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L’agression de militants de la CGT lors de la dernière manifestation du 1er mai à Paris est venue bousculer la routine traditionnelle des défilés syndicaux pour la fête du travail. Même si ces dernières années, les violences et affrontements entre les “éléments inorganisés”, les autonomes, les black-blocs et les forces de l’ordre sont devenus récurrentes, cette agression de la CGT sort de l’ordinaire et n’est nullement anodine.
Des méthodes de petits voyous étrangères à la classe ouvrière
À ce jour, le doute reste entier sur le pedigree des éléments ayant eu l’affront de venir chatouiller les “flics sociaux” qui, bombes lacrymogène et matraques à la main, avaient d’ailleurs aisément de quoi répliquer. Qui a osé s’en prendre à un syndicat prétendument engagé pour la lutte et la défense des revendications ouvrière, le traitant de “collabo”, l’accusant de collusion avec le pouvoir ?
Plusieurs médias comme Marianne ou des leaders politiques comme Xavier Bertrand à droite, ciblent la mouvance des black-blocs et sa possible alliance avec des éléments radicaux issus des “gilets jaunes”. La CGT, quant à elle, fustige “des individus clairement et dans leur grande majorité issus de l’extrême-droite… Nous affirmons que cette attaque est bel et bien de type fasciste. En témoignent la haine, les insultes proférées, les armes utilisées, le déchaînement sur les réseaux sociaux”. Philippe Martinez, leader de la CGT, estime carrément que “la tension émanait des forces de l’ordre à l’encontre des organisations syndicales”, suivi d’ailleurs par les trotskistes de LO affirmant que “ces forces de police étaient donc complices puisqu’elles ont bloqué les véhicules de la CGT, les empêchant d’échapper à l’agression”. De quoi laisser penser que le scénario était écrit d’avance par la Préfecture de police contre un “syndicat ouvrier”…
Pour en découdre avec le service d’ordre de la CGT, qui n’a jamais fait dans la dentelle, toutes les compétences en matière de coups de poing peuvent effectivement converger dans une union sacrée de groupuscules qui tous, sans exception, n’ont jamais rien eu à voir, ni de près ni de loin, avec la classe ouvrière, son terrain de lutte et ses objectifs.
Mais, contrairement aux apparences, tous ces groupes sont choyés par la bourgeoisie et son appareil répressif qui sait parfaitement les utiliser contre la classe ouvrière, n’hésitant d’ailleurs pas à les infiltrer pour mieux les manipuler. Le saccage des commerces et des édifices publics, souvent avec la bénédiction des forces de répression, le caillassage et les agressions physiques contre les flics et, aujourd’hui, les syndicats, sont du pain béni pour l’État en vue de renforcer ses moyens de répression policière et justifier l’amplification de violence et la “riposte légitime” au cours des manifestations.
Nous affirmions déjà en 2018 au sujet des violences des black-blocs : “Ce mode d’action, ces aventures “grisantes” se veulent “héroïques et exemplaires”, méprisant les formes de lutte collectives du prolétariat… Elles ne sont pas dirigées contre le système capitaliste mondial mais seulement contre des formes et des symboles les plus grossiers de ce système, en prenant l’aspect d’un règlement de comptes, de la vengeance de petites minorités frustrées et non celui d’un affrontement révolutionnaire d’une classe contre une autre”. (1) Les méthodes stériles de ces groupes et la publicité qu’en fait la bourgeoisie pour entretenir la terreur à longueur de temps sont un véritable poison à l’encontre de la classe ouvrière qui peine encore à retrouver son identité et ses méthodes de lutte.
La CGT profite de cette agression pour redorer son blason
La CGT et toutes les autres officines bourgeoises ont tout de suite lancé des cris d’indignation pour condamner cette agression contre des militants cégétistes n’ayant rien demandé à personne. Il s’en est suivi toute une campagne de victimisation de la part de la vieille centrale syndicale, relayée par les médias et soutenue bien sûr par ses confrères syndicaux et les organisations gauchistes. La CGT, comme l’ensemble des centrales syndicales françaises, est largement discréditée aux yeux des ouvriers après des décennies de sabotage des luttes : Mai 68 et les accords de Grenelle où les syndicats négocient la paix sociale avec le pouvoir gaulliste, la défaite des grèves dans la sidérurgie en 1979, le soutien de Solidarnosc en Pologne menant à la répression, le sabotage des luttes à la SNCF en 1986 en jouant sur le corporatisme, ou les dernières luttes contre la réforme des retraites menées dans l’isolement et le jusqu’auboutisme… les syndicats se livrent à un véritable travail de sape au service de l’État pour la poursuite de l’exploitation, du flicage au sein des entreprises des éléments ouvriers les plus offensifs pour les intimider ou même les réprimer (souvent en sous-main, en toute complicité avec la hiérarchie). Ce travail systématique contre les besoins de la lutte ouvrière a abouti à une désyndicalisation massive dans l’ensemble des pays industrialisés, exceptionnelle pour ce qui concerne la France : le taux de syndicalisation en France est l’un des plus bas d’Europe avec à peu près 10 % de salariés syndiqués, même 8,4 % pour le secteur privé, et une syndicalisation quasi nulle pour les travailleurs en intérim.
Dans la perspective des luttes à venir pour répondre à toutes les attaques contre les conditions de vie ouvrières, le syndicalisme et la CGT en particulier essaient de faire peau neuve en utilisant tous les moyens, en instrumentalisant toutes les occasions. Se parer d’un nouveau vernis radical et se poser en victime aussi bien de la répression étatique comme de la violence petite-bourgeoise des groupuscules les plus “radicaux” est une opportunité que la CGT ne pouvait que saisir.
La bourgeoisie cherche à discréditer les organisations révolutionnaires
Une chose est sûre, ces violences permettent à la bourgeoisie de jeter le soupçon sur tous ceux qui critiquent ou dénoncent le rôle que jouent les syndicats contre la classe ouvrière afin de mieux préparer leur répression. Plusieurs médias ont ainsi tout de suite pointé leurs doigts vers “l’ultra-gauche”. Ce réflexe habile des médias bourgeois, dans un contexte où des propagandistes comme Christophe Bourseiller mènent sur le même thème une véritable offensive contre les organisations révolutionnaires, (2) permet une fois de plus d’entretenir l’amalgame entre, d’une part, les groupuscules bourgeois hyper-radicalisés tels que les autonomes ou les black-blocs, adeptes de la violence aveugle propre à la petite bourgeoisie exaspérée et aux couches déclassées, et, d’autre part, les organisations révolutionnaires soucieuses de défendre les méthodes de luttes de la classe ouvrière et n’ayant absolument rien à voir avec les mœurs nihilistes et délinquantes des premiers.
Un autre amalgame, assimilant une frange de l’extrême-droite qu’on trouvait notamment dans certaines manifs des “gilets jaunes” et des autonomes a été régulièrement dénoncé ces dernières années, accréditant la théorie de la collusion rouge/brun de tous les “extrémismes politiques anti-démocratiques”.
La classe ouvrière doit défendre sa propre critique des syndicats
La CGT, comme toute autre organisation syndicale, n’est plus au service de la lutte ouvrière mais bien au service de l’État bourgeois dont elle est devenue un rouage essentiel parfaitement institutionnalisé. La classe ouvrière a développé depuis plus d’un siècle toute une expérience de luttes contre les syndicats en dénonçant la sale besogne de ces organes de l’État de manière politique à travers les discussions dans des assemblées générales et en rejetant leur participation dans le déroulement des luttes par des tentatives de prise en main et d’extension par les ouvriers eux-mêmes. L’attaque de camions de militants syndicaux et, de manière plus générale, toutes les actions violentes stériles et minoritaires animées par la haine ou la vengeance ne constituent en rien des méthodes de lutte de la classe ouvrière qui ne se bat pas contre des personnes ou des organismes mais contre le mode de production capitaliste dans son ensemble. Ce n’est qu’en étant en mesure de développer son combat en s’auto-organisant au sein des assemblées générales et de façon unitaire, au-delà des corporations et des frontières, que le prolétariat sera en mesure de repousser véritablement le sale travail de division et de sabotage des luttes qu’assument en permanence ses faux-amis que sont les syndicats.
Stopio, 7 mai 2021
1) “Black blocs : la lutte prolétarienne n’a pas besoin de masque”, Révolution internationale n° 471 (juillet-août 2018).
2) Voir dans ce numéro : “Nouvelles attaques contre la Gauche communiste (Partie 1)”.