A Bagnolet comme à Calais, l'État démocratique expulse avec ses flics et à coups de bulldozer !

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Le 10 février dernier à 6 heures du matin, dans un froid glacial, plusieurs familles étaient évacuées d’un immeuble de Bagnolet par la police. Chassés en même temps par les bulldozers qui se sont mis à pied d’œuvre pour raser l’édifice, les locataires précaires, principalement d’origine africaine, avec femmes et enfants, n’ayant pu disposer du temps nécessaire pour récupérer leurs affaires détruites (papiers, fiches de paie, etc.), se sont retrouvés à la rue, jetés comme de vulgaires nuisibles. Ceci, sans solution d’hébergement alternative, totalement démunis (1) ! La plupart étaient installés depuis une dizaine d’années dans l’immeuble, avec un travail, mais ne pouvaient habiter ailleurs du fait de la pénurie chronique et du coût des logements. Aujourd’hui, en plein hiver, ils se retrouvent face à des hommes casqués et un tas de gravats !

Du vrai visage des staliniens…

Quel était le commanditaire d’une telle sauvagerie, d’un acte aussi ignoble qu’inhumain ? L’immeuble appartenait à la mairie de Bagnolet qui cherchait depuis longtemps à virer les locataires. Le maire apparenté PCF, Marc Everbecq, est donc un des maillons essentiel de la chaîne répressive. Il avait pour cela revendu récemment cet immeuble à une filiale du groupe Auchan (2), ce qui constituait une aubaine pour virer enfin les locataires indésirables. La mairie n’a pas trouvé mieux pour justifier son acte barbare que de déclarer dans un tract, avec une hypocrisie qui a provoqué un haut le cœur chez les habitants du quartier : “il est avéré que ce squat était devenu un lieu de trafic de drogue, de voitures, de prostitution, de tapage nocturne incessant qui durait depuis des années…”. Pour le maire adjoint, dont le cynisme atteint des sommets, “la trêve hivernale ne concerne pas les occupants sans droits ni titres”. Autrement dit, les expulsés sans quittance de loyer peuvent crever de froid ! La loi, c’est la loi… capitaliste !

Gêné aux entournures, le PCF, qui s’est vu obligé de “condamner” la décision de son poulain, n’en souligne pas moins de façon tout aussi hypocrite qu’il s’agissait de toutes façons d’un “immeuble dangereux où les risques d’incendie sont grands et où les conditions de vie pour ses occupants sont particulièrement difficiles”. La réalité, c’est qu’il ne s’agit là que de prétextes honteux, fabriqués par des menteurs professionnels, des politiciens de “proximité” qui se soucient comme d’une guigne du sort des habitants ! Les élus du PCF sont d’ailleurs coutumiers du fait et n’en sont pas à leur coup d’essai. Souvenons-nous de la brutale intervention policière dans la nuit du 7 au 8 septembre 2007 à Aubervilliers où près d’une centaine de travailleurs ivoiriens et leur famille avaient été délogés du campement qu’ils avaient établi depuis le mois de juillet à la suite d’une première expulsion de leur logement squatté. Cette opération policière était le résultat d’une décision de justice obtenue par la municipalité dirigée par le PCF quelques jours auparavant. Souvenons-nous de la politique ignoble menée par la mairie PCF de Montreuil expulsant aussi manu militari en septembre 1992 une vingtaine de familles ouvrières immigrées dans un quartier racheté par une société immobilière placée sous son contrôle, mais aussi de l’évacuation spectaculaire en décembre 1980, à coups de bulldozers encore, de 300 ouvriers maliens d’un foyer Sonacotra de Vitry-sur-Seine dont l’édile était le stalinien Paul Mercieca tandis que, vers la même période (février 1981), l’ancien secrétaire général du PC Robert Hue, à l’époque simple maire et conseiller général du Val-d’Oise, organisait une manifestation dans sa commune de Montigny-lès-Cormeilles pour faire expulser une famille marocaine sur laquelle il avait fait courir la fausse rumeur qu’elle se livrait à du trafic de drogue !

Face à la détresse des familles, le premier réflexe prolétarien est celui du refus, de l’indignation et de la solidarité. C’est ce qui se vérifie sur le terrain avec les soutiens matériels apportés par les habitants eux-mêmes de ce quartier ouvrier. Les révolutionnaires ne peuvent qu’appuyer et apporter à leur tour leur plein soutien à ces prolétaires, comme nous le faisons, non seulement en dénonçant cette situation de répression barbare, mais en oeuvrant de toutes nos forces à combattre pour détruire ce qui est à la racine d’une telle inhumanité : le système capitaliste !

à la terreur de l’Etat démocratique

C’est ce soutien et cette solidarité identiques que nous devons apporter à un drame parallèle, aux jeunes réprimés de l’association “No Border” (3), indépendamment du fait que nous ne partageons pas les mêmes visions politiques ni les méthodes de luttes. Ces jeunes militants sont à l’initiative de la création d’un squat associatif à Calais, installé dans un hangar, dont l’objectif est de soutenir les sans-papiers et les migrants. Bien que de notre point de vue ce projet généreux ne puisse ouvrir de réelles perspectives politiques, l’engagement de ces jeunes part d’un rejet des frontières nationales et d’un profond sentiment de solidarité humaine que nous saluons, un sentiment que la bourgeoisie ne peut ni comprendre ni admettre, mais qu’au contraire elle réprime brutalement. C’est ce qui explique que constamment harcelés par la police, deux jeunes d’entre les “no border” ont été arrêtés et matraqués par les CRS. Comme pour les manifestations étudiantes et lycéennes (4), la bourgeoisie vise à intimider, à faire peur aux jeunes générations de prolétaires, à les empêcher de s’organiser, à pétrifier tout ceux qui n’acceptent pas la réalité barbare du capitalisme et qui dénoncent les injustices les plus criantes et inacceptables. C’est ce qu’exprime lucidement un jeune militant de “no border” lors d’une interview : “nous sommes sujet à des contrôles d’identités permanents. Ils peuvent aller jusqu’à dix par jour (…). C’est juste de l’intimidation et du harcèlement, pour nous décourager” (5).

Ces deux événements parallèles, à Bagnolet et à Calais, parmi tant d’autres au quotidien, ne font que révéler la nature totalitaire et policière de l’Etat démocratique. L’arsenal sécuritaire qui n’a cessé de se développer ne pourra indéfiniment masquer la réalité : celle de la domination exercée par la terreur sur les populations et la préparation à la répression ouverte des militants et des ouvriers combatifs. Partout, les Etats démocratiques répriment et méprisent avec le même zèle ceux qu’ils jettent à la rue. On peut le voir en Europe, aux Etats-Unis, où les expulsés de force sont regroupés dans de véritables camps à soupe populaire. Qu’ont donc à envier ces Etats démocratiques qui utilisent les mêmes méthodes que celle de l’Etat chinois, où les pelleteuses et bulldozers défoncent presque sans sommation les maisons des ouvriers ? Qu’ont-ils donc à envier à l’Etat russe, qui vide de force des quartiers entiers, si ce n’est le recours aux assassinats pour des opérations immobilières expéditives ? Partout, les prolétaires doivent savoir qu’ils ont à faire à la même logique du capital, au même patron : l’Etat et ses méthodes de gangsters.

WH (18 février)

 

1) Les sans-logis se sont réfugiés où ils le pouvaient, notamment dans un gymnase municipal. Les gardes mobiles sont venus aussitôt les déloger, éteignant le brasero qui permettait de les réchauffer, allant même jusqu’à détruire leur maigre stock de nourriture !

2) C’est ce que révèle un communiqué paru sur le site : www.monde-solidaire.org/spip.php ?article5223.

3) Selon le site http ://www.millebabords.org/spip.php ?article13409 “Le réseau No Border est un mouvement mondial d’individus et de groupes luttant pour le droit à la liberté de circulation des personnes, et non uniquement pour les marchandises de l’Europe ultra consommatrice. Depuis le camp No Border à Calais en juin, les militants “no border” ont eu une présence constante à Calais sous la bannière de Calais migrants Solidarité. Nous avons été témoins d’actes de violences policières et avons collectivement résisté à des expulsions. Nous avons organisé la distribution d’aide humanitaire, et agi concrètement en faveur des droits des migrants.”

4) Voir notre article “Manifestation des lycéens à Lyon : des provocations policières pour tenter de pourrir le mouvement” dans RI n°397 (janvier 2009).

5) Voir le site

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