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Dans une touchante "unité", “jamais vue depuis les années 70" (selon l’Humanité du 25/9), tous les syndicats montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer l’austérité rocardienne, annoncent journée d’action sur journée d’action, qui dans les Finances, qui à la Sécurité Sociale ou encore dans toute la Fonction Publique et viennent nous dire, comme la CGT à la Sécu, que “plus que jamais l’heure est à l’action”. En arrière-fond de cette mobilisation syndicale à grand bruit, le même thème repris par tous : “les travailleurs n’ont pas à payer le prix de la crise du Golfe" (discours de Blondel dans la manifestation de rentrée de FO), ou encore : “la question principale du moment posée au monde du travail est aujourd’hui l’austérité renforcée que le gouvernement veut faire passer à la faveur de la crise du Golfe ; cet alibi est un mensonge et une escroquerie” (Krasucki à St Nazaire).
Certes, la classe ouvrière n’a pas à payer quoi que ce soit. Pas plus le prix de la crise économique catastrophique du capitalisme que celui de la barbarie guerrière qui n’est que la conséquence de cette crise. Certes encore, ce discours des syndicats contient une autre vérité, lorsqu’ils dénoncent l’exploitation qui est faite des événements du Golfe par le gouvernement, pour justifier la nouvelle vague d’austérité et les licenciements massifs qui s’annoncent en présentant le "satanique Saddam Hussein" comme le responsable de tous ces maux.
Mais ne nous faisons pas d’illusion. Ce discours radical des syndicats et l’agitation qu’ils sont en train de mener sur le terrain ne sont certainement pas là pour armer la classe ouvrière et lui permettre de développer une réponse de classe à la hauteur de la gravité de la situation. Bien au contraire !
Les syndicats cherchent à endormir la classe ouvrière...
En premier lieu, avec leur slogan : “la question principale est aujourd’hui l’austérité renforcée !", à l’heure où s’accumulent des tonnes d’armes dans la région du Golfe et où des milliers de soldats sont mobilisés pour être transformés d’un jour à l’autre en chair à canon, ce que disent les syndicats, en fait, c’est : "Oubliez la guerre, ce n’est pas votre problème, ne regardez que votre fiche de paye !". L’objectif qu’ils recherchent n’est autre que d’éloigner de la conscience ouvrière la question gravissime de la guerre. Non seulement ils s’efforcent de détourner les préoccupations ouvrières du massacre qui se prépare, mais ils cherchent à empêcher les ouvriers de faire le lien entre la crise et la guerre, de comprendre que c’est la même crise catastrophique du capitalisme qui produit la barbarie guerrière comme elle produit des conditions d’existence de plus en plus misérables pour ceux qu’elle exploite, et qui au bout du compte menace d’entraîner l’humanité vers sa propre disparition.
Non, la classe ouvrière ne peut pas se permettre de rester indifférente au bain de sang qui se prépare au Moyen-Orient.
Devant de tels événements, sa responsabilité première, c’est bien de prendre conscience de la gravité de la situation, de mesurer qu’immédiatement, ce sont des milliers de ses frères de classe qui sont sur le point de se faire massacrer et qu’à plus long termes c’est la survie même de l’humanité qui est en jeu.
Si la classe ouvrière se laisse endormir, si elle se refuse à regarder en face cette réalité, elle ne peut que se retrouver désarmée face aux nouveaux coups que la bourgeoisie est en train de lui assener et c’est tout son combat de classe qui risque d’être complètement réduit à l’impuissance.
...et à stériliser toute mobilisation de classe
C’est sur une telle faiblesse des ouvriers que compte la bourgeoisie. D’ores et déjà, le déboussolement qui traverse les rangs de la classe ouvrière à la faveur des bruits de botte au Moyen-Orient, le sentiment d’impuissance qu’elle ne peut que ressentir dans un premier temps face à une situation qui la dépasse est une réalité que la bourgeoisie essaie d’exploiter et d’approfondir encore à travers l’agitation actuelle des syndicats. Car non contents de chercher à saboter toute réflexion au sein de la classe ouvrière en entretenant la confusion sur les événements du Golfe, les syndicats s’évertuent aussi à stériliser ce qui constitue le seul terrain sur lequel la classe ouvrière puisse se mobiliser pour apporter une réponse à cette situation dramatique : le terrain de ses luttes de résistance économique aux attaques capitalistes.
Les "luttes" lancées par les syndicats à la Sécurité Sociale en sont un exemple écœurant. Après avoir entretenu pendant des semaines une grève longue et parfaitement isolée dans les caisses de .l’Essonne (à la suite de celle tout aussi longue et isolée de la Seine-St-Denis), les syndicats qui, jusqu’à présent se gardaient bien de laisser filtrer la moindre information sur cette grève dans les autres centres de la Sécu de la région parisienne, attendent le moment où les grévistes de l’Essonne sont bien épuisés, au bout du rouleau et démoralisés, pour lancer des mots d’ordre d’action dans les caisses de Paris. Et quels mots d’ordre ! C’est une véritable entreprise de division et de démoralisation : lancement d’un mot d’ordre de grève de tous les centres parisiens pour le 25/9 afin soi-disant de tenir une AG pour décider des moyens d’action. A la dernière minute, la CGT annule l’appel à la grève, et invite, avec les autres syndicats, les employés des centres de paiement à "d’autres modalités d’action". En l’occurrence, à Paris comme dans plusieurs endroits en province, il s’agissait de lancer des "grèves de qualité”, espèce de grève du zèle sur le tas, où ceux qui se laissent embarquer derrière les syndicats se retrouvent dans une action totalement impuissante, garantissant leur isolement par rapport aux employés des autres services de la Sécu, tandis que ceux qui refusent de marcher dans cette mascarade sont dénoncés comme des "jaunes" et qu’on cherche ainsi à dresser les travailleurs les uns contre les autres. Toute cette agitation qui "pousse à la lutte", alors que personne ne se reconnaît réellement dans cette grève où règne la confusion la plus totale, ne fait que renforcer un peu plus le sentiment d’impuissance. Le 27, jour de la "grève nationale de la Sécu" appelée par tous les syndicats, l’ambiance générale est à l’absence totale de perspective et à la division. Ceux qui sont venus quand même, déjà écœurés après 4 jours de "grève de qualité", s’entendent proposer... de continuer comme cela, en attendant la prochaine manifestation. Pour ajouter encore à l’ambiance de division la plus inimaginable, une manifestation des employés techniques et administratifs des hôpitaux, en grève depuis le mois de juin eux aussi dans l’isolement le plus total, qui était convoquée à la même heure et au même endroit que celle de la Sécurité Sociale (devant le ministère de la Santé à Paris), s’entend dire qu’elle doit dégager le terrain et est invitée à partir seule devant, avant même que les manifestants "Sécu" aient fini d’arriver. On attendra patiemment la dissolution de la manif des hôpitaux au point d’arrivée (Matignon) pour faire démarrer celle de la Sécu qui va suivre à quelques minutes d’intervalle le même chemin que la première ! C’est qu’il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes ! Et surtout s’efforcer de mettre dans le crâne de ceux qui veulent se battre, qu’il s’agit de le faire chacun dans son coin, sur son problème et ses revendications spécifiques. Il y en avait bien quelques uns pour se poser des questions et se demander pourquoi les syndicats offraient un tel spectacle de saucissonnage de la combativité ouvrière, mais globalement l’ambiance n’était guère à la remise en cause de cet esprit corporatiste le plus boutiquier et le plus mesquin.
Hélas, les employés de la Sécurité Sociale sont en train de servir de boucs émissaires à une démonstration de force syndicale, largement relayée par les médias qui ont derechef gonflé le chiffre des grévistes et manifestants du 27, qui ne vise rien d’autre que de faire à la classe ouvrière la démonstration de sa propre impuissance, qu’à lui renvoyer une image d’elle-même qui ne peut que la démoraliser un peu plus.
Face à la gravité de la situation actuelle, la classe ouvrière se trouve devant une responsabilité énorme. Seule sa détermination à mener ses combats de classe contre ce système semeur de mort, en développant sa conscience et son unité comme classe, peut apporter une réponse aux menaces qui pèsent sur l’humanité. Cette responsabilité, elle doit et elle peut l’assumer. Pour cela, il lui faut refuser de se laisser piéger par ceux qui veulent la réduire à l’impuissance en s’efforçant de détruire sa confiance dans ses propres forces. Il n’y a pas d’autre chemin possible.
PE