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Seule la lutte massive permettra de faire face aux plans d'austérité
La manifestation nationale du 24 juin, troisième de l’année contre la réforme des retraites, a révélé une colère grandissante dans la classe ouvrière : 800 000 à 2 millions de manifestants pour une mobilisation de la seule fonction publique et à la veille des vacances ! Pourtant, Eric Woerth est resté droit dans ses bottes, comme Juppé en 1995, et a persisté à dire qu’il s’agissait de “sauver notre système de retraite” (1).
La réforme des retraites n’explique pas à elle seule ce mécontentement général, elle s’ajoute à tout un contexte marqué par des attaques tous azimuts contre tous les secteurs et toutes les générations : budgets sociaux de plus en plus rabougris, conditions draconiennes imposées aux 4 millions de chômeurs pour mieux les rayer des listes du Pôle emploi, mesures répressives d’une brutalité inouïes sur les sans-papiers et les immigrés, contrôles et gardes à vue renforcés de la population, vagues de licenciements récurrentes, conditions de travail de plus en plus ahurissantes qui se concrétisent notamment par des vagues de suicides dus au travail, etc.
Dans ce contexte, les discours gouvernementaux et présidentiels cumulent les mensonges les plus énormes et le mépris le plus total envers les salariés. Ces discours, de même que les attaques anti-ouvrières répétées dont la gauche fut en son temps le fer de lance, ne sont pas bien sûr l’apanage spécifique de ce gouvernement de droite. Mais le “style” Sarkozy (promesses jamais tenues et déclarations sans cesse contradictoires, effets de manche dérisoires, comme lors du dernier sommet des G8-G20 à Toronto (2), politique économique ouvertement aux basques de la haute finance voire de la jet-set), s’il fait les choux gras des comiques et de certains médias, ne peut de toute façon qu’accroître chaque jour un peu plus le sentiment général que les hauts dirigeants, non seulement en mettent plein la figure à la classe ouvrière, mais se moquent d’elle.
Face à cela, la bourgeoisie et ses médias cherchent à mettre un écran de fumée en focalisant l’attention sur de grandes affaires. Le barouf autour de la déculottée de l’équipe de France de football avait pour objectif, faute d’avoir une équipe “qui gagne”, de faire diversion avant les vacances. Mais cela n’a fait qu’exaspérer encore plus les esprits dans les rangs de la classe ouvrière et cette impression d’être profondément méprisée et gouvernée par des crapules. Le jour même de la manifestation, l’Elysée était en cellule de crise… à la rescousse du soldat Henry (ex-capitaine déchu de l’équipe de foot française), celui-là même qui a “sauvé” la France contre l’Irlande en faisant une main, donc une tricherie ! Tout un symbole. Encore mieux, le même ministre qui nous appelle sans sourciller à nous serrer la ceinture et devait assainir le système financier, et en particulier pourchasser ceux qui cachent leur argent en Suisse, est impliqué dans une des affaires financières des plus énormes.
Et la “grande” mesure tape à l’œil et populiste sarkozienne consistant à réduire le train de vie des ministres et autres secrétaires d’Etat (qui est une goutte d’eau dans l’océan du déficit budgétaire), sera loin de réussir à redorer le blason du gouvernement et à faire baisser la colère des travailleurs.
Une attaque généralisée contre toute la classe ouvrière
Cette politique de rigueur que mène la bourgeoisie française n’est pas une particularité de l’Hexagone. C’est partout, dans tous les pays, que la classe ouvrière est massivement attaquée par des Etats aux abois face à la gravité de la crise capitaliste.
En Allemagne, après le passage de la retraite à 67 ans, le gouvernement a mis en route un “plan d’économie” de 80 milliards d’euros, qui va frapper essentiellement les chômeurs de longue durée, les “bénéficiaires” des aides sociales comme les familles les plus démunies, etc.
En Grande-Bretagne, afin de réduire son déficit budgétaire, le nouveau gouvernement conservateur ne s’est pas attardé pour commencer à appliquer le “budget d’urgence” concocté par la gauche avec la réduction de 7 milliards d’euros en direction des “dépenses sociales” et des cinq millions de salariés de la fonction publique.
Au Portugal, le gouvernement de Socrates a annoncé des hausses d’impôts et des coupes budgétaires venant s’ajouter au gel des salaires pour quatre ans dans la fonction publique. En Espagne aussi, hausses d’impôts et réductions des budgets sociaux sont en marche, avec l’adjonction d’une réforme du marché du travail consistant à “assouplir” les droits des licenciements.
En Italie, c’est le gel des salaires des fonctionnaires pour trois ans, assorti d’une réduction de 10 % des budgets ministériels et de coupes claires dans les fonds dont bénéficient les collectivités locales.
En Grèce, non content d’avoir opéré une attaque massive sur les salaires dans la fonction publique et sur les retraites (âge légal de départ reporté à 65 ans et baisse des pensions de 3 à 10 %), “au titre de la solidarité” ( !), le gouvernement a sorti de son chapeau de nouvelles mesures. De “nouvelles” “relations du travail” prévoient ainsi une réduction de 50 % de l’indemnité de licenciement agrémentée d’une augmentation de 5 % du seuil des licenciements et de la suppression du droit unilatéral pour recourir à un arbitrage en cas de conflit : autrement dit, il faudrait attaquer son patron avec son accord !
Et le gouvernement grec s’attaque aussi aux jeunes pour lesquels des salaires minima spécifiques vont être mis en place : 80 % du salaire minimum (592 euros) pour les moins de 21 ans et 85 % (629 euros) pour les moins de 25 ans.
Tout cela seulement en Europe car il serait trop long d’édifier la liste des projets de cures d’austérité qu’envisagent les différents Etats-patrons partout dans le monde.
Face aux attaques, comment se battre ?
Ces “projets” de la bourgeoisie ne restent cependant pas sans réponse de la part de la classe ouvrière. Ainsi, le mois de juin a vu un véritable déferlement de manifestations en Europe montrant que la combativité ouvrière va crescendo.
Les dirigeants capitalistes aimeraient se rassurer et ne voir là que l’expression d’une grogne, “compréhensible” certes, mais au fond passagère. Un “analyste” politique grec étalait par exemple cette sacro-sainte vérité bourgeoise révélée par le bon docteur Coué et consistant à se dire qu’il suffit d’y croire pour que ce soit vrai : “Plutôt que de couler, les Grecs ont accepté de s’entasser dans des canots de sauvetage, ils ne sont évidemment pas contents mais ils rament.”
“Evidemment”, les mesures passent car la classe ouvrière n’a pas construit un rapport de force suffisant pour pouvoir s’opposer efficacement aux attaques qui la laminent actuellement. Les manifestations auxquelles elle participe de plus en plus massivement et simultanément dans de nombreux pays lui permettent d’exprimer dans la rue sa colère. Mais cela ne suffit et ne suffira pas pour faire reculer les mesures gouvernementales et/ou patronales. Il lui faut en effet développer des luttes encore plus massives, intégrant tous les secteurs, chômeurs comme actifs, élargir au maximum son combat et ne pas en rester à des manifestations sporadiques à l’issue desquelles tout le monde rentre chez soi, tandis que d’autres sont ou se mettent en grève, chacun dans leur coin (3). Les journées d’action isolées, sans lendemain et sans véritables échanges ni discussions, sont le pain béni de la bourgeoisie pour mieux faire passer les attaques anti-ouvrières ; car elles défoulent une certaine combativité et donnent le sentiment illusoire “d’avoir fait quelque chose”.
Et c’est aux syndicats qu’appartient ce rôle d’entretenir ces illusions et donc d’apparaître comme ceux qui mèneraient véritablement le combat, que leur auraient “délégué” les ouvriers. En réalité, ce sont eux qui s’efforcent de contenir la riposte ouvrière, de la diviser et la saucissonner, par catégories, secteurs, etc., et de la stériliser par tous les moyens. Il ne faut pas voir d’autre objectif dans le fait que Force Ouvrière ait fait cavalier seul sur les retraites, se payant le luxe d’avoir l’air plus radicale par l’organisation d’une grève “interprofessionnelle” contrairement aux manifestations plus “corporatistes” de la fonction publique organisées par les autres syndicats. Cependant, leur marge de manœuvre, leur crédibilité et leur capacité à permettre que les mesures passent sans se dévoiler sont d‘autant moins grandes que la conscience de la nécessité de se battre prend corps chaque jour plus puissamment dans les rangs ouvriers. Autrement dit, jusqu’où pourront-ils faire leur travail de sape et continuer à prétendre faire en sorte de défendre les ouvriers tout en sabotant les grèves et les potentialités de la lutte ? D’ailleurs, leurs discours révèlent cette inquiétude comme l’indique cette citation rapportée par les Echos du 25 juin : “Réorganisation de l’Etat, retraites, salaires... Tout se cumule. On atteint un niveau de colère comme nous n’en avons jamais connu dans la fonction publique”, prévient la CGT. Les syndicats ne se font pas d’illusion sur l’issue des discussions, mais tous évoquent des actions à la rentrée. “La messe ne sera pas dite avec la trêve estivale”, prévient la CGT.”
La journée d’action prévue pour le 7 septembre, alors que, depuis des années, c’est en octobre que les syndicats commençaient leur timide et fragile “rentrée sociale”, s’annonce donc comme un pare-feu syndical, face à une classe ouvrière qui supporte de moins en moins qu’on lui marche dessus.
Il n’y a pas d’illusions à avoir. La “reprise économique” qui prétendument pointe à l’horizon est une vue de l’esprit bourgeois. Il n’y aura même pas de “redémarrages” ici ou là, mais un approfondissement inéluctable de pans entiers de l’économie mondiale dans le marasme, avec les conséquences les plus désastreuses. Aussi, la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, au niveau international, s’annonce comme une implacable nécessité. Il faut se donner les moyens de gagner ce combat crucial pour toute l’humanité.
Mulan (2 juillet)
1) La toute dernière publicité propagandiste, diffusée en boucle à la télévision, intitulée “Réussissons une réforme juste” et qui met en scène des “citoyens types” vantant la réforme des retraites, est d’ailleurs aussi cynique que ridicule.
2) Content de lui comme toujours, Sarkozy, Rolex au poignet, s’est félicité d’avoir fait progresser l’idée d’une taxe sur les banques, qui rapporterait un milliard d’euros, c’est-à-dire juste le montant de la dépense occasionnée par cette seule rencontre du G8 et du G20.
3) Lire notre article dans ce numéro qui rappelle le mouvement de grève massive des ouvriers de Pologne en 1980, il y a 40 ans. Cette lutte est riche de leçons pour les luttes à venir ! Elle montre en particulier comment la classe ouvrière peut prendre elle-même ses luttes en main, sans les syndicats, et établir un rapport de force favorable en développant son unité et sa solidarité.