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Dans l'enchevêtrement de tout idéologie, tant bourgeoise que prolétarienne, la classe ouvrière à juste raison n'arrive plus à reconnaître les formules bourgeoises des formules prolétariennes. Est-ce parce que, la facilité aidant, les hommes politiques ne s'expriment plus que par "mots historiques", ou bien retrouvons-nous la tendance de la bourgeoisie à se couvrir toujours du drapeau le plus adéquat de l'heure ?
Un exemple parmi tant d'autres de cette aisance des "milieux pensants et réfléchissants".
Dans les pays pauvres minés par la guerre, certaines industries, certaines banques marquent un déficit constant devant une concurrence facile des pays riches. Combler ce déficit par des avances de l'État peut énerver un tant soit peu les contribuables. On nationalise les actionnaires qui en sont largement dédommagés. Quant à la classe ouvrière, elle croit se trouver en présence d'un début de "collectivisation". On lui a tellement répété que l'État c'est tout le peuple, que ce qui appartient à l'État appartient donc au peuple. En définitive, l'ouvrier a retrouvé la même servitude et moins de possibilité pour se défendre.
De cet exemple frappant, comme de tout autre qu'on pourrait donner, il ressort toujours la même chose. Dans la société actuelle, les théoriciens de toutes nuances tentent d'effacer les limites rigides des classes pour permettre à la confusion de s'installer confortablement. L'unique gagnant de cette "bonne affaire" : le capitalisme, comme toujours.
Ainsi, voyons-nous un lord Keynes, dès la fin de la 1ère guerre, édifier toute une structure de défense du capitalisme. Il n'opère pas en vue d'élargir et de développer le système en vigueur. Au contraire, sa tâche consiste à retarder l'écroulement du capitalisme en réalisant, sur le plan économique, une plus forte répression de la classe ouvrière. D'autres, sur le plan politique, construisent l'échafaudage nécessaire pour permettre la confusion entre "le Capitalisme d'État" et "le Socialisme".
C'est lord Keynes qui établira, dans les grandes lignes, le plan quadriennale de Hitler, le New Deal de Roosevelt, le programme économique du présent gouvernement travailliste Attlee. Ses leçons trouveront un écho, influent sur les plans quinquennaux staliniens.
Le dirigisme devient alors une nouvelle profession de foi. La Russie parlera de "socialisme", les démocraties se réclameront de leur dirigisme étatique pour profiter elles aussi de la glorieuse Révolution d'Octobre.
Notre travail présent a pour objet d'éliminer de l'idéologie révolutionnaire la confusion née de plus de 20 années de stalinisme et de dirigisme. Nous essaierons en tout cas d'y parvenir.
Caractéristiques du capitalisme :
Tout le monde aujourd'hui s'entend pour condamner le capitalisme, que ce soient les fascistes, les staliniens ou les démocrates. Mais il serait bon de savoir ce que réellement on entend par capitalisme, car la confusion est toujours possible et même certaine. Toute la bourgeoisie est d'accord actuellement pour condamner le libéralisme. Les plans économiques échafaudés par tous les gouvernements le prouvent assez. Mais est-ce là que se confine la condamnation du système ?
Dans certains pays, et l'on perçoit aussi une tendance générale, il semble que l'on ait franchi un grand pas au travers des "national-collectivisations". La propriété privée des moyens de production passe à "l'État représentant l'intérêt général".
Pour tous nos théoriciens réformistes, les caractéristiques du système semblent être concentrées sur 2 points fondamentaux :
1. le libéralisme ou libre concurrence ;
2. la propriété privée des moyens de production.
Les trusts, et nous assistons depuis 50 ans à la démagogique antitrust, ne sont condamnés que s'ils ne sont pas étatiques.
Une fois ces normes définies, nos réformateurs vont vite trouver l'échappatoire :
1. en réduisant au strict minimum la libre concurrence ;
2. en proclamant et instaurant plus ou moins les trusts d'État, éliminant ainsi la deuxième caractéristique du capitalisme.
C'était facile ensuite de déclarer l'ère du socialisme ouverte et de dénommer révolutionnairement toutes les métamorphoses bâtardes apportées au vieux capitalisme primitif.
A ce schéma, qui peut laisser place à toutes les nuances des considérations politiques, viennent se greffer toutes les vieilles rengaines bourgeoises : droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les peuples souverains, le suffrage universel, etc. La structure économico-politique de la construction de ces divers "socialismes nationaux" illusionnent et déroutent la classe ouvrière et bien des révolutionnaires qui n'arrivent pas à séparer le contexte économique de la superstructure politique.
Pour notre part, nous essaierons de discuter ces normes "des socialismes nationaux" et de tirer des conclusions. La question du capitalisme a toujours mal été posée et continue de l'être… Tandis que les économistes bourgeois se sont uniquement livrés à un travail de dissection du système, se cachant ainsi ses possibilités évolutives et ses ascendants historiques ; Marx et, à sa suite, les marxistes ont toujours essayé de trouver la trame d'évolution historique qui conduit d'un système à l'autre.
Ainsi, si l'on analyse la féodalité, on retrouve un marché intérieur réduit à la commune féodale exclusivement et, comme toujours, la propriété privée des moyens de production. Qu'est-ce qui différencie donc la féodalité du capitalisme ? L'élargissement du marché de la commune à la nation et au monde ?
Si c'est seulement ceci, nous pouvons donc dire que les "socialismes nationaux" contiennent en eux les caractéristiques capitalistes, car avoir éliminer le marché national n'a fait qu'augmenter l'importance du marché national où la libre concurrence continue de présider aux transactions. De sorte que les "socialismes nationaux", demeurent des systèmes capitalistes puisque c'est par rapport à un marché international libre que peut s'exprimer la propriété privée des moyens de production. La seule différence c'est que cette propriété, au lieu de s'exprimer sur le plan national, le fait sur le plan mondial. Différence toute quantitative et non qualitative.
De plus, ceci poserait entre la féodalité et le capitalisme une différence toute quantitative. Et c'est le seul moyen de tourner en rond et de jouer au philanthrope. Nous avons déjà dit plus haut que toutes autres sont les normes capitalistes. Étudions-les en fonction de l'opposition du système bourgeois au système féodal.
1. Système féodal, système bourgeois :
La féodalité se présente comme ayant les caractères généraux des sociétés divisées en classes avec le surtravail nécessaire à la propriété privée. Ce surtravail cependant n'intervient jamais dans le processus d'échange. Ce n'est en aucune sorte un élément reversé en cas de la reproduction économique du système.
Qu'est-ce que le surtravail ? Le serf, obligé de travailler pour le seigneur, fait du surtravail, car il vient s'ajouter au travail nécessaire à la subsistance du serf. Ce surtravail n'intervient dans les échanges qu'à titre de troc. Le seigneur échange une quantité de produit contre une quantité égale d'un autre produit dont il a besoin pour sa consommation (ex : troc de blé contre du tissu).
Le produit demeure dans le cadre étroit de la consommation individuelle et n'intervient pas dans le cycle suivant de la production. Même l'artisan qui prélève un surtravail sur ses apprentis (bien que ce surtravail soit concrétisé autrement que pour le féodal) ne le fait pas intervenir dans son cycle à venir de production. Le surtravail féodal demeure donc un produit consommable mais qui n'intervient nullement dans l'échange en vue de la reproduction, but de toutes sociétés.
Et c'est la nature économique de ce surtravail qui va être une des premières caractéristiques du capitalisme. Un serf travaille sa terre pour vivre et celle du seigneur pour le faire vivre. Économiquement, le travail dû au seigneur ou surtravail se différencie, se marque clairement du travail propre au paysan. C'est ce qu'on appelle couramment l'exploitation.
Mais si le paysan possède sa terre pour calculer le travail qui lui revient, le travailleur ne possède rien pour pouvoir apprécier le travail qui lui revient. Le capitaliste, à l'encontre du féodal ne s'approprie pas une partie du travail de l'ouvrier. Il loue tout simplement la force de travail de son ouvrier. Cette force de travail effectue deux valeurs, une servant à la subsistance de l'ouvrier, l'autre revenant au capitaliste. La différence, si elle s'arrêtait là, serait bien petite et de détail. Ce qui crée la véritable différence, c'est l'emploi que le capitaliste fait de ce surtravail. S'il l'employait pour sa propre subsistance, économiquement ce surtravail ne représenterait pas un élément important.
Mais c'est justement parce qu'il sert en grande partie à être versé dans la production en vue de l'agrandir que ce surtravail change de nature et devient un élément important de l'économie. La nature de consommation devient une nature d'échange en vue de la reproduction élargie. De surtravail, il devient plus-value, c'est-à-dire valeur créée en plus par la force de travail. Ce n'est pas un simple changement de nom, c'est uniquement un échange de propriété [?!?!]. En effet, un produit n'acquiert la qualité de valeur qu'au moment où il rentre dans le cas de l'échange, non dans celui de sa consommation directe mais pour élargir la reproduction suivante.
La plus-value donne au produit crée en plus le caractère de marchandise. L'échange cesse d'être un élément de la répartition pour la consommation pour devenir un élément de la répartition pour la reproduction. La marchandise échangeable devient le nœud vital de l'économie capitaliste. Donc le surtravail féodal se différencie nettement du surtravail capitaliste ou plus-value, pas tellement par le moyen dont on l'obtient mais surtout par le but vers lequel on le dirige.
Un fois cette différenciation posée, nous pouvons tirer cette première constatation : dans l'économie capitaliste, le surtravail devient un facteur de l'échange, la plus-value étant son expression sur le marché d'échange.
"Le système capitaliste est un système de production et d'échange de plus-value."
Ce qu'on remarquera ce n'est pas si l'échange existe ou n'existe pas sur un plan économique plus ou moins élargi mais bien ce qu'on échange. Et c'est ceci qui caractérise le capitalisme. Le problème à résoudre dans l'étude du capitalisme n'est pas ses éléments dérivés des autres économies, après certaines réformes, mais uniquement le procès de production et d'échange du système. C'est dans le déroulement et la transformation des forces de reproduction d'un système qu'on décèle ses caractères spécifiques.
2. Nature et processus du système capitaliste :
Nous posons comme premier caractère spécifique du capitalisme sa production et son échange de la plus-value. Le deuxième caractère spécifique sera son processus. Nous avons étudié la nature économique du surtravail capitaliste que nous avons défini par la plus-value. Le capitalisme produit des valeurs uniquement destinées à l'échange. Cet échange va comprendre deux possibilités :
- la première possibilité c'est l'échange en vue de la consommation, c'est la plus restreinte ;
- la deuxième possibilité c'est l'échange en vue de la reproduction élargie, c'est la plus grande.
C'est cette disproportion entre les deux échanges avec la tendance à augmenter la deuxième au détriment de la première qui donne le deuxième caractère spécifique du capitalisme. Développons !
Un produit fabriqué est une valeur, c'est-à-dire une somme de force de travail exprimée en heures pouvant être échangée contre un produit de même somme de force de travail. Recomposons cette somme et l'on trouve :
- Une valeur qui représente la matière première et l'amortissement des machines et locaux. C'est le capital constant.
- Une valeur qui représente la location de la force de travail, c'est-à-dire la quantité de travail socialement nécessaire à l'ouvrier pour reproduire sa force de travail, c'est le capital variable ou salaire des ouvriers.
- Une valeur créée par la force de travail en plus de sa reproduction et qui revient au capitaliste, c'est la plus-value ou bénéfice du capitaliste.
Les deux premières valeurs se retrouvent toujours dans la société, les capitalistes les ayant achetées et ne les perdant pas. Ce sont des valeurs qui se retrouvent. La troisième valeur est créée et ne se trouvait pas antécédemment dans la production.
Le problème capitaliste ne réside pas dans le capital constant et variable indispensable pourtant à la marche de la production mais essentiellement dans l'échange de la valeur créée à chaque nouveau cycle de production. Le système ne trouve son équilibre que dans cet échange de la plus-value. Ses crises seront directement liées à cet échange.
Nous assisterons dans les passages de plusieurs cycles de production à certains réajustements de la production de la plus-value en fonction des possibilités d'absorption du marché. Le système se verra limité dans l'histoire le jour où des réajustements de la production de la plus-value se solderont définitivement par une décroissance constante de cette production jusqu'à son impossibilité totale à être absorbée par le marché.
En conclusion de cette première partie de notre étude, nous pouvons dire que le capitalisme se caractérise comme UN SYSTEME DE PRODUCTION ET D'ECHANGE DE PLUS-VALUE. Il se donne comme but NON L'ECHANGE EN VUE DE LA CONSOMMATION DIRECTE MAIS L'ECHANGE EN VUE D'UNE REPRODUCTION ELARGIE, C'EST-A-DIRE EN VUE D'UNE PLUS-VALUE ELARGIE.
(à suivre)
SADI