Soumis par Revue Internationale le
Les bulletins de guerre viennent de réapparaître avec toute la publicité adéquate : atrocité, ultimatum, poches que l'on colmate, déplacement de personnalités, conférence, parade. Le public peut être assuré de sa ration quotidienne de sadisme et de pseudo honnêteté et objectivité.
Seulement voilà, personne ne semble s'intéresser à ce qui se passe si loin. Peut-être est-ce dû aux 5%, à l'expérience Blum, au nouveau cabinet ou tout simplement à l'indifférence des masses saturées de promesses non réalisées.
Mais à lire la presse et à voir surtout la presse imagée, on voudrait être soulevé d'horreur devant les "crimes monstrueux" des Vietnamiens. C'est inadmissible qu'au siècle de la désintégration atomique, ces barbares fusillent, tuent et se défendent au lieu d'atomiser pour "réduire la guerre" par le vide, comme l'a prouvé le grand cœur de nos amis américains à Hiroshima.
La deuxième guerre mondiale nous a saturé d'image horrifiantes et ce n'est pas les quelques français tués là-bas qui vont soulever notre indignation. Faudrait trouver autre chose de bien plus pimenté (une super chambre à gaz, par exemple), nous commençons à être blasés.
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Voyons comment les événements ont débuté et se déroulent. A la capitulation du Japon, les Indochinois se refusent à réintégrer "la communauté française" au rang de colonie. A cet acte de révolte et d'ingratitude envers la France, les politiciens commencent à redéterrer les crimes commis sur des Français et proposent aux Vietnamiens de devenir un État dans la belle communauté française. C'est-à-dire un gouvernement avec assemblée ratifiant les ordres de la France, dans les mesures économiques, militaire et diplomatique. En d'autres termes, on ne leur donnait rien et on leur faisait signer la prolongation de leur colonialisme.
A la conférence de Fontainebleau, la bourgeoisie française, obligée de céder quelque chose à la bourgeoisie vietnamienne, essaie de dissocier l'Indochine en Vietnam et Cochinchine, la dernière n'étant pas encore un théâtre de guerre. Un gentleman-agreement est signé qui ne résout aucun des problèmes.
Entre temps les influences internationales se font sentir. L'Amérique -qui s'implante de plus en plus en Asie- se trouve devant 2 solutions pour y demeurer : ou bien le gouvernement français s'inféode de plus en plus aux USA, ou bien il faut jouer la carte du nationalisme vietnamien. Avec un Bidault, les USA se montraient réticents et favorisaient les Indochinois. Avec Blum, la vapeur est renversée et Acheson, sous-secrétaire d'État américain, déclare que les événements d'Indochine n'intéressent que la France. Avec la crise ministérielle, les USA, dans l'expectative, déclarent que, s'ils recevaient une demande d'enquête des Vietnamiens, ils y répondraient si certaines conditions sont remplies. Politique du flair ? Non, politique d'assurance !
La Chine, dans sa jeune entrée politique, entend aussi manifester ses velléités impérialistes et, à tout hasard, elle permet la création d'un gouvernement vietnamien à Nankin en Chine.
La Russie, au travers de ses représentants dans le gouvernement de Ho-Chi-Minh, tente de pousser le conflit à l'extrême pour porter la question devant l'ONU et pouvoir officiellement mettre son nez dedans.
Et les trotskistes du gouvernement Ho-Chi-Minh ? Ils veulent radicaliser les masses ; en attendant, ils n'ont enfermé personne qu'eux-mêmes dans leur politique.
La guérilla continue, avec des hauts et des bas, des conversations politiques, des encerclements, des dégagements et des mots.
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Aujourd'hui que la bourgeoisie clame à tout venant la fin de l'ère colonialiste, voyons les arguments que le capitalisme français nous offre pour justifier la guerre d'Indochine : tout d'abord "l'ordre et la civilisation" que la France a exportés en Indochine ; et ensuite... rien ! Oui, il y a beaucoup de mots ronflants et sentimentaux. Mais ces derniers arguments ne sont pas probants. La reconnaissance n'est pas une marchandise. Il y a aussi le sang versé en commun dans les deux guerres, seulement les deux guerres mondiales se sont faites au profit et pour la France et non pour l'Indochine.
Ainsi le seul argument solide c'est l'apport de la France en Indochine. Mais est-ce réellement les sentiments altruistes de la France qui ont conduit les armées françaises à conquérir l'Indochine ? Ne doit-on pas plutôt regarder du côté affaires la conquête indochinoise ? "L'ordre et la civilisation" introduits après la conquête sont-ils d'ordre philanthropique ou bien la nécessité d'organiser un pays en vue de l'exploiter pleinement ?
Et c'est pour cette dernière raison que penche la bourgeoisie vietnamienne. Cette même bourgeoisie sait très bien qu'elle doit tomber sous la coupe réglée d'un impérialisme ; aussi préfère-t-elle à l'impérialisme français bien pauvre un impérialisme plus riche. En plus, du gâteau que représente l'exploitation des colonies, la bourgeoisie indigène entend avoir une part de plus en plus grande. Du rôle d'intermédiaire de mandarin opiomane et corruptible, la bourgeoisie indigène veut accéder aux postes de commandement.
En conclusion, sous des drapeaux patriotiques de part et d'autre, la bourgeoisie cherche à s'assurer des avantages économiques.
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Et la classe ouvrière ? Parce que jusqu'à présent nous n'avons parlé que des intérêts de la classe bourgeoise.
Dans ces affaires coloniales ou de "libération nationale", le prolétariat fait la masse, la chair à canon, les troupes qui se sont levées "spontanément" à l'appel de la patrie. En d'autres termes, il est le dindon de la farce. Et il continuera de l'être tant qu'il ne se rendra pas compte que ses intérêts sont divergeant de ceux de sa bourgeoisie, que ce soit dans la métropole ou dans les colonies.
Que les soldats français refusent de partir en Indochine, que les ouvriers vietnamiens refusent de se faire racoler par le gouvernement Ho-Chi-Minh et alors le prolétariat manifestera sa solidarité internationale et le premier pas dans sa lutte contre la guerre, pour la révolution.
Mousso