Soumis par Révolution Inte... le
Le 14 décembre 2024, Mayotte a été le sujet d’un désastre d’une ampleur inimaginable. Le cyclone Chido a été un des événements les plus destructeurs qu’ait connu l’île. Ce dernier a provoqué plus de 30 morts, des milliers de blessés, et a détruit une grosse partie des infrastructures et des logements, en particulier les bidonvilles, laissant des centaines de milliers de personnes sans abris. Les camps de réfugiés font face à des crises sanitaires terribles. Les habitants doivent faire face à des pénuries d’eau, les réseaux de distribution ayant été endommagés, et de nourriture, tandis que l’approvisionnement promis par l’État peine à arriver. Le seul hôpital de l’île a été fortement endommagé, empêchant la prise en charge de très nombreuses personnes dans le besoin. Tout cela a favorisé l’exacerbation des tensions sociales déjà très fortes et qui menacent d’exploser.
Face à la situation, la bourgeoisie fait preuve d’un cynisme absolu. Loin d’assumer les conséquences de ses propres politiques, elle cherche à rejeter la faute sur les plus précaires. L’ensemble de la bourgeoisie insiste sur la « nécessité de régler le problème migratoire à Mayotte », prétendant que les dégâts liés au cyclone seraient la faute des immigrés construisant illégalement des bidonvilles. En réalité, la situation est connue depuis bien longtemps. De nombreux rapports et études font état de la vulnérabilité de la population, de la précarité généralisée et du chômage de masse, de l’importance de l’économie informelle, des conditions de vie très rudes, et de l’accès difficile aux ressources. D’autant plus pour les migrants vivant dans des conditions d’autant plus précaires, dans des bidonvilles, sur des terrains à risque, et dont l’accès aux ressources et aux soins est difficile. Les infrastructures manquent d’investissement et sont incapables de supporter la rapide croissance de la population. Malgré cela, la bourgeoisie n’a rien fait pour préparer à l’éventualité d’une catastrophe naturelle. Il n’y a pas de plan d’urgence, peu de sensibilisation auprès de la population, et les infrastructures ne sont pas construites de sorte à résister aux aléas climatiques. Il est donc peu étonnant que cette catastrophe ait pris une telle ampleur.
Mais l’État se fiche bien des victimes de ce cyclone. Pour la bourgeoisie française, Mayotte est, comme la Nouvelle-Calédonie, avant tout une position stratégique. Située au carrefour de grandes routes commerciales mondiales, Mayotte permet à la France d’assurer le contrôle du Canal du Mozambique, une des principales routes maritimes mondiales, et par lequel circule pétrole, gaz, et autres marchandises entre l’Asie, l’Afrique, et l’Europe. Le contrôle de cette zone fournit aussi à la France une excellente position diplomatique avec les États voisins, notamment Madagascar, et lui permet d’assurer une forte influence dans l’Océan Indien, surtout depuis que la concurrence pour l’influence dans cette région devient plus difficile avec la présence croissante de la Chine et de l’Inde. C’est pour cette raison que la France dépense sans compter des fortunes pour garder une base militaire là-bas. Quitte à devoir traîner un « boulet social » dont elle ne s’occupe de toute façon pas.
Cette tragédie illustre la barbarie dans laquelle s’enlise le mode de production capitaliste. La sévérité de la crise qui touche Mayotte et l’enchevêtrement des facteurs qui lui ont donné cette intensité sont symptomatiques de la profonde décomposition dans laquelle le capitalisme se trouve. Le dérèglement climatique, la misère de la population et les conditions de vie indécentes, le délabrement des services publics, ne peuvent qu’amplifier ces catastrophes. Et face à elles, la reconstruction n’en sera que plus longue et anarchique, aggravant d’autant plus la situation. L’État aura bien du mal à mobiliser un budget, des lois et des entreprises, pour une reconstruction qui sera de toute façon limitée, probablement bien plus coûteuse et plus longue que prévue. La situation est relativement similaire à celle de la reconstruction d’Haïti où la timide mobilisation de moyens après le tremblement de terre de 2010 n’a pas empêché de faire sombrer le pays dans le chaos La pauvreté endémique et les tensions sociales ont fortement influencé la montée des gangs et de la violence. Si la situation à Mayotte n’est pas aussi apocalyptique, elle demeure néanmoins très difficile et il faut tout de même s’attendre à une forte montée de la violence de la part de petits groupes.
Tout cela illustre la réalité d’un « effet tourbillon » dans lequel chaque facteur de la décomposition alimente, accélère, et amplifie les autres. On ne saurait prendre cet événement pour lui-même quand déjà en novembre 2024, des inondations à Valence ont causé d’énormes dégâts matériels et pertes humaines. L’enchaînement de ces tragédies exceptionnelles montre une forte tendance à la perte de contrôle de la bourgeoisie, qui est de moins en moins apte à faire face et à anticiper les problèmes générés par les ondes de chocs provoqués par son mode de production putréfié.
Les conditions qui ont donné lieu à ces tragédies continuent de s’amplifier sous l’effet de la crise, et on peut observer que ce qui tenait hier de l’exceptionnel, se normalise aujourd’hui, avec des effets qui seront encore plus désastreux demain tant que perdurera le système capitaliste.
Cam., 28 décembre 2024