Convoi de la liberté: Un mouvement étranger à la lutte de la classe ouvrière

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Depuis la fin du mois de janvier, le Canada connaît un mouvement de protestation, appelé « convoi de la liberté ». Les protestataires étant contre l’obligation du pass vaccinal imposé par le gouvernement à toutes les personnes franchissant les frontières terrestres du pays. Les camionneurs canadiens, premiers impactés par cette décision, ont été à l’initiative de ce mouvement qui s’est propagé rapidement sur l’ensemble du territoire pour essaimer par la suite en Europe (France, Belgique) et en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande).

La défense des libertés individuelles, c’est la défense du capitalisme

Quelles étaient donc les motivations de ces chauffeurs routiers venus des quatre coins du pays pour converger, le 29 janvier, devant la colline du parlement à Ottawa ? Tout simplement le rejet de l’obligation vaccinale et plus généralement la demande de la levée de toutes les mesures obligatoires de précautions sanitaires. Tout cela au nom de la liberté propre à chacun de choisir sa propre destinée. Mais ce qui a surtout mis le feu aux poudres, c’est que l’obligation vaccinale à l’encontre des entrepreneurs du transport routier porte un sérieux coup à l’activité des 15 % d’entre eux, non encore vaccinés, lésés par l’interdiction de pouvoir effectuer les liaisons entre le Canada et les États-Unis. Ce fameux convoi s’est donc mis en branle au nom de la liberté individuelle et de la liberté d’entreprendre. Autrement dit, deux crédos de l’idéologie bourgeoise que reprennent en permanence à l’unisson les petits commerçants, les petits entrepreneurs, les artisans… En bref, la petite bourgeoisie, incapable de voir plus loin que le bout de son nez et de sa bourse !

La protestation a trouvé un écho de l’autre côté de l’Atlantique, puisqu’un nouveau convoi s’est constitué en France, le 9 février, afin de converger sur Paris pour le 11 du même mois. Ce convoi informe et hétéroclite composé d’individus de tous bords (gilets jaunes, restaurateurs, opposants farouches au pass vaccinal, camionneurs, etc.) a repris à son compte les revendications des transporteurs canadiens en y ajoutant pêle-mêle : la suppression des directives européennes, la suppression de toutes les mesures sanitaires, la démission des députés, sénateurs, du président de la République, l’augmentation des salaires nets, la détaxation du carburant et l’instauration d’un référendum d’initiative populaire, revendication mise en avant auparavant par les gilets jaunes. Dans les médias, nous avons pu voir les participants brandir des drapeaux français aux fenêtres de leur véhicule, affirmant agir au nom du peuple français pour la défense de la liberté et de la démocratie prétendument en danger. La Belgique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande (et désormais les États-Unis) ont vu également se mettre en route les mêmes convois de mécontents.

Mais en fait, d’Ottawa à Paris en passant par Bruxelles et Camberra, cette protestation contre l’obligation du pass vaccinal procède de la même logique individualiste, avec une absence de souci collectif face à la poursuite de la pandémie, à ses ravages encore actuels et ceux à venir. Surtout, le cocktail des préoccupations (liberté individuelle, patrie-nation, démocratie) ne remet absolument pas en cause l’ordre social capitaliste. Pire ! Il ne fait qu’en prendre la défense. Car, en réalité, ce slogan pour la défense des libertés individuelles ou de la démocratie est le cache-sexe le plus grossier de la défense de l’État bourgeois et de la dictature du capital. (1)

Une protestation qui sert au renforcement de l’État policier

Au Canada et ailleurs, la protestation s’est exprimée par des rassemblements et des blocages routiers mais également par des manifestations de rue et l’occupation de lieux emblématiques tels que la colline du Parlement à Ottawa ou les Champs-Elysées à Paris. Ceci a donné lieu à des affrontements avec la police, à travers lesquels cette dernière a su utiliser toutes ses méthodes répressives : contrôles routiers et verbalisations, gaz lacrymogènes, matraquage, arrestations. En France, près de 7 000 gendarmes et policiers ont été déployés pour faire respecter l’interdiction de manifester avec des menaces de lourdes amendes et de peines de prison pour les récalcitrants. Au Canada, l’état d’urgence à Ottawa fut déclaré le 6 février face à la « menace de sûreté et de sécurité ». Après trois semaines de coups de matraques et d’aspersions de sprays au poivre, la « police à repris le contrôle d’Ottawa », pouvions-nous lire dans les médias avec un bilan de 200 arrestations et l’application d’une loi d’exception donnant à l’État canadien toute « légitimité » pour exercer la terreur de façon totalement débridée. S’il est clair que les gouvernements souhaitent éviter tout blocage et désordre, la bourgeoisie n’oublie jamais de tirer profit de telles situations.

En accolant l’étiquette de « mouvement social » à ce type de protestation stérile, la classe dominante fourbit ses armes, renforce son État policier et crée des précédents visant à légitimer la répression violente des luttes de la classe ouvrière au nom de la « défense de l’ordre public ». Car elle seule est en mesure d’engendrer un mouvement pouvant réellement mettre en péril ce que la bourgeoisie appelle « l’ordre public », en réalité l’ordre social capitaliste.

Le « règne de la liberté » dépendra de la victoire de la révolution prolétarienne

« Le désir de liberté », la capacité de forger sa propre destinée et d’être honnête avec soi-même est un des plus vieux besoins humains. L’interaction entre les désirs les plus profonds de l’individu et les besoins des autres a toujours été un aspect fondamental de l’existence humaine.

Pendant une grande partie de l’histoire humaine pré-capitaliste, dominée par les sociétés de classes et l’exploitation de l’homme par l’homme, le besoin spirituel de l’individu, de liberté personnelle et de contrôle sur son destin a été largement retourné contre lui par le spectre d’un pouvoir divin au-dessus des hommes et par les représentants auto-désignés de ce dernier sur terre qui, nullement par hasard, se trouvaient appartenir à la classe des propriétaires d’esclaves. La masse de la population qui produisait était enchaînée sur terre par la classe dominante et dans les cieux imaginaires par un tyran céleste.

La laïcisation et donc la politisation de la liberté personnelle et de la destinée, dans les révolutions bourgeoises (en particulier dans la révolution bourgeoise française de 1789-1793) a été une étape fondamentale dans le progrès vers des solutions dans le monde réel de la liberté humaine. Mais c’est aussi parce qu’elle a ouvert la voie à la classe ouvrière pour s’imposer sur l’arène politique et se définir politiquement comme classe révolutionnaire.

Cependant, dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, la bourgeoisie présentait frauduleusement sa liberté nouvellement gagnée pour son commerce comme une réalisation universelle qui profitait à tous. Cette tromperie résultait en partie de ses propres illusions et en partie des besoins de la bourgeoisie d’enrôler toute la population derrière ses drapeaux et son idéologie nationaliste. Le concept de liberté reste une forme abstraite, mystifiée, qui cache le fait que, dans la société capitaliste, les producteurs, tout en étant légalement libres et égaux à leurs maîtres, seraient enchaînés par une nouvelle forme d’exploitation, le salariat, et une nouvelle dictature, celle des « lois » du capital. La bourgeoisie victorieuse a apporté avec elle la généralisation de la production de marchandises qui a accentué la division du travail, arrachant l’individu à la communauté. Paradoxalement, de cette atomisation et de cet isolement, a surgi la mystique de la liberté individuelle dans la société capitaliste. En réalité, seul le capitalisme est libre.

Le développement vivant, historiquement concret de la liberté individuelle dépend donc de la solidarité de la lutte prolétarienne pour l’abolition des classes et de l’exploitation. La liberté réelle n’est possible que dans une société où le travail est libre, ce qui sera le mode de production communiste, où l’abolition de la division du travail permettra le développement et l’épanouissement complet de l’individu.

Tous les « convois de la liberté », outre qu’ils sont l’expression de l’impuissance et des frustrations de la petite bourgeoisie, contribuent à un enfoncement dans l’impasse du capitalisme et ne sont qu’une manifestation des miasmes de la décomposition et de l’atomisation sociale. Ils ne sont qu’un piège totalement étranger et fondamentalement opposé au développement de la lutte prolétarienne, seule force capable d’émanciper l’ensemble de la société du joug du capitalisme.

Vincent, 24 février 2022.

1 « La démocratie bourgeoise, c’est la dictature du capital », Revue internationale n° 100, (1er trimestre 2000).

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"Libertés individuelles", un mot d'ordre bourgeois