Soumis par Révolution Inte... le
Le 16 novembre, le CCI a tenu une Réunion publique en ligne sur le thème « Les implications mondiales des élections américaines ». En plus des militants du CCI, plusieurs dizaines de personnes ont participé à cette discussion, réparties sur quatre continents et une quinzaine de pays. Des traductions simultanées en anglais, en espagnol et en français ont permis à tous de suivre ces échanges qui ont duré un peu plus de trois heures. Nous avons publié un premier bilan de cette rencontre ici : « Un débat international pour comprendre la situation mondiale et préparer l’avenir ».
Depuis, nous avons reçu de nombreux courriers, certains pour saluer cette réunion, d’autres pour prolonger le débat ou poser de nouvelles questions, témoignant ainsi de la dynamique lancée par cette rencontre enthousiasmante.
Parmi ces lettres, il y en a aussi une signée Blake qui fait un bilan plus négatif de cette réunion internationale et propose de faire autrement, de tenir d’autres types de réunions. C’est à cette critique, fraternelle et argumentée, que nous avons voulu répondre en premier.
Nous publions donc ci-dessous ce courrier puis notre réponse.
Courrier de lecteur
Bonjour,
Quelques commentaires sur la réunion publique de samedi dernier.
Je n’ai pas trop à dire sur le contenu proprement dit, je suis d’accord avec la position mise en avant par l’organisation, essentiellement que l’élection de Trump est un signe et un facteur aggravant de la poursuite de la décomposition.
Je voudrais surtout faire des commentaires sur l’organisation de la réunion. Il est très difficile de gérer un grand nombre de personnes en ligne. Toutes les réunions en ligne auxquelles j’ai participé avec un grand nombre de personnes ne sont pas conçues pour la discussion. En général, elles servent à donner des informations et les discussions se déroulent dans des forums/groupes beaucoup plus restreints.
Tout d’abord, il y a constamment des problèmes techniques (la menace d’effacer le pad, les gens qui n’éteignent pas les micros, les problèmes de connexion, etc.) Par ailleurs, en ce qui concerne la discussion, j’ai l’impression qu’il y a très peu de « discussion » à proprement parler lorsqu’il y a autant de monde. La plupart des camarades interviennent une fois, pour exposer leur point de vue, et il y a donc peu de dialogue et d’approfondissement (c’est mon sentiment, et la raison pour laquelle je ne suis pas intervenu dans la réunion). Quelques camarades ont posé des questions (par exemple JC sur la « rationalité »), mais il n’y a pas de discussion de la part des autres, et à la place vous avez « la réponse de l’organisation » (qui est évidemment importante à avoir, mais cela ressemble alors à une relation élève-professeur).
Un autre point négatif (pour moi) était d’avoir des camarades parlant d’autres langues. Si vous ne pouvez pas parler/comprendre, vous avez tendance à vous déconnecter et à attendre que la personne ait cessé de parler, ce qui nuit à la concentration. C’était une bonne idée de traduire ces interventions non anglaises et de les remettre rapidement dans le bloc-notes, mais : (a) certaines traductions étaient médiocres (sans surprise, Google translate n’a pas rattrapé notre vocabulaire quelque peu spécialisé) et (b) pendant que je lisais la dernière intervention, l’intervention suivante était en cours, ce qui fait qu’il est difficile de suivre et de se tenir au courant.
Malgré l’avantage d’avoir des voix différentes et de donner un sentiment d’internationalisme, je pense que cela ne fonctionne pas vraiment pour une réunion publique en ligne (ce qui est très différent, par exemple, d’une réunion publique en face à face où vous pouvez avoir une traduction en direct…).
Une proposition d’organisation de la réunion :
1. présentation à tout le monde (20 minutes),
2. l’assemblée est divisée en groupes linguistiques, qui peuvent alors discuter librement (disons 1 heure),
3. Une pause – au cours de laquelle les discussions / questions / thèmes principaux, etc. sont rassemblés (10 minutes).
4. Suivi d’un plénum avec une discussion de l’ensemble du groupe (1 heure).
Cette méthode présente plusieurs avantages :
1. Des groupes plus petits = une gestion plus facile.
2. Il s’agit toujours d’une réunion internationale (présentation et discussion en plénum), mais les limites de la réunion en ligne sont réduites.
3. Certains camarades sont intimidés par un grand nombre de personnes ou par leur connaissance de la langue (par exemple, les camarades japonais ou australiens) (1) et peuvent donc être davantage encouragés à prendre la parole. (Par ailleurs, pensez-vous que le fait de dire constamment que vous voulez que les « nouveaux camarades/participants » s’expriment fait réellement le travail que vous voulez qu’il fasse ? Le fait de « haranguer » constamment les gens pour qu’ils prennent la parole (c’est ainsi que je l’ai perçu) ne produit généralement pas beaucoup de réactions, personnellement je n’ai pas remarqué que davantage de personnes participaient. Vous disposez d’un plus grand nombre de moyens de communication en ligne, vous devriez donc envisager de les utiliser. Par exemple, pourquoi ne pas demander aux participants, s’ils ne veulent pas parler, d’écrire un court paragraphe de ce qu’ils pensent dans la boîte de dialogue, qui peut ensuite être lu ? Je peux pratiquement vous garantir que vous obtiendrez plus de réponses de cette manière…)
4. Des groupes plus petits, ce qui signifie généralement que chaque personne dispose d’un peu plus de temps pour s’exprimer (vous pouvez insister sur la « limite de 5 minutes » pendant la séance plénière principale).
5. Enfin, il est possible d’éliminer les répétitions et les idées de base dans le petit groupe, ce qui devrait permettre d’avoir une discussion de plus haut niveau lors de la session du groupe entier. […]
Si vous souhaitez en discuter plus avant, n’hésitez pas à me contacter.
Fraternellement,
Blake
Notre réponse
Tout d’abord, nous voulons saluer fortement cette lettre. Par ses critiques et ses propositions, le camarade participe ici à la réflexion collective, dans le but de perfectionner l’organisation des débats, de favoriser la confrontation des arguments et le processus de clarification.
D’autant plus que le camarade Blake a raison : si dans le bilan que nous avons publié sur notre site, nous nous sommes contentés de dire (pour des raisons de sécurité) que « plusieurs dizaines de personnes ont participé, réparties sur quatre continents et une quinzaine de pays », il y avait réellement beaucoup de monde.
Compte-tenu de cette affluence, tous les participants n’ont pas pu intervenir lors des débats, et il n’a pas été possible pour une même personne d’intervenir plusieurs fois. Comme l’écrit Blake, ces contraintes empêchent en partie l’approfondissement des questions en jeu, elles limitent les échanges qui se répondent les uns les autres.
Et le camarade a encore raison quand il pointe les difficultés techniques liées à une réunion internationale, en ligne, en plusieurs langues, ce qui implique de traduire en direct, de jongler avec différents pads, de se discipliner pour couper son micro quand ce n’est pas son tour de parler, etc.
Pour toutes ces raisons, le CCI organise aussi d’autres types de réunions : des réunions en ligne par langues, avec des effectifs plus réduits, des réunions dans les villes où l’on se rassemble physiquement, des permanences aussi qui n’ont pas de sujet défini à l’avance et où chaque participant peut proposer un point à discuter (d’actualité, d’histoire, de théorie…). Il est indéniable que lors de ces réunions se développent des échanges nourris qui permettent l’argumentation et la contre-argumentation, l’évolution des positions… Toutes ces discussions sont annoncées sur notre site internet dans la rubrique « agenda ».
Dans ce spectre, les réunions internationales en ligne ont un rôle particulier, et même crucial. Commençons par le plus évident. Des camarades sont isolés, parfois seuls : se retrouver dan une réunion où d’autres camarades, en plusieurs langues, depuis plusieurs pays, brûlent de la même flamme pour la révolution, cherchent à comprendre l’évolution du monde et comment participer au développement de la conscience ouvrière est un moment enthousiasmant, revigorant.
Cette dimension internationale n’est pas seulement bonne pour le moral, elle l’est aussi et surtout pour la réflexion. Dans le capitalisme en décomposition, où règnent de plus en plus le repli, la peur de l’autre, l’enfermement de la pensée dans le local et le maintenant, il est absolument vital pour les minorités du monde de rompre l’isolement, de se lier, d’élaborer ensemble, dans toutes les langues, pour développer la vision la plus large et la plus profonde. Lors de la réunion du 16 novembre qui nous réunissait pour comprendre ensemble « Les implications mondiales des élections américaines », les différentes interventions des participants prononcées au quatre coins du globe ont permis de croiser les informations et les analyses, de se nourrir des sensibilités et des expériences différentes. Peut-être Blake l’a remarqué, mais les interventions des camarades en langue française portaient une confiance dans le prolétariat et ses luttes futures plus affirmée, ce qui est probablement en partie lié à la combativité et à l’expérience de la classe ouvrière en France. Tous les participants n’ont pas pu intervenir, c’est vrai. Mais tenir à dire « son » mot est-il le réellement le plus important ? Nous pensons qu’au contraire savoir écouter, s’enrichir de la pensée des autres est aussi un moment déterminant de la dynamique d’un débat et du processus de clarification collective. Lors de cette réunion de trois heures, les militants du CCI ne sont intervenus que trois fois, afin de laisser le maximum de temps à tous les autres camarades mais aussi pour mieux écouter, mieux cerner les différentes positions, les nuances et les désaccords en jeu2.
Il y a là-dessous, quelque chose de plus profond encore, ressentir ensemble que « Les prolétaires n’ont pas de patrie ! » Le combat de notre classe est mondial, la révolution communiste sera internationale, cet internationalisme n’est pas simplement un sentiment, un élan, il est aussi concret, réel, une force sociale et politique déterminante.
Passons maintenant à l’organisation concrète de cette réunion. Le camarade met en avant les problèmes de micro et de pads, la difficulté à rester concentré lorsque le débat se fait en plusieurs langues… Tout cela est exact, et justement cela signifie que nous devons apprendre. Nous avons reçu de nombreux courriers de la part de participants nous posant des questions pour savoir comment mieux maîtriser leur ordinateur, sur tel ou tel aspect technique, pour la prochaine fois. Là encore, ce petit exemple concret révèle quelque chose de beaucoup plus profond : cette réunion en plusieurs langues et les prochaines à venir sont un moment d’apprentissage, pour s’habituer à se rassembler nombreux, à s’organiser pour maîtriser nos débats, pour renforcer nos liens à l’échelle internationale. C’est une réunion toute entière dirigée vers l’avenir !
Car, de quoi devra nécessairement être fait le futur de la lutte de classe pour parvenir à renverser le capitalisme par une révolution mondiale ? Avec le développement de la combativité, de la conscience, des minorités révolutionnaires, nos réunions devront rassembler de plus en plus de monde, en provenance de plus en plus de pays. Aujourd’hui, se rassembler à plusieurs dizaines de participants, en trois langues, n’est qu’un avant-goût de ce que nous devrons organiser dans l’avenir. Tant sur le plan technique que dans la gestion des débats, tous les participants doivent accumuler de l’expérience pour que les minorités révolutionnaires, à l’échelle internationale, soient à la hauteur de leurs responsabilités dans la classe et pour la classe.
Une telle activité militante doit tous nous enthousiasmer ! Alors, à la prochaine !
CCI, 8 décembre 2024
1Pour des raisons de sécurité, nous avons modifié les pays désignés dans le courrier du camarade. Les révolutionnaires font d’ores et déjà face à une répression féroce dans de nombreuses régions du monde.
2 Le camarade Blake parle dans sa lettre d’un débat fait surtout de questions des participants et de réponses du CCI, affirmant que cela donne une impression de rapport « maître/élèves ». Le peu d’interventions du CCI (seulement trois en trois heures, rappelons-le) et la dynamique de la discussion où chaque intervenant a répondu aux autres, affirmé ses accords et désaccords, nous semble démentir cette impression. Mais il y a une autre question sous-jacente : les réunions des organisations révolutionnaires ne sont pas un moment où chacun doit avoir « son » intervention, « son » expression libre. Non, ces débats visent la clarification, la confrontation des positions, dans le but de participer au développement de la conscience vers la révolution. Les groupes révolutionnaires ont donc à y défendre leur position, leur clarté, leur cohérence.