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La pandémie et le confinement ont considérablement accentué les tendances à l’œuvre au sein de la société : accroissement de l’atomisation des individus, exacerbation de la peur de l’autre, absence d’avenir et incapacité accrue à se projeter dans le futur. Tous ces facteurs accentuent le délitement du tissu social et par là même l’exacerbation de la violence : de plus en plus d’enfants battus, d’épouses assassinées, de crimes crapuleux, de lynchage entre bandes de gamins de 15 ans… Les médias font d’ailleurs leurs choux gras de la multiplication de ces faits divers tous plus barbares les uns que les autres.
Face à ce processus mortifère, la réaction au printemps de toutes les forces politiques françaises, de l’extrême droite à l’extrême gauche, a été particulièrement éclairante sur la nature de tous ces partis et sur le seul avenir qu’ils sont capables d’offrir : toujours plus de répression.
L’affaire commence par une tribune fracassante signée par vingt généraux et publiée par la revue Valeurs actuelles le 24 avril : « L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent. […] Aujourd’hui, certains parlent de racialisme, d’indigénisme et de théories décoloniales, […] ils méprisent notre pays, ses traditions, sa culture, et veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire. […] Délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution. […] Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société ».
Tous ces généraux en appellent à frapper dur, à réprimer sec, les « hordes de banlieue », pour « l’honneur du drapeau tricolore ». Il ne peut y avoir de relents plus nauséabonds. Seul le Rassemblement national a donc soutenu cette tribune, tous les autres dénonçant la puanteur de la missive, le gouvernement menaçant même de sanction. Cette fracture publique entre une partie du haut commandement militaire et le gouvernement marque à quel point la division grignote les structures étatiques. La bourgeoisie française, comme toute bourgeoisie nationale, est divisée en fractions concurrentes, mais un minimum de cohésion est nécessaire, et c’est cette unité qu’organise l’État. Que des généraux se permettent une telle sortie signifie que cette unité menace en partie de se fissurer.
Et la réaction de toutes les forces politiques le confirme encore. Car qu’ont-elles fait après avoir dénoncé les généraux « factieux » ? Elles se sont lancées dans la course à l’échalote, pour se prétendre chacune plus républicaine et amie de la police que sa voisine.
Ainsi, le 19 mai, toutes ont participé à la « marche citoyenne pour la police » aux côtés de 35 000 policiers, jusque devant l’Assemblée nationale, pour dénoncer l’augmentation des violences, le laxisme de la Justice et surtout, demander une réponse pénale plus ferme à l’encontre de leurs agresseurs… Droite, gauche, écologistes sont donc venus réclamer une justice toujours plus répressive en soutien au bras armé de l’État.
Tous ? Non ! Mélenchon et la France Insoumise ont catégoriquement refusé de participer à cette marche, dénonçant le côté « factieux » des revendications qui opposent une partie de l’État à une autre, qui oppose ministère de l’Intérieur et ministère de la Justice. Et d’organiser une autre marche citoyenne et « alternative ». Pourquoi ? Il suffit de lire : « Nous voulons réformer la police nationale de la cave au grenier et ne cesserons pas de faire des propositions en ce sens : police de proximité pour recréer les liens police population, suppression de l’IGPN et création d’un organe de contrôle indépendant, dissolution des BAC et renforcement de la police judiciaire pour démanteler les réseaux, paiement des heures supplémentaires dues, limitation des contrôles d’identité et mise en place d’un récépissé, plan de rénovation des commissariats, création de nouvelles écoles de police et passage de la formation à deux ans, valorisation des agents administratifs et scientifiques, mise en œuvre de la désescalade dans la gestion du maintien de l’ordre, etc. Rien de tout cela n’est à l’ordre du jour de cette manifestation. Nous n’irons donc pas puisque nous sommes pour une véritable police nationale républicaine de proximité au service de l’intérêt général et du peuple français ». La France Insoumise joue là parfaitement sa partition d’unité, de solidarité et de luttes communes en soutien au… capital ! À l’image de la social-démocratie qui a écrasé dans le sang la révolution allemande en 1919, assassinant des milliers d’ouvriers, dont Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, le programme sécuritaire de la France Insoumise à de quoi rassurer la classe dominante. La gauche du capital saura diriger les forces de l’ordre « de proximité » et ordonner la répression la plus violente si cette force politique est amenée à diriger un jour l’appareil d’État. La France Insoumise, comme les autres fractions de gauche, sauront garantir l’ordre social bourgeois. N’ayons aucune illusion, elles sont et demeurent les chiens de garde du capital !
Le capitalisme n’a pas de solution à apporter au pourrissement de sa société, si ce n’est plus de flics, plus de répression, plus de division pour toujours plus de violence et de terreur. La seule voie possible pour lutter contre la violence de la société capitaliste, sous toutes ses formes, c’est la solidarité de classe, dans la lutte, prémices d’une autre société enfin humaine.
Sabine, 24 juin 2021