1ère réponse de la GCF au PS du Canada (26/01/1946)

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Cher camarade,

Nous venons de recevoir à l'instant votre lettre ainsi que votre déclaration de principes

Nous sommes très heureux d'être en relation avec vous car, ainsi, se reforme la trame internationale de ceux qui pensent encore à la révolution socialiste.

D'après votre document sur vos principes, nous constatons une certaine identité de vue sur les principes généraux. Mais cette déclaration reste pourtant fort vague. Manifestement prolétarienne, nous aimerions avoir des précisions :

1. sur votre analyse de la guerre 1939-45 et votre position. Pour nous, cette guerre contient la même nature que celle de 1914-18, encore plus aggravée du fait de la présence de l'URSS. Comme telle, notre mot-d'ordre était "transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" sur tous les fronts et dans tous les secteurs sans exception ;

2. sur votre appréciation du fascisme et de l'antifascisme, que nous considérons comme deux formes d'un même contenu bourgeois et capitaliste, et ayant servi, d'un côté comme de l'autre, à enchaîner le prolétariat à la guerre et au char de la bourgeoisie. C'est pour cela que nous rejetons tous les CLN comme étant des organismes de collaboration de classe au service du capitalisme, ainsi que toute forme de nationalisme ;

3. sur votre appréciation de l'État russe qui, pour nous, est totalement intégré dans le système capitaliste mondial et, de ce fait, n'a plus aucune caractéristique prolétarienne.

4. Si vous reconnaissez la révolution d'Octobre comme une révolution prolétarienne dont les enseignements sont riches pour la classe ouvrière.

5. Est-ce une confusion ou une erreur de langage quand vous posez la prise du pouvoir politique "nationalement et localement" (point 6) ? Le problème de la direction internationale révolutionnaire semble être en suspens. Nous aimerions des explications plus approfondies.

6. Votre notion du parti est juste mais vague. Dans la période transitoire, en laissant toute liberté à l'intérieur des soviets et syndicats, avec indépendance des syndicats par rapport à l'appareil étatique, avec liberté de fraction dans les organismes unitaires de la classe ouvrière et dans le Parti, avec l'interdiction de toute violence envers un secteur retardataire du prolétariat, identifiez-vous la dictature du prolétariat avec la dictature du Parti révolutionnaire qui demeure toujours une minorité, bien que la plus consciente de la classe ? Concevez-vous l'indépendance totale entre l'appareil étatique ouvrier, le Parti et les Soviets ?

Ces questions, qui sont du plus haut intérêt pour la classe ouvrière, doivent être débattues internationalement et la discussion doit être la plus large possible entre les groupes d'avant-garde ayant accepté les 4 premiers points de notre lettre...

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Nous publions ci-dessous une lettre que le "Socialist Party of Canada" vient de nous envoyer. Cette lettre a tout son intérêt, plus particulièrement pour la position prise face à la guerre impérialiste.

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Lettre du PS du Canada à la GCF

Chers camarades,

J'ai bien reçu votre lettre avec beaucoup de plaisir. Nous nous rendons compte combien avancée est votre éducation prolétarienne comparée à la nôtre. Vous faites aussi marque d'une expression facile et aisée en des discussions sur des sujets complexes.

En réponse à votre demande sur notre position par rapport à la guerre 1939-45, nous pouvons dire que notre journal a été mis hors-la-loi pour ses dénonciations des causes de la guerre qui est la nature même du capitalisme. Pour nous, cette guerre n'a servi que les intérêts des groupes de capitalistes qui se sont enrichis davantage au prix d'une destruction colossale de vies humaines. Un groupe de capitalistes s'est servi de la masse prolétarienne pour empêcher l'expansion d'un autre groupe ennemi de capitalistes qui menaçait leurs intérêts, et ce fut une très bonne occasion pour eux de trouver un marché idéal pour leur commodité. Comme on s'en rend compte, nous ne fumes dans tout cela que des instruments servant les intérêts de nos maîtres capitalistes. Vous jugerez mieux notre position, à ce sujet, par la littérature du parti.

La déclaration de votre 2ème article est très logique et notre position est très semblable à la vôtre sur ce rapport quoique, à mon avis, notre littérature ne précise pas, comme vous et aussi bien, le parti ; et je suis d'accord avec vous que le prolétariat doit rejeter toute forme de nationalisme, qui ne peut conduire qu'à l'antagonisme.

En ce qui concerne votre 3ème article, je puis vous affirmer positivement que notre Parti juge l'État actuel de la Russie comme ayant toutes les caractéristiques du capitalisme, avec la différence qu'il est à la base d'entreprises d'État, ce qui ne change rien en ce qui concerne le sort de l'ouvrier à propos de l'exploitation sinon que son sort est pire que notre forme de capitalisme existant ici et ailleurs.

Sur votre 4ème article, évidemment nous reconnaissons la révolution d'Octobre comme une révolution prolétarienne ayant des enseignements riches pour les révolutionnaires actuels et futurs.

En ce qui a trait à votre très important article 5, je ne puis vous répondre d'une manière précise. Quoi que j'ai des opinions personnelles à ce sujet, je crois comme vous que le Parti laisse le problème de la direction internationale révolutionnaire en suspens ou, mieux, semble l'ignorer. Pour plus de précision, il m'est agréable de vous transmettre l'adresse du SP of GB.

Votre article 6 semble être le plus complexe tout en étant le plus intéressant. Pour vous dire franchement, le sujet de ce dernier article est à peu près ignoré de notre littérature. Cela est dû au fait que notre Parti est sous l'impression que les capitalistes règnent avec le consentement de la grosse majorité de leurs sujets et que ce règne cesserait dès que ce consentement leur serait retiré. Pour moi, je crois en la révolution que sur le plan international et, pour la période transitoire, je crois en la dictature de la minorité la plus consciente de la classe et l'interdiction, le plus possible, de violence vis-à-vis des secteurs retardataires du prolétariat.

Je ne peux identifier la dictature du prolétariat avec la dictature du Parti révolutionnaire pour la raison que la révolution n'est possible que par le support du prolétariat. Je ne conçois qu'une coopération la plus complète entre l'appareil de l'État ouvrier, le Parti et les conseils ou les syndicats.

Je suis d'avis que le meilleur moyen de réorganiser la nouvelle Internationale, semblable à la 1ère, serait l'élaboration et la propagande d'un objectif, une déclaration de principes qui serait une sorte de Manifeste abrégé et qui pourrait être mis à la portée et à la compréhension du prolétariat. Ce serait là la vraie semence de la révolution qui éventuellement se répandrait de par le monde et serait l'appel au prolétariat international pour le renversement du capitalisme.

Demeurant fraternellement votre pour le socialisme.

Montréal le 25 février 1946

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