La presse belge a rendu compte de la lutte des étudiants, lycéens et ouvriers en France contre le CPE comme d’un réflexe de "conservatisme", d’une "tendance anti-européenne", "les Français refusent le changement" (voir entre autres De Standaard du 11.4.06).
Mais, comme il ressort clairement des articles que nous publions dans ce journal (voir aussi le supplément à Internationalisme n° 324), "le CPE n’est pas seulement une attaque économique réelle et systématique. C’est aussi un symbole". En effet, c'est le symbole de la faillite de l'économie capitaliste, du "changement" vers toujours plus de précarité, d'insécurité, à la merci du patronat. L'époque où l'entreprise pouvait être présentée par la propagande capitaliste comme une grande famille, avec un emploi à vie, avec la sécurité sociale dans laquelle on prenait soin des vieux jours, tout cela est en voie de disparition. Le "progressisme" pour la bourgeoisie consiste aujourd'hui à échanger des jobs à temps plein à durée indéterminée contre toutes sortes de contrats à temps partiels, instables, de stages, de projets d'insertion sociale, d'intérims, d'emplois sociaux ou de contrats de courte durée et sous-payés, de formes de travail flexibles, adaptées à la conjoncture versatile d'une économie capitaliste en crise. Le "programme pro-européen" signifie, pour une masse croissante de gens, surtout des jeunes, une vie sans nomination fixe, interrompue par des périodes de chômage, sans conditions de vie stables. Dans un nombre sans cesse grandissant de pays, sous le prétexte de fournir aux jeunes un accès au marché de l'emploi, les derniers emplois fixes sont échangés contre des "carrières à 1000€".
Avec le CPE en France, le capitalisme montre son véritable visage, le même qu'il essaye tellement de cacher en Belgique: celui d'un système en décadence, qui n'a plus aucun avenir à offrir aux jeunes générations. Un système qui s'enfonce dans une crise économique insoluble et qui, ici en Europe et dans tous les coins du monde, livre des millions d'êtres humains à la pauvreté et à la misère, attise des guerres économiques et militaires, jette des masses de gens dans l'exil. Mais la bourgeoisie belge continue à prétendre que "chez nous, cela va moins mal qu'ailleurs", et même que "l'économie belge se normalise". Nous serions moins "conservateurs" que les Français, plus "européens", plus flexibles, plus "complaisants". Nous devrions poursuivre sans vergogne les réformes de l'Etat social actif, du Plan Marshall, du Pacte des générations, du Pacte de compétitivité... Et c'est à tout cela que nous devrions notre bien-être. Et pourtant, de ses propres statistiques ressort progressivement une tout autre image, qui ne diffère en rien de celle de la France! La paupérisation progresse aussi en Belgique. Il ne s'agit plus d'un phénomène en marge du capitalisme, ou particulier à l'un ou l'autre pays récalcitrant ou buté, comme le prétendent quelques commentateurs obstinés, mais de quelque chose qui touche tous les centres du capitalisme mondial. Et là-dessus, il se trouve toujours l'un ou l'autre clown de la bourgeoisie qui cyniquement prétend qu'ici, on ne peut pas se plaindre car "c'est encore toujours mieux qu'en Afrique", ou "mieux que dans les années 1950".
Il suffit de regarder autour de soi, de parcourir Internet, les journaux ou des statistiques pour être submergé de données saisissantes sur la paupérisation. Si l'Union Européenne (E.U.) en 1992 menait encore une immense campagne sur "l'Europe sociale", dans laquelle chaque citoyen aurait une place digne, alors entre temps, la bourgeoisie a abandonné définitivement ces illusions. Eurostat, le service des statistiques de cette même Union européenne, a depuis lors publié à plusieurs reprises des chiffres sur la pauvreté et le chômage en Europe. Déjà en avril 2003, on pouvait y lire: "56 millions d'européens, soit quinze pour cent de la population, sont sous le seuil de pauvreté"; "chiffres-choquants", écrivait même la presse bourgeoise. "Dans notre pays, treize pour cent de la population vivent dans la pauvreté. Les pauvres belges arrivent tout juste à tenir la tête hors de l'eau. Ils vivent avec un régime de pain, de confiture, de choco et de pommes de terre, et de temps en temps, de bière ou d'alcool fort à bon marché pour oublier leur misère noire. Cela s'appelle «le droit à l'ivresse». Pourtant, ils sont 1,3 millions. En marge de l'Etat-providence, il se passe des choses qui craignent la lumière du jour" (De Standaard, 6.11.2003). Le même Eurostat constatait en 2005: "Le degré de pauvreté chez nous est le plus élevé parmi les chômeurs: 32%... C'est parce qu'en Belgique, tant de gens ne travaillent pas, dit l'U.E. Vingt et un pour cent des retraités vivraient dans la pauvreté en Belgique. La moyenne pour les quinze vieux pays de l'U.E. n'est «que» de 17%" (De Standaard, 21.5.2005). Et, pas plus que six mois plus tard, les chiffres doivent une fois de plus être réajustés: "15% de la population belge, soit plus 1,5 millions de personnes vit sous le seuil de pauvreté, défini à partir d'un revenu mensuel de 772€ pour une personne vivant seule. L'emploi ne semble plus être une garantie contre la pauvreté. Parmi les travailleurs, on trouve de 4 à 6% de pauvres" (De Standaard, 5.12.2005). Enfin, Ludo Horemans, vice-président du réseau européen des organisations de pauvres trouve quand même "positif que nous fassions encore mieux que la moyenne européenne. Mais il y a bien un problème. Les dernières dix années, on a beaucoup dit et annoncé, mais d'une façon ou d'une autre, nous n'avons pas réussi en Belgique à faire reculer la pauvreté. Nous faisons du surplace, et donc nous reculons par rapport aux autres pays européens" (De Standaard, 18.8.05).
La tendance est claire. En effet, les faits sont de plus en plus choquants: en 2001, 21% de la population mondiale vivait de moins d'un dollar par jour, et plus de la moitié devait se satisfaire de moins de trois dollars. Ce n'est quand même pas quelque chose dont la bourgeoisie peut être fière! Et bien que les circonstances ressemblent de plus en plus à celles des années 1950, c'est sans aucune illusion de "reconstruction". Les périodes de "relance" économique sont de plus en plus brèves et superficielles et les récessions de plus en plus profondes et prolongées. Ce sont des soubresauts vers le gouffre, et non les fluctuations d'une économie en expansion. Et la récession entamée début 2001 est loin d'être terminée.
Pan Marshall, Pacte des générations, Pacte de compétitivité: autant de mesures et de contraintes empoisonnées. La classe ouvrière s'est faite avoir: les pensions diminuent, les salaires sont bloqués, les carrières (pour les plus âgés) rallongées pour diminuer les dépenses de retraites, la sécurité de l'emploi (pour les jeunes) disparaît petit à petit... Quand les patrons crient haut et fort que les salaires sont 8% plus élevés que la moyenne européenne en oubliant de dire que la productivité du travail en Belgique est supérieure de 20% par rapport à la moyenne européenne, ils ne font que laisser entrevoir combien ils ont l'intention de diminuer nos revenus à court terme. Toute la campagne sur le "conservatisme" dans les systèmes de rémunération est entre autres destinée à faire table rase de ce qui reste des barèmes liés à l'âge ou à l'ancienneté. Dans le "passage oublié" du Pacte des générations, on le présentait ainsi: "On pourrait penser à un encouragement contrôlé en direction des secteurs et des entreprises à mettre en œuvre pour les nouveaux venus sur le marché du travail des barèmes où l'élément âge pèserait moins lourd, et où les jeunes gagneraient plus qu'aujourd'hui" (De Standaard, 16.3.06). Et c'est vanté comme une expression de la "prudence des entrepreneurs" dans une "économie redémarrant", simple preuve que les entrepreneurs eux-mêmes ne croient nullement en cette fable sur la miraculeuse relance de l'économie.
Sur le plan du réseau des soins de santé, des retraites et des allocations de chômage, nous voyons que la tendance à l'exclusion sociale se développe inexorablement. Regardons simplement le chômage. Les chiffres officiels nous apprennent que pour Bruxelles, le chômage en 2003 a pour la première fois dépassé les 20%, alors que plus d'un quart de la population vivait dans des ménages sans travail rémunéré. Concernant les jeunes, et c'est particulièrement sinistre, ce chiffre passe même à 40% (1). Avec un chômeur sur trois, ce sont surtout les jeunes qui sont les victimes de cette situation. Et si la situation à Gand ou à Anvers par exemple, sans être fondamentalement différente, est un peu meilleure qu'à Bruxelles, par contre, elle est encore pire dans les grandes villes de la région wallonne comme Liège ou Charleroi. Le rapport de la fédération belge des banques alimentaires nous apprend qu'en 2005, 106.550 personnes ont fait appel aux distributions de nourriture, contre 70.000 en 1995. En d'autres mots: une politique d'allocations vers une politique de soupes populaires!
A chaque intervention du gouvernement, les soins de santé deviennent de plus en plus inabordables, et on pourrait croire que ce n'est pas un hasard qu'une discussion sur l'élargissement de la loi sur l'euthanasie est à l'ordre du jour, pour économiser "des frais superflus" sur des parties non productives de la population. En d'autres mots: d'une politique des soins de santé à une politique d'accompagnement à la mort!
Pour les logements sociaux, le problème est de plus en plus de pouvoir payer les loyers et les charges. En d'autres mots: d'une politique de logement social vers une politique d'"accueil" des sans-logis!
En plus, le discours que mène la bourgeoisie sur l'exclusion sociale, qu'elle prétend combattre, n'est rien d'autre qu'un prétexte pour renforcer les contradictions apparentes entre travailleurs et chômeurs, donner à la différence un visage "ethnique" et faire porter la faute du chômage aux chômeurs ou aux réticences de certains groupes à "s'intégrer". Ainsi, différentes parties de la classe ouvrière et des couches non-exploiteuses de la population sont montées les unes contre les autres en jouant sur les sentiments de peur, de haine, de rancune et de jalousie à propos des "privilèges" des travailleurs âgés encore actifs ou des groupe ethniques "profiteurs".
L'acceptation de sacrifices ne sauvera pas les entreprises en faillite, pas plus que l'Etat en banqueroute. Si la bourgeoisie a structurellement besoin de tels moyens, c'est parce que son système est à l'agonie. Ainsi, chaque sacrifice mène à de nouvelles privations, et chaque fois qu'un groupe d'ouvriers accepte de tels sacrifices, cela se fait immédiatement aux dépens de tous les autres ouvriers parce que la bourgeoisie essaye de maintenir sa "compétitivité" en montant les ouvriers les uns contre les autres. Pour les ouvriers, se pose la question: devons-nous faire reposer nos espoirs sur le patron et sur l'Etat, ou plutôt sur les luttes de notre propre classe?
Les grèves et manifestations qui viennent de s'opposer au CPE en France appartiennent entièrement à la remontée mondiale de la lutte contre la paupérisation causée par le capitalisme moribond. Ce mouvement a montré la direction de la lutte et n'avait rien de commun avec le corporatisme ou la collaboration de classes des mouvements étudiants du passé. Confrontée à une attaque visant à institutionnaliser la précarité et l'insécurité, au nom de la lutte contre celles-ci, la jeunesse estudiantine a compris que sa résistance était celle de toute la classe ouvrière contre la précarité et la paupérisation. Une fois de plus, la solidarité a été un élément central du mouvement. C'était déjà le cas dans les mouvements de grève des derniers mois parmi les bagagistes de l'aéroport d'Heathrow en Grande-Bretagne en solidarité avec les travailleurs de la restauration, dans la grève dans le métro de New York, ainsi que dans la grève d'un million et demi de fonctionnaires municipaux en Angleterre contre l'attaque sur les pensions pour la génération actuelle et celles à venir; également dans la grève spontanée des postiers de Belfast, en Irlande, contre la division entre secteurs catholiques et protestants dans la grève des ouvriers allemands de l'industrie automobile, qui se sont dressés ensemble contre les licenciements et ont ainsi contrecarré les tentatives du gouvernement de les dresser les uns contre les autres. Chaque jour, on voit de nouvelles preuves que la solidarité est redevenue un élément central dans la remontée des luttes ouvrières contre les effets de la crise mondiale et la pauvreté choquante: la lutte de 40.000 ouvriers du textile au Vietnam, la vague de grèves qui a déferlé sur l'Argentine l'été dernier, la révolte combative des ouvriers du bâtiment à Dubaï. Là se trouvent les exemples de lutte contre le "conservatisme" d'un capitalisme sénile, les fondements d'une nouvelle société, d'une "communauté mondiale", d'un "changement" contre les diktats destructeurs de la crise.
Manus & Lac / 13.4.06
(1) Neuvième rapport sur la pauvreté de la Région de Bruxelles-Capitale, avril 2004, www.pauvrete.be [1].
La grève des ouvriers municipaux contre les attaques sur les pensions se déroule le même jour que la grève générale en France contre une attaque sur la sécurité d'emploi des jeunes travailleurs. Donc, deux des parties les plus anciennes et les plus expérimentées de la classe ouvrière internationale montrent clairement à la classe dominante qu'elles ne veulent pas accepter ses attaques. Elles rejettent la logique des capitalistes qui dit que les ouvriers doivent sacrifier leurs conditions de vie et de travail pour le bien du système capitaliste; que les retraités, les ouvriers au travail ou au chômage doivent travailler plus dur et plus longtemps pour maintenir ce système délabré.
La grève des ouvriers municipaux est probablement une des plus grandes luttes en Grande-Bretagne depuis de nombreuses années. La détermination des ouvriers, qu'ils soient jeunes, âgés ou retraités, employés à temps plein ou partiel est une expression de l'une des armes les plus puissantes de la classe ouvrière: sa solidarité.
Plutôt que de se laisser diviser et dresser les uns contre les autres, ils se sont rejoints dans une lutte commune.
Une telle solidarité est la seule réponse aux attaques de la classe dominante. On raconte aux ouvriers municipaux, comme à tous les ouvriers, qu'ils doivent accepter de perdre le bénéfice de la retraite, qu'ils ne peuvent prendre leur retraite qu'après 40 ans d'exploitation! Pourquoi? Soi-disant, parce que beaucoup trop d'ouvriers vivent trop longtemps, et sont devenus un poids pour les jeunes générations! Les ouvriers municipaux ont rejeté cette logique. Vieux et jeunes s'unissent dans la lutte, parce qu'ils comprennent que c'est la responsabilité de la génération actuelle de défendre les intérêts des générations à venir.
Ce faisant, ils s'inscrivent dans un mouvement international qui a vu des travailleurs en France, en Autriche et aux USA refuser les attaques sur leurs pensions et sur celles de leurs enfants. En 2003, les travailleurs des services publics en France ont massivement manifesté contre les attaques sur leurs pensions, comme l'ont fait les ouvriers en Autriche, où l'on a vu les manifestations les plus importantes depuis la seconde guerre mondiale. A Noël dernier à New York, les ouvriers des transports se sont mis en grève pour défendre les pensions et ils ont explicitement montré qu'ils le faisaient aussi pour les générations à venir.
Et ce n'est pas que pour les pensions que les ouvriers se sont battus. En 2005, les ouvriers du secteur automobile et d'autres travailleurs en Allemagne ont participé à des manifestations contre les licenciements à Daimler-Chrysler, alors qu'en Espagne, les ouvriers de Seat à Barcelone engageaient des grèves sauvages contre le licenciement de 600 de leurs camarades. Et depuis début mars, les étudiants en France se sont battus contre l'imposition du "CPE", une loi qui signifie que les moins de 26 ans peuvent être licenciés n'importe quand durant les deux premières années de leur emploi. Les étudiants sont allés vers des usines, demander aux ouvriers de les soutenir, tandis que des centaines de milliers de travailleurs ont participé aux manifestations.
Les médias n'ont parlé que "d'émeutes" concernant la France, et certains éléments (encouragés par l'Etat) se sont livrés à des actes de violence sans lendemain, mais la majorité a tenu des assemblées générales (AG), dans lesquelles ils ont discuté de ce qu'il fallait faire d'une manière consciente et unitaire. Les AG les plus avancées ont invité des ouvriers à se joindre à leurs discussions, et sont allées discuter avec des ouvriers au travail ou au chômage.
En Grande-Bretagne, les médias et les politiciens ont présenté les ouvriers municipaux comme des "privilégiés" et des "protégés", comparés aux travailleurs du secteur privé. C'est un mensonge répugnant destiné à diviser la classe ouvrière. La réalité, c'est que tous les ouvriers voient leurs pensions attaquées. Dans le secteur privé, des ouvriers comme ceux de Rentokil ont subi l'arrêt du paiement de leurs allocations de retraite, tandis que 80.000 d'entre eux ont totalement perdu leurs pensions suite à l'effondrement d'entreprises. La même chose se passe dans le secteur public. Si les patrons peuvent imposer les attaques actuelles, ils reviendront à la charge: suppression totale des pensions, réduction de pensions, report de l'âge de la retraite... Le rapport Turner recommande de nous faire travailler jusqu'à 68 ans, et ce n'est qu'un début!
Les travailleurs du secteur privé se sont aussi battus contre ces attaques. A l'automne dernier, les assembleurs de British Gas se sont mis en grève pour le maintien du niveau des pensions pour tous les nouveaux embauchés. Les tentatives de diviser la classe ouvrière doivent être rejetées.
La division n'est pas seulement entretenue par les médias et les politiciens, mais aussi par les syndicats. L'an dernier à la même époque, il a été question d'une grève du secteur public contre les attaques sur les pensions. Que s'est-il passé? Rien. En fait, les syndicats ont fait beaucoup. Le syndicat des fonctionnaires a marqué son accord pour aider à imposer une attaque sur les pensions déniant le droit de tous les nouveaux travailleurs à la pension. Dans les municipalités, les syndicats ont terni la perspective de luttes futures avec de sombres discours à propos d'autres travailleurs du secteur public bénéficiant de meilleures propositions. Par conséquent, à partir d'une situation où il existait un mécontentement important dans tout le secteur public, les syndicats ont maintenant divisé la force de travail en trois groupes: fonctionnaires, travailleurs de la santé et ouvriers municipaux, et tentent à présent d'opposer les ouvriers municipaux aux autres.
L'actuelle grève d'un jour fait partie de cette stratégie. Les syndicats savent que les travailleurs municipaux sont furieux à propos de l'attaque, et qu'il leur faut afficher une attitude de défense des intérêts de leurs "membres". Cependant, tandis que la grève montre certainement que les ouvriers municipaux veulent se battre, elle permet aussi aux syndicats de contrôler la colère des travailleurs. Ils l'utilisent également pour diviser les ouvriers municipaux eux-mêmes. Tous les syndicats ne sont pas impliqués dans la grève; ceux qui sont membres de syndicats n'appelant pas à la grève vont se retrouver face au choix de rejoindre illégalement le mouvement et donc d'encourir des actions disciplinaires, ou de franchir les piquets de grève. Par ailleurs, beaucoup d'ouvriers municipaux ne sont membres d'aucun syndicat, et sont donc confrontés au même dilemme.
Cette dispersion délibérée des travailleurs illustre le besoin de se retrouver dans des réunions massives, par-delà les divisions syndicales, pour aller directement vers d'autres lieux de travail, d'autres secteurs, pour discuter de la façon de combattre ensemble les attaques. Personne ne fera cela pour nous; le futur est entre nos mains!
Courant Communiste International, 25.3.06
Ce n'est pas parce que le prolétariat est historiquement la classe révolutionnaire appelée à renverser le capitalisme, qu'il a fait son apparition au sein de la société capitaliste déjà prêt pour la révolution. Les objectifs et la dynamique des organisations politiques du prolétariat sont à comprendre dans les conditions historiques de leur existence. Non seulement pour définir ce que sont et ce que peuvent être les objectifs immédiats et les formes de la lutte prolétarienne, mais aussi pour voir quel était le degré de conscience atteint historiquement par la classe prolétarienne. Dans la première partie de cette série d’articles, nous avons expliqué que, de sa formation jusqu'à la Commune de Paris en 1871, une des tâches essentielles de la classe ouvrière et de ses efforts d'organisation consistait encore en la nécessité de s'affirmer comme classe spécifique face aux autres classes de la société. Dans ce contexte historique marqué par l'immaturité d'un prolétariat en cours de formation et sans expérience propre, les premières organisations du prolétariat en Belgique, loin de toute lutte politique et économique de la classe, sont souvent caractérisées par une vision selon laquelle la révolution doit être l’œuvre d'une minorité de conspirateurs ou par celle des socialistes utopistes, élaborant leurs plans tout en construisant déjà des embryons pour une future société à l’intérieur de la société capitaliste. Dans un contexte de développement des conditions sociales et économiques capitalistes, la classe ouvrière fait l’expé-rience amère de l’impossibilité de tout combat de classe commun au prolétariat et à la bourgeoisie. Autant l’expérience des luttes économiques des ouvriers, surtout celles soutenues par l'Association Internationale des Travailleurs (A.I.T.), que l’exemple du premier pouvoir de la classe ouvrière de l'histoire qu'avait constitué la Commune de Paris de 1871, permettront justement au mouvement ouvrier de faire un important saut sur le plan du dévelop-pement de son organisation et de sa conscience. Mais le reflux de la lutte de classe suite à la défaite écrasante de la Commune et le travail de sape des Bakouninistes dans le dos de l’AIT ont fait que ces leçons n'ont pas pu être tirées dans l'immédiat. Ce sont finalement les leçons de la Commune et l’expérience en Allemagne qui ont démontré l'absurdité de l'idée que les ouvriers auraient pu tout simplement ignorer l'activité politique, c'est-à-dire l'action revendicative vis-à-vis de l'Etat dans l'immédiat, et la prise du pouvoir politique dans la perspective révolutionnaire. C’est sur base de ces leçons que s’inscrit le processus entre 1876 et 1885 de la formation du Parti Ouvrier Belge (P.O.B.) centralisé, "expression d’un formidable développement, en Belgique comme partout en Europe, des luttes et de l’organisation au sein de la classe ouvrière. Elle représentait en même temps un extraordinaire espoir de bouleversement révolutionnaire de la société capitaliste pour l’ensemble des exploités." (1).
Si la création du P.O.B. en 1885 est un jalon essentiel, la pensée socialiste, elle, se cherche encore, " le débat véritable est à peine esquissé ; l’analyse théorique reste totalement absente " (2). Que d’ambiguïté encore, que d’équivoques déjà. Mais quels qu’aient été la confusion politique et le poids de l'opportunisme et du réformisme, dès sa constitution, le P.O.B., comme tous les partis sociaux-démocrates, avait comme programme maximum la révolution; la lutte syndicale et électorale était essentiel-lement le moyen pratique, le programme minimum adapté aux possibilités et nécessités de l'époque, pour préparer la réalisation de ce but. " Notre mouvement doit être révo-lutionnaire, sinon quant aux moyens, du moins quant au but " (3). Au 19ème siècle, période ascendante de la société capitaliste, la lutte pour la conquête de réformes et la limitation de l’exploitation capitaliste d’une part, la compréhension de cette lutte non comme une fin en soi mais comme un moment de la lutte globale révolutionnaire d’autre part, étaient complémentaires et correspondaient aux objectifs et aux possibilités de cette période. " Cependant, cette situation singulière impose à la fraction social-démocrate la tâche difficile d’apparaître non seulement comme un parti oppositionnel, mais en même temps comme la représentante d’une classe révolutionnaire. En d’autres termes, sa tâche n’est pas de se contenter de critiquer la politique des classes dominantes du seul point de vue des intérêts immédiats du peuple, c’est-à-dire de la société existante, mais de lui opposer, pied à pied, le projet d’une société socialiste qui dépassera la politique bourgeoise la plus avancée." (4). Cette double tâche se reflète aussi, malgré leurs faiblesses incontestables, dans les programmes du P.O.B. de 1885 et surtout celui de 1894, inspiré de celui du SPD Allemand (le programme de Erfurt) de 1891, nettement de signature marxiste. Ainsi non seulement, cette Charte de Quaregnon de 1894 condamne le régime capitaliste " qui divise la société en deux classes nécessairement antagonistes ", mais elle se prononce aussi pour " la suppression des classes " et " une transformation radicale de la société " parce que " le maintien du régime capitaliste est incompatible avec cet idéal " (points 3 et 4). Ce programme et cette action du P.O.B. s’inscrivent également dans un effort international d’organisation du prolétariat de clarification et de décantation. La marque du marxisme est indéniable, surtout depuis la fondation de la IIème internationale en 1889, qui installa son siège à Bruxelles ainsi que son Bureau International, en signe de confiance. Mais le P.O.B. ne réussira jamais à atteindre la clarté des marxistes du SPD allemand qu’il admirait tant. Car si les deux dimensions sont bel et bien dans leur programme et dans leurs discours, la conception restera très abstraite, suspendue dans le vide. La lutte pour la réforme tout de suite, et la lutte pour la révolution remise aux calendes grecques. Réforme et révolution sont souvent vues comme deux moments séparés de la conquête socialiste, au lieu de les voir s’imbriquer, conditionnées par la période historique du développement du capitalisme.
La deuxième partie du 19ème siècle ouvre une période d’expansion du capitalisme en Belgique qui en fait une des premières puissances industrielles d’Europe et établit ainsi un cadre dans lequel l’amélioration durable des conditions d’existence du prolétariat constituait une réelle possibilité. Mais, contrairement à ce que pensent certains milieux libertaires aujourd’hui, les réformes du 19ème siècle n'étaient pas un cadeau, fruit de la politique d'une bourgeoisie libérale. Le caractère étriqué de l’Etat belge a maintenu en vie les contradictions internes de la bourgeoisie et fortement restreint sa volonté de réformes. Au contraire, c’est justement cette situation d’une bourgeoisie belge s’opposant si obstinément à toute réforme qui fait que c’est seulement au travers de mouvements massifs, largement étendus, combatifs et organisés que la classe ouvrière réussit à obtenir des réformes sociales et politiques (voir première partie de cette série). Dans ce cadre, les efforts d’organisation de la classe, la recherche d’un programme politique cohérent et d’une action efficace sont autant d’armes qui conditionnent leurs avancées. Ce sera donc à partir de 1885, après plus de dix ans d’échecs, que le P.O.B., concentration de sa force, permit à la classe ouvrière d'arracher à la bourgeoisie des améliorations de sa situation déplorable, de sa condition de travail et des droits politiques, et ceci à travers ses luttes économiques et politiques. Jusqu’à 1880 la Belgique était considérée comme le pays socialement le plus arriéré des pays industriels et connaissait encore un système de vote censitaire. Ce retard sera partiellement rattrapé, à la lueur des incendies sociaux de 1886 et des grèves massives de quelques dizaines à quelques centaines de milliers d’ouvriers, avec ou sans le soutien officiel de la direction du P.O.B. comme celles de 1887, 1888, 1891, 1893, 1902 et 1913, qui suivirent jusqu’à la veille de la première guerre mondiale en 1914.
En 1886, le P.O.B. à peine constitué sera plongé dans la première grande révolte ouvrière déclenchée dans tous les bassins industriels, et elle marquera son évolution politique. Le P.O.B. fut donc déchiré devant le choix : soutenir l’aventure et mettre en péril son organisation, ou se désolidariser et perdre tout son crédit dans la classe. Son choix sera pragmatique, mi-chèvre mi-choux, et marquera sa politique depuis. " L’organisation d’abord, la clarté après ; non à l’aventure anarchiste, oui à la discipline ". Mais si le P.O.B. était déchiré devant l’am-pleur et la fureur du mouvement, les dirigeants du pays ont compris l'avertissement. La bourgeoisie a vu pour la première fois le danger d’une classe ouvrière déchaînée, et en même temps une classe qui à travers la construction du P.O.B. prend confiance dans sa force, organise la solidarité et construit son organisation centralisée. La répression ne suffit plus, il faut céder. " La terreur d’abord, une ébauche de sagesse et de réforme par la suite " (5).
C'est ainsi que suite aux luttes s’ouvre une période de révision de la législation protectrice du travail et que les conditions d'existence de la classe ouvrière connaissent des améliorations réelles. A côté de l'élévation générale du niveau de vie, on assistait à une élévation du niveau culturel (souvenons-nous de l’immense analphabétisme qui régnait en Belgique, allant de 60 à 90% selon les régions; la bourgeoisie attendra jusqu’en 1913 pour instaurer l’instruction primaire obligatoire !). Déjà en 1886 et 1887, plusieurs révisions ont lieu dont la loi sur la fin du payement des salaires en marchandises, en 1888 sur l'inspection et la sécurité des lieux de travail, en 1889 une première révision de la loi pour imposer une limite légale au travail des enfants et des femmes (suivie par des compléments en 1892, 1911 et 1914) et sur l'hygiène (logement et lieu de travail), en 1890 l’instauration d’une caisse accidents de travail, entre 1897 et 1907 l’intervention de l’Etat dans le financement des caisses chômage et à partir de 1900 l’organisation d’une première caisse retraites. Quant au pouvoir d’achat, en 50 ans (1846 – 1899) il a plus que doublé, surtout de 1877 à 1899. Finalement à propos de la réduction de la durée de la journée de travail, l’AIT avait mené une série de combats importants pour la réduire de 14 à 12 ou parfois à 10 heures. Mais l’action de conscientisation amorcée par l’AIT fut continuée par l’agitation qui précéda la création du P.O.B. qui prit la relève, pour devenir très intense dans la dernière décennie du 19ème et la première du 20ème siècle. C’est le P.O.B. qui va lancer et populariser la revendication des " trois-huit " dès le 1er mai 1886, organisant une grève générale dans les bassins liégeois. Il inscrit la revendication dans sa charte de 1894, bien qu’en réalité c’est plutôt celle des 10h qui doit être généralisée. A travers toute une série de grèves, manifestations et meetings, souvent pris en charge par sa commission syndicale dès 1899, pour appuyer des projets de loi qu’il dépose en faveur de l’ensemble des travailleurs, le P.O.B. réussira surtout entre 1905-1914 à réaliser la journée de 9 à 10h. En 1905, le repos dominical devenait loi. Ajoutons néanmoins que la Belgique resta jusqu’à la veille de la première guerre mondiale le pays des bas salaires et des longues journées de travail, surtout en Flandre du fait de l’absence de grandes industries. C’est surtout par la solidarité de classe et l’exemple contagieux des luttes dans le sud du pays, que les ouvriers en Flandre profiteront, certes avec retard, des fruits du combat pour améliorer les conditions de vie de toute la classe ouvrière.
La révolte de 1886 eut pour autre résultat la révision de la Constitution et l'instauration du suffrage universel mitigé par le vote plural. Même si le combat pour le Suffrage Universel démarra, en Belgique, dès 1830, lui aussi ne connut son apogée qu'avec la création du P.O.B.. Depuis le combat victorieux des marxistes contre les visions d’absentéisme politique proudhoniennes, la lutte pour les réformes sociales et celle pour les droits politiques sont de plus en plus liées. Le Suffrage Universel " est la clé de toutes les autres réformes politiques et économiques que notre parti a pour objet de réaliser " proclamait L. Bertrand, au congrès du P.O.B. en 1891. Car dans cette période ascendante du capitalisme, dès les premières affirmations du prolétariat comme classe, la lutte pour les droits politiques démocratiques constituait, à côté de la lutte pour des réformes, l'axe des moyens de résistance véritablement efficaces. " La grande importance de la lutte syndicale et de la lutte politique réside en ce qu'elles socialisent la connaissance, la conscience du prolétariat, l'organisent en tant que classe ", écrit Rosa Luxembourg dans Réforme ou Révolution (I,5).
Le P.O.B. fera ainsi dans sa lutte pour le suffrage universel, même si on peut, si on doit, critiquer bon nombre d’aspects de sa démarche. Pour y arriver, il a eu recours à plusieurs reprises à la grève de masse générale, une arme impressionnante que bien peu de partis socialistes européens se sont résolus à placer dans leur arsenal. La grève de masse générale a longtemps été considérée parmi les marxistes comme une utopie d'autant plus dangereuse que, dans l'esprit de ses partisans, elle viserait à éloigner la classe ouvrière de l'action politique et à lui substituer les séductions jugées romantiques et anarchisantes de l'action directe. L'avoir fait a longtemps conféré au P.O.B. une réputation d'énergie quasi révolutionnaire. Il y a cependant l'apparence et la réalité consciente. Car les leaders du P.O.B., ont toujours considéré que la grève de masse ne pourrait éclater qu'en dernier recours, lorsque tous les autres moyens auraient épuisé leurs effets et se seraient avérés inefficaces. Mais cela n’empêche pas de constater avec R. Luxembourg que "Dans la lutte menée en 1886 à l’heure actuelle pour le suffrage universel, la classe ouvrière belge fit usage de la grève de masse comme moyen politique le plus efficace. C’est à la grève de masse qu’elle dut, en 1891, la première capitulation du gouvernement et du Parlement : les premiers débuts de révision de la Constitution ; c’est à elle qu’elle dut, en 1893, la seconde capitulation du parti dirigeant : le suffrage universel au vote plural" (6). Et qui dit grève de masse sait que " l’importance de chaque grève de masse réside, en grande partie, dans son déclenchement même, dans l’action politique qui s’y exprime, dans la mesure où il s’agit de manifestations spontanées ou qui éclatent sur l’ordre du Parti, qui durent peu de temps et manifestent un esprit combatif. " (7). En 1894 le P.O.B. récoltera les fruits de son action. Il sortira gagnant des élections et fera son entrée au parlement avec 28 élus, ce qui fera fureur en Europe. La déclaration du P.O.B. de 1895 après cette victoire électorale souligne encore à cette époque qu’il faut " voir surtout dans chaque campagne électorale une œuvre de propagande : l’expression de l’idée socialiste est seule poursuivie, et il se trouve que les mandats lui viennent par surcroît "(8). Le socialisme découvre le Parlement, dit le professeur M. Liebman dans son étude sur le P.O.B., mais pas encore le parlementarisme. En effet, nombreuses sont les interventions parlementaires, pleines de rage contre l’exploitation capitaliste, l’injustice et les cruautés de l’ordre établi. Elles deviennent les interprètes des revendications ouvrières, les défenseurs des combattants, les porteurs du programme socialiste, les professeurs en marxisme. Pour l’anecdote : Les comptes-rendus de la chambre sautent de 17.700 abonnements à 61.180 et l’éditeur en triple le prix afin de contrer son succès.
César de Paepe déclarait déjà en 1890 : " Si nous voulons le Suffrage Universel, c'est pour éviter une révolution car réforme ou révolution, Suffrage Universel ou bouleversement universel, tel est le dilemme qui se pose au peuple belge en ce moment " (9). Cette tendance au réformisme et à l'opportunisme ne fit que s'accentuer, surtout après l'entrée du P.O.B. au Parlement en octobre 1894, époque décidément cruciale pour tout le mouvement socialiste international. Cette tendance au réformisme et à l'opportunisme éclata avec force en 1902, lorsque la tactique pacifique et légaliste du P.O.B. entraîna la déconfiture du mouvement ouvrier. Et pourtant, tout cela n'avait pas empêché le P.O.B. de s'associer à l'Internationale pour désapprouver l'Allemand Bernstein, qui prônait depuis 1898 une adaptation franche de la social-démocratie au régime capitaliste, et le Français Millerand qui avait accepté un portefeuille dans le cabinet Waldeck-Rousseau. Mais lors des grèves générales de 1902 et 1913, le P.O.B. trahit en effet le mouvement ouvrier au profit de compromis parlementaires avec les libéraux, orientation qui caractérisait de plus en plus la IIème internationale dans son ensemble et qui se distinguait par le fait d’opposer la lutte légale et parlementaire à la révolution ; " Louis Bertrand, vétéran du mouvement socialiste, ne cacha pas qu'il serait prêt à faire fi des consignes de l'Internationale si les libéraux proposaient au P.O.B. d'entrer avec eux au gouvernement. Et Vandervelde lui-même envisagea alors la possibilité, pour son groupe parlementaire, de voter le budget de la guerre si les libéraux consentaient à améliorer le système électoral " (10). Rosa Luxembourg n'a pas manqué, d'ailleurs, dans sa brochure L'expérience belge de grève générale (1902) de critiquer fermement l'attitude des socialistes belges à cet égard, ainsi que dans d’autres critiques qui suivirent. Mais la logique réformiste en 1902 était devenue dominante et irréversible dans le P.O.B. "Ce qui importe le plus dans ce raisonnement du camarade Vandervelde, c'est la conclusion inéluctable que le triomphe de ce suffrage universel n'est plus à attendre que par la méthode parlementaire". La courbe réformiste était prise.
Dans la troisième partie à paraître, nous développerons d’avantage sur l’avancée de l’opportunisme et du réformisme dans le P.O.B. et sur le combat des différentes oppositions contre celui-ci n
Lac / 07.04.2006
1.Le lent et difficile combat pour la constitution des organisations ouvrières, Internationalisme nr.324
2.M. Liebman, Les socialistes belges 1885-1914, p52
3.E. Vandervelde dans Le Peuple, 13 février 1894
4.R. Luxembourg, Social-démocratie et parlementarisme, Sächsische Arbeiterzeitung, 5 et 6 décembre 1904
5.M. Liebman, Les socialistes belges 1885-1914, p.62
6.R. Luxembourg, l’expérience belge, Neue Zeit, 1902
7.R. Luxembourg, Nouvelle expérience belge, Leipziger Volkszeitung, 13 mai 1913
8.C. Renard, La conquête du suffrage universel en Belgique, 1966, p.145
9.G. Van Meir, De geschiedenis van de BSP, p. 18
10.C. Renard, Octobre 17 et le mouvement ouvrier belge, p.14
Nous publions ci-dessous la seconde partie de l’article sur les délocalisations paru dans Internationalisme n° 323. Dans la première partie, contre les mensonges gauchistes et altermondialistes, nous avons traité du fait que les délocalisations ne sont pas un phénomène récent ou nouveau, mais qu’elles sont nées avec le capitalisme comme produit de la concurrence effrénée entre capitalistes inhérente à ce système et comme un des moyens de rechercher une exploitation maximum de la classe ouvrière. Dans cette seconde partie, nous verrons que les délocalisations sont un moyen de mettre en concurrence les prolétaires du monde entier tout en faisant partie de l’ensemble des attaques capitalistes contre ceux-ci. Et le battage effectué par les secteurs de gauche contre ces délocalisations sert au fond à en faire une attaque particulière, qui serait "évitable" et donc moins "acceptable" que les autres, et à masquer la réalité de la crise mortelle du système capitaliste et de son effondrement.
Les délocalisations ont causé la destruction de milliers d’emplois dans les pays occidentaux. En quelques décennies des filières industrielles entières, comme le textile, ont été quasiment entièrement transférées vers des pays à plus faible coût de main d’œuvre. "La filière textile française n’emploie plus que 150 000 personnes, soit autant que la tunisienne, contre un million il y a trente ans."1 Dans d’autres secteurs, elles expliquent, pour une part, la baisse continue de l’emploi. Ainsi, "les effectifs salariés dans l’automobile en France, passés de 220 000 à 180 000 depuis 1990 malgré l’arrivée de constructeurs étrangers comme Toyota, devraient encore diminuer."2 Les délocalisations forment l’une des attaques, parmi les plus brutales, de la classe dominante contre le prolétariat. D’abord par la proportion que peut prendre, à certains moments, cette attaque parmi les autres. Ainsi, en Belgique entre 1990 et 1995, plus de 17 000 travailleurs ont été touchés par les délocalisations, ce qui représente 19% des licenciements collectifs. Ensuite du fait que les ouvriers concernés ont toutes les chances de ne pas retrouver d’emploi et de rejoindre les rangs des chômeurs de longue durée. Enfin, les délocalisations s’étendent à de nouvelles catégories d’ouvriers, celle des "cols blancs" et à la main-d’œuvre très qualifiée. En France "200 000 emplois dans les services [dont 90 000 relèvent du service aux entreprises, 20 000 de la recherche et développement] sont menacés d’être transférés en Europe de l’Est ou en Asie, d’ici 2010."3
Cependant, les effets des délocalisations ne frappent pas uniquement ceux qui perdent leur emploi dans les pays occidentaux. C’est l’ensemble du prolétariat mondial qui se trouve soumis à la pression de la folle course concurrentielle entre nations capitalistes et au chantage à la délocalisation, aussi bien dans les pays de départ que de destination des délocalisations. Il y a, en Inde, la crainte de la concurrence de la Russie, du Pakistan et de la Chine. La classe ouvrière de l’Est de l'Europe dans certains secteurs (alimentation, textile, pétrochimie et équipements de communication) est aussi confrontée aux délocalisations vers les pays d’Asie. La recherche de la production à moindre coût a fait de la délocalisation à l’intérieur de la Chine vers les régions du centre et de l’est, pauvres, une tendance dominante du secteur du textile. Le capital n’a pas attendu que la directive Bolkestein soit mise sur le tapis pour utiliser les délocalisations "inverses" en faisant venir des travailleurs d’un pays "à différentiel économique" pour remplacer une main-d’œuvre existante. Le recours à l'emploi illégal connaît une croissance considérable depuis les années 1990 ; il atteint 62% dans l’agriculture en Italie !
Ce qu’illustrent en réalité les délocalisations, c’est l’impitoyable mise en concurrence de différentes parties de la classe ouvrière au plan international.
Le renforcement de l’exploitation capitaliste pour toute la classe ouvrière
En délocalisant vers l’Est européen et la Chine, les grandes entreprises et les Etats occidentaux visent à profiter des terribles conditions d’exploitation qu’y impose le capital. Ainsi en Chine, où "des millions de personnes travaillent entre 60 et 70 heures par semaine et gagnent moins que le salaire minimum de leur pays. Elles vivent dans des dortoirs où s’entassent parfois jusqu’à vingt personnes. Les chômeurs qui ont récemment perdu leur emploi sont quasiment aussi nombreux que ceux du reste du monde réuni."4 "Les primes de licenciement et les allocations promises aux travailleurs ne leur sont jamais versées. (…) les travailleurs peuvent se voir refuser le droit de se marier, il leur est souvent interdit de se déplacer dans les usines (où ils sont logés) ou d’en sortir en dehors des heures de travail.(…) Dans les usines de la zone spéciale de Shenzhen, au sud de la Chine, il y a en moyenne 13 ouvriers qui perdent un doigt ou un bras chaque jour et un ouvrier qui meurt d’un accident de travail tous les 4,5 jours."5
Ce qui pousse le capital à délocaliser vers l’Est de l'Europe, c’est le même but d’y exploiter "une population bien formée et peu coûteuse. (…) Tous ces pays ont des durées de travail plus longues qu’à l’Ouest, respectivement, 43,8 et 43,4 heures en Lettonie et en Pologne. Surtout cette amplitude s’accompagne d’une moindre, voire d’une absence, de rétribution des heures supplémentaires. [On y] observe également une forte progression du travail à temps partiel. Celui-ci est souvent l’apanage des personnes âgées, des handicapés et des jeunes entrant sur le marché du travail. En Pologne, 40% des travailleurs à temps partiel sont soit des retraités, soit des personnes ayant une infirmité. (…) [Les nombreuses entreprises à capitaux étrangers] sont aussi celles qui pratiquent le plus souvent le travail "asocial" : il est courant de trouver des grandes surfaces ouvertes sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre."6
Dans les pays occidentaux, les délocalisations signifient la mise au rancart de travailleurs, dont l’exploitation est insuffisamment profitable pour le capital. Cependant, la part prise par les délocalisations parmi les autres attaques montre que les délocalisations sont loin de représenter l’unique source du chômage et de la remise en cause des conditions de vie du prolétariat et que le but recherché par la bourgeoisie n’est certainement pas d’imposer massivement le transfert de l’ensemble de la production vers des pays à bas salaires. Ainsi, "leur impact sur l’emploi n’est pas nul, mais reste limité. (…) les délocalisations n’expliquent que 7% des restructurations et 5% des emplois supprimés en Europe. (…) Entre 1990 et 2001, les délocalisations d’entreprises allemandes vers les pays d’Europe centrale et orientale ont conduit à la destruction de 90 000 emplois en Allemagne soit 0,7% des effectifs des sociétés concernées et 0,3% de l’emploi allemand total"7
En France, "95 000 emplois industriels auraient été supprimés et délocalisés à l’étranger entre 1995 et 2001, soit en moyenne 13 500 par an. A titre de comparaison, les suppressions d’emplois annuelles dans l’industrie sont de l’ordre de 500 000. (…) Les présomptions de délocalisations s’élèvent au total à 2,4 % des effectifs de l’industrie hors énergie (…) Un peu moins de la moitié seulement des délocalisations sont à destination des pays dits "à bas salaires". Ces derniers accueillent environ 6400 emplois délocalisés par an, soit 0,17% de l’emploi industriel hors énergie. Autrement dit, les délocalisations vers les nations émergentes expliqueraient seulement moins de 2% des suppressions d’emplois industriels. Environ une fermeture d’établissement industriel sur 280 correspondrait à une délocalisation vers un pays à bas salaire." 8 Les dires mêmes de la bourgeoisie mettent en pièces le mensonge qui fait des délocalisations l’explication principale à la désindustrialisation et au chômage de masse.
Par contre, le recours systématique au chantage aux délocalisations par la bourgeoisie comme moyen de faire accepter au prolétariat des sacrifices toujours plus grands, indique où se situe l’enjeu réel pour la bourgeoisie : imposer des conditions d’exploitation plus dures et la réduction du coût de la force de travail (la baisse des salaires) là où la production n’est pas délocalisable et ne doit pas l’être, là où les enjeux de puissance économique sont les plus importants pour le capital et la concurrence entre requins capitalistes la plus rude.
L’exemple de l’Allemagne est particulièrement illustratif. C’est au nom de la compétitivité de "l’entreprise Allemagne" et grâce au chantage aux délocalisations et aux suppressions d’emplois que la flexibilisation du temps de travail a été imposée, soit réduction avec perte de salaire, soit élévation sans compensation de salaires. Ainsi Siemens : après avoir transféré ses activités de services et de développement en République tchèque, en Inde, en Russie et en Chine, il impose en 2004 la semaine de 40 heures sans compensation salariale à une grande partie de ses 167 000 salariés allemands sous la menace de la délocalisation d’au moins 5000 emplois. En 2005, après avoir annoncé 2400 suppressions de postes dans sa filiale de service informatique SBS, la direction impose aux 4600 salariés de la filière communication Com une réduction du temps de travail à 30 heures hebdomadaires (au lieu de 35,8) avec réduction de salaires ! Parallèlement, c’est le secteur public qui se fait le champion du "travailler plus". La compagnie ferroviaire DB est passée aux 40 heures et de nombreux Etats régionaux ont fait passer le temps de travail des fonctionnaires régionaux de 40 à 42 heures. Au total, c’est ainsi qu’en Allemagne où la bourgeoisie a en ligne de mire les coûts de main-d’œuvre les plus élevés parmi les grands pays de l’OCDE, "les rémunérations ont, en valeur réelle, reculé de 0,9% entre 1995 et 2004"9 Là comme ailleurs, le chantage aux délocalisations n’est pas dissociable des autres attaques et va de pair avec la réforme du fonctionnement du marché du travail ainsi que la remise en cause des systèmes de retraites et d’assurance maladie.
Une gigantesque campagne idéologique contre la conscience de la classe ouvrière
Si les campagnes bourgeoises mettent pleins feux sur les seules délocalisations, c’est aussi parce la classe dominante en tire avantage contre le prolétariat afin de désarmer sa lutte. Lorsque syndicats, partis de gauche, gauchistes et altermondialistes vitupèrent les délocalisations pour stigmatiser le retour à des conditions dignes du 19e siècle, c’est pour mieux masquer au prolétariat la signification réelle de la situation qui lui est faite dans la société.
Le marxisme n’a jamais dénoncé les tendances à l’allongement de la journée de travail et à l’abaissement des salaires vers le minimum de la subsistance vitale comme imputables au caractère carnassier de tel ou tel capitaliste en particulier, mais comme le produit des contradictions inscrites dans la nature même du système capitaliste. C’est en véritable vampire invétéré de la force de travail dont il tire le profit et se nourrit, que le capitalisme saigne littéralement à blanc ceux qui en sont les porteurs, les prolétaires. "Dans sa passion aveugle et demeurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. (…) Le capital ne s’inquiète donc point de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur.(…) La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la journée de travail qu’elle impose la détérioration de la force de travail, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral - elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force."10
L’énorme différence avec aujourd’hui, c’est qu’au 19e siècle, le prolétariat pouvait espérer une atténuation de sa situation au sein du système capitaliste. "Les premières décennies de la grande industrie ont eu des effets si dévastateurs sur la santé et les conditions de vie des travailleurs, ont provoqué une morbidité si effrayantes, de telles déformations physiques, un tel abandon moral, des épidémies, l’inaptitude au service militaire, que l’existence même de la société en paraissait profondément menacée. (…) Il fallait donc dans son propre intérêt, pour permettre l’exploitation future, que le capital impose quelques limites à l’exploitation présente. Il fallait un peu épargner la force du peuple pour garantir la poursuite de son exploitation. Il fallait passer d’une économie de pillage non rentable à une exploitation rationnelle. De là sont nées les premières lois sur la journée de travail maximale." 11 Encore ce résultat ne fut-il imposé que contre la résistance farouche des capitalistes et après des décennies d’une implacable lutte de classes. Il ne pouvait être obtenu que parce que le système capitaliste se trouvait alors dans sa phase d’ascendance, en pleine expansion.
Aujourd’hui l’implacable concurrence entre nations capitalistes en lutte pour des marchés toujours plus étroits, sursaturés de marchandises, ne peut que provoquer l’inexorable remise en cause générale du "standard de vie" établi dans les pays occidentaux, sans espoir de retour en arrière. Tous ces faits confirment les prévisions du marxisme, l’effondrement du capitalisme dans la catastrophe sociale.
Il reste aux ouvriers du monde entier à apprendre à se considérer comme des camarades de lutte et à se tendre la main par dessus les limites des secteurs et les frontières, pour faire de leurs mouvements une seule lutte contre le capitalisme et développer leur conscience que cette lutte ne peut trouver sa finalité que dans la destruction du système capitaliste, c’est-à-dire l’abolition du salariat et du caractère marchand de la force de travail, racine de l’esclavage du prolétariat.
Scott
1 L’Expansion, 27 octobre 2004
2 L’Expansion, 27 octobre 2004
3 L’Expansion.com, 19 avril 2005
4 CISL en ligne, 9 décembre 2005
5 Chine Amnesty International, 30 avril 2002
6 Le Monde, 18 octobre 2005
7 Le Monde, 26 mai 2005
8 Dossiers et documents du Monde, novembre 2005
9 L’Humanité, 14 février 2006
10 Marx, Le Capital, Livre 1, chapitre X. Pour les notions de force de travail, plus value, travail extra (surtravail) se reporter à la première partie de cet article dans RI n° 362
11 Rosa Luxembourg, Introduction à l’économie politique, chapitre "le travail salarié".
Le mouvement des étudiants en France contre le CPE n'a rien à voir avec la plupart des mouvements précédents, interclassistes, de la jeunesse estudiantine. Il s'inscrit pleinement dans le combat de toute la classe ouvrière mondiale. Face à une attaque particulièrement ignoble contre les jeunes générations de travailleurs, une attaque qui institutionnalise la précarité au nom de la "lutte contre la précarité", les étudiants ont d'emblée compris et assumé le caractère de classe de leur combat.
Ainsi, alors que certains voulaient mêler des revendications spécifiquement étudiantes (comme le retrait du LMD – la norme européenne des cursus universitaires) à la revendication centrale de retrait du CPE, les assemblées étudiantes ont décidé de ne garder que les revendications qui concernent l'ensemble de la classe ouvrière.
Ce qui a fait la force de ce mouvement, c'est justement qu'il s'est placé résolument sur le terrain de la lutte de classe des exploités contre les exploiteurs. Et cela en adoptant des méthodes et des principes de lutte qui sont justement ceux de la classe ouvrière. Le premier de ces principes est celui de la solidarité. Rompant avec le "chacun pour soi", l'idée que "si je fais de bonnes études, si je me tiens à carreau pendant deux ans, alors je pourrai passer entre les gouttes", les étudiants ont adopté la seule attitude possible pour la classe ouvrière contre les attaques du capitalisme : la lutte unie. Et cette solidarité ne s'est pas manifestée seulement "entre étudiants". D'emblée, ils se sont adressés aux salariés, non seulement pour gagner leur solidarité, mais aussi parce qu'ils ont bien compris que c'est toute la classe ouvrière qui est attaquée. Par leur dynamisme, leur combativité et leurs appels, ils ont réussi dans beaucoup de facultés à entraîner le personnel de celles-ci - enseignants et agents administratifs - dans la lutte en leur proposant notamment de tenir des assemblées générales communes.
Un autre trait clairement prolétarien du mouvement, c'est sa volonté de développer la conscience de ses participants. La grève des universités a commencé par des blocages. Mais ces derniers n'étaient pas conçus comme des "coups de force" par lesquels une "minorité d'énergumènes impose sa loi à la majorité", comme le rabâchent tous les dimanches après la messe les petits groupes d'"anti-bloqueurs" en tenue blanche de premiers communiants. Les blocages étaient un moyen que se sont donné les étudiants les plus conscients et combatifs pour manifester leur détermination et surtout pour entraîner un maximum de leurs camarades vers les assemblées générales où une proportion considérable de ceux qui n'avaient pas compris la signification des attaques du gouvernement ou la nécessité de les combattre ont été convaincus par le débat et les arguments.
Et justement, ces assemblées générales qui ont réussi à s'organiser de façon croissante, qui se sont donné des comités de grève et des commissions responsables devant elles, qui ont constitué le poumon du mouvement, ce sont des moyens propres à la lutte de la classe ouvrière. En particulier, ces assemblées étaient ouvertes vers l'extérieur, et non pas repliées sur elles-mêmes comme le sont en général les assemblées syndicales où ne sont autorisées que "les personnes de la boîte", ou à la limite des syndicalistes patentés d'autres "boîtes" ou des "instances syndicales supérieures". Très vite on a vu la participation de délégations d'étudiants d'une université aux AG d'autres universités, ce qui outre le renforcement du sentiment de force et de solidarité entre les différentes AG a permis à celles qui étaient en retrait de s'inspirer des avancées de celles qui étaient plus en pointe. C'est là aussi une des caractéristiques importantes de la dynamique des assemblées ouvrières dans les mouvements de classe ayant atteint un niveau important de conscience et d'organisation. Et cette ouverture des AG vers l'extérieur ne s'est pas limitée aux seuls étudiants d'autres universités mais elle s'est étendue également à la participation de personnes qui n'étaient pas des étudiants. En particulier, des travailleurs ou des retraités, parents ou grands parents d'étudiants et lycéens en lutte, ont reçu en général un accueil très chaleureux et attentif de la part des assemblées dès lors qu'ils inscrivent leurs interventions dans le sens du renforcement et de l'extension du mouvement, notamment en direction des salariés.
Face à cette mobilisation exemplaire des étudiants sur le terrain et avec les méthodes de la classe ouvrière, on a assisté à la constitution d'une sainte alliance entre les divers piliers de l'ordre capitaliste : le gouvernement, les forces de répression, les médias et les organisations syndicales.
Le gouvernement a d'abord essayé plusieurs ficelles pour faire "passer en force" sa loi scélérate. En particulier, il a usé d'une "kolossale finesse" en essayant de la faire adopter par le Parlement pendant les vacances scolaires. Le coup a manqué : au lieu de démoraliser et de démobiliser la jeunesse étudiante, il a réussi à provoquer sa colère et une extension de sa mobilisation. Ensuite, il s'est appuyé sur les forces de répression pour empêcher que la Sorbonne ne puisse, à l'image des autres universités, servir de lieu de regroupement et de réunion pour les étudiants en lutte. Ce faisant, il comptait polariser la combativité des étudiants de la région parisienne autour de ce symbole. Dans un premier temps, certains étudiants sont tombés dans ce piège. Mais, rapidement, la majorité des étudiants a fait preuve de sa maturité et le mouvement a refusé de tomber dans la provocation quotidienne que constituent ces troupes de CRS armés jusqu'aux dents en plein Quartier latin. Ensuite, le gouvernement, avec la complicité des organisations syndicales avec qui sont négociés les trajets des manifestations, a tendu une véritable souricière aux manifestants parisiens du 16 mars qui se sont retrouvés coincés en fin de parcours par les forces de police. C'était une nouvelle provocation dans laquelle ne sont pas tombés les étudiants mais qui a permis que des jeunes des banlieues se livrent à des violences abondamment filmées par les chaînes de télévision, des violences qui se sont poursuivies autour de la Sorbonne toute proche (le choix du lieu de dispersion n'était évidemment pas le fait du hasard). Il s'agissait de faire peur à ceux qui avaient décidé d'aller à la grande manifestation qui devait se tenir deux jours plus tard. Nouvel échec de la manœuvre : la participation à celle-ci a été exceptionnelle. Enfin, le 23, c'est avec la bénédiction des forces de police que des "casseurs" s'en sont pris aux manifestants eux-mêmes pour les dépouiller, ou tout simplement pour les tabasser sans raison. Beaucoup d'étudiants étaient démoralisés par ces violences : "Quand ce sont les CRS qui nous matraquent, ça nous donne la pêche, mais quand ce sont les gamins des banlieues, pour qui on se bat aussi, ça fout un coup au moral". Cependant, la colère s'est surtout tournée contre les autorités tant il était évident que la police avait été complice de ces violences. C'est pour cela que Sarkozy a promis que désormais la police n'allait plus permettre que se reproduisent de telles agressions contre les manifestants. En fait, il est clair que le gouvernement essaie de jouer la carte du "pourrissement", en s'appuyant notamment sur le désespoir et la violence aveugle de certains jeunes des banlieues qui sont fondamentalement des victimes d'un système qui les broie avec une violence extrême. Là aussi la réponse de beaucoup d'étudiants a été très digne et responsable : plutôt que d'essayer d'organiser des actions violentes contre les jeunes "casseurs", ils ont décidé, comme à la fac de Censier, de constituer une "commission banlieues" chargée d'aller discuter avec les jeunes des quartiers défavorisés, notamment pour leur expliquer que la lutte des étudiants et des lycéens est aussi en faveur de ces jeunes plongés dans le désespoir du chômage massif et de l'exclusion.
Les médias au service de Sarkozy
Les différentes tentatives du gouvernement de démoraliser les étudiants en lutte ou de les entraîner sur le terrain des affrontements à répétition avec les forces de police on reçu de leur part une réponse pleine de sagesse et surtout de dignité. Ce n'est pas la même dignité qu'on a vu de la part des médias. Ceux-ci se sont même surpassés dans leur rôle de prostituées de la propagande capitaliste. A la télévision, les scènes de violence qui se sont produites à la fin de certaines manifestations sont passées en boucle dans les "news" alors qu'il n'y a rien sur les assemblées générales, sur l'organisation et la maturité remarquables du mouvement. Mais comme l'amalgame étudiants en lutte=casseurs ne passe décidément pas, même Sarkozy déclare et répète qu'il fait une différence très nette entre les gentils étudiants et les "voyous". Cela n'empêche pas les médias de continuer avec l'étalage obscène des images de violence qu'on passe juste avant d'autres scènes de violence (telle l'attaque par l'armée israélienne de la prison de Jéricho ou bien un attentat terroriste bien saignant en Irak). Après l'échec des grosses ficelles, c'est l'heure des spécialistes les plus pointus de la manipulation psychologique. Ce qu'on veut provoquer c'est la peur, l'écoeurement, l'assimilation inconsciente du message manifestation=violence même si le message officiel prétend le contraire.
Tous ces pièges, ces manipulations, la grande majorité des étudiant et des travailleurs les ont déjoués. C'est pour cela que la 5e colonne de l'État bourgeois, les syndicats, a repris les choses en main et en y mettant les grands moyens. En sous-estimant les ressources de combativité et de conscience que portent en eux les jeunes bataillons de la classe ouvrière, le gouvernement s'est mis dans une impasse. Il est clair qu'il ne peut pas reculer. Raffarin l'avait déjà dit en 2003 : "Ce n'est pas la rue qui gouverne". Un gouvernement qui bat en retraite devant la rue perd son autorité et ouvre la porte à des mouvements bien plus dangereux encore, surtout dans la situation actuelle où s'est accumulé un énorme mécontentement dans les rangs de la classe ouvrière suite à la montée du chômage, de la précarité et de toutes les attaques qui pleuvent quotidiennement sur ses conditions de vie. Depuis la fin janvier, les syndicats ont organisé des "journées d'action" contre le CPE. Et depuis que les étudiants sont entrés dans la lutte appelant les salariés à engager le combat à leur tour, ils se présentent, avec une belle unanimité, qu'on n'avait pas vue depuis longtemps, comme les meilleurs alliés de leur mouvement. Mais il ne faut pas se laisser berner : derrière leur intransigeance affichée, menton en avant, face au gouvernement, ils ne font rien pour mobiliser réellement l'ensemble de la classe ouvrière.
Si on entend souvent à la télé les déclarations martiales de Thibault, Mailly et consort, au niveau des entreprises, c'est le silence radio. Très souvent, les tracts syndicaux (quand il y en a) appelant à la grève ou à la manifestation arrivent dans les services le jour même, voire le lendemain. Les rares assemblées générales organisées par les syndicats ont eu lieu dans les entreprises (telles EDF et GDF) ou ils sont particulièrement puissants et où ils ne craignent pas d'être débordés. De plus, ces assemblées n'ont rien à voir avec ce que nous avons connu dans les facultés depuis un mois : les travailleurs y sont invités à écouter sagement les discours soporifiques des permanents syndicats qui viennent à tour de rôle prêcher pour leur chapelle en vue des prochaines élections au Comité d'entreprise ou des "délégués du personnel". Lorsque Bernard Thibault, invité du "Grand Jury RTL" du 26 mars, insistait lourdement sur le fait que les salariés avaient leurs propres méthodes de lutte différentes de celles des étudiants et qu'il ne voulait pas que les uns veuillent faire la leçon aux autres et réciproquement, il ne parlait pas en l'air : hors de question que les méthodes des étudiants soient reprises par les salariés car cela voudrait dire que les syndicats ne contrôleraient plus la situation et qu'ils ne pourraient plus jouer leur rôle de pompiers de l'ordre social ! Car c'est là leur fonction principale dans la société capitaliste. Leurs discours, même les plus radicaux comme ceux d'aujourd'hui, ne sont là que pour garder la confiance des travailleurs et pouvoir ainsi saboter leurs luttes quand le gouvernement et les patrons risquent d'être mis en difficulté.
C'est là une leçon que non seulement les étudiants, mais aussi l'ensemble des travailleurs devront retenir en vue de leurs combats futurs.
A l'heure où nous écrivons, nous ne pouvons encore prévoir comment va évoluer la situation. Cependant, même si la sainte alliance entre tous les défenseurs de l'ordre capitaliste vient à bout de la lutte exemplaire des étudiants, ces derniers, comme les autres secteurs de la classe ouvrière, ne devront pas sombrer dans la démoralisation. Ils ont déjà remporté deux victoires très importantes. D'une part, la bourgeoisie va devoir pour un temps limiter ses attaques sous peine d'être à nouveau mise en difficulté comme elle l'est aujourd'hui. D'autre part, et surtout, cette lutte constitue une expérience inestimable pour toute une nouvelle génération de combattants de la classe ouvrière.
Comme le disait il y a plus d'un siècle et demi le "Manifeste communiste" : "Parfois, les ouvriers triomphent; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs." La solidarité et le dynamisme de la lutte, sa prise en main collective par les assemblées générales, voila des acquis de la lutte actuelle des étudiants qui montrent le chemin aux futurs combats de l'ensemble de la classe ouvrière
Courant Communiste International / 28 mars 2006
Il y a maintenant trois ans que la guerre en Irak a commencé. L’offensive militaire gigantesque dirigée par les Etats-Unis devait participer activement à apporter la sécurité au monde. La croisade américaine contre le terrorisme international, dont l’Irak de Saddam Hussein se devait d’être un bastion, avait été lancée au nom de la paix, du progrès de la civilisation et de la lutte contre la tyrannie et l’obscurantisme. Après trois années de carnages et de tueries, qu’en est-il effectivement aujourd’hui ? Dans quelle situation se trouvent l’Irak et l’ensemble de la région du Moyen-Orient ? Quel avenir nous réserve ce monde en pleine décomposition ?
Il n’y a qu’à regarder la situation tragique que connaît actuellement la population en Irak pour avoir un début de réponse à ces questions. Le mois de février a connu une accélération des attentats suicides. Plus de 75 personnes ont été tuées au cours d’une nouvelle flambée de violence, le mardi 28 février, dans cinq explosions à Bagdad. En une semaine seulement, du 22 au 28 février, le pseudo-gouvernement irakien annonce tout simplement que 458 personnes auraient été blessées et 379 auraient été tuées et ceci sans compter les victimes dues à l’attentat qui a frappé le sanctuaire chiite de Samarra. La violence et la barbarie qui se développent actuellement dans ce pays sont de plus en plus sanglantes et inhumaines. Le mardi 28 février, plus de trente deux personnes ont été tuées et plus de cent autres blessées dans l’explosion quasi simultanée de deux bombes par des kamikazes fanatisés. L’enfoncement au quotidien dans l’horreur est malheureusement de plus en plus visible et certain. Ces deux attentats ont été perpétrés dans une file d’attente de personnes qui achetaient du fuel domestique dans le quartier Al Amine au sud-est de Bagdad, ainsi qu’à proximité d’un bureau de poste de cette agglomération. En Irak, les attentats sont devenus quotidiens, plongeant la population dans une peur permanente.
Le développement du chaos en Irak s’est particulièrement concrétisé à partir du 22 février dernier. L’Irak déjà soumis sans cesse à des attentats anti-américains mais également sur des bases d’affrontements communautaires, se voit alors ce jour confronté à un évènement lourd de conséquences : l’attentat qui a endommagé la mosquée sacrée chiite de l’Imam Ali de Bassorah, dans le sud de l’Irak. Cette explosion a causé un mouvement de panique dans la ville, au sein d’une région à majorité chiite. Cet attentat a provoqué une violente accélération des affrontements armés entre Chiites et Sunnites. Depuis ce moment, l’affrontement à caractère confessionnel a sans aucun doute fait plus de 300 morts. Les affrontements les armes à la main se sont multipliés. La torture et les assassinats sommaires tendent à se généraliser : "Les corps de 15 jeunes irakiens, les mains ligotées et portant des traces de pendaison, ont été découverts dans une fourgonnette dans l’ouest de Bagdad. Par ailleurs, 29 autres corps criblés de balles, les mains ligotées ont été retrouvés dans une fosse commune dans l’est de Bagdad. Ces corps ont été enterrés récemment et il pourrait y en avoir d’autres, a ajouté la source du ministère." (cité par Courrier International le 14 mars 2006). La classe ouvrière en Irak n’est pas épargné : en effet, aux alentours du 25 février, 45 ouvriers d’une briqueterie, de confession chiite ou sunnite, ont été retrouvés, criblés de balles, sans que personne ne sache qui étaient les assassins. L’horreur capitaliste est vécue au quotidien par la population irakienne. La flambée de violence, la montée irréversible et en puissance de la guerre entre communautés a poussé le "gouvernement" dans ce pays à imposer à partir du 22 février un couvre-feu entre 20 heures et 6 heures dans les régions situées au nord de la capitale où se trouve notamment Samarra. Cette mesure visait à ramener un peu de calme dans ce pays. La poursuite et l’accélération des massacres et des attentats, malgré les directives du pouvoir irakien, démontrent sa totale impuissance à contrôler la situation. La présence massive de l’armée américaine, son potentiel en armement terrestre et aérien, loin d’être, comme le souhaite la bourgeoisie des Etats-Unis, un facteur de stabilisation afin de mieux contrôler le pays, est un élément déterminant et croissant du développement de l’instabilité et du chaos. L’Irak est définitivement ingouvernable. Même si au même moment, les chefs des groupes parlementaires ont commencé, sous la houlette de l’ambassadeur des Etats-Unis Zalmay Khalizad, à "négocier" la formation d’un nouveau gouvernement. Le président Jalal Talabami a annoncé à cet effet la création d’une commission parlementaire. Dans ce panier de crabes où chaque clique bourgeoise vient aux négociations les armes à la main, la question de la nomination du premier ministre et de ses prérogatives fait voler en éclats le vernis démocratique : "Les Kurdes et les Sunnites refusent la reconduction à son poste du premier ministre sortant Ibrahim Jaa Fari, souhaitée par les Chiites conservateurs, majoritaires." (Courrier International, 13 mars 2006). Dans une situation d’enfoncement dans la guerre et le chaos, chaque chef des différentes bourgeoisies communautaires se battra toujours plus férocement pour obtenir pouvoir, bénéfices militaires et pécuniaires.
Trois ans après son offensive et face à la visibilité patente de l’échec total de leur politique militariste en Irak, les Etats-Unis se devaient de tenter de frapper un grand coup. Leur affaiblissement en tant que première puissance mondiale, leur enlisement toujours grandissant dans le bourbier irakien ne pouvaient pas laisser la bourgeoisie américaine sans réaction. Et ceci, d’autant plus que la politique guerrière de l’administration Bush est de plus en plus contestée par la population américaine, donnant naissance à des manifestations appelant au retrait pur et simple de l’armée américaine d’Irak. Les 2291 morts de soldats américains officiellement recensées depuis mars 2003, pèsent très lourdement dans un tel contexte d’échec de la politique impérialiste américaine. Alors que les Etats-Unis intervenaient à l’ONU pour appeler au calme, de peur que le pays qui a basculé dans une guerre ouverte entre la minorité sunnite hier encore au pouvoir, et la majorité chiite pleine d’appétit, ne devienne totalement incontrôlable, ils n’en préparaient pas moins une nouvelle offensive militaire sur les zones sensibles en Irak. Celle-ci se voulait la plus massive depuis le déclenchement de la guerre, il y a trois ans. A grand renfort de publicité, des nuées de bombardiers, d’hélicoptères s’envolaient des bases américaines au Moyen-Orient afin de porter un rude coup "aux terroristes et autres activistes nostalgiques du pouvoir de Saddam Hussein". De fait cette formidable offensive a fait long feu, démontrant une fois encore la fragilisation et l’affaiblissement croissant des Etats-Unis en Irak et dans le monde.
Tout récemment, lors de sa visite en France, le roi de Jordanie Abdallah II a manifesté publiquement ses inquiétudes sur le danger bien réel d’une extension de la guerre ouverte entre Chiites et Sunnites à tout le Proche et le Moyen-Orient : "En parlant de croissant chiite, j’exprimais des craintes de voir le jeu politique, sous couvert de religion, déboucher sur un conflit entre Sunnites et Chiites, dont nous assistons aux prémices en Irak. Le risque potentiel d’un conflit inter-religieux existe. Cela serait désastreux pour nous tous." ( Le Monde Diplomatique, mars 2006). La présence massive des Chiites au Kurdistan, en Arabie Saoudite et surtout en Iran, rend ce danger plus que probable. La politique iranienne de défense de ses intérêts impérialistes en Irak à travers la majorité chiite est un facteur important participant du développement de la guerre dans toute la région. Le conflit israélo-palestinien s’inscrit totalement dans cette extension du chaos. La présence du Hamas au pouvoir en Palestine, hier encore fraction bourgeoise (archaïque et irrationnelle) adepte du terrorisme ne peut que conduire à terme à accélérer la fuite en avant guerrière de l’impérialisme israélien. La déstabilisation croissante de cette région mais également de la Jordanie risque ainsi de rejoindre la poudrière irakienne.
La poursuite du conflit en Irak affaiblit durablement l’armée américaine. Le représentant démocrate John Murtha qui avait provoqué une vive polémique en novembre 2005 en demandant le retrait immédiat d'Irak des troupes américaines justifiait sa position en invoquant le fait que "des officiers lui avaient expliqué que l’armée était au bord de la rupture." (d'après Le Monde.fr du 20 mars 2006). Les Etats-Unis sont de plus en plus dans l’incapacité matérielle et politique de maintenir les 138 000 soldats présents en Irak. C’est pour cela que malgré la perte de contrôle de la situation en Irak, l’Etat américain se voit obligé d’envisager le retrait de 38 000 soldats avant la fin 2006. Cette incapacité croissante de soutenir la guerre en Irak se manifeste également dans l’échec de la campagne de recrutement de l’armée américaine en 2005 : "Le résultat en a été le plus mauvais depuis un quart de siècle." (Le Monde.fr, 20 mars 2006). Aujourd’hui la bourgeoisie américaine est contrainte de recruter essentiellement dans des classes d’âge de plus en plus jeunes de 17 à 24 ans, tout en étant moins exigeante au niveau de la sélection physique. Le développement de la misère aux Etats-Unis ne pousse plus les jeunes générations à s’enrôler dans l’armée. Le mécontentement de la population face à la guerre en Irak s’exprime ainsi ouvertement. Le Pentagone offre aujourd’hui 20 000 dollars de prime aux recrues. De plus, l’âge pour s’engager devrait passer après accord du Congrès de 35 à 42 ans. Tout ceci traduit ouvertement et crûment l’affaiblissement accéléré de la première puissance militaire mondiale.
Cet affaiblissement de l’impérialisme américain ne peut que le pousser toujours plus en avant dans sa politique guerrière. Celle-ci s’exprime clairement dans la déclaration du président américain G.Bush cité dans Courrier International du 17 mars dernier : "L’Iran est peut-être le plus grand défi que nous pose un pays." Certes, la perte de contrôle des Etats-Unis en Irak et l’influence grandissante de l’Iran dans ce pays à travers la communauté chiite, se concrétise par des tractations diplomatiques entre les deux pays. Mais la montée irrésistible des antagonismes impérialistes, conjuguée à l’affaiblissement accéléré américain ne permettra de fait aucun répit. Cette confrontation américano-iranienne à venir pourrait bien commencer à se concrétiser au Proche-Orient en terre libanaise. Alors que la bourgeoisie libanaise s’entredéchire, après le retrait de l’armée syrienne, l’importance du Hezbollah, mouvement chiite qui défend ouvertement la guerre contre Israël est une arme importante de l’Iran face aux Etats-Unis. A l’intransigeance de Téhéran en matière de politique nucléaire correspondent les déclarations belliqueuses des Etats-Unis à son encontre. Le soutien de plus en plus manifeste de la Russie à l’Iran, conjugué à la montée irrationnelle de la politique guerrière des Etats-Unis, ne présage ainsi rien de bon.
L’affaiblissement des capacités d’occupation militaire des Etats-Unis, leur incapacité à développer leurs troupes au sol, laissent entrevoir la possibilité de poursuite de la barbarie capitaliste sous la forme de bombardements massifs, ne laissant derrière eux que ruines et désolation. La bourgeoisie des principaux pays impérialistes concurrents acharnés des Etats-Unis tels la France, l’Allemagne, la Russie et même la Chine ne peuvent que se réjouir cyniquement de cet affaiblissement américain. Ils n’auront aucun scrupule à participer activement autant que possible à l’enlisement militaire des Etats-Unis, tel que cela se passe déjà en Afghanistan et en Irak.
Au moment où la barbarie capitaliste connaît une nouvelle phase d’accélération, l’espoir de toute l’humanité se manifeste concrètement dans le développement de la lutte de classe : aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et surtout maintenant en France. Seule cette lutte de la classe ouvrière, en se développant de manière toujours plus unie et solidaire, pourra par la révolution communiste stopper le bras armé du capitalisme pourrissant. Les jeunes générations ouvrières, aujourd’hui en plein combat contre le capitalisme, doivent savoir que c’est leurs frères de classe qui ont, en 1917, par la révolution prolétarienne victorieuse en Russie, obligé la bourgeoisie mondiale à mettre fin à la première boucherie impérialiste. Cette révolution et la vague révolutionnaire de l’époque qui s‘est tout particulièrement développée en Europe centrale et en Allemagne n’était pas une exception, un accident passé de l’histoire. Elle est dans notre époque historique, possible et nécessaire.
Tino /24 mars 2006
Liens
[1] http://www.pauvrete.be
[2] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-belgique
[3] https://fr.internationalism.org/tag/5/37/grande-bretagne
[4] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/seconde-internationale
[5] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/leconomie
[6] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france