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Ne pas sous-estimer la gravité de la situation mondiale
C’est bien évidemment à propos de la situation dans le golfe Persique, sa signification et ses conséquences que la section en France du CCI a tenu ses réunions publiques de septembre dans 11 grandes villes sur le thème "Le capitalisme, un système qui sème la mort".
En tout cas, si la réunion qui s’est tenue à Paris a permis aux éléments combatifs inorganisés présents de mettre à profit ce lieu pour débattre largement de la situation, l’absence du milieu politique dit "organisé" est à nouveau révélatrice de son irresponsabilité et de son sectarisme persistants alors que, quelques mois à peine après cet autre événement majeur constitué par l’effondrement du bloc de l’Est, une question aussi grave que celle d’une guerre impliquant l’ensemble du monde occidental ne peut qu’interpeller tous ceux qui prétendent être l’avant-garde du prolétariat. En dehors du CCI, les autres groupes révolutionnaires n’auraient-ils rien à dire, ni à défendre face à la classe ouvrière dans une telle situation ?
Après avoir mis en évidence le cadre politique permettant de situer et de comprendre les événements du golfe Persique qui constituent la première manifestation aiguë de la période de chaos mondial ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est, l’exposé introductif au débat s’attacha à dénoncer l’abjecte hypocrisie de l’ensemble d’une bourgeoisie mondiale qui brandit "subitement" l’étendard du "droit international" pour mieux justifier sa mobilisation guerrière contre le "tyran" irakien-
La discussion qui suivit eut le mérite de mettre en évidence des difficultés chez plusieurs éléments présents à comprendre jusqu’au bout la nouvelle situation historique ouverte par l’effondrement du bloc de l’Est : celle de la décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme, et dans laquelle s’inscrit la crise actuelle du Moyen-Orient. Ces difficultés révèlent en fait des tendances à sous-estimer la gravité des enjeux contenus dans le conflit du Golfe.
Pour l’un d’entre eux, il s’agirait pour les Etats-Unis de mettre la main sur le golfe Persique et de s’approprier les plus grandes réserves du monde en pétrole dans un but essentiellement économique : baisser ses coûts de production et prendre un avantage économique majeur contre ses principaux concurrents sur le marché mondial. Cette vision "économique" se trouve passablement démentie par les faits eux-mêmes. Difficile en effet d’expliquer avec une telle analyse pourquoi les concurrents commerciaux les plus directs des Etats-Unis que sont des pays comme le Japon ou l’Allemagne iraient "aider" leur pire concurrent dans une aventure d’où ils devraient ressortir comme les principaux perdants sur le plan économique alors même qu’ils sont autrement plus dépendants de leurs approvisionnements en pétrole que les USA. Ou alors, à l’instar de la bourgeoisie allemande, la bourgeoisie japonaise qui, pour la première fois
depuis 1945, vient aussi de décider d’envoyer dans le Golfe des forces armées plus ou moins camouflées sous le nom de "corps de coopération pour la paix" aux côtés des USA serait-elle devenue folle ? Même conjoncturelle, il est évident qu’une telle mobilisation et une telle unanimité internationales, qui vont de l’ancienne tête du bloc russe aux USA en passant par l’ensemble des pays d’Europe (dont la France finalement rangée derrière les Etats-Unis alors que la région faisait partie de sa "chasse gardée" il y a peu de temps encore) et de la plupart des pays arabes de la région du Golfe y compris la Syrie -Etat classé "terroriste" par les USA- ou l’Iran... sont à l’échelle d’enjeux autrement plus importants. "Nous devons démontrer sans aucun doute possible que l’agression ne peut pas payer et ne paiera pas" déclaraient Bush et Gorbatchev au sortir du sommet d’Helsinki. Ainsi, en ne voyant dans l’intervention militaire des USA qu’une volonté de mettre la main sur les réserves d’or noir du Moyen-Orient, cette vision réductrice passe complètement à côté de l’objectif principal des USA : affirmer leur leadership sur le monde afin de tenter de freiner au maximum la tendance inéluctable au chaos, au "chacun pour soi", ouverte avec l’effondrement du bloc de l’Est.
Pour un autre camarade, il s’agirait en quelque sorte pour les USA de "rentabiliser" l’énorme effort d’armement consenti par le capital américain au cours des années Reagan, par une sorte d’OPA sur la région du Golfe au même titre que Saddam Hussein vis-à-vis du Koweït. Une telle vision, outre le fait qu’elle ne prend pas en compte le poids énorme du déploiement militaire américain sur une économie croulant déjà sous une montagne de dettes, ignore complètement notre conception suivant laquelle dans la période de décadence, le militarisme ne constitue plus globalement un moyen pour un capital national de s’enrichir.
La tonalité générale du débat tendait surtout à se polariser soit sur des questions secondaires, soit sur des problèmes déjà tranchés par les révolutionnaires tout au long du 20ème siècle. En fait, toutes ces questions n’étaient qu’un moyen d’esquiver les questions de fond : quelle perspective nous offre aujourd’hui le capitalisme pourrissant ? Face aux nouvelles données de la situation mondiale ouverte avec l’effondrement du bloc impérialiste russe, quelle est la signification profonde de cette mobilisation militaire, la plus massive depuis la guerre du Vietnam ?
Ne pas comprendre que le monde capitaliste est entré aujourd’hui dans une période d’instabilité, de chaos et de décomposition générale, c’est refuser de voir la gravité des enjeux que contient cette ère de barbarie dans laquelle nous entraîne ce système moribond. Face à la menace de destruction totale de l’humanité que contient la situation historique présente, moins que jamais les révolutionnaires ne peuvent faillir à leur responsabilité.
BN