Soumis par Révolution Inte... le
Après des mois de blackout, le gouvernement, par la bouche du président Macron, a dû officiellement reconnaître l’ampleur de la détresse psychologique d’une grande partie de la population lors d’une visite, le 14 avril, à l’hôpital de Reims. La réalité, c’est une augmentation considérable de la consommation d’antidépresseurs (au point d’engendrer des ruptures de stock), des hospitalisations en psychiatrie et même des suicides.
Serge Hefez, responsable dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, a ainsi affirmé le 31 janvier aux micros de France Info : “On est dans une vague en psychiatrie”, n’hésitant pas à parler d’une population traumatisée. Concrètement, le recours aux urgences psychiatriques a augmenté de 40 % en 2020, et la tendance est encore pire pour 2021.
Tel est le lourd tribut payé par toutes les couches de la société suite aux mesures prises par la bourgeoisie incapable d’endiguer la propagation du Covid-19 autrement que par l’enfermement et l’isolement. Cette situation est d’autant plus dramatique que tout le secteur de la santé mentale, particulièrement l’hôpital psychiatrique, a été sacrifié depuis des décennies sur l’autel des “économies nécessaires”. Les services de psychiatrie ressemblent aujourd’hui à des hospices du tiers-monde : manque de personnel criant et infrastructures délabrées. Ainsi, à Reims, lors de la visite du chef de l’État, la responsable du service de pédopsychiatrie a affirmé devant les caméras : “Il faudrait doubler, voire tripler les effectifs”, précisant que les consultations avaient doublé depuis septembre ! Dans ce service, il faut huit mois d’attente pour obtenir un rendez-vous… pour un enfant en souffrance !
L’aumône de 100 euros accordé par le chef de l’État, sous le nom de “chèques psy”, aux étudiants les plus en détresse, au prix de démarches administratives infernales, est en fait une insulte au regard de la destruction de tout le système de soin qui se poursuit et de la paupérisation en cours des nouvelles générations précarisées. La jeunesse est effectivement brutalement et particulièrement frappée par la situation. Le confinement, les couvre-feux successifs et la fermeture des universités, engendrent une atomisation insupportable. Ajouter à cela, la disparition des “jobs étudiants”, accroissant la précarité et mettant une bonne partie de la jeunesse devant des difficultés économiques insurmontables. Autant d’éléments qui affermissent la peur d’un avenir de plus en plus sombre.
L’isolement a également signifié, pour des dizaines de milliers de personnes âgées, mourir dans la solitude. L’interdiction d’accompagner ses proches en fin de vie est un traumatisme pour d’innombrables familles. C’est la funeste conséquence de l’absence de moyens humains et matériels dans les maisons de retraite délaissées depuis des décennies également. Il faut se rappeler des grèves menées par le personnel des EHPAD durant de très longs mois en 2018 parce qu’ils n’avaient pas la capacité de s’occuper dignement des pensionnaires. Ces milliers de morts dans la solitude sont la négation de ce qui a fondé l’humanité : accompagner vers le trépas, enterrer et honorer les défunts. Rien de tout cela aujourd’hui : on meurt seul et on enterre en catimini. Le capitalisme prouve une nouvelle fois qu’il est l’antithèse de ce que sont l’humanité et ses besoins.
Quant à ceux qui balancent entre deux âges et qui ont un emploi, ils ont subi une autre forme de torture : devoir monter dans des transports en commun bondés, protégés par le seul discours mensonger de l’État (“Dans les transports, vous ne craignez rien”) ; être obligés de travailler deux fois plus pour compenser le manque de personnels jusqu’à l’épuisement (dans les hôpitaux, les écoles, les bureaux, les supermarchés, partout…) ; voir sa vie réduite au plus strict “boulot-métro-dodo”, le couvre-feu arrivant souvent avant la fin même de la journée de travail…
Le plus inacceptable est sans doute l’irrationalité et les contradictions des mesures adoptées par le gouvernement. Ne portez pas de masques / Portez un masque ! Les enfants ne sont pas contaminants / Les contaminations explosent, on ferme les écoles ! Cas contact : restez chez vous / Cas contact : impossible de se faire reconnaître comme tel par l’employeur ! Faites-vous vacciner / Il n’y a pas de vaccin ! On ne confinera plus jamais / On reconfine !, etc., etc.
Cette incurie, cette politique au jour le jour (“pragmatique”, prétendent-ils) engendre une insécurité et une incertitude permanentes particulièrement insupportables psychologiquement.
Cette incurie de la bourgeoisie, qui n’a aucun intérêt à engendrer ce chaos, elle le produit tout de même parce que son système est de plus en plus ingérable, révèle une nouvelle fois avec force que le capitalisme est décadent, qu’il n’a plus aucune perspective à offrir à l’humanité. Car au fond, c’est bien cette absence de perspective, ce no future, qui est le plus insupportable et effrayant.
L’idée grandit qu’après cette pandémie, ce sera une autre plaie : une nouvelle épidémie, l’accélération de la crise économique, la destruction accélérée de la planète, une catastrophe industrielle liée aux délabrements des infrastructures…
Il n’y a qu’un avenir possible pour mettre fin aux souffrances croissantes engendrées par ce système d’exploitation inhumain et obsolète : le développement de la lutte de classe, une lutte porteuse de solidarité, de liens sociaux et d’espoirs.
Jacques, 17 avril 2021