La dégénérescence de la révolution russe (Réponses au "Revolutionary Workers’ Group")

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Le second numéro de Forward, la revue du "Revolutionary Workers' Group" (RWG) ([1]), contient une discussion internationale entre notre courant (Internacionalismo): "Défense du caractère prolétarien d'Octobre")  et le RWG ("Les erreurs d'Internacionalismo au sujet de la Révolution russe"). Dans la critique de notre article, le RWG soulève d'importantes questions, mais sans dégager un cadre général permettant la compréhension globale de l'expérience russe.

Les révolutionnaires n'analysent pas l'histoire pour elle-même, ni pour trouver  ce qu'ils auraient fait s'ils avaient étés là mais pour tirer,  avec l'ensemble de la classe, les leçons de l'expérience du mouvement ouvrier afin de mieux comprendre le chemin à suivre dans les luttes de demain.

L'article de notre courant, "Défense du caractère prolétarien d'Octobre", sans avoir la prétention de faire une analyse exhaustive de la question complexe de la révolution russe cherche à clarifier un point essentiel : la révolution russe fut une expérience du prolétariat et non une révolution bourgeoise ; elle était partie intégrante de la vague révolutionnaire qui a secoué le capitalisme mondial de 17 aux années 20. La révolution russe ne fut pas une "action bourgeoise'' que nous pouvons donc tranquillement enterrer et ignorer dans nos analyses actuelles. Bien au contraire, il semble inconcevable que les révolutionnaires d'aujourd'hui, rejetant le stalinisme, rejettent du même coup l'histoire tragique de leur propre classe. Le rejet de tout caractère prolétarien de la révolution d'Octobre, qui souvent trouve ses adeptes chez ceux qui suivent la tradition conseilliste, est autant une mystification cachant là réalité des efforts révolutionnaires de la classe que celle des staliniens et trotskistes s'accrochant au soi-disant "acquis matériels" ou à l'"Etat Ouvrier" pour justifier la défense du capitalisme d'Etat russe.

Avec la reconnaissance du caractère prolétarien d'Octobre, on doit reconnaître que le parti Bolchevik,  aux premiers rangs de la gauche marxiste internationale qui défendait des positions de classe révolutionnaire pendant la première guerre mondiale et en particulier en 17, était un parti prolétarien. Mais lors de la défaite des soulèvements ouvriers internationaux, le bastion russe, isolé, a subi une contre-révolution "de l’intérieur"  ou le parti Bolchevik, de pilier de la gauche communiste internationale en 1919,  a dégénéré en parti du camp bourgeois.

Voilà quelles sont les idées centrales qui ressortent de l’article d'Inter­nacionalismo, malgré la traduction souvent pénible qu'en a fait Forward. Forward ne  veut pas,  en fait,  discuter le problème de la nature prolétarienne d'Octobre, il est d'accord sur ce point, ce qui le préoccupe,  c'est la nature contre-révolutionnaire des événements ultérieurs, bien que Internacionalismo ne traite le sujet que de façon secondaire. Il n'y a d'ailleurs pas d'article dans notre presse qui suffise, à lui seul à traiter tous les, problèmes de l'histoire. Malgré ce malentendu de départ c'est quand même avec étonnement que nous lisons :

 

  • "Pour l.es camarades d'Internacionalismo comme pour les trotkystes et les bordiguistes, il y à une frontière insurmontable entre l'"époque de Lénine" et l'"époque de Staline". Pour eux, le prolétariat ne pouvait pas tomber avant que Lénine ne soit en sécurité dans sa tombe et Staline " clairement installé à la tête du PCR" (Forward, n°2,  p. 42). Nous reconnaissons que cette touchante profession de foi se retrouve chez les différents groupes trotskistes dont viennent les camarades de Forward, mais en aucun cas elle ne fait partie de notre courant ; " Le manque de compréhension qu'avaient les leaders du parti bolchevik du rôle des soviets  (conseils ouvriers)  et leur conception erronée sur le processus de développement de la conscience de classe ont contribué au processus de dégénérescence de la révolution russe. Ce processus a finalement transformé le parti Bolchevik, qui a constitué l'avant-garde authentique du prolétariat russe en 17,  en instrument actif de la contre révolution. Depuis le début de la révolution, la tendance du parti Bolchevik était de transformer les soviets en organe du Parti-Etat". (Déclaration de principe, Internacionalismo). Et ailleurs : " La révolution d'Octobre a rempli la première tâche de la révolution prolétarienne : l'objectif politique. La défaite de la révolution à l'échelle internationale et l'impossibilité de maintenir le socialisme en un seul pays, ont rendu impossible le passage à un niveau supérieur, c’est à dire l'engagement d'un processus de transformation économique. Le parti Bolchevik a joué un rôle actif dans le processus révolutionnaire qui a mené  à Octobre mais il a aussi joué un rôle actif dons la dégénérescence de la révolution et la déroute internationale… En s’identifiant organisâtionnellement et idéologiquement à l'Etat  et en considérant que sa première tâche était la défense de cet Etat,  le parti Bolchevik était voué à devenir - surtout après la " fin de la guerre civile - l'agent de la contre-révolution et du capitalisme d’Etat." (Plateforme,  RI)

 

Ces lignes semblent clairement indiquer que le chemin de la contre-révolution fut un processus dont les bases apparaissent avec l'étouffement du pouvoir des soviets et la suppression de l'activité autonome du prolétariat,  un processus qui amena au massacre par l'Etat d'une partie de la classe ouvrière à Kronstadt. Le tout du vivant de Lénine.

Pourquoi la dégénérescence de la révolution russe a-t-elle eu lieu ? La réponse ne peut pas se trouver dans le cadre d'une nation, dans la seule Russie. De même que la révolution russe fut le premier bastion de la révolution internationale en 17,  le premier d'une série de soulèvements prolétariens internationaux,  de même sa dégénérescence en contre-révolution fut l'expression d'un phénomène international, le résultat de l' échec de l'action d'une classe internationale,  le prolétariat. Dans le passé,  las révolutions bourgeoises ont construit un Etat national,  cadre logique pour le développement du capital, et ces révolutions bourgeoises pouvaient avoir lieu avec un siècle d'écart ou plus entre les différents pays. La révolution prolétarienne, au contraire, est par essence une révolution internationale,  qui doit s'étendre jusqu'à intégrer le monde entier,  ou être condamnée à une mort rapide.

La première guerre mondiale, terme de la période ascendante du capitalisme,  a marqué le point de non-retour absolu pour le mouvement ouvrier du XIX° siècle et ses objectifs immédiats. Le mécontentement populaire contre la guerre a pris rapidement un caractère politique contre l'Etat dans les principaux pays d'Europe. Mais la majorité du prolétariat n'a pas été capable de rompre avec les vestiges du passé  (adhésion à la politique de la II° Internationale qui était alors passée dans le camp de l'ennemi de classe)  et de comprendre complètement toutes les implications de la nouvelle période. Ni le prolétariat dans son ensemble, ni ses organisations politiques, ne comprirent pleinement les impératifs de la lutte de classe dans cette nouvelle période de "guerre ou révolution", de "socialisme ou barbarie". Malgré les luttes héroïques du prolétariat à cette époque,  la vague révolutionnaire fut écrasée par le massacre de la classe ouvrière européenne. La révolution russe était le phare qui guidait toute la classe ouvrière à l'époque,  mais cela n'enlève rien au fait que son isolement constituait un grave danger, même une brèche temporaire entre deux soulèvements révolutionnaires est pleine de dangers. Celle qui s'ouvrait en 1920 devenait un précipice.

Le contexte du reflux international et de l'isolement de la révolution russe garde la plus grande importance. Mais à l'intérieur de ce contexte,  les plus graves erreurs des Bolcheviks ont joué leur rôle. Ces erreurs doivent être mises en relation avec l'expérience et les luttes de la classe ouvrière elle-même. Les erreurs ou les apports positifs d'une organisation de la classe ne tombent pas du ciel ni ne se développent arbitrairement  et par hasard. Ils sont, au sens large du terme,  le reflet de la conscience de classe du prolétariat dans son ensemble.

Le parti Bolchevik fut contraint d’évoluer à la fois théoriquement et politiquement, en relation avec le surgissement du prolétariat russe en 17 et la perspective de mouvements internationaux, en Allemagne et ailleurs. Il a été aussi le reflet de l'isolement et de l’écrasement du prolétariat dans la période où grandissait la victoire de la contre-révolution. Que ce soient les bolcheviks, les spartakistes ou toute autre organisation politique de l'époque;  confrontées aux tâches nouvelles de la période de  décadence qui s’est ouverte avec la première guerre mondiale,  leur compréhension incomplète a servi de base à des erreurs politiques très graves.

Mais le parti du prolétariat n’est pas un simple reflet passif de la conscience : il en est un facteur actif de développement et d’extension. Les bolcheviks, en exprimant clairement les buts de classe dans la période de la première guerre mondiale ("transformer la guerre impérialiste en guerre civile"), et pendant la période révolutionnaire (opposition au gouvernement démocratique bourgeois) "tout le pouvoir aux soviets", formation de l’IC, sur la base d’un programme révolutionnaire) ont contribué à tracer le chemin de la victoire. Malgré cela, les positions prises.par les bolcheviks dans le contacte du déclin de la vague révolutionnaire (alliance avec les fractions centristes à l’échelle internationale, syndicalisme, parlementarisme, tactique de front unique? Kronstadt) ont contribué à accélérer le processus .contre révolutionnaire à. l'échelle internationale autant qu’en Russie. Une fois disparu le creuset de praxis révolutionnaire sous, la contre révolution triomphante en Europe, les erreurs de la révolution russe furent privées do toute possibilité, d’évolution. Le parti Bolchevik était devenu l'instrument de la contre révolution.

Du fait de l'impossibilité de socialisme en un seul pays, la question de la dégénérescence de la révolution russe est avant tout une question de défaite internationale du prolétariat. La contre révolution a triomphé en Europe avant de pénétrer totalement le contexte russe "de l'intérieur". Ceci ne doit pas, répétons le, "excuser" les erreurs de la révolution russe ou du parti bolchevik. Pas ; plus que ces erreurs "n'excusent" le prolétariat de n’avoir pas su faire la révolution en Allemagne ou en Italie par exemple. Les marxistes n 'ont rien à faire d’" excuser" ou de ne pas "excuser" l’histoire Leur tâche est d’expliquer pourquoi ces événements ont eu lieu et d'en tirer les leçons pour la lutte prolétarienne à venir

Ce cadre générai international manque dans l’analyse du RWG qui débat de la "révolution et contre-révolution en Russie" (brochure du RWG)  en termes presque exclusivement russes. Cette démarche peut sembler être une façon utile d’isoler théoriquement un problème particulier. Mais elle n'offre aucun cadre qui permette de comprendre pourquoi ces événements sont arrivés en Russie et elle mène à tourner en rond dans le vide sur le phénomène purement russe qui en ressort. Comme Rosa Luxemburg l’écrivait : "Le problème ne pouvait être que posé en Russie. Il ne pouvait être résolu en Russie".

LES ASPECTS SPECIFIQUES DE LA DEGENERESCENCE DE LA REVOLUTION

Dans les limites de cet article, nous devins nécessairement nous borner à un aperçu d’ensemble du processus de dégénérescence, laissant de côté les détails des divers épisodes.

La révolution russe, fut d’abord et avant tout considérée comme la première victoire de la lutte internationale de la classe ouvrière. En mars 1919 les bolcheviks appelèrent au premier congrès d'une nouvelle Internationale pour marquer la rupture avec la social-démocratie traitre et pour réunir les forces de la révolution pour la lutte à venir. Malheureusement la révolution allemande avait déjà été écrasée en janvier 19,   et la vague révolutionnaire refluait. Pourtant, malgré le blocus presque total de la Russie et les nouvelles déformées qui y parvenait du prolétariat de l'Ouest,  la révolution mit toute son espérance dans la seule sortie possible, l’union internationale des forces révolutionnaire sous un programme qui fixait clairement les buts de classe :

  • "Le système soviétique assure la possibilité d'une démocratie prolétarienne réelle, d'une démocratie pour le prolétariat et à l'intérieur du prolétariat, dirigée contre la bourgeoisie. Dans ce système, la place principale est donnée  prolétariat industriel et c’est à cette classe qu’échoit le rôle de classe dominante, à cause de son organisation et de sa conscience politique, et parce que son hégémonie politique permettra au semi prolétariat et aux paysans pauvres d'accéder graduellement à cette conscience". (Plate-forme de l’IC 1919)
  • "Les conditions indispensables à la victoire de la lutte sont la rupture non seulement avec les valets du capital et les bourreaux de la révolution communiste — l’aile droite des sociaux-démocrates — mais aussi avec le "centre" (le groupe de Kautsky) qui a abandonné le prolétariat au moment critique pour rejoindre l'ennemi de classe. " (Plate-forme)

Toile était la position en 1919 et * non les alliances ultérieures avec les centristes, ouvrant le parti et l’Internationale et finissant "front unique".

"Esclaves des colonies d'Afrique et d'Asie : le jour de la dictature prolétarienne en Europe sonnera pour vous comme le jour de votre délivrance. " (Manifeste de l'Internationale Communiste, 1919)

Et non l'inverse, comme le prônent les gauchistes aujourd'hui suivant, les formules contre-révolutionnaires sur la "libération nationale" issues de la dégénérescence de l'Internationale.

"Nous demandons à tous les ouvriers du monde de s'unir sous la bannière du communisme qui est déjà la bannière des premières victoires pour tous les pays! " (Manifeste)

Et non le socialisme en un seul pays :

  • "Sous la bannière des Conseils Ouvriers, de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir et la dictature du prolétariat, sous la manière de la III° Internationale, ouvriers du monde entier, unissez-vous. " (Manifeste)

Ces positions sont le reflet de l'énorme pas qu’avait franchit le prolétariat dans les années précédentes. Les positions que les bolcheviks mettaient alors en avant et défendaient étaient souvent en rupture nette avec leurs programmes antérieurs et constituaient un appel à la classe ouvrière toute entière, de reconnaître les nouvelles nécessités politiques de la situation révolutionnaire.

Mais en  1920, lors du second congrès de la même Internationale, la direction du parti bolchevik avait fait une volte face, retournant aux "tactiques" du passé. L’espoir de la révolution s’affaiblissait rapidement, et le parti Bolchevik défendait alors les 21 conditions d'admission à l'Internationale, incluant : la reconnaissance  des luttes de libération nationale, de la participation électorale, de l'infiltration dans les syndicats, bref un retour au programme social-démocrate qui était complètement inadapté à la nouvelle situation. Le parti russe devint en effet la direction prépondérante de l’IC, et le bureau d'Amsterdam fut fermé. Et surtout, là direction bolchevik réussit à isoler les communistes de gauche : la gauche italienne avec Bordiga, les camarades anglais autour de Pankurst, et Pannekoek, Gorter et le KAPD (qui f ut exclu on troisième congres). Les bolcheviks et les forces dominantes de l’Internationale œuvraient en faveur d'un rapprochement avec les centristes,   ambigus et traitres qu'ils dénonçaient seulement deux ans auparavant, et ils réussirent effectivement à saborder toute tentative de créer une basé de principes pour la création de partis communistes en Angleterre, en France  ou ailleurs, grâce à leurs manœuvres et à leurs calomnies sur la gauche. Le chemin du "Front Unique" de 1922 au 4° Congrès et enfin de la défense de la patrie russe et du "socialisme en un seul pays" était déjà ouvert par ces actions.

L'affaiblissement de la vague révolutionnaire et le chemin vers la contre révolution est aussi claire vont marquer par la signature du traité secret de Rapallo avec le militarisme allemand. Quelle que soit l'analyse des points positifs et négatifs du traité de Brest-Litovsk par exemple, il fut fait en plein jour, après, un long débat au sein du parti bolchevik et fût présenté eu prolétariat mondial comme une chose imposée par une situation critique. Mais le traité de Rapallo, seulement deux ans après, était une trahison de tout ce qu'avaient défendu les bolcheviks, un traité militaire secret conclu avec l'Etat allemand.

Les germes de la contre-révolution se développaient, avec la rapidité, d'une période de bouleversaient historique, lorsque de très grands changements viennent en quelques années ou même en quelques mois. Et finalement toute vie a quitté le corps de l'Internationale quand La doctrine du "socialisme en un seul pays" fut proclamée.

L'histoire tourmentée de l'IC ne peut être réduite à un plan machiavélique des bolcheviks, qui auraient projeté de trahir la classe ouvrière aussi bien en Russie qu’internationalement. Cette notion infantile ne peut rien expliquer dans l'histoire. Mais la classe ouvrière n’a pas pu réagir pour redresser ses propres organisations à cause de la défaite et du reflux de la vague révolutionnaire; c’est cette même défaite qui a provoqué la dégénérescence définitive de des organisations et de leurs principes révolutionnaires.

Marx et Engels avaient constate qu'un parti ou une internationale ne pouvaient demeurer un instrument de la classe lors­qu'il y avait un cours général de réaction. Cet instrument de la classe ne peut demeurer une unité organisationnelle lors­qu'il n'y a plus de praxis de la classe, il  est pénétré lui-même du reflux ou de la défaite,  et éventuellement sert alors la confusion ou la contre-révolution. C’est pourquoi Marx a dissous la Ligue des Communistes après le reflux de la vague révolutionnaire de 1848 et a sabordé la Première Internationale (en l'envoyant à New-York) après que la défaite de la Commune de Paris ait marqué la fin d’une période. La III° Internationale, malgré son authentique contribution au mouvement ouvrier a souffert d'un long processus de corruption durant la période ascendante du capitalisme, où elle était de plus en plus liée au réformisme et donnait une vision nationale à chaque Parti. Son passage définitif dans le camp bourgeois survint avec la guerre de 1914, lorsqu'elle collabora à l'effort de la guerre impérialiste. Tout au long de cette période de crise pour la clause ouvrière, la tache continuelle d'élaboration théorique- et de développement de la conscience de classe incomba aux "fractions" révolutionnaires de la classe issues des anciennes organisations, qui préparaient le terrain pour la construction d'une nouvelle organisation.

La IIIe Internationale fut construite comme expression de la vague révolutionnaire des années qui suivirent la guerre mondiale, mais la défaite des tentatives révolutionnaires et la victoire de la contre révolution sonna son glas en tant qu'instrument de la classe. Le processus  de contre révolution fut achevé (bien qu'il ait commencé avant) lors de la déclaration du "socialisme en un seul pays" ; la fin définitive de toute possibilité objective pour la subsistance des fractions révolutionnaires dans l'Internationale et la fin de toute une période.

L’idéologie bourgeoise peut pénétrer, dans une période de reflux, la lutte prolétarienne, à cause de la force des idées de la classe dominante dans la-société. Mais lorsqu’une organisation est définitivement passée dans le camp bourgeois, le chemin est fermé à toute possibilité de "régénérescence". De même qu'aucune    fraction vivante exprimant la conscience de classe prolétarienne ne peut surgir d’une organisation bourgeoise, et ceci inclut aujourd'hui les staliniens, les trotskystes et les maoïstes  (même si des individus peuvent être capables de faire la rupture) ; de même l'IC et tous les partis qui sont restés en son sein, furent
irrémédiablement perdus pour le prolétariat.

Ce processus est plus facile à voir avec le recul que nous avons aujourd'hui qu'il ne l'était malheureusement pour l'ensemble de la classe à l'époque,  ou pour beaucoup de ses éléments les plus politises. Le processus de contre-révolution qui a condamné l'IC, a semé une terrible confusion dans le mouvement ouvrier pendant ces cinquante dernières années. Même ceux qui ont poursuivi la tache, d'élaboration théorique dans les sombres années 30 et 40, ceux qui restaient du mouvement de la gauche communiste, mirent longtemps à  voir toutes les implications de la période de défaite. Laissons les modernistes arrogants ([2]) qui ont "tout découvert" dans les années 74-75,  apprendre aux ombres ce que l'histoire aurait du être.

LE CONTEXTE  RUSSE

La politique internationale des bolcheviks, leur rôle dans le processus de contre révolution internationale n'est pratiquement pas discuté dans la brochure de RWG "Révolution et contre révolution en Russie" et n'est que mentionné en passant dans le texte de Forward. Pour ces camarades,  la contre révolution commence essentiellement avec la NEP (Nouvelle Politique Economique). La NSP fut, pour eux, "le tournant de l'histoire de l'Union Soviétique". La même année, le capitalisme fut restauré, la dictature politique vaincue et l'Union Soviétique devint un Etat ouvrier". (Révolution et contre révolution en Russie,  p.7)

D'abord, il faut dire que quels que soient les événements dans le contexte russe, une révolution internationale ou un internationale ne meurent pas à cause d'une mauvaise politique économique dans un pays. Le lecteur cherchera en vain un cadre cohérent qui permette d'analyser la NEP ou les événements ultérieurs en Russie en général.

La dégénérescence de la Révolution sur le sol russe s'exprimait essentiellement par le déclin graduel mais mortel des Soviets et par leur réduction en un simple appendice du Parti-Etat bolchevik. L'activité autonome du prolétariat, la démocratie ouvrière à l'intérieur du système des soviets étaient la base principale de la victoire d'Octobre. Mais dès 1918, il apparaît clairement que le pouvoir politique des Conseils Ouvriers était en train d'être entamé et étouffé par l’appareil d'Etat. Le point culminant de la période de déclin des soviets en Russie fut le massacre d'une partie de la classe ouvrière à Kronstadt. Le RWG fixé sur la NEP, n'a même pas mentionné le massacre de Kronstadt par rapport à l’analyse de l'Etat russe. Ce fait n'est pas si étonnant. Kronstadt n'est mentionné dans aucun des deux textes principaux sur la Russie, pas plus que Rapallo. Il est peut être compréhensible que les camarades du RWG, récemment issus du dogme trotskiste, n’avaient pas encore compris, lorsqu'ils ont écrit ces articles, que Kronstadt n'était pas la "mutinerie contre-révolutionnaire" dont parlaient Lénine et Trotski. Ce qui est moins compréhensible, c'est qu'ils accusent nos camarades d'Internacionalismo de ne pas être capables de voir "la dégénérescence de la révolution du vivant de Lénine".

L’erreur fondement aie du parti Bolchevik en Russie était la conception selon laquelle le pouvoir devait être exercé par une minorité de la classe, le Parti. Ils croyaient que le parti pouvait apporter le socialisme à la classe et ils n'ont pas vu que c'était la classe dans son ensemble organisée en Soviets, qui était le sujet de la transformation socialiste. Cette conception du Parti prenant le pouvoir étatique existait dans toute la gauche,  à un degré ou à un autre,  même chez Rosa Luxemburg,  jusqu'aux écrits du KAPD en 1921. L'expérience russe du parti au pouvoir, que le prolétariat payait de non sang, marque une frontière de classe définitive sur la question de la prise de pouvoir par un parti ou une minorité de la classe, "au nom de la classe ouvrière". A partir de cette expérience, la leçon de la non identification de l'Etat et du parti devint un signe distinctif des fractions révolutionnaires de la classe et encore plus loin que le rôle des organisations politiques de la classe est de contribuer à la conscience de la classe et non de se substituer à l'ensemble de la classe.

Les intérêts historiques de la classe ouvrière en tant que destructeur du capitalisme n'était pas toujours compris dès le départ, et ne pouvait pas l'être, le développement de la conscience politique de la classe étant constamment entravé par l'idéologie bourgeoise dominante. Marx écrivit, le manifeste communiste sans voir que le prolétariat ne pouvait pas s’emparer de l’appareil de l'Etat bourgeois pour s'en servir. L'expérience vivante de la Commune de Paris était nécessaire pour prouver de façon irréfutable que le prolétariat devait détruire l'Etat bourgeois pour pouvoir exercer sa dictature sur la société. De même,  la question du rôle du Parti était en débat dans le mouvement ouvrier jusqu'en 17, mais l'expérience russe marque une frontière de classe sur ce point. Tous ceux qui-répètent ou théorisent la répétition des erreurs des bolcheviks sont de l'autre côté delà frontière de classe.

Ce que l'Etat Busse a détruit en affaiblissant les soviets, c'était la force mène du socialisme. En l'absence de l'activité autonome, organisée, de l'ensemble de la classe, tout espoir de régénération fut progressivement éliminé, la politique économique des bolcheviks était débattue, changée, modifiée, mais leur action politique en Russie fut fondamentalement un processus continu qui a creusé la tombe de .la révolution. Tout ce processus devient encore plus clair quand on lé voit dans le contexte de la défaite internationale du mouvement dont il faisait partie.

LÀ DICTATURE DU PROLETARIAT

Une des premières, des plus importantes leçons qui doivent être tirées de l'expérience révolutionnaire de la période d'après la première guerre est que la lutte prolétarienne est avant tout une lutte internationale et que la dictature du prolétariat (que ce soit dans un secteur ou à l'échelle mondiale) est d'abord et avant tout une question politique.

Le prolétariat, à l'inverse de la bourgeoisie,  est une classe exploitée et non exploiteuse. Elle n'a donc pas de privilège économique sur lequel appuyer son avenir de classe. Les révolutions bourgeoises étaient essentiellement une reconnaissance politique d'un fait économique accompli. La classe capitaliste était devenue la classe économique dominante de la société,  bien avant le moment de sa révolution. La révolution prolétarienne, par contre, entreprend une transformation économique à partir d'un point de départ politique : la dictature du prolétariat. La clause ouvrière n’a aucun privilège économique à défendre dans l'ancienne société comme dans la nouvelle,  et n’a que la capacité de s'organiser et sa conscience de classe,  son pouvoir politique organisé en Conseils Ouvriers pour le guider dans la transformation de la société. La destruction du pouvoir bourgeois et l'expropriation de la bourgeoisie doit être victorieuse à l'échelle mondiale avant que toute transformation sociale réelle puisse être entreprise sous la direction de la dictature du prolétariat.

La loi économique fondamentale de la société capitaliste, la loi de la valeur est la produit de l'ensemble du marché capitaliste mondial et ne peut en aucune façon et par aucun moyen être éliminée dans un seul pays (même dans un des pays, les plus développés) ou dans un ensemble de plusieurs pays, mais seulement à l'échelle mondiale. Il n'existe aucun échappatoire à ce fait même en le reconnaissant pieusement pour ensuite l'ignorer en parlant de possibilités d'abolir tout de suite l'argent et le travail salarié (qui sont corollaires de la loi de la valeur et du système capitaliste dans son ensemble) dans un seul pays. Les seules armes dont dispose le prolétariat pour mener à bien la transformation de la société qui suit et ne précède pas la prise de pouvoir par les Conseils Ouvriers internationalement sont :

 

  • 1- la force organisée et armée pour mener à la victoire de la révolution dans le monde entier.
  • 2- La conscience de son programme communiste, orientation politique pour la transformation économique de la société.

 

 

La victoire du prolétariat ne dépend pas de sa capacité à "gérer" une usine ou même toutes les usines d'un pays. Gérer la production alors que le système capitaliste continue à exister condamne cette "gestion" à être la gestion de la production de plus-value et de l'échange. La première tâche de tout prolétariat vainqueur dans un pays ou un secteur n’est pas de se préoccuper de la façon de créer un "mythique îlot de socialisme" qui est impossible mais de donner toute l'aide possible à son seul espoir —la victoire de la révolution mondiale.

Il est de la plus grande importance de définir des priorités sur ce point. Les mesures économiques que prendra le prolétariat dans un pays, ou dans un secteur,  sont une question secondaire. Dans le meilleur des cas,  ces mesures ne sont que des mesures destinées à parer au pire et tendent à aller dans un sens positif : toute erreur peut être corrigée si la révolution avance. Mais si le prolétariat perd sa cohérence politique, sa force armée, ou si les Conseils Ouvriers perdent leur contrôle politique et leur claire conscience du sens dans lequel aller, alors il n’y a plus d’espoir de corriger les erreurs ou d'instaurer le socialisme. Aujourd'hui, de nombreuses voix s'élèvent contre cette conception; certaines de ces voix proclament qu'enfermer la lutte prolétarien ne sur le terrain politique n'est qu'un non-sens, une vieillerie réactionnaire. En fait, la conception selon laquelle la classe révolutionnaire est une classe définie objectivement, le prolétariat,  est aussi pour eux une vieillerie et devrait céder la place à une "classe universelle" rassemblant tous ceux qui sont "opprimés", tourmentés psychologiquement ou ayant un penchant philosophique pour la révolution.

Les "rapports communistes", ou selon un groupe anglais du même nom la "pratique communiste" peuvent être réalisés immédiatement,  il  suffit que les "gens" le désirent. Pour eux,  le plus important n'est pas la prise de pouvoir du prolétariat à l'échelle internationale et l'élimination de la classe capitaliste, mais l'instauration immédiate des soi-disant "rapports communistes" sous la poussée spontanée des "gens en général".

Les éléments purement abstraits et mythiques qui sous tendent cette théorie n’enlèvent rien au fait qu'elle peut parfaitement servir de couverture à l'idéologie "autogestionnaire". Face à l'accroissement du mécontentement de la classe ouvrière s'exprimant en mouvements de masse avec l'approfondissement de la crise capitaliste, une des réactions de la bourgeoisie pourra être de dire aux ouvriers; vos intérêts ne sont pas de vous lancer dans des problèmes "politiques" comme la destruction de l'Etat (bourgeois, mais de prendre les usines et de les faire marcher "pour vous-même",  dans l'ordre. La bourgeoisie essaiera d'épuiser les ouvriers derrière un programme économique d'autogestion de l'exploitation et pendant ce temps la classe capitaliste et son Etat attendront pour cueillir les fruits. C'est ce qui s'est passé en Italie en 1920, ou "Ordino Nuovo" et Gramsci exaltaient  les possibilités économiques qu'ouvraient les occupations d'usines pendant que la fraction de gauche, avec Bordiga, disaient que les Conseils Ouvriers, bien qu'ils aient leurs racines dans l'usine, doivent mener une attaque frontale contre l'Etat et le système DANS SON ENSEMBLE, ou mourir.

Les camarades du RWG ne rejettent pas la lutte politique. Ils se bornent à dire que le contexte politique et les mesures économiques sont également importants et cruciales. Dans un sens, ils ne font que répéter un truisme marxiste : le prolétariat,  classe exploitée, ne se bat pas pour prendre le pouvoir politique sur la bourgeoisie dans le but de satisfaire une quelconque psychose de pouvoir, mais pour jeter les bases d'une transformation sociale par la lutte de classe et l'activité autonome et organisée de la seule classe révolutionnaire qui, en se libérant de l'exploitation libérera l'humanité toute entière de l'exploitation pour toujours. Mais les camarades du RWG n'ont aucune idée concrète de la façon dont peut se dérouler ce processus de transformation sociale. La révolution est un assaut rapide contre l'Etat, mais la transformation économique de la société est un processus qui se déroule à l'échelle .mondiale et qui est d'une extrême complexité. Pour mener à bien ce processus économique, le cadre politique de la dictature de la classe ouvrière doit être clair. Avant tout, il faut reconnaître que la prise de pouvoir du prolétariat ne veut pas dire que le socialisme peut être instauré par décret. Donc :

  • 1- La transformation économique ne peut que suivre et non pas précéder la révolution prolétarienne (il ne peut y avoir deux "constructions socialiste" au sein du pouvoir de la classe capitaliste). La transformation économique ne  se produit pas non plus simultanément avec la prise de pouvoir de la classe sur la société.
  • 2- Le pouvoir politique du prolétariat ouvre la voie à la transformation socialiste, mais le principal rempart qui protège la marche de la révolution, c'est l’unité et la cohésion de la classe, La classe peut faire des erreurs économiques qui doivent être corrigées, mais si elle laisse le pouvoir à une autre classe ou à un parti ou minorité, toute transformation économique devient par définition impossible»

A partir du fait que nous affirmons que la dictature politique du prolétariat est le cadre et la condition préalable pour la transformation sociale, l’esprit simpliste (RWG)  conclue: il semble qu'Internacionalismo nie la nécessité pour le prolétariat de mener une guerre économique contre le capitalisme" (Forward,  p44)

Contrairement à ce que proclame For­ward,  tout n'est pas immédiatement d'égale importance, ou de mené gravité, pour la lutte révolutionnaire. Dans un pays où la révolution vient juste de triompher, les conseils ouvriers peuvent considérer nécessaire de travailler 10 ou 12 heures par jour pour produire des armes et du matériel à envoyer à leurs frères assiégés d'une autre région. Est-ce le socialisme? Pas si l’on considère que les principes de base du socialisme sont la production pour les besoins humains  (et non pour la destruction)  et la réduction de la journée de travail. Est-ce que cette mesure doit alors être dénoncée comme une proposition contre révolutionnaire? Evidemment non, puisque la première tâche et le premier espoir de salut de la classe ouvrière est d'aider l’extension de la révolution internationale. Ne devons nous pas alors admettre que le programme économique est soumis aux conditions de la lutte de classe et qu'il n’existe pas de moyen de créer un paradis économique ouvrier dans un seul pays? Dans tout ceci, nous devons insister sur le fait que tout affaiblissement politique du pouvoir des Conseils dans les prises de décision et l'orientation de la lutte serait fatal.

Les révolutionnaires mentiraient à leur classe s'ils la berçaient de rêves dorés pleins de lait,  de miel et de miracles économiques, au lieu d'insister sur la lutte à mort et les terribles destructions que nécessite une guerre civile. Ils ne feraient que démoraliser leur classe en déclarant que les inévitables reculs économiques (dans un pays ou plusieurs) signifient la fin de la révolution. En mettant ces questions sur le même plan immédiat que la solidarité politique, la démocratie prolétarienne ou le pouvoir de décision du prolétariat, ils détourneraient la force décisive de la lutte  de classe et compromettraient ainsi le seul espoir d'entamer-une-période de transition au socialisme à l'échelle mondiale.

Le RWG répond que "tout ne peut pas être pareil qu'avant, après la révolution" et met l'accent sur les tragiques conditions des ouvriers en Russie en 1921. Mais ils ne nous disent pas de quelles conditions ils parlent. Est-ce-que c'est que les organisations de masse de la classe ouvrière étaient exclues de toute participation effective à l’Etat Ouvrier"? Qu'on réprimait les ouvriers en grève à Petrograd ? S’ils parlent de ces conditions,  ils touchent là le cœur de la dégénérescence de la révolution. Ou bien parlent-ils simplement de la famine? Ici encore, il  est inutile à nos yeux de prétendre que les difficultés et les dangers de famine ne pourront pas exister après la révolution. Ou bien parlent-ils du fait que les ouvriers avaient encore à travailler dans les usines, que les salaires existaient encore (peut-on les abolir dans un seul pays ?) ainsi que l'échange? Bien que ces pratiques ne soient évidemment pas le socialisme, elles sont cependant inévitables à moins de prétendre pouvoir éliminer la loi de la valeur en un clin d'œil. Comme le dit le KWG, "un trait doit être tiré quelque part". Mais où? En mélangeant l'importance cruciale d'une cohérence politique et le pouvoir de la classe avec les reculs économiques,  les problèmes de la lutte future se réduisent à une espérance de réalisation miraculeuse de nos vœux les plus sincères.

Le socialisme (ou les rapports sociaux communistes, ces termes sont utilisés ici de façon interchangeable)   se définit essentiellement par l'élimination totale de toutes les "lois économiques aveugle" et surtout de la loi de la valeur qui régit la production capitaliste, élimination qui permettra de satisfaire les besoins de l'humanité. Le socialisme est la fin de toutes les classes (l'intégration de tous les secteurs non capitalistes à la production socialisée et le début du travail associé décident de ses propres besoins), la fin de toute exploitation. De toute nécessité d'un Etat (expression d’une société divisée), de l'accumulation du capital avec "son corolaire le travail salarié et de l'économie de marché. C'est la fin de la domination du travail mort (capital)  sur le travail vivant. Donc le socialisme n'est pas une question de création dé nouvelles lois économiques, mais l'élimination des bases des anciennes lois sous l'égide du programme communiste prolétarien.

Le capitalisme n'est pas un méchant bourgeois avec uni gros cigare mais toute l'organisation actuelle du marché mondial, la division du travail à l'échelle mondiale, la propriété privée des moyens de production, y compris celle de la paysannerie, le sous-développement et la misère,  la production pour la destruction,  etc. Tout cela doit être extirpé et éliminé de l'histoire humaine pour toujours. Ceci nécessite un processus de transformation économique et social, à l'échelle mondiale de proportions gigantesques,  qui prendra au moins une génération. Et c'est sur quoi il faut insister, c'est qu'aucun marxiste ne peut prévoir les détails de la nouvelle situation qu'aura à affronter le prolétariat après la révolution mondiale. Marx a toujours évité de "tirer des plans sur la comète" pour le futur et tout ce que peut apporter l'expérience russe c'est des lignes d'orientation très générales pour la transformation économique. Les révolutionnaires manqueraient à leur tâche si leur seule contribution était de rejeter la révolution russe pour n'avoir pris crée le socialisme en seul pays, ou de bâtir des rêvés sur la simultanéité de construction du cadre politique et de la transformation économique.

Le véritable danger du programme économique de la révolution  c'est que les grandes lignes directives ne soient pas claires, qu'on ne sache pas quelles sont les mesures qui vont donner le sens de la destruction des rapports de production capitaliste (et donc vers le capitalisme) qui devront être appliquées dès que possible. C'est une chose de dire que dons certaines conditions ne pourrons être contraints de travailler de longues heures, ou ne pas être capables d'abolir immédiatement l'argent dans un secteur. C'en est une autre de dire que le socialisme signifie travailler plus durement ou encore pire que les nationalisations et le capitalisme d'Etat sont un pas en avant vers le socialisme. Ce n'est pas tant pour avoir mis la NEP en place afin de sortir du chaos du communisme de guerre que les bolcheviques doivent être blâmés mais bien pour avoir présenté les nationalisations ou bien le capitalisme d'Etat comme une aide à la révolution ou avoir prétendît que la "compétition économique avec l'Ouest" prouverait la grandeur de la productivité socialiste, un programme de transformation économique clair est une nécessité absolue, et aujourd'hui, après 50 ans de recul, nous pouvons voir plus clairement la question que les bolcheviks ou toute autre expression politique du prolétariat à l'époque.

La classe ouvrière a besoin d'une orientation claire de son programmé politique clé de la transformation économique, mais non de fausses promesses de remèdes immédiats aux difficultés ou de mystifications sur la possibilité d'éliminer la loi de là voleur sur décret.

LA N E P

Le RWG n'est pas le seul à insister sur la NEP, beaucoup de ceux qui viennent de rompre avec le "gauchisme", et particulièrement avec les diverses variétés trotskystes, font de même. Après  avoir défendu la théorie insensée selon laquelle des "Etats ouvriers" existent aujourd'hui, la collectivisation dans les mains de l'Etat "prouvent" le caractère socialiste de la Russie actuelle, ils cherchent à présent "le point où le changement entre 17 et aujourd'hui a du se produire" (Forward, p.44) en Russie. C'est la question que posent toujours les trotskystes avec satisfaction : " à quel moment le capitalisme est-il donc revenu ?".

La NEP n'était pas une invention produite par le cerveau des leaders bolcheviks. Elle reprend, d'ailleurs, pour une large part, le programme de la révolte de Kronstadt. La révolte de Kronstadt met en avant une revendication politique-clé pour sauver la révolution: la restitution du pouvoir aux Conseils Ouvriers,  la démocratie prolétarienne et la fin de la dictature bolchevik par l'Etat. Mais économiquement;  les ouvriers de Kronstadt,  poussés par la famine vers l'échange individuel avec les paysans pour obtenir de la nourriture,  ont proposé un "programme" qui demandait tout simplement une régularisation de l'échange, placée sous la direction des ouvriers.

— une régularisation du commerce pour en finir avec la famine et la stagnation économique. Les chargements de nourriture envoyés aux villes russes étaient pris d'assaut par la population affamée et devaient être accompagnés par des gardes armés. Les ouvriers étaient souvent réduits à échanger des outils contre de la nourriture aux paysans. La situation était catastrophique et Kronstadt, aussi bien que les bolcheviks, ne pouvait rien proposer d'autre qu'un retour à une sorte de normalisation économique, qui ne pouvait être que le capitalisme.

L'attaque que fait le RWG à la NEP ne tient pas compte du contexte historique dans laquelle elle a été adoptée. Plus encore, il fait des confusions sur certains des points essentiels de la guerre économique contre le capitalisme qu'il prétend défendre.

1- "Si les événements poussaient à la restauration de la propriété capitaliste en Russie,  comme cela était le cas en partie, ..."  (Révolution et contre-révolution en Russie, p. 7) ; "la restauration du capitalisme signifiait la restauration du prolétariat en tant que classe en soi (?)…" (Idem, p. 17) ;"on se demande ce qu'il aurait fallu concéder de plus au capitalisme pour en arriver à sa restauration ?"  (Forward,  p. 46) (Nous soulignons).

Tout ceci est la claire preuve de la confusion qui est faite. La NEP n'était pas la "restauration" du capitalisme, vu que celui-ci n'avait jamais été éliminé en Russie. Le RWG fait plus loin la même confusion en ajoutant : "si la NEP n'était pas la reconnaissance des rapports économiques capitalistes normaux, c'est à dire légaux" (Révolution et contre révolution en Russie, p.7). Voilà qui est encore plus absurde : que les rapports capitalistes soient ou ne soient pas légaux,  c'est à dire que leurs existences soient ou ne soient pas reconnues, n'est qu'une question juridique. Quelle "pureté" gagne-t-on à prétendre que la réalité n'existe pas? De toute façon, qu'elle soit reconnue légalement ou non ne change rien à la réalité économique. Si la NEP marquait un point décisif, ce n'est pas parce qu’elle réintroduisait (ou reconnaissait) l'existence des forces économiques capitalistes ; les lois fondamentales de l'économie capitaliste dominaient le contexte russe pare qu’elles dominaient le marché mondial. ([3])

Ceci peut conduire certains à dire qu'ils savent que la Russie a toujours été capitaliste et que c'est bien la preuve qu'il n'y a pas eu de révolution prolétarienne. Jamais nous ne serons en mesure d'identifier une révolution prolétarienne si nous nous entêtons à la concevoir comme une transformation économique complète du jour au lendemain. Une fois de plus, nous revenons au thème du "socialisme en un seul pays" qui est suspendu, tel un nuage menaçant,  au dessus de l'expérience russe, La NEP, avec ses nationalisations des industries-clés,  fut un pas en avant vers le capitalisme d'Etat, mais elle ne fut pas un revirement fondamental du "socialisme"  (ou d'un système autre que le capitalisme)  vers le capitalisme.

2- "Elle (la NEP) représente réellement une trahison des principes, une trahison programmatique des frontière de classe" (Révolution et contre révolution, p. 7).  Ceci est le cœur de l'argumentation, bien que cet argument  soit la suite naturelle de ce qui précède. Personne n'est assez fou pour prétendre que la classe ouvrière ne peut jamais reculer. Bien que d'une façon générale, la révolution doive avancer ou périr, ceci ne peut jamais être pris unilatéralement  et  signifier que nous puissions avancer en ligne droite et sans problème.

La question qui se pose est alors la suivante : qu'est ce qu'un recul inévitable, qu'est-ce qu'une mise en danger des principes ? Le programme bolchevik, dans sa mesure où il faisait une apologie mystificatrice du capitalisme d'Etat, était un programme anti-prolétarien, mais l'incapacité d'abolir la loi de la valeur ou de l'échange dans un seul pays n'est en rien une "trahison des frontières de classe".  Soit on distingue clairement ceci, soit on doit défendre la position selon laquelle le prolétariat aurait du en arriver au socialisme intégral  en Russie. Ceci étant par définition impossible,  les révolutionnaires n'auraient plus qu’à masquer l'incapacité d'appliquer le programme en mentant sur ce qui aurait réellement du être fait.

Des reculs sur le terrain économique seront certainement inévitables, dans nombre de cas (malgré la nécessité d’une orientation claire), mais un recul  sur le terrain politique signifie la mort pour le prolétariat.  C'est la différence fondamentale qu'il y a entre la NEP et le massacre de Kronstadt,  entre la NEP et le traité de Rapallo ou les tactiques de "front unique".

 

  • "Qu'auraient fait les camarades d'Internacionalismo dans une telle situation? Auraient-ils restauré l'économie marchande ? Auraient-ils décentralisé l'industrie pour la mettre dans les mains des managers ? Auraient-ils réhabilité le rouble ? En bref, auraient-ils pris en charge un "recul" qui en fait était une défaite ?  ... Auraient-ils subordonné les intérêts de la révolution prolétarienne mondiale aux intérêts du capital national russe ?" (Forward, p. 45).

 

Cette approche historique du "qu'auriez vous fait" est stérile par définition, l’histoire ne pouvant être changée ou "jugée" avec notre conscience (ou notre manque de conscience) actuelle. Toutefois, les naïves questions posées par le RWG montrent qu'ils n'ont pas compris la différence entre un recul  et une défaite.

L'économie marchande? Jamais elle n’a été détruite internationalement, seul moyen de la faire disparaître, aussi personne n’a pu la restaurer en Russie —elle y a toujours existé. Le rouble? Encore une question absurde selon les analyses marxistes du capitalisme mondial et du rôle de l’argent, La décentralisation de l’industrie? Cette question politique remet fortement en question le pouvoir des Conseils Ouvriers et appartient à un autre domaine. Défendre les intérêts du capital russe? Ceci était clairement le glas qui sonnait la mort de la révolution elle-même.

" (la transformation économique) ne pouvait être accomplie par décret, mais le décret en est le premier pas". Si le RWG entend par décret le programme de la classe ouvrière, il ne nous reste plus qu’à "décréter" le communisme intégral immédiatement. Et après? Comment y arriverons-nous ? Nous devons : soit abandonner le combat, soit mentir et prétendre qu'il est possible d'arriver au socialisme dans des petites républiques socialistes.

Une révolution dans un pays comme l'Angleterre par exemple (qui est loin d'être un pays avec une économie arriérée, sous-développée comme la Russie), ne pourrait résister que quelques semaines avant d'être étouffée par la famine (dans le cas d'un blocus). Quel sens y aurait-il à parler d'une guerre économique toujours victorieuse contre le capitalisme,  au milieu d'une agonie de famine à court terme ? La seule politique qui protège et défende un bastion révolutionnaire est là lutte révolutionnaire offensive à l'échelle internationale et le seul espoir est la solidarité politique de la classe,  son organisation autonome et la lutte de classe internationale.

QUELQUES MESURES POUR UN PROGRAMME DE TRANSITION.

Le RWG,  avec tous leurs bavardages sur la NEP, n'offre aucune suggestion pour une orientation valable de l'économie dans la lutte de demain. Dans quelle direction devrons nous aller, aussi loin que les circonstances de la lutte de classe nous le permettront ?

  • Socialisation immédiate des larges concentrations capitalistes et des principaux centres d'activité prolétarienne.
  • Planification de la production et de la distribution par les Conseils Ouvriers, d’après le critère du maximum de satisfaction possible des besoins (des travailleurs et de la lutte de classe)  et non pour l' accumulation.
  • Tendance à réduire la journée de travail.
  • Elévation substantielle du niveau de vie des ouvriers, incluant l'organisation immédiate des transports, de l'habitat, des services médicaux gratuits,  le tout pris en charge par les Conseils Ouvriers.
  • Tentatives d'éliminer, dans la mesure du possible, la forme salariale et l'argent, même si cela prend la forme d'un rationnement des biens, s'ils sont en quantité insuffisante, par les Conseils Ouvriers, pour la société toute entière. Ceci sera plus facile dans les secteurs où le prolétariat est fortement concentré et à beaucoup de ressources à sa disposition.
  • Organisation des rapports entre les secteurs socialisés et les secteurs où la production reste individuelle (surtout à la campagne),  orientée vers un échange organisé et collectif;  dans un premier temps à travers les coopératives (amenant éventuellement a l'élimination de la production privée et de l’échange si la lutte des classes est victorieuse à la campagne), mesure qui représente un pas en avant vers la disparition de l’économie de marchés et des échanges individuels.

 

 

 

 

 

Ces points doivent être pris comme des suggestions pour l'orientation future, comme une contribution au débat qui se mène au sein de la classe sur ces questions.

L’OPPOSITION    OUVRIERE

Comme les camarades du RWG ne comprennent pas la situation russe, ils s'y perdent. Ils essaient d’offrir une orientation pour le futur en choisissant certains côtés des différentes fractions qui s'opposaient en Russie.  Tout comme ceux qui rejettent complètement le passé et prétendent que la conscience révolutionnaire est née d'hier (avec eux, bien sûr), le RWG prend apparemment le contre-pied et répond à l'histoire dans ses propres termes. Ceci n'est pas un enrichissement des leçons du passé, mais un désir de le revivre et de "faire mieux",  au lieu d'être une tentative de chercher ce qu'on peut en tirer aujourd’hui.

Le RWG écrit donc : "c'est notre programme, le programme de l'Opposition Ouvrière,  qui prône l'activité autonome de la classe ouvrière contre le bureaucratisme, et les tendances à la restauration du capitale. Ceci révèle un manque de compréhension fondamentale de ce que signifiait réellement l'Opposition Ouvrière dans le contexte des débats en Russie. L'Opposition Ouvrière était un des nombreux groupes qui se sont battus contre l'évolution des événements dans los circonstances de dégénérescence en Russie. Loin de rejeter leurs efforts souvent courageux, il est cependant nécessaire de considérer leur programme.

L'Opposition ouvrière n'était pas contre le "bureaucratisme", mais contre la bureaucratie d'Etat et pour l'utilisation de la bureaucratie syndicale. Les syndicats devaient être l'organe de gestion du capital en Russie et non la machine du parti-Etat. L'Opposition ouvrière pouvait vouloir défendre l'initiative de la classe ouvrière, mais elle ne pouvait l'envisager que dans un contexte syndical. La véritable vie de la classe dans les soviets avait été presque entièrement éliminée en Russie en 1920-21, mais cela ne voulait pas dire que les syndicats,   et non plus les conseils ouvriers,  étaient les instruments de la  dictature du prolétariat. C'est le même genre de raisonnement qui a amené les bolcheviks a conclure à la nécessité de revenir à certains aspects du vieux programme social-démocrate (infiltration dans les syndicats, participation au parlement, alliances avec les centristes,  etc.) du moment que le programme du premier , congrès de l'I.C ne pouvait plus être facilement mis en pratique du fait des défaites en Europe. Même si les soviets étaient écrasés, l'activité autonome de la classe (sans parler de son activité révolutionnaire) ne pouvait plus s'exercer dans les syndicats dans la période de décadence du capitalisme. Tout le débat sur les syndicats reposait sur une fausse base : les syndicats auraient pu être substitués à l'unité de la classe dans les conseils ouvriers. En ce sens, la révolte de Kronstadt,  appelant à la régénération des soviets, était plus claire sur la question. Pendant ce temps l'opposition ouvrière apportait son accord et son soutien à l'écrasement militaire de Kronstadt.

Il faut comprendre historiquement que dans le contexte russe, les arguments de ce débat tournaient autour de la façon de "gérer" la dégénérescence de la révolution, et que ce serait le summum de l'absurdité de faire sien un tel programme aujourd'hui. Plus encore, le RWG affirme : "mais nous sommes sûrs d'une chose : si le programme de l'Opposition Ouvrière avait été adoptée, le programme de l'activité autonome du prolétariat, la dictature prolétarienne en Russie serait morte (si elle était morte) en combattant le capitalisme et non en s'adaptant à lui. Et il y a des chances pour qu'elle ait pu être sauvée par la victoire de l'Ouest. Si ce programme de lutte avait été adopté,  il n’aurait peut-être pas eu de retraite internationale. Il y aurait eu des chances pour que la Gauche Internationale ait prédominé dans l'I.C. " (Forward, p. 48-49)

Ceci prouve seulement qu'il y a une conviction persistante chez le RWG que si la RUSSIE avait fait mieux, tout aurait été différent. Pour eux la Russie est le pivot de tout. Ils prennent aussi sur eux d'affirmer;  comme nous l'avons vu, que si les mesures économiques avaient été différentes,  la trahison politique aurait été évitée, et non le contraire. Mais l'absurdité historique de cette hypothèse est montrée par:  "Il y aurait peut-être eu des chances pour que la gauche internationale ait prédominé dans l'IC"

La Gauche Internationale dont nous présumons qu'ils parlent ne comprenait pas très clairement le programme économique à l'époque. Mais le KAPD, par exemple,  se basait sur le rejet du syndicalisme et de sa bureaucratie. L'Opposition Ouvrière ne trouvait que peu ou rien à redire sur la stratégie bolchevik à l'Ouest,  et servait  toujours de tampon à la politique bolchevik officielle sur la question, y compris sur les 21  conditions du second congrès de l'IC (comme le fit Ossinsky). La vision de l'Opposition Ouvrière devenant le point de ralliement de la Gauche Internationale est une pure invention du RWG, parce qu’ils ne connaissent pas l'histoire dont ils parlent avec tant de légèreté.

Alors que le RWG dit que de "scruter là boule de cristal n'est pas une tâche révolutionnaire"  (Forward, p°48),  ils se perdent seulement quelques lignes avant dans les horizons infinis que l'Opposition Ouvrière aurait ouverts à la classe ouvrière. On pourrit dire qu'en plus d'éviter les boules de cristal,  il serait bon de savoir de quoi on parle.

LES LEÇONS D’OCTOBRE

Notre but essentiel dans cet article n'est pas de polémiquer, encore qu'il soit indubitablement utile de faire la lumière sur certaine points. La tache essentielle des révolutionnaires est de tirer de l'histoire des points pour l'orientation de la lutte future. Le débat qui porte spécifiquement sur la question de savoir quand la révolution russe a dégénéré est moins important que :

 

  • 1. — Voir que cette dégénérescence a eu lie
  • 2. — Discerner pourquoi elle a eu lie
  • 3. — Essayer de contribuer à la prise de conscience de la classe en synthétisant les apports positifs et les apports négatifs de cette époque.

 

 

 

C'est en ce sens que nous aimerions; apporter une contribution à une vision générale de l'héritage essentiel que nous a laissé l'expérience de la vague révolutionnaire d'après-guerre, pour aujourd'hui et pour demain ?

1.     —Là révolution prolétarienne est une révolution internationale, et la première tâche de la classe ouvrière dans un pays est de contribuer à la révolution mondiale.

2.     — Le prolétariat est la seule classe révolutionnaire, le seul sujet de la révolution et de la transformation sociale. Il est clair aujourd'hui que toute alliance "ouvriers-paysans" est à rejeter.

3. —Le prolétariat dans son ensemble, organisé en Conseils Ouvriers,  constitue  la dictature du prolétariat. Le rôle du parti politique de la classe n'est pas de prendre le pouvoir d'Etat, de "diriger au nom de la classe", niais de contribuer à développer et à généraliser la conscience de la classe, à l'intérieur de celle-ci. Aucune minorité politique de la classe ne peut exercer le pouvoir politique à sa place.

4. — Le prolétariat doit diriger son pouvoir armé contre la bourgeoisie. Bien que la principale façon d’unifier la société doive être d'intégrer les éléments non prolétariens et non exploiteurs dans la production socialisée,  la violence contre ces secteurs peut être à certains moments nécessaires, mais elle doit être exclue comme moyen de résoudre les débats à l’intérieur du prolétariat et de ses organisations de classe. Tous les efforts doivent être faits, par le moyen de la démocratie ouvrière, pour renforcer l’unité et la solidarité du prolétariat.

5. — Le capitalisme d'Etat est la tendance dominante de l'organisation capitaliste en période de décadence. Les mesures de capitalisme d'Etat, y compris les nationalisations ne sont en aucune façon un programme pour le socialisme, ni une "étape progressive", ni une politique qui puisse "aider" la marche vers le socialisme.

6. — Les lignes générales des mesures économiques qui tendent à éliminer la loi de la valeur la socialisation de la production industrielle et agricole pour les besoins de l’humanité, mentionnée ci-dessus représentent une contribution à l’élaboration d'une nouvelle orientation économique pour la dictature du prolétariat.

Ces points, rapidement esquissés ici, n’ont pas la prétention de faire le tour de la complexité de l'expérience révolutionnaire, mais peuvent servir de points de repère pour une élaboration future.

Il y a beaucoup de petits groupes qui se développent aujourd'hui, comme le RWG, avec la reprise de la lutte de classe et il est important de comprendre les implications de leur travail et d'encourager les échanges d'idées dans le milieu révolutionnaire. Mais il y a un danger à ce que,  après tout d'années de contre-révolution, ces groupes ne soient pas capables de s'approprier l'héritage du passé révolutionnaire. Comme le RWG, beaucoup de ces groupes pensent qu'ils "découvrent" l'histoire pour la première fois, comme si rien n'avait existé avant eux. Ceci peut amener des aberrations de ce genre : se fixer sur le programme de l'Opposition dans le vide, comme si on "découvrait" chaque jour une "nouvelle pièce du puzzle", sans placer les nouveaux éléments dans un contexte plus large. Sans connaître le travail de la Gauche Communiste (et être critique à son égard) (KAH), Gorter, Gauche Hollandaise, Pannekoek, "Workers Preadnaught", la Gauche italienne, la revue Bilan dans les années trente et Internationalisme dans les années quarante, le Communisme des Conseils et Living Marxisme autant que les Communistes de Gauche russes), et sans, le voir non comme des pièces séparées d'un puzzle, mais en le comprenant dans des termes généraux de développement de la conscience révolutionnaire de la classe, notre travail serait condamné à la stérilité et à l'arrogance du dilettant.

Ceux qui font l'effort indispensable de rompre avec le gauchisme devraient comprendre qu’ils ne sont pas seuls à marcher suit le chemin de la révolution,  que ce soit dans l'histoire ou aujourd'hui.

Judith Allen.


[1] RWG,  PO Box 60161, 1723 V. Devon,  Chicago Illinois, 60660, USA.

[2] Voir WR  n°23,  "From Modernism Into the Void"    

[3] La politique de communisme de guerre dans le pays pendant la guerre civile, tant vantée par le RWG, n'était pas plus "non-capitaliste" que la NEP. L'expropriation violente des biens des paysans, bien qu'étant une mesure nécessaire pour l'offensive prolétarienne de l'époque, ne constituait en rien un "programme" économique (le pillage ?). Il est facile de voir que ces mesures temporaires, agissant par la force sur la production agricole, ne pouvaient durer indéfiniment. Avant, pendant et après le communisme de guerre, la base essentielle de la production restait la propriété privée. Le RWG a raison de souligner l'importance de la lutte de classe des ouvriers agricoles dans le pays, mais cette lutte n'anéantit pas automatiquement et immédiatement la paysannerie et son système de production, même dans le meilleur des cas.

Histoire du mouvement ouvrier: 

Conscience et organisation: 

Heritage de la Gauche Communiste: