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A la fin du mois de mai, le CCI a tenu son 17e congrès international. Dans la mesure où les organisations révolutionnaires n'existent pas pour elles-mêmes mais sont des expressions du prolétariat en même temps que facteurs actifs dans la vie de celui-ci, il leur appartient de rendre compte à l'ensemble de leur classe des travaux de ce moment privilégié que constitue la réunion de leur instance fondamentale : le congrès. C'est le but du présent article que vient compléter la résolution sur la situation internationale adoptée par le congrès et qui est publiée dans ce même numéro de la Revue Internationale.
Tous les congrès du CCI sont évidemment des moments très importants dans la vie de notre organisation, des jalons qui marquent son développement. Cependant, la première chose qu'il importe de souligner, concernant celui qui s'est tenu au printemps dernier, c'est que son importance est encore bien plus grande que celle des précédents, qu'il marque une étape de première grandeur dans sa vie plus que trentenaire.[1]
La présence des groupes du milieu prolétarien
La principale illustration de ce fait est la présence dans notre congrès de délégations de trois groupes du camp prolétarien international : Opop du Brésil[2], la SPA[3] de Corée du Sud et EKS[4] de Turquie. Un autre groupe était également invité au congrès, le groupe Internasyonalismo des Philippines, mais, malgré sa profonde volonté d'y envoyer une délégation, cela s'est avéré impossible. Ce groupe a tenu cependant à transmettre au congrès du CCI un salut à ses travaux et des prises de position sur les principaux rapports qui y avaient été soumis.
La présence de plusieurs groupes du milieu prolétarien à un congrès du CCI n'est pas une nouveauté. Dans le passé, au tout début de son existence, le CCI avait déjà accueilli des délégations d'autres groupes. C'est ainsi que sa conférence constitutive en janvier 1975 avait vu la présence du Revolutionary Worker's Group des États-Unis, de Pour une Intervention Communiste de France et Revolutionary Perspectives de Grande-Bretagne. De même, lors de son 2e congrès (1977) était présente une délégation du Partito Comunista Internazionalista (Battaglia Comunista). A son 3e congrès (1979) étaient présentes des délégations de la Communist Workers' Organisation (Grande-Bretagne), du Nucleo Comunista Internazionalista et d'Il Leninista (Italie) et d'un camarade non organisé de Scandinavie. Par la suite, malheureusement, cette pratique n'avait pu être poursuivie, et cela pour des raisons indépendantes de la volonté de notre organisation : disparition de certains groupes, évolution d'autres groupes vers des positions gauchistes (tel le NCI), démarche sectaire des groupes (CWO et Battaglia Comunista) qui avaient pris la responsabilité de saborder les conférences internationales des groupes de la Gauche communiste qui s'étaient tenues à la fin des années 1970.[5] En fait, cela faisait plus d'un quart de siècle que le CCI n'avait pu accueillir d'autres groupes prolétariens à un de ses congrès. En soi, la participation de quatre groupes à notre 17e congrès[6] constituait pour notre organisation un événement très important.
La signification du 17e congrès
Mais cette importance va bien au-delà du fait d'avoir pu renouer avec une pratique qui était celle du CCI à ses débuts. C'est la signification de l'existence et de l'attitude de ces groupes qui constitue l'élément le plus fondamental. Elles s'inscrivent dans une situation historique que nous avions déjà identifiée lors du précédent congrès : "Les travaux du 16e congrès (...) ont placé au centre de leurs préoccupations l'examen de la reprise des combats de la classe ouvrière et des responsabilités que cette reprise implique pour notre organisation, notamment face au développement d'une nouvelle génération d'éléments qui se tournent vers une perspective politique révolutionnaire." ("16e Congrès du CCI - Se préparer aux combats de classe et au surgissement de nouvelles forces révolutionnaires", Revue Internationale n° 122)
En effet, lors de l'effondrement du bloc de l'Est et des régimes staliniens en 1989 : "Les campagnes assourdissantes de la bourgeoisie sur la 'faillite du communisme', la 'victoire définitive du capitalisme libéral et démocratique', la 'fin de la lutte de classe', voire de la classe ouvrière elle-même, ont provoqué un recul important du prolétariat, tant au niveau de sa conscience que de sa combativité. Ce recul était profond et a duré plus de dix ans. Il a marqué toute une génération de travailleurs, engendrant désarroi et même démoralisation. (...) Ce n'est qu'à partir de 2003, notamment à travers les grandes mobilisations contre les attaques visant les retraites en France et en Autriche, que le prolétariat a commencé réellement à sortir du recul qui l'avait affecté depuis 1989. Depuis, cette tendance à la reprise des luttes de la classe et du développement de la conscience en son sein ne s'est pas démentie. Les combats ouvriers ont affecté la plupart des pays centraux, y compris les plus importants d'entre eux comme les États-Unis (Boeing et transports de New York en 2005), l'Allemagne (Daimler et Opel en 2004, médecins hospitaliers au printemps 2006, Deutsche Telekom au printemps 2007), la Grande-Bretagne (aéroport de Londres en août 2005, secteur public au printemps 2006), la France (mouvement des étudiants et des lycéens contre le CPE au printemps 2006) mais aussi toute une série de pays de la périphérie comme Dubaï (ouvriers du bâtiment au printemps 2006), le Bengladesh (ouvriers du textile au printemps 2006), l'Égypte (ouvriers du textile et des transports au printemps 2007)." (Résolution sur la situation internationale adoptée par le 17e congrès)
"Aujourd'hui, comme en 1968 [lors de la reprise historique des luttes ouvrières qui avait mis fin à quatre décennies de contre-révolution], la reprise des combats de classe s'accompagne d'une réflexion en profondeur dont l'apparition de nouveaux éléments se tournant vers les positions de la Gauche communiste constitue la pointe émergée de l'iceberg." (Ibid.)
C'est pour cela que la présence de plusieurs groupes du milieu prolétarien au congrès, l'attitude très ouverte à la discussion de ces groupes (qui tranche avec l'attitude sectaire des "vieux" groupes de la Gauche communiste) ne sont nullement le fait du hasard : elles sont partie prenante de la nouvelle étape du développement du combat de la classe ouvrière mondiale contre le capitalisme.
En fait, les travaux du congrès, notamment à travers des témoignages des différentes sections et des groupes invités, sont venu confirmer cette tendance, depuis la Belgique jusqu'à l'Inde, du Brésil à la Turquie et à la Corée, dans les pays centraux comme dans ceux de la périphérie, tant à la reprise des luttes ouvrières qu'au développement d'une réflexion parmi de nouveaux éléments s'orientant vers les positions de la Gauche communiste. Une tendance qui s'est également illustrée par l'intégration de nouveaux militants au sein de l'organisation, y compris dans des pays où il n'y avait pas eu de nouvelle intégration depuis plusieurs décennies mais aussi par la constitution d'un noyau du CCI au Brésil. C'est pour nous un événement de grande importance qui vient concrétiser le développement de la présence politique de notre organisation dans le premier pays d'Amérique latine, avec les plus grosses concentrations industrielles de cette région du monde et qui comptent aussi parmi les plus importantes à l'échelle mondiale. La création de notre noyau est le résultat d'un travail engagé par le CCI de façon ponctuelle il y a plus de 15 ans et qui s'est intensifié ces dernières années, notamment à travers la prise de contact avec différents groupes et éléments, en particulier Opop, dont une délégation était présente au 17e congrès, mais aussi, dans l'État de São Paulo, avec un groupe en constitution influencé par les positions de la Gauche communiste, avec lequel nous avons établi plus récemment des relations politiques régulières, dont la tenue de réunions publiques en commun. La collaboration avec ces groupes n'est nullement contradictoire avec notre volonté de développer spécifiquement la présence organisationnelle du CCI au Brésil. Bien au contraire, notre présence permanente dans ce pays permettra que se renforce encore la collaboration entre nos organisations, et cela d'autant plus qu'entre notre noyau et OPOP existe déjà une longue histoire commune, faite de confiance et de respect mutuels.
Les discussions du congrès
Compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles se tenait le congrès, c'est la question des luttes ouvrières qui a constitué le premier point de l'ordre du jour alors que le deuxième point était consacré à l'examen des nouvelles forces révolutionnaires qui surgissent ou se développent à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, rendre compte de façon détaillée des discussions qui se sont déroulées : la résolution sur la situation internationale en constitue une synthèse. Ce qu'il faut souligner fondamentalement ce sont les caractéristiques particulières et nouvelles du développement actuel des combats de classe. Il a en particulier été mis en évidence le fait que la gravité de la crise du capitalisme, la violence des attaques qui s'abattent aujourd'hui et les enjeux dramatiques de la situation mondiale, caractérisée par l'enfoncement dans la barbarie guerrière et par les menaces croissantes que le système fait peser sur l'environnement terrestre, constituent des facteurs de politisation des luttes ouvrières. Une situation quelque peu différente de celle qui avait prévalu au lendemain de la reprise historique des combats de classe en 1968 où les marges de manœuvre dont disposait alors le capitalisme avaient permis de maintenir l'illusion que "demain sera meilleur qu'aujourd'hui". Aujourd'hui, une telle illusion n'est guère plus possible : les nouvelles générations de prolétaires, de même que les plus anciennes, sont conscientes que "demain sera pire qu'aujourd'hui". De ce fait, même si une telle perspective peut constituer un facteur de démoralisation et de démobilisation des travailleurs, les luttes qu'ils mènent, et mèneront nécessairement de plus en plus en réaction aux attaques, vont les amener de façon croissante à prendre conscience que ces luttes constituent des préparatifs pour des affrontements bien plus vastes contre un système moribond. Dès à présent, les luttes auxquelles nous avons assisté depuis 2003 "incorporent de façon croissante la question de la solidarité, une question de premier ordre puisqu'elle constitue le 'contrepoison' par excellence du 'chacun pour soi' propre à la décomposition sociale et que, surtout, elle est au cœur de la capacité du prolétariat mondial non seulement de développer ses combats présents mais aussi de renverser le capitalisme" (Ibid.)
Même si le congrès s'est préoccupé principalement de la question de la lutte de classe, les autres aspects de la situation internationale ont également fait l'objet de discussions importantes. C'est ainsi qu'il a consacré une part importante de ses travaux à la crise économique du capitalisme en se penchant notamment sur la croissance actuelle de certains pays "émergents", tels l'Inde ou la Chine, qui semble contredire les analyses faites par notre organisation, et les marxistes en général, sur la faillite définitive du mode de production capitaliste. En fait, suite à un rapport très détaillé et une discussion approfondie, le congrès a conclu que :
"Les taux de croissance exceptionnels que connaissent à l'heure actuelle des pays comme l'Inde et surtout la Chine ne constituent en aucune façon une preuve d'un "nouveau souffle" de l'économie mondiale, même s'ils ont contribué pour une part non négligeable à la croissance élevée de celle-ci au cours de la dernière période. (...) ... loin de représenter un "nouveau souffle" de l'économie capitaliste, le "miracle chinois" et d'un certain nombre d'autres économies du Tiers-monde n'est pas autre chose qu'un avatar de la décadence du capitalisme. (...) ... tout comme le "miracle" représenté par les taux de croissance à deux chiffres des "tigres" et "dragons" asiatiques avait connu une fin douloureuse en 1997, le "miracle" chinois d'aujourd'hui, même s'il n'a pas des origines identiques et s'il dispose d'atouts bien plus sérieux, sera amené, tôt ou tard, à se heurter aux dures réalités de l'impasse historique du mode de production capitaliste." (Ibid.)
Il faut noter que, sur la question de la crise économique, le congrès s'est fait l'écho des débats qui se mènent actuellement au sein de notre organisation sur comment analyser les mécanismes qui ont permis au capitalisme de connaître sa croissance spectaculaire après la seconde guerre mondiale. Les différentes analyses existant actuellement au sein du CCI (qui toutes rejettent cependant l'idée défendue par le BIPR ou les groupes "bordiguistes" que la guerre constituerait une "solution momentanée" aux contradictions du capitalisme) se répercutent sur la façon de comprendre le dynamisme actuel de l'économie de certains pays "émergents", notamment la Chine. Et c'est justement parce que le congrès s'est penché particulièrement sur ce dernier phénomène que les divergences existant au sein de notre organisation ont eu l'occasion de s'exprimer au congrès. Bien évidemment, comme nous l'avons toujours fait par le passé, nous allons publier dans la Revue Internationale des documents rendant compte de ces débats dès lors qu'ils seront parvenus à un degré de clarté suffisant.
Enfin, l'impact que provoque au sein de la bourgeoisie l'impasse dans laquelle se trouve le mode de production capitaliste et la décomposition de la société que celle-ci engendre a fait l'objet de deux discussions : l'une portant sur les conséquences de cette situation au sein de chaque pays, l'autre sur l'évolution des antagonismes impérialistes entre États, ces deux aspects étant en partie liés entre eux, notamment dans la mesure où les conflits existant au sein des bourgeoisies nationales peuvent provenir d'approches différentes par rapport aux conflits impérialistes (quelles alliances entre États, modalité d'utilisation des forces militaires, etc.). Sur le premier point, le congrès a notamment mis en évidence que tous les discours officiels sur "le moins d'État" ne faisaient que masquer un renforcement continuel de la place de l'État dans la société dans la mesure où cet organe est le seul qui puisse garantir que celle-ci ne succombe au "chacun pour soi" qui caractérise la phase de décomposition du capitalisme. Il a été en particulier fortement souligné le renforcement spectaculaire du caractère policier de l'État, y compris dans les pays les plus "démocratiques" comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, un renforcement policier qui, s'il est officiellement motivé par la montée du terrorisme (un autre phénomène lié à la décomposition mais à l'origine duquel les bourgeoisies les plus puissantes ne sont pas étrangères), permet à la classe dominante de se préparer aux futurs affrontements de classe avec le prolétariat. Concernant la question des affrontements impérialistes, le congrès a notamment mis en évidence la faillite, en particulier suite à l'aventure irakienne, de la politique de la première bourgeoisie du monde, la bourgeoisie américaine, et le fait que celle-ci ne fait que révéler l'impasse générale du capitalisme :
"En fait, l'arrivée de l'équipe Cheney, Rumsfeld et compagnie aux rênes de l'État n'était pas le simple fait d'une monumentale "erreur de casting" de la part de cette classe. Si elle a aggravé considérablement la situation des États-Unis sur le plan impérialiste, c'était déjà la manifestation de l'impasse dans laquelle se trouvait ce pays confronté à une perte croissante de son leadership, et plus généralement au développement du "chacun pour soi" dans les relations internationales qui caractérise la phase de décomposition." (Ibid.)
Plus généralement, le congrès a souligné que :
"Le chaos militaire qui se développe de par le monde, plongeant de vastes régions dans un véritable enfer et la désolation, notamment au Moyen-Orient mais aussi et surtout en Afrique, n'est pas la seule manifestation de l'impasse historique dans laquelle se trouve le capitalisme ni, à terme, la plus menaçante pour l'espèce humaine. Aujourd'hui, il est devenu clair que le maintien du système capitaliste tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent porte avec lui la perspective de la destruction de l'environnement qui avait permis l'ascension de l'humanité." (Ibid.)
Il a conclu cette partie de la discussion en mettant en avant que :
"L'alternative annoncée par Engels à la fin du 19e siècle, socialisme ou barbarie, est devenue tout au long du 20e siècle une sinistre réalité. Ce que le 21e siècle nous offre comme perspective, c'est tout simplement socialisme ou destruction de l'humanité. Voila l'enjeu véritable auquel se confronte la seule force de la société en mesure de renverser le capitalisme, la classe ouvrière mondiale." (Ibid.)
La responsabilité des révolutionnaires
Cette perspective souligne d'autant plus l'importance décisive des combats que développe actuellement la classe ouvrière mondiale sur lesquelles le congrès s'était penché particulièrement. Elle souligne également le rôle fondamental des organisations révolutionnaires, et notamment du CCI, pour intervenir dans ces combats afin que s'y développe la conscience des enjeux du monde actuel.
Sur ce plan, le congrès a tiré un bilan très positif de l'intervention de notre organisation dans les luttes de la classe et face aux questions cruciales qui se posent à elle. Il a souligné en particulier la capacité du CCI à se mobiliser internationalement (articles dans la presse, sur notre site Internet, réunions publiques, etc.) pour faire connaître les enseignements d'un des épisodes majeurs de la lutte de classe au cours de la dernière période : le combat de la jeunesse étudiante contre le CPE au printemps 2006 en France. A ce propos, il a été relevé que notre site Internet a connu une augmentation spectaculaire de sa fréquentation au cours de cette période, preuve que les révolutionnaires ont non seulement la responsabilité mais aussi la possibilité de contrecarrer le black-out que les médias bourgeois organisent de façon systématique autour des combats prolétariens.
Le congrès a également tiré un bilan extrêmement positif de notre politique en direction des groupes et éléments se situant dans une perspective de défense ou de rapprochement des positions de la Gauche communiste. Ainsi, au cours de la dernière période, comme il a été dit au début de cet article, le CCI a vu l'arrivée d'un nombre significatif de nouveaux militants, arrivée qui faisait suite à des discussions approfondies avec ces camarades (comme c'est toujours le cas avec notre organisation qui n'a pas pour habitude de "recruter" à tout prix, contrairement à ce qui se pratique dans les organisations gauchistes). De même, le CCI s'est impliqué activement dans différents forums Internet, notamment en langue anglaise, la plus importante à l'échelle mondiale, où peuvent s'exprimer des positions de classe, ce qui a permis à un certain nombre d'éléments de mieux connaître nos positions et notre conception de la discussion et, partant, de surmonter une certaine méfiance entretenue par la multitude de petites chapelles parasitaires dont la vocation n'est pas de contribuer à la prise de conscience de la classe ouvrière mais de semer la suspicion à l'égard des organisations qui se donnent justement cette tache. Mais l'aspect le plus positif de cette politique a été sans aucun doute la capacité de notre organisation d'établir ou de renforcer des liens avec d'autres groupes se situant sur des positions révolutionnaires et dont l'illustration était la participation de quatre de ces groupes au 17e congrès. Cela a représenté un effort très important de la part du CCI, notamment avec l'envoi de nombreuses délégations dans de multiples pays (le Brésil, la Corée, la Turquie, les Philippines, évidemment, mais pas seulement).
Les responsabilités croissantes qui incombent au CCI, tant du point de vue de l'intervention au sein des luttes ouvrières que de la discussion avec les groupes et éléments se situant sur un terrain de classe, supposent un renforcement de son tissu organisationnel. Celui-ci avait été sérieusement affecté au début des années 2000 par une crise qui avait éclaté au grand jour à la suite de son 14e congrès et qui avait motivé la tenue d'une conférence extraordinaire un an après, de même qu'elle avait donné lieu à une réflexion approfondie lors de son 15e congrès, en 2003[7]. Comme ce congrès l'avait constaté et comme le 16e congrès l'avait confirmé, le CCI avait largement surmonté les faiblesses organisationnelles qui se trouvaient à l'origine de cette crise. Un des éléments de premier plan dans la capacité du CCI à surmonter ses difficultés organisationnelles consiste en un examen attentif et approfondi de ces difficultés. Pour ce faire, le CCI s'était doté, à partir de 2001, d'une commission spéciale, distincte de son organe central, et nommée comme lui par le Congrès, chargée de mener ce travail de façon plus spécifique. Cette commission a également rendu son mandat qui constate, à côté des progrès très importants accomplis par notre organisation, la persistance de séquelles et de "cicatrices" des difficultés passées dans un certain nombre de sections. C'est la preuve que la construction d'un tissu organisationnel solide n'est jamais achevée, qu'elle nécessite un effort permanent de la part de l'ensemble de l'organisation et des militants. C'est pour cela que le congrès a décidé, sur la base de cette nécessité et partant du rôle fondamental joué par cette commission dans les années passées, de lui donner un caractère permanent en inscrivant son existence dans les statuts du CCI. Ce n'est nullement là une "innovation" de la part de notre organisation. En fait, cela correspond à une tradition dans les organisations politiques de la classe ouvrière. C'est ainsi que le Parti social démocrate allemand, qui était la référence de la 2e Internationale, disposait d'une "Commission de contrôle" ayant le même type d'attributs.
Cela dit, un des éléments majeurs ayant permis cette capacité de notre organisation de surmonter sa crise, et même d'en sortir renforcée, avait été sa capacité à se livrer à une réflexion en profondeur, avec une dimension historique et théorique, sur l'origine et les manifestations de ses faiblesses organisationnelles, réflexion qui s'est notamment menée autour de différents textes d'orientation dont notre Revue a publié des extraits significatifs.[8] Le congrès a poursuivi dans cette direction en consacrant, dès le début, une partie de ses travaux à discuter d'un texte d'orientation sur la culture du débat qui avait été mis en circulation dans le CCI plusieurs mois auparavant (et qui sera publié prochainement dans la Revue internationale). Cette question ne concerne d'ailleurs pas seulement la vie interne de l'organisation. L'intervention des révolutionnaires implique qu'ils soient capables de produire les analyses les plus pertinentes et profondes possibles de même qu'ils puissent défendre avec efficacité ces analyses au sein de la classe afin de contribuer à sa prise de conscience. Et cela suppose qu'ils soient en mesure de discuter du mieux possible ces analyses de même que d'apprendre à les présenter dans l'ensemble de la classe et auprès des éléments en recherche en ayant le souci de tenir compte des préoccupations et questionnements qui les traversent. En fait, dans la mesure où le CCI est confronté, aussi bien dans ses propres rangs que dans l'ensemble de la classe, à l'émergence d'une nouvelle génération de militants ou d'éléments qui s'inscrivent dans le combat pour le renversement du capitalisme, il lui appartient de faire tous les efforts nécessaires pour se réapproprier pleinement et communiquer à cette génération un des éléments les plus précieux de l'expérience du mouvement ouvrier, indissociable de la méthode critique du marxisme : la culture du débat.
La culture du débat
La présentation et la discussion de cette question ont mis en évidence que, dans toutes les scissions que nous avions connues dans l'histoire du CCI, une tendance au monolithisme avait joué un rôle fondamental. Dès que des divergences apparaissaient, certains militants commençaient à dire que nous ne pouvions plus travailler ensemble, que le CCI était devenu ou était en train de devenir une organisation bourgeoise, etc. alors que ces divergences pouvaient tout à fait, pour la plupart, être contenues au sein d'une organisation non monolithique. Pourtant, le CCI avait appris de la Fraction italienne de la Gauche communiste que même lorsqu'il y a des divergences concernent des principes fondamentaux, la clarification collective la plus profonde est nécessaire avant toute séparation organisationnelle. En ce sens, ces scissions étaient pour la plupart une manifestation des plus extrêmes d'un manque dans la culture du débat et même d'une vision monolithique. Cependant ces problèmes n'ont pas été éliminés par le départ des militants. C'était également l'expression d'une difficulté plus générale du CCI sur cette question car il y avait des confusions dans nos propres rangs qui peuvent conduire à des glissements vers le monolithisme, qui ont tendance à annihiler le débat plutôt qu'à le développer. Et ces confusions continuent d'exister. Il ne faut pas exagérer l'envergure de ces problèmes. Ce sont des confusions, des glissements qui apparaissent de façon ponctuelle. Mais l'histoire nous a montré, l'histoire du CCI mais aussi celle du mouvement ouvrier, que de petits glissements et de petites confusions peuvent devenir de grands et dangereux glissements si on ne comprend pas les racines des problèmes.
Dans l'histoire de la Gauche communisme, il existe des courants qui ont défendu et théorisé le monolithisme. Le courant bordiguiste en est une caricature. Le CCI au contraire est l'héritier de la tradition de la Fraction italienne et de la Gauche communiste de France qui ont été les adversaires les plus résolus du monolithisme et qui ont mis en pratique de manière très déterminée la culture du débat. Le CCI a été fondé sur cette compréhension qui est entérinée dans ses statuts. Pour cette raison, il est clair que, s'il subsiste encore des problèmes dans la pratique avec cette question, d'une façon générale aucun militant du CCI ne se prononce contre le développement d'une conception de culture du débat. Cela dit, il est nécessaire de signaler la persistance d'un certain nombre de faiblesses. La première de ces faiblesses est une tendance à poser chaque discussion en terme de conflit entre le marxisme et l'opportunisme, entre le bolchevisme et le menchevisme ou même de lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie. Une telle démarche n'aurait de sens que si nous avions la conception de l'invariance du programme communiste. Et là au moins le bordiguisme est conséquent : l'invariance et le monolithisme dont se revendique ce courant vont ensemble. Mais si nous acceptons que le marxisme n'est pas un dogme, que la vérité est relative, qu'elle n'est pas figée mais constitue un processus et donc que nous n'arrêtons jamais d'apprendre parce que la réalité elle-même change en permanence, alors il est évident que le besoin d'approfondir, mais aussi les confusions et même les erreurs, sont des étapes normales, voire nécessaires, pour arriver à la conscience de classe. Ce qui est décisif, c'est l'impulsion collective, la volonté et la participation active vers la clarification.
Il faut remarquer que cette démarche tendant à voir partout, dans tous les débats, la présence de l'opportunisme, c'est-à-dire une tendance vers des positions bourgeoises, peut conduire à une sorte de banalisation du danger de l'opportunisme, à mettre toutes les discussions sur le même niveau. L'expérience nous montre justement que, dans les rares discussions où les principes fondamentaux étaient remis en cause, on a souvent éprouvé des difficultés à le voir : si tout est opportunisme alors, en fin de compte, rien n'est opportunisme.
Une autre conséquence d'une telle démarche consistant à voir l'opportunisme et l'idéologie bourgeoise partout et dans tous les débats, c'est l'inhibition du débat. Les militants "n'ont plus le droit" d'avoir des confusions, de les exprimer ou de faire des erreurs parce que, immédiatement, on les verra, ou ils se verront eux-mêmes, comme des traîtres en puissance. Certains débats ont effectivement un caractère de confrontation entre les positions bourgeoises et les positions prolétariennes : c'est l'expression d'une crise et d'un danger de dégénérescence. Mais dans la vie du prolétariat ce n'est pas la règle générale. Si on met tous les débats sur ce plan, on peut finir avec l'idée que le débat lui-même est l'expression d'une crise.
Un autre problème qui, encore une fois, existe plus dans la pratique que de façon théorisée, consiste à adopter une démarche dans la discussion visant à convaincre les autres aussi vite que possible de la position correcte. C'est une attitude qui mène à l'impatience, à une tentative de monopoliser la discussion, à vouloir en quelque sorte "écraser l'adversaire" dans celle-ci. Une telle démarche conduit à une difficulté à écouter ce que disent les autres. C'est vrai que dans la vie en général, dans une société marquée par l'individualisme et la concurrence, il est difficile d'apprendre à écouter les autres. Mais ne pas écouter conduit à une attitude de fermeture vis-à-vis du monde, ce qui est tout à fait à l'opposé d'une attitude révolutionnaire. En ce sens, il est nécessaire de comprendre que le plus important dans un débat, c'est qu'il ait lieu, qu'il se développe, qu'il y ait une participation aussi large que possible et qu'une véritable clarification puisse émerger. En fin de compte, la vie collective du prolétariat, lorsqu'elle est capable de se développer, va apporter une clarification. La volonté de clarification est une caractéristique du prolétariat en tant que classe ; c'est son intérêt de classe. En particulier, elle exige la vérité et non pas la falsification. C'est pour cela que Rosa Luxemburg a mis en avant que la première tache des révolutionnaires est de dire ce qui est. Les attitudes de confusion ne sont pas la règle, ni même dominantes dans le CCI, mais elles existent et peuvent être dangereuses et ont besoin d'être dépassées. En particulier, il faut apprendre à dédramatiser les débats. La plupart des discussions au sein de l'organisation, et beaucoup de discussions que nous avons en dehors, ne sont pas des confrontations entres des positions bourgeoises et des positions prolétariennes. Ce sont des discussions où, sur la base de positions partagées et d'un but commun, nous approfondissons de façon collective dans une démarche allant de la confusion vers la clarté.
En fait, la capacité de développer une véritable culture du débat dans les organisations révolutionnaires est un des signes majeurs de leur appartenance à la classe ouvrière, de leur capacité à rester vivantes et en phase avec les besoins de celle-ci. Et une telle démarche n'est pas propre aux organisations communistes, elle appartient au prolétariat comme un tout : c'est aussi à travers ses propres discussions, notamment dans ses assemblées générales, que l'ensemble de la classe ouvrière est capable de tirer les leçons de ses expériences et d'avancer dans sa prise de conscience. Le sectarisme et le refus du débat qui, aujourd'hui, caractérisent malheureusement un certain nombre d'organisations du camp prolétarien ne sont nullement une preuve de leur "intransigeance" face à l'idéologie bourgeoise ou face à la confusion. C'est au contraire une manifestation de leur peur de défendre leurs propres positions et, en dernier ressort, la preuve d'un manque de conviction dans la validité de celles-ci.
Les interventions des groupes invités
Cette culture du débat a traversé l'ensemble des travaux du congrès. Et elle a été saluée comme telle par les délégations des groupes invités qui ont en même temps fait part de leur expérience et livré leurs propres réflexions :
C'est ainsi qu'un des camarades de la délégation venue de Corée a fait part de son "impression frappante face à l'esprit de fraternité, de débat, de relations de camaraderie auquel son expérience précédente ne l'avait pas habitué et qu'il nous envie". Un autre camarade de cette délégation a fait part de sa conviction que "la discussion sur la culture du débat serait fructueuse pour le développement de leur propre activité et qu'il était important que le CCI, de même que leur propre groupe, ne se voie pas comme 'seul au monde'."
Pour sa part, la délégation de Opop a tenu à "exprimer avec la plus grande fraternité un salut à ce congrès" et sa "satisfaction de participer à un événement d'une telle importance". Pour la délégation : "Ce congrès n'est pas seulement un événement important pour le CCI mais également pour la classe ouvrière comme un tout. Nous apprenons beaucoup avec le CCI. Nous avons beaucoup appris ces trois dernières années à travers les contacts que nous avons eus, les débats que nous avons menés ensemble au Brésil. Nous avons déjà participé au précédent congrès [celui de la section en France, l'an dernier] et nous avons pu constater le sérieux avec lequel le CCI traite le débat, sa volonté d'être ouvert pour le débat, de ne pas avoir peur du débat et de ne pas avoir peur de confronter des positions différentes des siennes. Au contraire, sa démarche est de susciter le débat et nous voulons remercier le CCI pour nous avoir fait connaître cette approche. De même, nous saluons la façon dont le CCI considère la question des nouvelles générations, actuelles et futures. Nous apprenons de cet héritage auquel se réfère le CCI et qui nous a été transmis par le mouvement ouvrier depuis qu'il existe." En même temps, la délégation a fait part de sa conviction que "le CCI avait également appris aux côtés de Opop", notamment lorsque sa délégation au Brésil a participé aux côtés d' Opop à une intervention dans une assemblée ouvrière dominée par les syndicats.
De son côté, le délégué de EKS a également souligné l'importance du débat dans le développement des positions révolutionnaires dans la classe, notamment pour les nouvelles générations :
"Pour commencer j'aimerais souligner l'importance des débats pour la nouvelle génération. Nous avons des jeunes éléments dans notre groupe et nous nous sommes politisés à travers le débat. Nous avons vraiment beaucoup appris du débat, en particulier parmi les jeunes éléments avec lesquels nous sommes en contact... Je pense que pour la jeune génération le débat sera à l'avenir un aspect très important de son développement politique. Nous avons rencontré un camarade qui venait d'un quartier ouvrier très pauvre d'Istanbul et qui était plus âgé que nous. Il nous a dit que dans le quartier d'où il venait les ouvriers voulaient toujours discuter. Mais les gauchistes qui faisaient du travail politique dans les quartiers ouvriers essayaient toujours de liquider le débat très vite pour passer aux 'choses pratiques', comme on peut s'y attendre. Je pense que la culture prolétarienne que l'on discute ici, maintenant, et que j'ai expérimentée dans ce congrès est une négation de la méthode gauchiste de discussion vue comme une compétition. Je voudrais faire quelques commentaires sur les débats entre les groupes internationalistes. Premièrement je pense qu'il est évident que de tels débats devraient être constructifs et fraternels autant que possible et que nous devrions toujours garder à l'esprit que les débats sont un effort collectif pour arriver à une clarification politique parmi les révolutionnaires. Et ce n'est absolument pas une compétition ou quelque chose qui pourrait créer de l'hostilité ou de la rivalité. Ça c'est la négation totale de l'effort collectif pour arriver à de nouvelles conclusions, pour se rapprocher de la vérité. Il est important aussi que le débat parmi les groupes internationalistes soit régulier autant que possible parce que cela aide beaucoup dans la clarification pour tous ceux qui sont impliqués internationalement. Je pense que c'est nécessaire aussi pour le débat d'être ouvert à tous les éléments prolétariens qui sont intéressés. Je pense aussi que c'est significatif que les débats soient publics pour les éléments révolutionnaires qui sont intéressés. Le débat n'est pas limité à ceux qui sont impliqués directement. Le débat lui-même, ce qui est discuté, sont d'une grande aide pour quelqu'un qui lit tout simplement. Par exemple je me souviens qu'il y a un certain temps j'avais très peur de débattre mais j'étais très intéressé à lire. Cette idée de lire les débats, les résultats, çà aide énormément et donc c'est très important que les débats qui ont lieu soient publics pour tous ceux que cela intéresse. C'est une façon très efficace de se développer théoriquement et politiquement."
Les interventions très chaleureuses des délégations des groupes invités n'avaient rien à voir avec une attitude de flatterie envers le CCI. C'est ainsi que les camarades de Corée ont porté un certain nombre de critiques aux travaux du congrès, regrettant notamment qu'il ne soit pas plus revenu sur l'expérience de notre intervention lors du mouvement contre le CPE en France ou que l'analyse de la situation économique de la Chine ne prenne pas plus en compte la situation sociale et les luttes de la classe ouvrière dans ce pays. L'ensemble des délégués du CCI a apporté une grande attention à ces critiques qui permettront à notre organisation aussi bien de mieux prendre en compte les préoccupations et les attentes des autres groupes du camp prolétarien que de stimuler notre effort pour approfondir nos analyses d'une question aussi importante que celle de la situation en Chine. Évidemment, les éléments et analyses que pourront apporter les autres groupes sur cette question, notamment des groupes d'Extrême-Orient, seront précieux pour notre propre travail.
D'ailleurs, au cours du congrès lui-même, les interventions des délégations ont constitué un apport important à notre compréhension de la situation mondiale, notamment lorsqu'elles ont donné des éléments précis concernant la situation dans leur propre pays. Nous ne pouvons pas dans le cadre de cet article reproduire intégralement les interventions des délégations dont des éléments vont figurer ultérieurement dans les articles de notre presse. Nous nous contenterons d'en signaler les éléments les plus marquants. Concernant la lutte de classe, le délégué de EKS a insisté sur le fait qu'après la défaite des combats massifs de 1989, il y avait aujourd'hui une reprise des luttes ouvrières, une vague de grèves avec des occupations d'usines, face à une situation économique qui est dramatique pour les travailleurs. Devant cette situation, les syndicats ne se contentent pas seulement de saboter les luttes comme ils le font partout, mais ils essaient également de développer le nationalisme parmi les ouvriers en menant campagne sur le thème de la "Turquie séculaire". Pour sa part, la délégation de Opop a signalé que, du fait du lien entre les syndicats et le gouvernement actuel (puisque le président Lula était le principal dirigeant syndical du pays), il existe une tendance aux luttes en dehors du cadre syndical officiel, une "rébellion de la base", comme s'était lui-même nommé le mouvement dans le secteur des banques, en 2003. Les nouvelles attaques économiques que prépare le gouvernement Lula vont évidemment pousser la classe ouvrière à poursuivre ses combats, même si les syndicats adoptent une attitude beaucoup plus "critique" vis-à-vis de Lula.
Une autre contribution importante des délégations de Opop et EKS au congrès a concerné la politique impérialiste de la Turquie et du Brésil. C'est ainsi que Opop a donné des éléments permettant de mieux comprendre le positionnement de ce pays qui, d'un côté se montre un fidèle allié de la politique américaine en tant que "gendarme du monde" (notamment avec une présence militaire à Timor et a Haïti, pays où il assure le commandement des forces étrangères) mais qui, en même temps, tente de développer sa propre diplomatie, avec des accords bilatéraux, notamment en direction de la Russie (à qui elle achète des avions), de l'Inde et de la Chine (dont les produits industriels sont concurrents de la production brésilienne). Par ailleurs, le Brésil développe une politique de puissance impérialiste régionale où elle tente d'imposer ses conditions à des pays comme la Bolivie ou le Paraguay. Quant au camarade de EKS, il a fait une intervention très intéressante sur les tenants et aboutissants de la vie politique de la bourgeoisie turque (notamment les enjeux du conflit entre le secteur "islamiste" et le secteur "laïc") et de ses ambitions impérialistes. Encore une fois ne nous ne pouvons reproduire cette intervention dans cet article. Nous voulons seulement souligner l'idée essentielle figurant dans la conclusion de cette intervention : le risque que, dans une région voisine d'une des zones où se déchaînent avec le plus de violence les conflits impérialistes, notamment en Irak, la bourgeoisie turque ne s'engage dans une spirale militaire dramatique, faisant payer encore plus à sa classe ouvrière le prix des contradictions du capitalisme.
Les interventions des délégations des groupes invités ont constitué, à côté de celles des délégations des sections du CCI, un apport de premier plan aux travaux de l'ensemble du congrès et à sa réflexion sur toutes les questions, lui permettant de "synthétiser la situation mondiale" comme l'a remarqué la délégation du SPA de Corée. En fait, comme nous le signalions au début de cet article, une des clés de l'importance de ce congrès a été la participation des groupes invités ; cette participation a constitué un des éléments majeurs de sa réussite et de l'enthousiasme qui était partagé par toutes ses délégations au moment de sa clôture
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A quelques jours d'intervalle se sont tenues deux réunions internationales : le sommet du G8 et le congrès du CCI. Évidemment, il existe des différences quant à l'ampleur et à l'impact immédiat de ces deux rencontres mais il vaut la peine de souligner combien est frappant le contraste entre elles, tant du point de vue des circonstances, que des buts et du mode de fonctionnement. D'un côté il y a avait une réunion derrière des fils de fer barbelés, un déploiement policier sans précédent et la répression, une réunion où les déclarations sur la "sincérité des débats", sur la "paix" et sur "l'avenir de l'humanité" n'étaient qu'un écran de fumée destiné à masquer les antagonismes entre États capitalistes, à préparer de nouvelles guerres et à préserver un système qui n'offre aucun avenir à l'humanité. De l'autre, il y avait une réunion de révolutionnaires de 15 pays combattant tous les écrans de fumée, tous les faux-semblants, menant des débats réellement fraternels, avec un profond esprit internationaliste, afin de contribuer à la seule perspective capable de sauver l'humanité : la lutte internationale et unie de la classe ouvrière en vue de renverser le capitalisme et d'instaurer la société communiste.
Nous savons que le chemin qui y conduit est encore long et difficile mais le CCI est convaincu que son 17e congrès constitue une étape très importante sur ce chemin.
CCI
[1] Voir notre article "Les trente ans du CCI : s'approprier le passé pour construire l'avenir" dans la Revue Internationale n° 123.
[2] Opop : Oposição Operária, Opposition Ouvrière. Il s'agit d'un groupe implanté dans plusieurs villes du Brésil qui s'est constitué au début des années 1990, notamment avec des éléments en rupture avec la CUT (Centrale syndicale) et le Parti des Travailleurs de Lula (actuel président de ce pays) pour rejoindre les positions du prolétariat, notamment sur la question essentielle de l'internationalisme, mais aussi sur la question syndicale (dénonciation de ces organes comme instruments de la classe bourgeoise) et parlementaire (dénonciation de la mascarade "démocratique"). C'est un groupe actif dans les luttes ouvrières (notamment dans le secteur des banques) avec qui le CCI entretient des discussions fraternelles depuis plusieurs années (notre site en langue portugaise a notamment publié un compte-rendu de notre débat sur le matérialisme hisorique).Par ailleurs, nos deux organisations ont organisé plusieurs réunions publiques communes au Brésil (voir notamment à ce sujet Quatre interventions publiques du CCI au Brésil : Un renforcement des positions prolétariennes au Brésil" dans Révolution Internationale n° 365) et ont publié une prise de position commune sur la situation sociale de ce pays. Une délégation de Opop était déjà présente lors du 17e congrès de notre section en France, au printemps 2006 (voir notre article : "17e Congrès de RI : l'organisation révolutionnaire à l'épreuve de la lutte de classe" dans RI n° 370).
[3] SPA : Socialist Political Alliance, Alliance Politique Socialiste. C'est un groupe qui s'est donné comme tâche de faire connaître en Corée les positions de la Gauche communiste (notamment à travers la traduction de certains de ses textes fondamentaux) et d'animer dans ce pays, et aussi internationalement, les discussions entre groupes et éléments autour de ces positions. Le SPA a organisé en octobre 2006 une conférence internationale où le CCI, qui menait des discussions avec cette organisation depuis près d'un an, a envoyé une délégation (voir notre article "Rapport sur la conférence en Corée - octobre 2006" dans la Revue Internationale n° 129). Il faut noter que les participants à cette conférence, qui s'est tenue juste après les essais nucléaires de la Corée du Nord, ont adopté une "Déclaration internationaliste depuis la Corée contre la menace de guerre" (voir RI n° 374).
[4] EKS : Enternasyonalist Komünist Sol, Gauche Communiste Internationaliste ; groupe constitué récemment en Turquie, qui se situe résolument sur les positions de la Gauche communiste et dont nous avons publié des prises de position.
[5] Sur ces conférences internationales voir notre article "Les conférences internationales de la Gauche Communiste (1976-1980) - Leçons d'une expérience pour le milieu prolétarien" dans la Revue Internationale n° 122). Le sabotage de ces conférences par les groupes qui allaient constituer le Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) n'avait cependant pas empêché le CCI d'inviter cette organisation à son 13e congrès, en 1999. En effet, nous avions pensé que la gravité des enjeux impérialistes au cœur de l'Europe (c'était le moment des bombardements de la Serbie par les armées de l'OTAN) méritait que les groupes révolutionnaires laissent leurs griefs de côté pour se retrouver en un même lieu afin d'examiner ensemble les implications du conflit et, éventuellement, de produire une déclaration commune. Malheureusement, le BIPR avait décliné cette invitation.
[6] Puisque Internasyonalismo était présent politiquement, même si sa délégation n'avait pu être présente physiquement.
[7] Voir à ce sujet nos articles "Conférence extraordinaire du CCI : Le combat pour la défense des principes organisationnels" et "15e Congrès du CCI : Renforcer l'organisation face aux enjeux de la période" dans les numéros 110 et 114 de la Revue Internationale.
[8] Voir "La confiance et la solidarité dans la lutte du prolétariat" ainsi que "Marxisme et éthique" dans les numéros 111, 112, 127 et 128 de la Revue internationale.