut lui faire confiance pour qu’il ne redresse rien du tout mais pour qu’il tienne la seconde partie de sa promesse. En résumé, que le PS revienne ou pas au gouvernement, on a vu qu’il restait plus que jamais un fidèle serviteur du capitalisme et un des ses meilleurs propagandistes.
GD (19 octobre)