Nous publions ci-dessous la traduction d'un article repris d' Internationalism, organe du CCI aux Etats-Unis sur notre site en langue anglaise.
Après des semaines de manifestations qui ont attiré l'attention de la presse nationale et même internationale, les rues de Madison sont à nouveau vides. Le projet de loi Scott Walker de sauvetage du budget d'Etat est passé (en attente d'un recours à la cour d'appel), et où, une fois que les cris de 'grève générale' eurent retenti dans une foule de milliers de manifestants, le silence est retombé et les travailleurs sont de nouveau retournés au travail. Les dirigeants syndicaux se démènent pour faire passer toutes les exigences économiques du gouverneur du Wisconsin en échange du droit à la 'négociation collective' d'un contrat précédent. l'action des travailleurs a été réduite à la signature de pétitions pour en appeler à la révocation des sénateurs de l'Etat. Alors que certains essaient de raviver le mouvement, il a été largement vaincu. La question est : pourquoi ?
Partout aux Etats-Unis, les travailleurs du secteur public sont pris pour cible et attaqués au nom de la solvabilité budgétaire de chaque Etat. La plupart des gouverneurs d'Etat sont en attente de coupes budgétaires représentant des centaines de millions de dollars, escomptées à travers le non-renouvellement des accords de conventions collectives avec les syndicats des employés du secteur public, pour couvrir leurs déficits budgétaires colossaux. Pour atteindre au mieux cet objectif, la bourgeoisie a lancé une vaste campagne visant à diaboliser les travailleurs syndiqués du secteur public comme jouissant d'une surcompensation et de privilèges au détriment du 'contribuable'. Les Etats de l'Ohio et du Nebraska ont adopté une législation similaire à celle de Walker pour le Wisconsin, et de nombreux autres Etats envisagent des projets de loi similaires. Pendant ce temps, les syndicats ont appelé à des rassemblements de solidarité dans tout le pays pour la défense du 'droit' à la négociation des conventions collectives, se présentant comme le dernier et meilleur recours que les ouvriers ont pour entretenir la défense de la 'démocratie' et des 'emplois de la classe moyenne'. Pour comprendre la défaite du mouvement dans le Wisconsin et se préparer à de nouvelles attaques à venir, nous devons examiner ces campagnes idéologiques. Nous devons comprendre comment elles ont contribué à faire dérailler le mouvement dans le Wisconsin et comment elles peuvent seulement livrer la classe ouvrière pieds et poings liés aux attaques de la bourgeoisie.
Les médias officiels présentent la vague d'austérité comme étant des mesures nécessaires au niveau de l'Etat, et le mouvement de masse dans le Wisconsin comme une épreuve de force entre les gouverneurs nouvellement élus du très réactionnaire Tea Party républicain mettant à l'ordre du jour le démantèlement des syndicats, et les syndicats des employés du secteur public, alignés sur le parti démocrate. Les syndicats et la gauche ont aussi colporté ce récit. Ils ont mis l'accent sur la défense du 'droit à la négociation collective des salariés' dans leurs rassemblements de solidarité, dans leurs lettres officielles, et maintenant dans leur campagne pour faire révoquer les sénateurs républicains dans l'Etat du Wisconsin. Ce récit occulte la réalité de la situation pour les travailleurs, et pousse les travailleurs qui l'acceptent à être plus favorables aux 'solutions' avancées par la bourgeoisie.
Même s'il est vrai que le gouverneur Walker, le gouverneur Kasich de l'Ohio, et quelques autres gouverneurs soutenus par le Tea Party sont idéologiquement motivés dans leurs tentatives de mettre fin à la négociation collective et pour démanteler les syndicats, les problèmes de leur propre état financier et leur besoin d'attaquer le niveau de vie des employés du secteur public, sont bien réels. Ils sont aux Etats-Unis sous le contrôle des deux partis. Tous, sauf 6 Etats américains font face à des déficits budgétaires massifs pour l'année fiscale 20111 . Les déficits cumulés des Etats fédéraux, pour l'année 2013, devrait atteindre 175 milliards de $, ce qui est un chiffre proportionnellement bien plus élevé que les 230 milliards de $ qui est le déficit total des trois derniers exercices2. Les gouverneurs des deux partis se préparent à des attaques sur les salaires travailleurs de l'Etat et sur leurs pensions, et même à mettre fin au droit de négociation collective, pour les aider à combler ces lacunes budgétaires. Le gouverneur nouvellement élu du Connecticut, le démocrate Daniel Malloy, exige 1 milliard de dollars d'économies provenant des employés de l'Etat pour chacune des deux prochaines années, soit la réduction la plus importante par habitant de tous les Etats. Le démocrate Jerry Brown en Californie a imposé un gel de l'embauche dès février 2015, dans la négociation de son budget, et un autre démocrate Andrew Cuomo de l'Etat de New York a annoncé un gel des salaires d'un an pour les travailleurs de l'Etat dans le cadre d'un plan d'urgence financière, au-dessus des 450 millions de dollars déjà concédés, au nom des travailleurs, par les syndicats du secteur public.
Les enseignants des universités publiques qui ont de mauvais résultats sont blâmés pour les tests scolaires et les taux d'obtention des diplômes, et les conseils de classe comme les syndicats d'enseignants sont en train de débattre de la rémunération au mérite et de le remise en cause de la sécurité d'emploi. Les enseignants sont dressés les uns contre les autres, avec de jeunes enseignants à qui on dit que la rémunération au mérite leur donnera tous les avantages liés à la jeunesse, tandis qu'aux enseignants plus âgés on dit que l'acceptation de nouveaux niveaux pour les pensions protégera leur emploi dans le cas de licenciement. La bourgeoisie tente de désamorcer une forte démonstration de solidarité entre les jeunes et les anciens, entre les étudiants et les ouvriers. La classe ouvrière a démontré cette solidarité dans nombre de ses grandes mobilisations puisque les travailleurs des transports en commun à New York City ont fait grève contre les réductions de pensions qui touchent principalement les travailleurs non encore embauchés.
Dans tous ces cas, les deux partis se sont unis dans la poursuite et l'adoption des mesures d'austérité draconiennes contre les travailleurs du secteur public. Contrairement au récit des médias, des syndicats et de la gauche, les syndicats travaillent en collaboration avec les gouverneurs des Etats, par le biais des négociations collectives, pour décider comment mettre en œuvre les attaques. Ils exercent ainsi une pression sur les travailleurs en leur promettant de mener une lutte ou d'élire des gouverneurs différents et leur assurent qu'un avenir meilleur est juste au coin de la rue, s'ils acceptent les 'sacrifices' d'aujourd'hui. Dans l'Etat de New York, les syndicats ont organisé un nombre incalculable de rassemblements de 'solidarité' en faveur de la négociation collective dans le Wisconsin, mais ils n'ont rien dit quant à la perspective des licenciements dans l'éducation. Ils ont même soutenu des initiatives de rémunération au mérite pour les enseignants. Les syndicats, au milieu de la leur campagne nationale sur le besoin de solidarité, font des rassemblements avec des travailleurs déjà résignés dans le Wisconsin, dont le seul combat actuel est une campagne de réélection à laquelle seuls les résidents du Wisconsin peuvent participer, et déjà ils acceptent tous les licenciements et augmentations des cotisations proposés pour leurs propres membres. Quel rôle les syndicats jouent-ils vraiment?
Les syndicats du secteur public, loin de défendre les travailleurs qu'ils représentent, ne remettent pas en question la nécessité pour les travailleurs de 'faire des sacrifices'. Ils ont seulement mobilisé afin de maintenir leur position en tant que « partenaires privilégiés » de l'Etat pour l'application des réductions nécessaires à la santé du capitalisme américain. Depuis le début du mouvement dans le Wisconsin, les deux plus grands syndicats du secteur public de l'Etat, le AFSCME et le WEAC, le syndicat des enseignants, ont offert d'accepter toutes les exigences économiques, et d'aider à 'négocier' les attaques, tant que leur droit à participer aux conventions collective , que le 'closed shop' (l'obligation pour le patron de n'embaucher que des salariés syndiqués) et que le système de retenue sur le salaire pour les cotisations syndicales, seront laissés indemnes . En effet, depuis l'adoption du projet de loi, les syndicats du secteur public se sont empressés dans tout l'Etat de faire passer les contrats contenant toutes les exigences économiques du projet de loi Walker, sachant que, si leur contrat est ratifié avant, le nouveau projet de loi devient loi, ils n'auront pas à tenir une autre élection l'année prochaine pour permettre à leur argent d'affluer dans les caisses, car le 'closed shop' sera alors maintenu pendant la durée de ce contrat. Cela explique aussi l'opposition très répandue des politiciens du Parti Démocrate à mettre fin au droit à la négociation collective, étant donné que les Démocrates comptent sur les syndicats du secteur public comme leur principale source de contributions de campagne pour les élections locales et d'Etat.
Le lundi 14 février, premier jour ouvrable après l'annonce du projet de loi Walker, plus de 100 étudiants ont spontanément quitté la classe à Stoughton, Wisconsin. Le lendemain, ils ont été suivis par plus de 800 étudiants de Madison, qui ont quitté les cours et ont défilé dans la ville pour manifester devant les bâtiments du gouvernement. Le mercredi suivant, les universités publiques de Madison ont dû fermer, car les enseignants se sont mis en arrêt de travail pour maladie (ce qui constitue une action illégale, NDT) et nombre d'entre eux ont rejoint leurs élèves pour marcher sur le Capitol Building. Dès jeudi, la présidente du syndicat Wisconsin Educators Association Council (WEAC), Mary Bell, a dit aux journalistes: « Ce n'est pas sur la protection de nos salaires et de nos avantages sociaux. Il s'agit de protéger notre droit à la négociation collective ». Dans une déclaration à la presse le lendemain, Marty Beil du syndicat AFSCME Council 24 a expliqué sans ambages : « Nous sommes prêts à mettre en œuvre les concessions financières proposées pour aider à l'équilibrage du budget de notre Etat, mais on ne nous privera pas de notre droit donné par Dieu à former un véritable syndicat »3. Les enseignants et les étudiants ont poursuivi leurs actions tout au long de la semaine, et les travailleurs du secteur public et les sympathisants de la région environnante se sont joints aux manifestations. Celles-ci ont grossi jusqu'à la fin de semaine, lorsque le Capitol Building a été occupé. Le lundi, le WEAC a ordonné aux enseignants de retourner au travail, mais les enseignants de Madison ont voté pour rester en congé de maladie une journée supplémentaire, au mépris de l'ordre donné par le président du syndicat (4)4.
Des célébrités gauchistes (y compris, entre autres, Michael Moore et Jesse Jackson) ont afflué dans la ville pour louer les 14 sénateurs démocrates de l'Etat qui avaient quitté la Chambre pour empêcher le passage du projet de loi comme des héros du travail, et pour appuyer la rhétorique syndicale suivant laquelle la lutte a été entièrement consacrée aux droits sur la convention collective. La présence de politiciens de haut niveau et de célébrités militantes a également contribué à soutenir toutes sortes d'illusions sur le Parti Démocrate et la plupart des actions sans danger en opposition à la vraie lutte de classe. Les syndicats avaient dit, dès le début, qu'ils n'étaient pas intéressés par des grèves. Pendant ce temps, les IWW de Madison et d'autres ont tenté de gagner l'approbation de la South Central Wisconsin Council pour organiser une grève générale à l'échelle de l'Etat, en cas de passage du projet de loi. Une grande partie de la propagande a été menée auprès des travailleurs sur ce que signifierait une grève générale, et en fait, la veille du jour de l'adoption du projet de loi, des slogans en faveur d'une grève générale ont été parmi les plus fortement entendus à l'intérieur du Capitol Building et dans les rues5. Cependant, le jour où le projet de loi a été adopté, les syndicats et le Parti Démocrate ont dévoilé leur nouvelle stratégie : canaliser toutes les énergies de la contestation dans une campagne prolongée pour faire révoquer les 16 sénateurs Républicains, dont le remplacement par des Démocrates inverserait finalement le projet de loi.
Les USA n'ont pas assisté à une grève générale depuis des années, ce qui fait que le slogan dans le Wisconsin paraît au mieux surprenant au mieux et au pire mystificateur. Malgré son image de puissance qu'évoque l'appel à une grève générale, nous devons nous demander à quoi peut ressembler une grève générale, ou ce qu'elle peut accomplir si elle permet aux syndicats, qui ont déjà accepté de mener des attaques sur les conditions de vie de la classe ouvrière, d'y tenir un rôle de leadership. Au cours des deux dernières années dans toute l'Europe, les syndicats ont appelé à des grèves générales au niveau national contre les mesures d'austérité présentées comme des solutions aux dettes de l'Etat et elles ont toutes mené à la défaite. L'automne dernier en France, 14 grèves générales menées par la 'radicale' CGT et d'autres syndicats, ainsi que le blocage des raffineries, ont été incapables d'empêcher le passage de la réforme des retraites et les seuls mouvements significatifs d'auto-organisation et de luttes au niveau de la classe ont tous été effectués en opposition directe même avec les plus radicaux des syndicats. Le problème est que la 'grève générale', en tant que débrayage massif de tous les travailleurs, est un slogan extrêmement ambigu . Qui doit appeler à la grève ? Qui va la diriger et décider combien de temps elle durera, comment installer un piquet de grève, et comment étendre la grève ? Si des semaines de grèves et de manifestations à travers une France plus fortement syndiquée que les USA ont été incapables, à l'automne dernier, d'arrêter les attaques sur les retraites, que penser d'une journée de grève générale ou de 'Journée d'Action' par des travailleurs américains syndiqués, qui représentent moins de 12% de la main-d'œuvre américaine ?
Contrairement au slogan de 'grève générale', pour que les travailleurs se défendent, ils ont besoin de développer une dynamique similaire à ce que Rosa Luxembourg a appelé la 'grève de masse'6 , une vague de grèves qui n'est pas prévue pour une seule journée ou une période précise. Dans la grève de masse, les travailleurs syndiqués et non syndiqués de divers secteurs entrent en lutte pour leurs revendications propres et les revendications de leurs frères et sœurs de lutte. La dynamique de la grève de masse cherche toujours à élargir l'ampleur du mouvement et à élaborer collectivement ses objectifs et ses exigences. Un tel mouvement, organisé par les travailleurs eux-mêmes, coordonné par des comités auxquels ils doivent leur mandat, et peuvent être révoqués par l'assemblée générale de tous les travailleurs, serait une menace immédiate pour l'Etat. Il ne serait pas entre les mains de négociateurs qui ont la confiance de l'Etat et il pourrait, au moins temporairement, repousser certaines des mesures d'austérité proposées. En outre, une telle expérience développerait la combativité, la créativité et la confiance de la classe ouvrière à une échelle sans précédent, rendrait les travailleurs d'autant plus prêts à se défendre à l'avenir, au point de poser des questions sur comment la société est dirigée et dans l'intérêt de qui ?
Au printemps dernier, dans le New Jersey, très peu de temps après que les étudiants de l'Université de Californie eurent commencé leur lutte, les élèves du secondaire ont organisé des débrayages dans tout l'Etat contre les réductions de dépenses d'éducation et les attaques dirigées contre leurs enseignants. Les élèves se sont souvent tournés vers ces mêmes enseignants pour faire avancer la lutte. En dépit de l'admiration et de la gratitude ressentie par la majorité des enseignants devant ce spectacle de solidarité, le syndicat des enseignants a découragé les étudiants de se mobiliser et était d'accord avec l'administration pour que les étudiants concernés soient punis7. Une histoire très similaire s'est déroulée dans le Wisconsin. Les élèves, qui craignaient que ce système n'apporte pas d'avenir pour eux, ont décidé de prendre des mesures à la fois pour leurs propres revendications et en solidarité avec les travailleurs qui n'avaient pas encore commencé à lutter. Sachant qu'ils ne pouvaient pas à eux seuls obtenir ces revendications, les élèves ont demandé à ces travailleurs de se joindre au combat. C'est la croyance, encore présente chez de nombreux enseignants et leurs élèves, que les syndicats existent pour les défendre, et qu'ils devront se battre à leurs côtés, qui a empêché cette solidarité de s'étendre.
Les syndicats, dans le monde capitaliste moribond d'aujourd'hui, ne défendent pas du tout, même a minima, la classe ouvrière. Les syndicats, alors qu'ils ont été construits par les travailleurs et qu'ils pouvaient être contrôlés par les ouvriers au 19e et au début du 20e siècle, existent désormais en tant qu'agents de l'Etat. Leur tâche consiste à maintenir l'ordre pendant les luttes de la classe ouvrière, à les enchaîner au légalisme, aux illusions démocratiques et aux intérêts du capital national. Grâce à un millier de mécanismes de reconnaissance de l'Etat, de structures juridiques, et de mécanismes structurels, l'Etat a complètement absorbé en son sein ces organisations et les utilise pour prévenir et faire dérailler toute contestation qui risque de se développer en une véritable lutte de classe contre classe. Les syndicats en ont fait une parfaite démonstration, lorsque, alors qu'ils étaient menacés d'une totale castration par le nouveau projet de loi, ils ont préféré canaliser la colère des ouvriers dans une campagne infructueuse de révocation électorale qui pouvait prendre plus d'un an. Les syndicats préfèrent être réduits à des groupes de pression électorale que d'attiser la lutte de classes avec une action de grève, même sous leur contrôle. Une nouvelle preuve de la nature des syndicats : lorsque la section locale de l'AFSCME de Madison s'est précipitée pour signer un nouveau contrat qui allait écraser les conditions de vie des travailleurs au niveau du projet de loi haï que Walker avait exigé pour 2014. le maire de Madison a salué la coopération du syndicat. « Nous l'avons fait avec une négociation collective » , a-t-il dit. « Le système a fonctionné exactement comme il était censé fonctionner »8
Lorsque les enseignants et les travailleurs du secteur public, légitimement menacés par une législation qui s'attaque directement à leurs salaires, à leur santé et à leurs retraites, luttent pour la défense des syndicats, plutôt que de mobiliser pour la défense de leur niveau de vie, se montrent ouvertement comme des fantassins au service d'une lutte de faction entre les différentes parties de la classe dirigeante. Les ouvriers ne doivent pas baisser leur garde contre les syndicats qui mettent en œuvre des réductions, qui négocient les licenciements, et dressent un rideau de fumée pour détourner les travailleur d'une véritable lutte contre ces mesures, sous le prétexte que certaines secteurs de la classe dirigeante s ?en prennent aux syndicats. Alors que de nombreux travailleurs ont des illusions sur les syndicats, les révolutionnaires devraient chercher à les aider à les en débarrasser. Ils doivent être clairs sur le fait que les syndicats ne sont pas simplement 'ce que nous avons de mieux' , ou simplement conservateurs, sclérosés et bureaucratiques : ils appartiennent, corps et âme, au camp de l'ennemi de classe, et la véritable lutte de classe devra se mener contre eux, tout comme elle sera menée contre le patronat et l'Etat.
JJ (10 avril 2011).
1- Elizabeth McNichol, Oliff Phil Johnson et Nicholas : « Les Etats continuent de ressentir l'impact de la récession », Centre du budget et des priorités de la politique, 9 mars 2011 https://www.cbpp.org/cms/?fa=view&id=711 [1]
2- Fletcher, Michael A. « Les gouverneurs des deux Partis planifient de douloureuses coupes budgétaires au milieu de la crise à travers les Etats-Unis », Washington Post, 7 février 2011 https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2011/02 [2] / 07/AR2011020703650.html. hpid moreheadlines =
3- Jason Stein, Patrick Marley et Schultze Steve. « L'ajournement brutal de l'assemblée cause d'une journée chaotique dans le Capitole », Milwaukee Journal Sentinel, 18 février 2011 https://www.jsonline.com/news/statepolitics/116470423.html [3]?
4- « Les enseignants discutent de leur reprise du travail après les protestations du Wisconsin », CNN.Com, 20 Février 2011 https://articles.cnn.com/2011-02-20/politics/wisconsin.protests_1_unions... [4] ?)
5- Pour une description plus détaillée de ce sujet, visitez le fil libcom.org, « Wisconsin, le retrait du droit de négociation collective des travailleurs de l'Etat. Le gouverneur menace d'utiliser la Garde Nationale ». Sur https://libcom.org/forums/news/wisconsin-withdrawing-collective-bargaini... [5]
6- Rosa Luxemburg oppose la grève de masse dynamique à la grève générale prévue appelé par les organisations pré-existantes pour une période de temps déterminée dans son livre Grève de masse, partis et syndicats.
7- Heyboer, Kelly. « Les élèves du NJ qui ont quitté les cours pour protester contre les coupes budgétaires du gouverneur Chris Christie ont écopé de peines mineures », Newark Star-Ledger, 28 avril 2010 https://www.nj.com/news/index.ssf/2010/04/minor_punishments_given_to_stu... [6]
8- Mosiman Dean. « Madison sur la point de prolonger le contrat qui le lie à son plus grand syndicat ouvrier », Wisconsin State Journal, 16 mars 2011 https://host.madison.com/wsj/news/local/govt-and-politics/article_d04b3a... [7] 001cc4c002e0.html
Nous publions ci-dessous un article publié dans Internationalism, organe de presse du CCI aux Etats-Unis.
Etant donné le peu d'attention porté par les médias aux Etats-Unis sur les révoltes en Tunisie, en Algérie et en Egypte, et plus tard dans une grande partie du reste du monde arabophone, Internationalism, organe du CCI aux Etats6unis a estimé qu'il était important de tenir une réunion publique sur les perspectives de ces révoltes le 19 mars dernier à New-York. Il y a eu une courte présentation, suivie de quelques heures de discussion ouverte sur l'histoire des événements, les similitudes et les différences entre chaque situation nationale, ainsi que les similitudes avec les mouvements contre l'austérité en Europe et avec le mouvement ouvrier sur le plan historique. La plupart des participants connaissaient bien Internationalism, et un camarade était plus familiarisé avec le travail des groupes Mouvement Communiste et GCI.
Avant la présentation, quelques mots ont été dit sur les tremblements de terre et la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, où les camarades ont noté la tendance à ce que les puissances nucléaires soient dans une situation impérialiste de plus en plus chaotique, où les ressources en combustibles importés sont de moins en moins fiables pour chaque bourgeoisie nationale. La présentation a souligné la rapidité de l'évolution des événements en Egypte, en Tunisie, au Bahreïn, et en Libye et l'importance d'un examen critique des potentialités des révoltes dans les différents pays, mais aussi de rester vigilant par rapport aux régions où ils pourraient s'étendre. En effet, le jour suivant, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont commencé les frappes aériennes en Libye, en démontrant comment la bourgeoisie peut réagir différemment suivant les révoltes, bien que celles-ci aient des racines communes qui sont les conditions de pauvreté et de répression. Il est important d'examiner ces différents facteurs.
Le facteur le plus important est que ces révoltes ne sont pas ce que prétendent les médias de la bourgeoisie, c'est-à-dire des mouvements qui se limiteraient à demander plus de démocratie contre la dictature, des mouvements qui se satisferaient d'une 'révolution de couleurs variées' comme en Ukraine et dans d'autres pays, ces dernières années. Chaque révolte a commencé pour des motifs économiques et sociaux : misère et chômage élevé (surtout chez les jeunes travailleurs), inflation vertigineuse et une indignation bouillonnante contre la répression. Dans le cas de la Tunisie, qui a connu l'essentiel des grèves avant les événements en Egypte, il a été dit que c'est le harcèlement par la police d'un marchand ambulant de fruits, qui s'est immolé pour cette raison, qui a déclenché les révoltes. Celui-ci était un diplômé de l'université, au chômage et incapable de trouver un travail régulier. Malgré le fait qu'il existe beaucoup d'illusions par rapport à la démocratie dans les mouvements autour de ces révoltes, et que la classe ouvrière n'a pas clairement mis en avant ses propres exigences, ces révoltes ne sont pas simplement des révoltes démocratiques contre la dictature, mais elles contiennent aussi des expressions d'indignation réelle des travailleurs devant les conditions dans lesquelles ils sont forcés de vivre.
En Egypte, nous avons vu l'émergence de véritables méthodes de lutte de la classe ouvrière : des comités de protection de quartier, la tendance à l'extension rapide de la grève, les assemblées de rue où les gens discutent ouvertement et prennent des décisions sur la façon de pousser en avant la lutte, et des tentatives de fraternisation avec l'armée. Malgré le fait que cela montre les illusions sur la 'loyauté' de l'Etat, le point important est qu'au début, l'armée a répondu favorablement. L'entrée de la classe ouvrière dans la lutte a aidé à surmonter certaines des divisions, ce dont les autres couches sociales étaient incapables : des divisions fondées sur le sectarisme religieux, par exemple, et le début des grèves politiques dans les usines textiles a été le principal facteur de l'accélération de la démission de Moubarak Cela démontre que la classe ouvrière est le sujet de la révolution et qu'elle a la capacité de paralyser la société et d'unifier les révoltes des autres couches non exploiteuses. La Libye, où la majorité de la classe ouvrière est constituée d'immigrants du monde entier, a été un exemple négatif. Les travailleurs immigrés ont refusé de se laisser entraîner dans ce qui est devenu très vite un combat entre factions nationalistes et ils se sont amassé à la frontière pour fuir la Libye, ne voyant aucun avenir dans ces révoltes.
Dans les discussions qui ont suivi, l'idéologie démocratique a été une question importante abordée, avec de nombreux camarades qui ont montré le besoin de la classe dominante de décrire toutes les révoltes dans les pays de langue arabe comme étant des mouvements nationalistes et pro-démocratiques, sans tenir compte du fait que, du moins au début, la classe ouvrière dans les différents pays est entrée en lutte, principalement contre les conditions d'exploitation et de misère, sans agiter aucun drapeau particulier. On a également noté que, même en Egypte, la classe ouvrière n'était pas encore en mesure de s'affirmer comme une classe indépendante, mais qu'elle commençait tout juste à essayer d'entrer en mouvement et qu'elle était attirée par les idéologies des autres couches sociales, malgré le fait que l'entrée des travailleurs dans la lutte avec les grèves dans les usines de textile a été décisive pour aller de l'avant. En 2007, il y avait eu d'autres grèves massives en Egypte, qui avaient vu le surgissement d'assemblées générales et des tentatives de convergence des luttes, mais la situation actuelle montre une difficulté des travailleurs à faire valoir leurs revendications indépendamment du mouvement 'pro-démocratique' et 'anti-dictature' et à être capables de se mettre à la tête de la révolte comme classe ayant un avenir historique. Des questions ont été soulevées quant à savoir si le nouveau gouvernement d'Egypte renforcera les illusions démocratiques ou si, sous le poids croissant de la crise, il s'usera plus rapidement.
À la fin de la discussion, les camarades présents ont fait le lien entre la domination de l'idéologie démocratique et le manque de confiance de la classe à l'échelle internationale. De nombreux travailleurs estiment que la révolution est nécessaire, mais ne savent pas si elle est encore possible.
L'organisation de la production a radicalement changé depuis les dernières grandes batailles de classe et des grands centres industriels ont été démantelés par la désindustrialisation dans les métropoles capitalistes et la délocalisation de la production vers les pays 'périphériques', sans compter les campagnes autour de la 'mort du communisme' dans les années 1990. On a beaucoup parlé du poids de la décomposition du système capitaliste et de l'érosion du tissu de base de la vie sociale qui rend plus difficile pour la classe ouvrière la récupération de son identité et la confiance en soi. Malgré toutes ces difficultés, il a été reconnu par les participants que ces révoltes, du moins en Egypte et en Tunisie, sont une partie du processus lent et difficile de la classe ouvrière internationale qui se bat pour retrouver le chemin de la lutte de classes. Il y a eu aussi des débats sur les forums du CCI, sur la nature de classe ou non des révoltes en Libye, par rapport à celles de l'Egypte ou de la Tunisie, et c'est un sujet que les révolutionnaires doivent essayer de clarifier et de mieux comprendre, afin de pousser en avant et de développer ce processus de récupération de l'identité de classe et de la confiance.
JJ (3 mai)
Dans la soirée du 2 juin, une explosion à la raffinerie de pétrole Chevron sur le quai Pembroke au Pays de Galles a tué quatre ouvriers et un autre est à l'hôpital avec des blessures graves. Le temps qu'il a fallu pour identifier les ouvriers indique que les malheureux ont été réduits en cendres. La nuit suivante, la BBC a fait état d'un « énorme » incendie à l'usine Eco de stockage de pétrole près de la centrale électrique de Kingsnorth dans le Kent. Le moment où ont eu lieu les deux accidents indique que la majorité des travailleurs, 1400 à Chevron, n'étaient pas sur le site. Un porte-parole de la police a d'abord qualifié l'explosion de Pembroke de « tragique accident industriel», formule qui a ensuite été remplacée par celle de « tragique incident industriel », et une nouvelle déclaration ajoutait: « bien que ne présentant pas une menace » (de contamination). Incident ou accident, une chose est sûre, en Grande-Bretagne, comme ailleurs, le capitalisme est de plus en plus une menace mortelle pour les travailleurs ainsi que pour la population ouvrière vivant à proximité des installations industrielles. Un certain nombre de facteurs permettent cela : le premier est que le capitalisme met systématiquement le profit avant les vies humaines et notamment avant les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. Ensuite, avec le développement inexorable de sa crise économique la classe dirigeante réduit de plus en plus les mesures de sécurité, les inspections de sécurité, l'entretien et le remplacement des usines vétustes et dangereuses. Et les catastrophes se succèdent, invariablement accompagnées des écœurantes déclarations d'usage à propos de 'condoléances', de 'fatalité des accidents' et 'des leçons seront tirées'.
L'explosion et l'incendie, avec la contamination qui en ont résulté, à la raffinerie comme au dépôt de Coryton et dans un autre dépôt dans l'Essex en 2007, nous montrent comment le vent souffle. Ici, 20 ordonnances de conformité par rapport à la santé et à la sécurité sont toujours en suspens depuis l'événement, avec un projet de sécurisation extrêmement important qui est toujours dans sa phase de conception, qui ne sera réalisé qu'en décembre 2012, d'après ce que dit la Thurrock Gazette du 13/05/2011. Avec cette non-conformité persistante, il y a eu d'autres incidents graves dans les raffineries, comme cela a été enregistré en janvier de cette année. Dans une analyse de 2006 des catastrophes dans le milieu du travail, intitulée Catastrophes au travail, Dave Whyte parle de «l'idéologie de collusion qui domine le paysage réglementaire ».
Coryton a fait suite à l'explosion de l'installation pétrolière Total à Buncefield, dans le Hertfordshire en décembre 2005, qui avait été appelée «le plus grand incendie d'Europe en temps de paix» (Wikipedia). Cela a été une explosion air-combustible et les effets de la contamination et les dommages environnementaux demeurent toujours inconnus, cinq ans plus tard. Tout comme dans de nombreux autres cas, l'Etat a contourné le problème de la contamination initiale des eaux souterraines en relevant simplement les doses limites permises de produits contaminants autorisées pour l'eau potable (Hemel Hempstead Today, mai 2006). L'explosion, aux effets similaires aux bombes air-combustible utilisées au cours de la première guerre en Irak, enregistrée sur l'échelle de Richter s'est produite tôt le dimanche matin. Si c'était arrivé pendant que l'usine était entièrement occupée, le bilan du nombre de victimes aurait été bien pire que les 42 blessés constatés. Un an plus tard, toutes les casernes de pompiers qui avaient été les premières à réagir par rapport à l'incendie de Buncefield (qui avaient à l'époque reçu l'éloge de Tony Blair comme un 'grands corps de fonctionnaires') ont été menacées de fermeture et de réduction des effectifs (The Guardian, 05/12/2006).
Une explosion similaire, air-carburant, s'est produite à l'usine chimique près de Scunthorpe Flixborough en 1974. Encore une fois, l'accident a eu lieu le week-end et il a tué 18 ouvriers. Si c'était était arrivé un jour de semaine, la plupart, sinon la totalité, des 500 travailleurs auraient été calcinés.
Et tout ceci est arrivé après qu'on nous a dit que les ‘leçons avaient été tirées' de l'affaire toujours bouleversante de l'explosion de Piper Alpha sur une plate-forme pétrolière en Mer du Nord, où 167 des 226 travailleurs à bord avaient été tués dans les circonstances les plus horribles, au cours de l'été 1988. Ici encore, les remarques de HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) concernant la mise en application et l'amélioration ont été à nouveau ignorées, alors que des dizaines de travailleurs ont été tués dans l'industrie pétrolière de la Mer du Nord au cours des 20 années suivantes et les travailleurs sont intimidés ou congédiés et sont mis à l'index comme 'fauteurs de troubles', s'ils font la moindre récrimination sur les questions de sécurité. Et comme dit ci-dessus Whyte, «l'idéologie de collusion » traverse les entreprises, HSE et les syndicats. Vingt ans après Piper Alpha, HSE a détecté que 50% de plates-formes avaient de 'pauvres' conditions de sécurité et qu'il y avait un arriéré de 15 000 heures de travaux sur des 'problèmes critiques de sécurité'.
Le gouvernement de coalition a montré qu'il suivra la politique des Travaillistes et des Conservateurs par rapport aux menaces qui pèsent sur la vie des ouvriers et qu'il donnera le feu vert aux procédures qui ne respectent pas la sécurité pour tenir son programme de réduction des coûts. Des compressions budgétaires récentes montrent que les 98 inspecteurs sur les plateformes en Mer du Nord ont été réduits à 83 à la fin de cette année (Hasards n° 113). Les carnets de bord des procédures de sécurité des compagnies doivent rester secrets et nul, à l'exception des cadres supérieurs, ne peut avoir un accès complet à ces dossiers. Dans toute l'industrie pétrolière, au fur et à mesure que la tuyauterie s'oxyde, elle reste en l'état ; alors que les soupapes et les connexions deviennent plus vulnérables aux dysfonctionnements et aux dégradations, leur contrôle d'entretien est supprimé, les mesures de sécurité sont de moins en moins prises en compte, des composants essentiels sont négligés, et tandis que les avocats des entreprises et des syndicats s'enrichissent à coups de procédures et en réclamant une nouvelle juridiction, les vies des travailleurs sont de plus en plus mises en danger. Les compressions budgétaires à venir ainsi que la priorité déjà accordée aux bénéfices des entreprises par rapport aux préoccupations des conditions de travail et à la vie-même des travailleurs impliquent que ces terribles risques qui menacent la classe ouvrière deviendront de plus en plus grands.
Baboon (7 juin 2011)
Le miracle technologique du coton génétiquement modifié en Inde n'aura pas eu lieu. Bien au contraire, c'est un véritable désastre qui s'est déroulé en moins d'une décennie.
En 2002, l'Inde autorise la plantation de semences de coton modifiées pour résister au ver de la capsule, parasite ravageur qui détruit les plantations si aucun épandage d'insecticide coûteux n'est pas opéré régulièrement. La semence miracle s'appelle le « coton BT » et elle est fabriquée par la société Monsanto.
Monsanto est une société américaine spécialisée dans la chimie et plus récemment dans la biotechnologie, principalement la production de semences hybrides et génétiquement modifiées, notamment pour résister aux insectes et parasites.
Bien que jusqu'à dix fois plus chère que la graine classique, la « BT » a de quoi séduire : Monsanto ne promet rien de moins que le triplement des rendements. Si on économise l'insecticide, la mise importante de départ sera récupérée et même dépassée sans souci. De ce fait, les paysans indiens investissent au maximum, s'endettent s'il le faut et en quelques années, c'est 90% des surfaces cotonnières du pays qui sont couvertes du coton magique.
Il n'y en a qu'un finalement qui n'a pas cru au miracle : c'est le ver de la capsule. Lui, il a rapidement développé des résistances, tellement rapidement qu'on se demande même s'il a un jour été touché par la substance insecticide délivrée par la plante. Et finalement, le coton BT ne fait pas mieux que n'importe quelle autre graine de coton. Pour contrer la baisse inévitable de rendement, il faut maintenant passer par l'épandage massif d'insecticides, augmentant la facture d'au moins 30%.
Sans compter que cette belle plante voit son prix augmenter sans cesse. Aujourd'hui, elle coûte cent fois plus cher que le coton classique !
Sans compter, bien sûr, que comme toute plante génétiquement modifiée, cette jolie fleur est stérile et que donc chaque saison, il faut racheter les semences.
Sans compter enfin que cette douceur de la nature aime l'eau et les nutriments plus que le coton ordinaire : la terre s'appauvrit et se dessèche, et là encore, le maintien des rendements passe par l'enrichissement artificiel et l'arrosage... tout cela coûte cher, et l'eau est une denrée fragile, surtout si le ciel s'en mêle.
Et c'est ce qui s'est passé en 2009, avec une saison de mousson la plus faible depuis 37 ans. Faute d'eau en quantité suffisante, les rendements ont chuté irrémédiablement.
Il ne fait aucun doute que le coton BT aura été un succès commercial pour Monsanto. Mais techniquement, c'est un échec complet. Et humainement, le résultat est un véritable drame. On estime aujourd'hui que depuis 1991, près de 20 millions de paysans ont quitté la campagne pour venir remplir les bidonvilles des grandes métropoles. Mais ce chiffre ahurissant n'est encore rien face à l'incontrôlable vague de suicides qui ravage le milieu rural touché par le désastre du coton BT. Au moins 150 000 personnes auraient mis fin à leurs jours, certains parlent de plus de 200 000 depuis quinze ans. En 2009, un suicide collectif impliquait 1500 personnes. 1500 personnes qui, sans aucune issue face à la faillite complète qui les touche, n'ont même plus la force de se battre et décident ensemble de se donner la mort.
Depuis, après avoir tenté de faire porter la responsabilité aux paysans indiens qui auraient mal utilisé leur produit, Monsanto a reconnu l'inefficacité de sa semence. Pour tous ceux qui sont morts, tous ceux qui sont partis crever dans la boue des bidonvilles et tous ceux qui tentent encore de survivre en s'endettant pour acheter une graine aux rendements minables, cela ne « modifie » rien du tout.
Cette histoire est écoeurante, révoltante, poignante. Elle n'est pourtant qu'un exemple parmi un nombre incommensurable d'autres du prix que le capitalisme donne à la vie humaine, du prix qu'il donne à la sauvegarde et au développement de nos ressources.
Le coton BT est une illustration éclatante de comment le capitalisme manipule la nature dans le seul but de dégager des profits. Il est clair que cette semence a été mise sur le marché sans disposer des garanties suffisantes sur son efficacité sur toutes les espèces de ravageurs susceptibles de s'attaquer à la plante. Ce qui comptait avant tout, c'était de la vendre, et pour cela, la promesse de rendements supérieurs suffisait.
La misère humaine, les ravages sur la nature ne compromettent finalement que l'avenir commercial du produit ; ce qui a été encaissé reste dans les caisses. C'est la logique d'un système qui vit au jour le jour et accumule ses richesses en détruisant toujours plus de ressources, y compris la vie humaine.
Ce n'est pas seulement le procès de Monsanto qu'il convient de faire, mais celui du capitalisme. C'est lui le vrai coupable.
G (25 mai)
Nous publions ci-dessous la traduction d'un article de Revolucion Mundial, organe de presse du CCI au Mexique.
Tout d’un coup, comme s’ils voulaient nous rappeler qu’ils sont toujours là, lundi 11 avril un groupe de quelques 300 membre du SME (Sindicato Mexicano de Electricistas) ont agressé une équipe de travailleurs de l’entreprise CFE à Mexico, ont frappé et volé des journalistes, et ont endommagé des véhicules de cette entreprise et de particuliers. Le procureur de la république a entamé une action pénale contre 11 militants de ce syndicat pour des délits fédéraux : atteinte à la propriété, vol collectif et rébellion. Martín Esparza, dirigeant du SME, a dit que ces actions sont « un échantillon de celles que son organisation va entreprendre pour exiger le droit de réintégration au travail », que les personnes arrêtées « sont innocentes et, par conséquent, ce sont ‘des prisonniers politiques’, dont on va exiger la liberté par le biais des mobilisations », tout en présentant des plaintes pour violation des droits de l’homme. Pour couronner le tout, « plusieurs commissions du SME vont se présenter aux sièges nationaux des partis politiques pour dénoncer l’offense ». Ce genre d’actions revendiquées et menées par ce syndicat suit mot pour mot le scénario qui a commencé il y un an et demi et dont le seul but est d’assommer en profondeur la classe ouvrière.
Depuis octobre 2009, lorsque l’Etat a fermé la compagnie Luz y Fuerza del Centro2 en mettant à la rue près de 44 000 travailleurs, c’est le SME, avec l’aide de quelques autres syndicats, qui s’est chargé de mettre les travailleurs pieds et poings liés pour ainsi s’assurer que ceux-ci ne ripostent pas avec leurs propres moyens d’organisation et de lutte :
- Ils ont créé une division et un affrontement entre électriciens par le biais d’élections internes, dans le but de les détourner de la défense qu’ils devaient assurer de leurs emplois ; ils ont transformé ce qui n'était ni plus ni moins qu’une attaque sournoise contre les conditions de vie et de travail des ouvriers en « une attaque contre le syndicat et les libertés démocratiques », en entraînant la majorité d’électriciens à « lutter pour la défense du syndicat » et « la défense de l’entreprise publique et l’économie nationale » ; ce sabotage a empêché que les ouvriers ne se consacrent dès le début à discuter dans des assemblées générales, sur les actions nécessaires pour mener la lutte, sur quelles formes d’organisation propres devaient être mises en place, sur comment élire leurs délégués lors de ces assemblées et sur quel type de comité de lutte devrait être organisé pour que les ouvriers conservent le contrôle de la grève entre leurs propres mains.
- la recherche de solidarité avec d’autres travailleurs s’était imposée d'emblée en poussant à l’extension du mouvement à d’autres secteurs quelle que soit la branche professionnelle, en mettant en avant le fait que l’attaque contre les électriciens était une attaque dirigée contre toute la classe ouvrière. Cette nécessité est apparue à la suite de la grande manifestation du 15 octobre 2009 où s’étaient exprimés une grande préoccupation sociale et un sentiment de solidarité chez beaucoup de travailleurs, mais encore une fois, le SME et d’autres syndicats « solidaires » se sont chargés de faire avorter cette dynamique positive naissante en mettant en avant comme moyens de lutte, une controverse sur la légalité constitutionnelle et les demandes de protection institutionnelle, en cultivant l’illusion selon laquelle le prolétariat pouvait se défendre grâce aux institutions bourgeoises et en faisant avorter cette dynamique positive qui commençait à poindre ;
- ces syndicats ont tout fait pour empêcher l’extension solidaire de la lutte et de l’unité, et, ensuite, ils ont continué leurs manœuvres avec des actions totalement en dehors du véritable terrain de la lutte ouvrière : des grèves de la faim parfaitement impuissantes et passablement humiliantes imposées par le SME, des demandes d’aide aux grands pontes du pouvoir législatif ou judiciaire « pour qu’ils obligent l’exécutif à reculer », poussant à des actions « très radicales » comme celle de « ne pas payer l’électricité » tout en portant plainte auprès du Défenseur fédéral du consommateur (Profeco) pour faire pression sur l’État ; et, évidemment, « l’occupation » des lieux de travail de l’entreprise fut une proposition centrale du syndicat, qui s'est donné ainsi à bon compte, une image combative alors qu'il n’ont mis en avant que des actions anti-ouvrières à répétition, des occupations qui ne cherchaient, en réalité, qu’à enfermer les ouvriers en les maintenant isolés et passifs, sans la moindre relation avec les autres travailleurs ;
- six mois après ces événements, un grand nombre de syndicats ont appelé à une énième pantomime de « grève générale », action ostentatoire destinée à faire passer un message à l’ensemble de la classe selon lequel le seul qui puisse organiser une « lutte », c’est l’appareil syndical et que les prolétaires n’ont autre chose à faire qu’accepter passivement ces actions, et aussi le message selon lequel la seule « solidarité » possible est celle qui s’établit entre les dirigeants syndicaux qui s’envoient mutuellement des messages d’encouragement et qui signent des documents « critiques » contre le gouvernement. Les mois suivants, nous avons pu voir toujours ce rôle de premier plan des syndicats avec l’intention d’occuper le terrain social et de donner un coup fatal face à un mécontentement général dû, en partie, à cette attaque contre ce secteur ouvrier, mais aussi, plus en profondeur, à cause d’une misère en augmentation galopante ; c’est ainsi qu’on a assisté à quelques mobilisations promues par les syndicats et la gauche du capital qui ont mis en avant une série de revendications qui ont complètement dilué le problème central qu'affronte la classe ouvrière : respect de l’autonomie syndicale, défense de l’économie populaire, respect de la constitution, non à la privatisation du pétrole et de l’électricité, respect de l’autonomie des populations indiennes, défense des droits de l’homme, infliger une punition politique à Calderón [Président du Mexique]... tout un patchwork d’exigences dont la seul but patent était d’enterrer la priorité centrale pour les travailleurs.
- enfin, au cours de cette année et demie, nous avons pu vérifier comment ce scénario s’est réalisé à la lettre, avec des actions intermittentes de la part du SME qui s’est chargé de donner le coup final, en épuisant et en enfonçant les ouvriers dans une démoralisation générale. Les derniers événements sont la suite du chemin piégé suivi depuis le début. Maintenant, l’Etat et son appareil politico-syndical ont un sujet d'actualité entre les mains et un très bon filon à exploiter, alors que les attaques pleuvent sur les travailleurs et qu’il est nécessaire de distraire encore une fois leur attention avec des scandales en tout genre et, surtout, en organisant des mobilisations pour libérer les « prisonniers politiques », autrement dit, encore une fois, défendre le syndicat. Ainsi on ajoute, au passage, un peu de piquant à la journée syndicale du 1er Mai quui s'annonçait plutôt terne et sans sujet intéressant pour les orateurs, lesquels pourront ainsi haranguer les travailleurs en agitant encore l’épouvantail de « l’attaque contre le syndicat ».
Ce bref rappel des manoeuvres anti-ouvrières des syndicats contre les électriciens et contre l’ensemble de leurs frères de classe illustre bien quel genre de pièges les syndicats utilisent pour éviter que ne se développe un mouvement qui, en brandissant ses véritables besoins, puisse étende sa force, en réveillant la solidarité des autres secteurs, des exploités qui subissent les mêmes attaques, de sorte qu’une extension généralisée à l’ensemble des travailleurs pour arriver à devenir une action de masse grâce à son courage et sa combativité, mais qui est aussi capable de développer une conscience qui lui permettra de prendre le contrôle de sa lutte directement entre ses propres mains. Dans les prochains mois, le prolétariat va recevoir un nouveau coup dans le dos avec le projet de réforme du droit du travail et ces besoins de lutte vont réapparaître tandis que les syndicats de toute obédience vont tout faire pour éviter encore une fois que les véritables méthodes d’organisation et de lutte ouvrière ne se développent.
RM (Avril 2011)
1 Nous avons publié en décembre 2009 « Solidarité avec les travailleurs de “Luz y Fuerza del Centro” au Mexique », avec des extraits de trois textes : le premier signé par 3 organisations au Mexique (Revolución mundial, le CCI au Mexique, Grupo socialista libertario et Proyecto anarquista metropolitano). Les deux autres sont des expressions vivantes de solidarité lancés par deux groupes prolétariens depuis le Pérou. Ces trois textes sont disponibles dans leur intégralité sur notre site internet. Voir : https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_407.pdf [14], et https://fr.internationalism.org/icconline/2009/solidarite_avec_les_travailleurs_de_luz_y_fuerza_del_centro_au_mexique.html [15]
2 Luz y Fuerza del Centro (LyFC) était une entreprise publique de distribution d’électricité opérant surtout dans la capitale Mexico et sa province. À la suite de grosses pertes, l’Etat mexicain l’a mise en liquidation le 11 octobre 2009 après l'investissement de tous ses locaux par la police le 10 octobre.
Liens
[1] https://www.cbpp.org/cms/?fa=view&id=711
[2] https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2011/02
[3] https://www.jsonline.com/news/statepolitics/116470423.html
[4] https://articles.cnn.com/2011-02-20/politics/wisconsin.protests_1_unions-protests-teaching-assistants-association
[5] https://libcom.org/forums/news/wisconsin-withdrawing-collective-bargaining-rights-state-workers-governor-threatens-
[6] https://www.nj.com/news/index.ssf/2010/04/minor_punishments_given_to_stu.html
[7] https://host.madison.com/wsj/news/local/govt-and-politics/article_d04b3a58-4f39-11e0-9fc6-
[8] https://fr.internationalism.org/tag/5/50/etats-unis
[9] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[10] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/reunions-publiques
[11] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/monde-arabe
[12] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[13] https://fr.internationalism.org/tag/5/61/inde
[14] https://fr.internationalism.org/files/fr/RI_407.pdf
[15] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/solidarite_avec_les_travailleurs_de_luz_y_fuerza_del_centro_au_mexique.html
[16] https://fr.internationalism.org/tag/5/53/mexique