Courrier de lecteur : un témoignage sur la rentrée scolaire

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Nous publions ci-dessous le courrier d'une lectrice travaillant dans le secteur de l'Education nationale. Ce témoignage parle de lui-même et vient clairement illustrer les conséquences de l'aggravation des attaques portées par l'Etat à la tête de toute la bourgeoisie, à savoir la détérioration accélérée des conditions de travail des prolétaires, en particulier au sein de la fonction publique.

Vendredi 1er septembre 2006. Enième rentrée. Enième réunion. Enièmes problèmes. Chaque année, on en bave, chaque année, on conclut en se disant : « C’est de pire en pire ». Chaque rentrée, on est bêtement reposé et on a oublié… enfin, vaguement. Parce que c’est réellement de pire en pire. Parce qu’on en bave de plus en plus. Parce qu’il n’y a plus de solutions mais uniquement des problèmes, anciens et nouveaux. Parce que derrière le vieux rêve enchanteur d’enseigner, il n’y a plus que d’affreux nuages noirs, et que tous les mensonges sur une éducation pour tous ne peuvent plus être avalés.

On nous crée gentiment 1000 postes d’enseignants relais, pour aider les 250 établissements les plus en difficulté… Oui ! Mais on ne crée aucun poste au concours pour cela. Alors d’où viennent-ils ces profs ? Comment se les est-on procurés ? Tout simplement en piochant ailleurs, en dégarnissant d’autres établissements.

On supprime 8500 postes Education Nationale, pour éliminer les ‘surplus payés à ne rien faire’, à en croire les déclarations du gouvernement. Et on oublie pour cela de remplacer les départs à la retraite. Ah bon ? Les quasi-retraités ne servaient à rien ?

Et surtout, on utilise au maximum toutes les ressources possibles. Environ 80% des TZR (titulaires sur zones de remplacements) qui ont été affectés au 1er septembre dans l’académie de Créteil sont sur 3 établissements ! Et on nous parle de projets pédagogiques et de réussite scolaire ?!?

Pour ma part, je vis tout cela en direct. Je suis en poste dans un petit collège. L’an passé, je faisais même 2 heures supplémentaires. Des classes de 22 à 25 élèves, je m’en sortais plutôt bien par rapport à beaucoup d’autres établissements. Mais pour cette rentrée, il fallait récupérer des postes pour compenser les 8500 supprimés… Alors on nous a supprimé 3 classes, sous prétexte d’une légère baisse d’effectifs. Mais en réalité pour parvenir à ce résultat, il a surtout fallu ‘se tasser’ : 30 élèves par cours ! Certaines salles ne sont même pas adaptées à un tel nombre : en technologie, en physique, il n’y a pas assez de place pour les chaises et les tables, pas assez de matériel pour les expériences.

Le résultat voulu a été obtenu : un départ à la retraite non remplacé et des professeurs nomades faisant de 4 à 10 heures dans un autre établissement.

J’appartiens à cette seconde catégorie et je vais faire une bonne partie de mes heures ailleurs. Il n’a pas été question de profiter de ce sous-service pour que je m’occupe des élèves les plus en difficulté de façon libre et adaptée… certainement pas ! J’ai été affectée dans un des établissements le plus dur du coin (classé ZEP, violence, sensible). Pour moi, cela veut dire des trajets supplémentaires non remboursés (puisque je travaille parfois sur les 2 établissements dans la même journée), le double de réunions et le double de boulot. Pour les gamins et les familles, cela signifie une "prof" moins disponible. Pour cet établissement, cela signifie qu’il n’y a pas besoin de créer un poste pour ces 10 heures.

Ma rentrée est dure et amère.

Des parents d’élèves ont été horrifiés lorsqu’ils ont appris que les classes allaient être autant surchargées, et ils ont raison. Nous ne pouvons pas nous occuper correctement de leurs enfants. Nous n’en avons plus les moyens au sein des établissements scolaires. Comment une institutrice peut-elle apprendre à lire et à écrire à une classe de 30 bambins de cours primaire ? La réponse est simple : elle ne peut pas.

Certains enseignants sont découragés et, à à peine 40 ans, pensent déjà à un autre travail... Encore faut-il trouver !

Crèches, écoles primaires, ou secondaires, facultés, hôpitaux,… partout j’entends le même refrain : "on manque de moyens", "il n’y a pas assez de personnels" ; et partout on supprime des postes en fermant les accès aux concours, on restreint les budgets, on crée des emplois précaires.

Voilà la réalité de la rentrée 2006 !

Florence


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