Après un an de pandémie: L’incurie criminelle de la bourgeoisie se poursuit

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Après plus d’un an de pandémie mondiale, des milliers de personnes perdent encore chaque jour la vie. Alors que la situation demeure préoccupante en Europe, une nouvelle “vague” submerge déjà l’Amérique latine et le sous-continent indien. Officiellement, le Covid-19 aura, à ce jour, coûté la vie à plus de 3 millions de personnes, mais il est de notoriété publique que certains États, comme la Chine ou de nombreux pays d’Afrique, ont considérablement sous-évalué le nombre de décès et que les “dommages collatéraux” (dus aux reports d’opération ou aux patients renonçant à se faire soigner, par exemple) n’ont pas été intégrés aux statistiques officielles des grandes démocraties.

Quant aux campagnes de vaccination, elles demeurent empêtrées dans un chaos logistique effarant : entre les conflits totalement irrationnels entre États pour mettre la main sur les stocks disponibles et les vaccins douteux (comme ceux des laboratoires chinois), le “bout du tunnel”, comme se plaît à le répéter le gouvernement français, est encore loin. Si la production de vaccins commence lentement à s’accélérer dans les pays centraux du capitalisme, beaucoup de zones périphériques en seront privées encore longtemps, augmentant encore le risque de voir émerger de nouveaux variants meurtriers et de nouvelles “vagues” résistantes aux vaccins actuellement déployés. La flambée de contaminations au Brésil, en Europe ou en Inde, et la multiplication consécutive des variants font, d’ailleurs, craindre la pire des catastrophes.

À la gestion lamentable de la pandémie s’ajoute l’ombre de la crise. Les mesures de “confinement” n’ont bien sûr pas cessé, plongeant des millions de personnes dans une détresse économique, sociale et psychologique d’une rare intensité. La récession économique est sans commune mesure depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : le PIB mondial a chuté de 3,4 % en 2020 selon l’OCDE. Trois fois plus qu’après la crise de 2008 ! Inévitablement, les licenciements se multiplient et le chômage explose. Les populations les plus fragiles (les chômeurs, les précaires, les personnes âgées sans ressource, les sans-papiers, les étudiants…) sont non seulement les plus touchées par la pandémie, mais voient aussi leurs conditions d’existence déjà difficiles se dégrader davantage.

Les mesures économiques d’urgence d’une ampleur exceptionnelle (les États-Unis ont décidé d’injecter plus de 4,000 milliards dans l’économie) ont, pour le moment, permis de freiner quelque peu la catastrophe dans les pays les plus riches. Mais, déjà, sans prendre en compte le risque de voir se répandre un nouveau variant incontrôlable ou de voir les États répondre à nouveau aux crises sanitaire et économique sans aucune concertation, (1) la “reprise” s’annonce poussive, particulièrement en Europe et en Amérique latine. La crise, avec son cortège de chômage de masse, d’attaques et de misère, est encore devant nous !

L’ensemble des États se sont révélés incapables de faire face à la situation et se sont vautrés dans le chacun-pour-soi le plus irrationnel. Alors que chaque pays cherchait à mettre en place sa politique sanitaire, en espérant limiter la casse sur le plan économique par rapport aux concurrents, les institutions internationales comme l’OMS, censée “rationaliser” un tant soit peu les rapports entre nations concurrentes pour éviter une telle situation de chaos, ont été mises de côté sans ménagement. Alors que les laboratoires pharmaceutiques auraient au moins dû mutualiser leurs moyens pour développer un vaccin le plus rapidement possible, (2) nous avons assisté à une déplorable guerre entre États à la fois dans la “course au vaccin” mais également dans la distribution : quand le Royaume-Uni, par exemple, faisait son maximum pour retenir ses vaccins sur son territoire, la Chine ou la Russie inondaient les pays pauvres avec leur potion magique douteuse à des fins ouvertement impérialistes.

L’incurie de la bourgeoisie française

La France, qui s’enorgueillissait, au début des années 2000, de posséder le “meilleur système de santé du monde” et des laboratoires parmi les plus prestigieux, s’est révélée être l’un des pays les plus en difficulté. Mais, contrairement à la propagande concentrant les critiques sur la gestion à coups de menton du président de la République, et bien que le gouvernement ait parfois fait preuve d’un amateurisme déconcertant, il est clair que la bourgeoisie française, comme dans l’ensemble des États, est surtout empêtrée dans les contradictions du système capitaliste.

La capacité de la bourgeoisie à faire face à ce type de crise est de plus en plus réduite. Dans la concurrence acharnée que se livre chaque nation, les gouvernements successifs ont dû opérer partout des coupes budgétaires pour maintenir la compétitivité de l’appareil productif national, pour diminuer les charges des entreprises privées ou accroître la rentabilité des entreprises publiques. Le secteur de la santé n’a pas été épargné : en une vingtaine d’années, le nombre de lits d’hôpitaux a diminué de 100,000 (3) alors que la population augmentait de plus de 5 millions sur la même période ! Les coupes budgétaires dans la recherche et la diminution du personnel médical n’ont jamais cessé. Même les stocks de masques ont fait l’objet d’économies drastiques, obligeant le gouvernement à des contorsions grotesques pendant de nombreux mois afin de dissimuler le fait que l’État n’était plus en mesure de protéger la population. La bourgeoisie a ainsi dû affronter une pénurie, non seulement de masques, mais aussi de tests, de respirateurs et même de seringues au début de la campagne de vaccination !

Cette dernière s’est d’ailleurs révélée être une véritable catastrophe. Alors que l’Union européenne comptait en partie sur les vaccins français et que le gouvernement avait tout misé sur leur production, l’État français s’est trouvé impuissant dans la “course au vaccin”. Tandis que la recherche recule, les “cerveaux” (dans le secteur pharmaceutique mais dans bien d’autres également) fuient depuis de nombreuses années à l’étranger en quête de meilleures rémunérations et de meilleures conditions de travail, rendant des fleurons, comme l’Institut Pasteur, incapables de rivaliser avec les grands laboratoires étrangers. Cet échec illustre à quel point la France tend désormais à être reléguée au second rang parmi les grandes puissances.

La campagne de vaccination, affaiblie par l’absence de vaccins français, s’est empêtrée dans un incroyable chaos logistique. Entre la pénurie de doses, de super-congélateurs, de personnels et de seringues, la bureaucratie française a fait la démonstration de sa lourdeur et de sa lenteur proverbiale. Nous avons ainsi assisté à une véritable guérilla entre les différents échelons de l’administration : les Régions, les Départements, voire les communes se sont écharpés pour mettre la main sur quelques doses. Même au sommet de l’État, les différents ministères sont régulièrement en concurrence pour obtenir des vaccins supplémentaires.

Cette cacophonie, le gouvernement n’a cessé de l’alimenter. N’ayant à sa disposition que la méthode moyenâgeuse du confinement pour lutter contre la pandémie, Macron et sa fine équipe se sont trouvés coincés entre, d’un côté, la nécessité de “faire tourner l’économie”, limiter les dégâts psychologiques de l’arrêt de la vie sociale et, de l’autre, éviter l’implosion du système de santé. La bourgeoisie a ainsi dû naviguer à vue et s’est prise plusieurs fois les pieds dans le tapis en annonçant des confinements qui n’en avaient que le nom et des mesures de contrôle ubuesques avant de rétropédaler à la dernière minute. C’est ce que le gouvernement appelle une “politique pragmatique”. Il a fini par se contenter de mesures visant à “vivre avec la pandémie” en acceptant cyniquement des centaines de morts par jour, tout en cherchant à éviter l’explosion des cas et la saturation des hôpitaux.

Mais le pari de Macron, fin janvier, qui s’est obstiné, contre l’avis de tous les spécialistes et contrairement à la grande majorité des pays voisins, à ne pas confiner, s’est transformé en véritable fiasco : face à une nouvelle explosion des contaminations, les services de réanimation ont à nouveau étés saturés ! À ce jour, plus de 30,000 personnes sont hospitalisées.

Ce faisant, le président français, chantre de la “lutte contre le populisme”, a fini par apporter sa petite contribution à la remise en cause de la science et ne s’est pas privé de lancer publiquement des fake news éhontées pour tenter de justifier sa politique et freiner son discrédit.

La classe ouvrière paie le prix de la crise

Macron et ses ministres répètent néanmoins à longueur de journée qu’ils ont “tiré les leçons de cette douloureuse expérience”, que “rien ne sera comme avant”. Quel mensonge ! Alors que la pandémie fait encore rage, les lits d’hôpitaux ne cessent encore d’être supprimés. Les conditions de travail du personnel médical demeurent épouvantables : même les internes sont parfois contraint de travailler jusqu’à 90 h par semaine. Les démissions, les burn out et les suicides à l’hôpital ont explosé !

Mais le personnel soignant n’est pas la seule victime de la gestion calamiteuse de la pandémie : tandis que les étudiants ou les personnes âgées croupissent dans la solitude et bien souvent la misère, la bourgeoisie exerce une énorme pression sur les salariés afin d’accroître les cadences de travail et les contraindre à prendre tous les risques pour aller travailler. Le gouvernement s’est ainsi refusé pendant plusieurs mois à fermer les établissements scolaires au nom de “l’égalité des chances” et de la “lutte contre le décrochage scolaire”. Bien sûr, la bourgeoisie a besoin de former un minimum sa main d’œuvre, mais il n’a échappé à personne que le “décrochage scolaire” n’était qu’un prétexte mensonger pour envoyer les parents au turbin.

La bourgeoisie sait parfaitement que les conditions qui ont contribué à la gestion désastreuse de la pandémie n’ont pas disparu et se sont même considérablement renforcées ces derniers mois. Elle sait aussi que face à la crise et aux attaques, la classe ouvrière finira tôt ou tard par réagir. C’est pour cette raison qu’elle ne cesse de diviser les prolétaires en opposant les jeunes “irresponsables” aux vieux “égoïstes”, les travailleurs “en première ligne” aux télétravailleurs “privilégiés”… Pour lutter contre le capitalisme à bout de souffle, devenu une entrave même à la sécurité sanitaire de l’humanité, la classe ouvrière devra au contraire cultiver sa solidarité et son unité !

EG, 17 avril 2021


1 ) Même si, ponctuellement, on a pu voir l’Union européenne tenter une approche plus collective dans la réponse à la crise économique.

2 ) À défaut d’avoir effectué les recherches en amont. Rappelons que la France avait, dès 2004, presque abandonné les recherches sur les coronavirus jugées trop peu rentables. (Cf. “Face aux coronavirus, énormément de temps a été perdu pour trouver des médicaments”, Le Monde du 29 février 2020).

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