Gauche ou droite : le même programme contre la classe ouvrière

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L'annonce en pleine période pré-électorale de la nécessité de poursuivre et de renforcer les attaques sur les retraites en dit long sur la profondeur de la crise et à quel point la bourgeoisie est prise à la gorge. Le Conseil d'Orientation des Retraites a sorti le 11 janvier dernier un rapport commandité par l'actuel gouvernement. Ce rapport préconise d'une part un nouvel allongement de la durée des cotisations à 42 ans pour tous afin de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein, d'autre part une remise en cause des régimes spéciaux. Les régimes spéciaux permettent à certaines catégories de travailleurs de partir à la retraite dès 55 ans, en fonction de la pénibilité du travail (les marins, les mineurs, le secteur de l'imprimerie…) ou en fonction d'accords avec certains secteurs nationalisés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (à EDF-GDF, à la SNCF, à la RATP, chez les militaires). Pour faire passer la pilule, on montre du doigt les autres Etats de l'Union Européenne où "c'est pire" : de fait, ces nouvelles attaques sur les retraites, qui se préparent à porter l'âge moyen du droit à la retraite de 65 à 67 ans en Allemagne ou de 67 à 68 ans en Grande-Bretagne, illustrent clairement la faillite générale et globale du système capitaliste incapable de nous payer une retraite décente à l'issue d'une vie d'exploitation. Déjà, en France, le recours croissant à des emplois "seniors" sous-payés montre la voie. Sous prétexte de "l'inexpérience" des uns, ou du "manque de productivité" des autres, toutes les tranches d'âge paient le tribut d'une crise permanente qui les plonge toujours davantage dans la précarité, le chômage, la misère. Depuis la parution du "livre blanc" du socialiste Rocard en 1991 préconisant toutes les mesures ultérieures, droite et gauche se sont relayées sans relâche pour repousser l'âge de la retraite et surtout diminuer le montant des pensions :

- en 1993, le gouvernement Balladur avait porté à 40 ans la durée de cotisations dans le secteur privé ;

- en 1995, le plan Juppé avait mis à l'ordre du jour la suppression des régimes spéciaux ;

- une large partie de ces régimes ont été progressivement supprimée par les gouvernements Jospin puis par celui de Villepin, notamment à la Banque de France, dans les assurances, à La Poste et à France-Télécom ;

- enfin, la "réforme" de 2003 sur les régimes de retraites a étendu à toute la fonction publique l'attaque de 1993 en allongeant aussi à 40 ans la durée des cotisations pour ces travailleurs

Et tout cela va se poursuivre. La droite comme la gauche se préparent déjà à de nouvelles attaques pour l'après-mai 2007. Il y a 6 mois, le ministre Fillon a relancé le bouchon sur la suppression totale des régimes spéciaux (ou plutôt ce qu'il en reste), puis le candidat Sarkozy a inclus cette attaque dans ses priorités au "nom de l'équité sociale". Plus discrètement mais tout aussi sûrement, la candidate de la gauche, madame Royal, propose exactement le même programme : "Il y a un chantier d'harmonisation à conduire dans le système de réforme des retraites". Et le mentor du PS, Hollande renchérit : "Bien sûr qu'il faudra réformer ces régimes : ça se fera dans un cadre concerté au moment où le rendez-vous a été fixé." Quant à celui qui se présentait naguère comme le champion de l'aile gauche du PS Fabius, il a déclaré également : "Il faut rouvrir le dossier des régimes spéciaux." Le futur "ministre de l'économie" de l'équipe, DSK, a d'ailleurs proposé de financer les dépenses des caisses de retraite par la CSG (Contribution Sociale Généralisée), autrement dit par une nouvelle augmentation de cette taxe qui va toucher tout le monde, y compris les retraités eux-mêmes qui paieront ainsi doublement leurs droits de pension. Le seul "truc" du PS, c'est de chercher à camoufler l'attaque en se réfugiant derrière l'hypocrite "décision prise à l'issue d'une négociation démocratique avec tous les partenaires sociaux", autrement dit, les syndicats. Alors qu'on connaît d'avance la partition musicale, la CFDT, sur qui repose la gestion des caisses de retraites, jouant à fond la carte de la réforme, la CGT et les autres faisant mine de s'opposer à elle pour pouvoir encadrer la contestation et l'isoler branche par branche, secteur par secteur.

Mais ce n'est pas tout : en plus des plans de licenciements qui pleuvent de plus belle (voir article sur Airbus en page 2), il est prévu d'éliminer à nouveau en 2007, 25 000 postes dans la Fonction publique. Parmi ceux-ci, 5000 emplois d'enseignants seront supprimés à la prochaine rentrée. Par un curieux paradoxe, l'Etat français se vante de détenir le ruban bleu (ou rose) du record de naissances en Europe et son gouvernement d'accueillir de moins en moins d'enfants dans les écoles. Cherchez l'erreur ! Pour l'Education nationale par exemple, l'attaque ne s'arrête pas là puisque la "gaffe calculée" de madame Royal sur le projet d'extension des 35 heures hebdomadaires aux enseignants montrait la voie. Elle est relayée aujourd'hui par la suppression de la rémunération d'une à trois heures de décharge d'enseignement hebdomadaire, contribution quasi-obligatoire au travail administratif de l'établissement. Les enseignants se retrouvent ainsi contraints d'accepter de donner des heures de cours supplémentaires sous peine de perdre entre 1000 et 1600 euros par an. D'autre part, le projet de loi du ministère prévoit de généraliser la "bivalence" : faire assurer l'enseignement dans deux disciplines distinctes par un même prof dans les lycées et collèges. Tout cela se traduit par une détérioration des conditions de travail, une précarisation accrue et une chute du niveau de vie dans le secteur de l'Education nationale. Le Monde daté du 21 janvier titrait sur la paupérisation des profs. Celle-ci est étayée par une étude révélant que les enseignants du secondaire et les profs d'université ont perdu 20% de leur pouvoir d'achat entre 1981 et 2004 et de 9% pour les instituteurs (soit dit en passant, cette érosion des salaires a commencé dès l'arrivée de la gauche au gouvernement). 2007 voit aussi la poursuite des suppressions de postes dans les autres services publics. Ainsi à la SNCF, le fait qu'il y ait "seulement" 4500 emplois prévus en moins (au lieu de plus de 5000 en 2006) est quasiment présenté comme une "bonne nouvelle". La bourgeoisie ne recule devant aucun effet de manches.


Pas d'illusions ! Le choix des urnes ne changera absolument rien au menu des attaques. Ce n'est pas par la voie électorale, atomisés dans les isoloirs, que les prolétaires pourront se défendre contre de telles attaques. Face à un gouvernement qui, quel qu'il soit, se prépare à cogner toujours plus fort, les ouvriers n'ont pas d'autre choix que de développer leurs luttes sur un terrain de classe.


W (23 janvier)


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