Attentats de Bombay et de Srinagar: des actions terroristes au terrorisme d’Etat, les mêmes ennemis pour la classe ouvrière

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Chaque jour apporte une expression nouvelle de la barbarie capitaliste. Les principales victimes en sont toujours et partout la population travailleuse et exploitée. L’attaque sur le World Trade Center, les attentats de 2005 à Londres, ceux de Madrid, de Beslan, de Bali, de Sharm-el-Sheikh en Egypte, de Delhi, de Bénarès, au Bangladesh, etc. font partie des crimes les plus épouvantables commis contre l’humanité. Les derniers attentats dans des trains bondés de Bombay aux heures de pointe, au retour des ouvriers de leur travail, font partie de cette série d’actes ignobles.  Sept explosions successives le 11 juillet 2006 se sont produites entre 18 h et 18 h 30 de l’après-midi dans les trains de banlieue. Les gens rentraient chez eux après une dure journée de travail. Mais les bombes des terroristes se trouvaient sur leur chemin et envoyèrent brutalement et sans pitié un grand nombre d'entre eux à  la mort. Les mots ne sont pas suffisants pour exprimer toute l’indignation que ces meurtres totalement irrationnels et monstrueux ont provoquée.


Selon le journal The Stateman du 13 juillet, au moins 190 personnes auraient été tuées et 625 blessées, la plupart très gravement. Le nombre de morts pour d’autres journaux s'élèverait à  200. D'autres sources ont parlé de plus de 400 morts.  

Cette ville, capitale de la finance de la bourgeoisie indienne, a déjà été la cible d’attaques terroristes le 12 mars 1993 qui avaient provoqué la mort et de graves blessures chez plusieurs centaines d'ouvriers. A l’époque, on avait compté 13 puissantes explosions dans les parties les plus peuplées de la ville.  

Une autre attaque terroriste a eu lieu le matin du même jour dans la ville de Srinagar, capitale de l’Etat de Jammu et Cachemire, considéré comme un paradis sur terre pour l’exquise beauté des paysages environnants. Les terroristes auraient jeté une puissante grenade dans un bus transportant des touristes de différentes régions de l’Inde. Cette attaque à la grenade a fait 8 morts et en a blessé beaucoup d’autres. Elle était suivie par une autre sur des véhicules de touristes le jour suivant, provoquant aussi des morts et de nombreux blessés graves. Cette situation particulière a déjà provoqué par le passé d’innombrables actes de répression de l'Etat, semant le même climat de terreur. Les masses ouvrières et la population exploitée se retrouvent régulièrement  prises en sandwich entre ces deux types de terreur provenant de deux cliques politiques bourgeoises concurrentes. Le meurtre et les attaques contre des prolétaires innocents sont devenus quasiment quotidiens. 

La réponse de la bourgeoisie indienne et sa direction politique 

La bourgeoisie indienne et sa direction politique comme tous ses partis, qu'ils soient de gauche ou de droite ont intérêt à marquer le plus de points possibles face à leur rivale impérialiste voisine, c’est-à-dire la bourgeoisie pakistanaise et l'Etat pakistanais en les humiliant aux yeux de la « communauté internationale ». La bourgeoisie indienne est beaucoup moins concernée par les morts, les blessés et le sort de leurs familles. Cela va de pair avec le caractère cynique du système capitaliste devenu décadent, particulièrement dans sa phase actuelle de décomposition.

En fait, le niveau de cruauté, le nombre énorme de morts et de blessés sont devenus de simples cartes dans un enjeu politique qui visent avant tout à frapper et acculer la bourgeoisie pakistanaise. Les dirigeants indiens ont un discours stéréotypé qu’ils utilisent lorsque de tels crimes haineux sont commis. Ils y dénoncent la main des services secrets de l'Etat pakistanais, l'ISI (Inter Services Intelligence). Aujourd’hui, la formule a été enrichie de nouveaux éléments tels que ceux des liens du Pakistan avec Al Qaida. Aussi, malgré une enquête toujours en cours et qui  piétine, les dernières déclarations faites par le Premier Ministre et d’autres dirigeants politiques de droite comme de gauche,  accusent ouvertement et agressivement  l'Etat pakistanais qui, de son côté nie toute implication dans ces attentats. Le Premier Ministre indien et son gouvernement ont réagi très rapidement. Ils ont annulé les discussions qui devaient se tenir le même mois entre les deux pays au niveau du secrétaire aux Affaires étrangères. Ils ont aussi annulé le voyage d’une délégation parlementaire à la Commission Parlementaire du Commonwealth qui devait se tenir prochainement. . La "guerre au terrorisme", particulièrement dans les régions  frontalières entre les deux Etats, a constitué le moyen prédominant de la bourgeoisie indienne pour faire pression sur son impérialiste rival pakistanais.

La réponse de la bourgeoisie pakistanaise 

Le Président, le Premier Ministre, le ministre de l'intérieur et d’autres dirigeants politiques de la bourgeoisie pakistanaise ont condamné les attentats. Selon le Daily Times du 15 juillet 2006, Khurshid Mehamood Kasuri, Premier Ministre du Pakistan a « condamné sans équivoque » les dernières explosions de Bombay et a prétendu que le Pakistan était destiné à jouer un rôle clé en faveur de  la paix et de la sécurité du monde du fait de sa situation géo-politique. Selon lui, « ceux qui sont contre le processus de paix et qui  n’en veulent pas sont derrière ces attentats».  Selon un article du Frontier Post du 15 juillet 2006, le Pakistan a rejeté les inconsistantes allégations indiennes et appelé à la continuation du processus de paix. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tasneem Aslam, a affirmé que « le terrorisme est un phénomène qui affecte presque tous les pays du monde. Et de façon sûre, il touche tous les pays de l’Asie du Sud ». Le secrétaire pakistanais aux affaires étrangères, Riaz Mahammad Khan, déclarait de son côté que « le Pakistan ne doit pas laisser son territoire utilisé contre n’importe quel pays. C’est notre ferme politique et notre engagement. » Selon le général Musharraf, « tout atermoiement dans le processus de paix (…) à cause des attaques terroristes équivaudrait à un échec qui jouerait en faveur des terroristes. »  Ces déclarations de la part de la classe dominante pakistanaise sont cyniques et manifestement fausses, destinées à servir ses propres intérêts. Néanmoins, les dirigeants politiques de la coalition au pouvoir au Pakistan se montrent plus empressés à la continuation du processus de paix. Cet intérêt pour la paix et la continuation du processus de paix est plus vraisemblablement un des principaux moyens diplomatico-politiques de la bourgeoisie pakistanaise pour poursuivre son conflit impérialiste avec la bourgeoisie indienne.

Qui sont alors les responsables ?

Tous les Etats et gouvernements capitalistes excellent dans le mensonge et font tout leur possible pour cacher la vérité. Chaque gouvernement, qu’il soit indien, pakistanais ou autre se montre comme le défenseur ardent de la guerre contre le terrorisme mais chacun d’entre eux recourt au terrorisme pour défendre leurs intérêts impérialistes. Tous s’accusent mutuellement de soutenir et être les instigateurs du terrorisme. Le gouvernement indien dénonce la main de l’ISI dans chaque action terroriste sur son territoire mais reste complètement silencieux sur les activités subversives commises par son RAW ("Research and Analysis Wing", pouvant être considéré comme l’homologue de l’ISI) chez ses ennemis dont le plus important est le Pakistan. En fait la RAW a été créée pour contrer les activités des services de renseignements étrangers en Inde et pour organiser des actes subversifs, c’est-à-dire terroristes, sur le territoire ennemi. De son côté, le gouvernement pakistanais voit la main de la RAW dans les attentats terroristes qui ont lieu dans différentes régions du Pakistan, mais se tait sur ceux fomentés par l’ISI. Comment se fier dans ces conditions aux déclarations des uns et des autres ? 

Nous devons donc nous centrer sur la question de savoir à qui des parties en présence cet acte ignoble de barbarie procure le maximum de gain politique et diplomatique. La conférence du G8 s’est tenue le 16 juillet 2006 à Saint-Pétersbourg et le Premier Ministre indien y était invité. Les attentats ont eu lieu le 11 juillet. Ceci a fourni à la bourgeoisie indienne une arme politique très puissante pour frapper et humilier la bourgeoisie pakistanaise, sa voisine immédiate et sa rivale impérialiste au sein de la "communauté internationale", en utilisant pleinement l’opportunité de s’adresser à la conférence des Etats impérialistes les plus puissants du monde. 

De plus, le gouvernement américain a récemment annoncé qu’il fournirait au Pakistan trente-six avions de combat F-16 de la dernière génération et le gouvernement indien a exprimé sa désapprobation et son désaccord avec cette décision de la bourgeoisie américaine. Cette dernière action terroriste est sûre d’être utilisée pleinement par l’Inde pour faire pression sur les Etats-Unis. 

Car quelque temps avant les attentats, les conflits au sein des partis politiques de la clique dirigeante étaient plus ouvertement dirigés sur différents problèmes politiques économiques comme les privatisations, le niveau d'inflation, le rapprochement envers la bourgeoisie américaine dans les relations impérialistes internationales, etc. Les occasions comme le récent et humiliant ratage de l’Agni (la dernière version du missile à moyenne portée) et des lancements d’Insat ("Indian communication satellites") n’ont pas manqué pour ajouter aux querelles du gouvernement avec les partis dans l’opposition. Les partis politiques de la gauche du capital avaient ainsi planifié plusieurs actions politiques de masse contre le gouvernement. Tout cela est passé au second plan après les explosions de Bombay. Même si certains dirigeants politiques et des officiers de police de haut rang ont affirmé que d’autres dirigeants politiques avaient des liens divers avec la pègre et les terroristes. Aussi, nous pouvons affirmer en toute confiance que l’Etat indien a retiré un gain diplomatique maximum de ce massacre barbare d’innocents. Il est donc vraisemblable que même s’il ne trempe pas directement dans cet acte odieux, il l’a laissé faire, de la même façon que l’impérialisme américain s’est servi de l’attaque du 11 septembre sur le World Trade Center et de l’attaque sur Pearl Harbor lors de la Seconde Guerre mondiale pour mettre en place une stratégie impérialiste déjà préparée pour ses intérêts.

La question n’est tant de savoir qui est responsable mais pourquoi.

La bourgeoisie à travers le monde fait de son mieux pour polariser l’attention sur qui sont les terroristes ou d’où ils viennent et leur fonctionnement. De cette manière, elle a fait passer ses propres conflits impérialistes pour des épisodes de la guerre contre le terrorisme dont l'instigateur principal et le défenseur le plus ardent se trouve être la bourgeoisie américaine.  Elle mène cette guerre contre le terrorisme depuis l’attaque du 11 septembre. Mais le terrorisme n'a pas reculé. Au contraire, il s’est développé et est devenu plus étendu et toujours plus barbare au fil des années. 

Le terrorisme est le produit inévitable des conditions matérielles du capitalisme et de la lutte de classe dans cette phase de décomposition du système capitaliste mondial décadent. Dans les conditions de la décadence du système, chaque Etat capitaliste, grand ou petit, fort ou faible, développé ou "en développement"  est impérialiste, il en va de sa survie en tant que fraction nationale du capital. Le marché mondial ne peut plus permettre le plein développement de toutes les parties du capital. Aussi, chaque pays s’efforce d’assurer sa propre survie au prix de celle des autres. Ceci ne peut qu’exacerber le conflit impérialiste de chaque Etat nation contre tous les autres.
Dans une telle situation internationale, le terrorisme est devenu un moyen très important de la guerre secrète menée par chaque Etat capitaliste contre d’autres.

La phase de décomposition qui s’est définitivement affirmée avec l’effondrement du bloc impérialiste soviétique en 1989 a donné une impulsion qualitativement nouvelle au développement du chacun pour soi et à la confrontation  de tous contre tous, conduisant ainsi à une situation chaotique dans les relations internationales. Elle a aussi conduit à l’effondrement du bloc occidental et à la disparition de la discipline de bloc que les têtes de blocs pouvaient auparavant imposer. Les anciens alliés de l’impérialisme américain ont commencé à être ses grands concurrents impérialistes et à essayer d’affaiblir par tous les moyens l’autorité mondiale et l’hégémonie de la bourgeoisie américaine. Aussi, le seul but de la stratégie globale de la bourgeoisie américaine est de préserver cette hégémonie et celui des autres grandes puissances est de pousser à son affaiblissement.

Dans cette dynamique impérialiste et guerrière, l’autorité des Etats-Unis s’est affaiblie ces dernières années. En conséquence, la tendance au chacun pour soi a connu une nouvelle avancée et une impulsion conduisant à une aggravation de la situation de chaos dans les relations internationales. Cela signifie que le terrorisme ne peut que connaître une accélération  partout dans le monde et particulièrement dans le sous-continent indien. Il faut ainsi s’attendre à ce que les Etats capitalistes du Pakistan, du Bangladesh et de l’Inde déchaînent les uns contre les autres les foudres du terrorisme. 

Cette situation particulière de décomposition du système capitaliste décadent a aussi amené à l’intensification de tous les conflits entre les différentes fractions du capital. Ces conflits internes aggravés se sont de plus en plus exprimés dans le développement des luttes armées et des actions terroristes. De nombreux groupuscules maoïstes ont organisé des attentats terroristes, causant pour la plupart le meurtre massif de personnes innocentes. De tels groupes ou organisations qui se développent localement augmentent numériquement et se renforcent politiquement comme militairement. La situation dominante du capitalisme ainsi que  la lutte des classes sont obligées de tenir compte de leur force et de leurs activités meurtrières barbares. Il ne fait pas de doute que ces organisations terroristes locales grandissantes seront soutenues, utilisées et liées aux autres puissances rivales impérialistes pour faire avancer leurs propres intérêts. Il n’y aura donc aucun répit dans la course aux attentats sanglants tant que le système capitaliste décadent survivra.

Le terrorisme d’Etat

L’Etat est le terroriste le plus organisé, le plus puissant et légalisé. Il possède tous les moyens de la terreur. Dans la phase de décomposition du système capitaliste décadent, chaque Etat sera appelé à recourir de plus en plus aux méthodes terroristes afin de préserver l’ordre capitaliste. Chaque Etat est amené à s'enfoncer de plus en plus dans la crise économique, le "marasme bureaucratique" et dans la fuite en avant  dans le militarisme, mettant de plus en plus à nu la réalité de la dictature du capital et déchirant son masque démocratique. La classe ouvrière et les masses exploitées vont de plus en plus être prises en sandwich entre les actes terroristes de l’Etat et ceux de groupes bourgeois plus informels. L'Etat a recours au terrorisme contre la classe ouvrière pour pouvoir accentuer ses attaques contre les conditions de vie et de travail. Les mouvements de la classe ouvrière sont brutalement réprimés par les forces armées de l’Etat partout dans le monde. Ils sont également soumis à des diktats économiques et juridiques. Les grèves de Honda en juillet 2005 (voir Révolution Internationale361) ont été réprimées sans pitié par la police. Le récent mouvement de la jeune génération ouvrière en France a été confronté au déploiement de l'appareil répressif. Les ouvriers des transports new-yorkais ont du faire face à la répression économique et juridique de l’Etat. Partout, l’Etat capitaliste sera appelé à user de mesures répressives et terroristes contre la classe ouvrière (voir Revue Internationale125).

La guerre d’une forme de terreur contre une autre

Les différents groupes terroristes qu'ils soient directement manipulés par l'Etat ou non se combattent pour s'accaparer ou préserver le pouvoir d’Etat. Tous essayent de se présenter comme les meilleurs amis de la classe ouvrière et des masses exploitées et demandent à la classe ouvrière de se rallier à eux dans leur guerre soit pour garder le pouvoir entre leurs mains soit pour s'en emparer. Le résultat sera le même : il contribuera à accentuer l’exploitation et la répression contre  la classe ouvrière et les masses de travailleurs. La prétendue "machine de guerre contre le terrorisme" n’est qu’un autre nom pour les conflits impérialistes et la guerre d’une forme de terreur contre une autre  Tous poursuivent  le même projet : soumettre davantage la classe ouvrière à l’acceptation de l’exploitation et des attaques contre ses conditions de vie et de travail. Tous sont également impérialistes, barbares, meurtriers, réactionnaires et répressifs. 
La classe ouvrière ne peut et ne doit jamais choisir un camp dans cette guerre impérialiste permanente et dans cette guerre entre deux formes de terrorisme. 

La classe ouvrière et les masses exploitées sont les principales victimes de ces règlements de compte 

Dans chaque attaque terroriste ou dans la guerre anti-terroriste, la classe ouvrière et les masses travailleuses sont les principales victimes. Elles sont tuées ou blessées par centaines et même par milliers dans toutes les formes de  la guerre impérialiste permanente du capitalisme décadent. Ce fut le cas du World Trade Center, du métro de Londres, des trains de Madrid. Cela a été le cas dans les attentats terroristes de Delhi, Bénarès et du Bangladesh. Cela fut encore le cas dans les attentats terroristes des différentes parties du Pakistan, de l’Inde et du Pakistan occupé, le Cachemire. Les attentats de Bombay représentent la même réalité barbare de décadence. C’est aussi ce qui se passe en Irak, en Afghanistan, au Soudan, en Israël, au Liban, etc.

La lutte des classes est la seule voie

L'existence prolongée du système capitaliste décadent dans sa phase de décomposition signifie plus d’incertitude pour la vie, toujours davantage d’attaques sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière, plus de chômage, de guerre impérialiste et d'attentats. Cela signifie aussi plus de barbarie, de pauvreté, de misère, de pollution et de destruction sur la planète entière. Aussi, le renversement du système capitaliste est la seule solution à l'échelle mondiale. La classe ouvrière est la seule classe capable de remplir cette tâche historique. Elle ne peut être accomplie qu’en se battant contre l’augmentation des attaques du capital, à travers l’extension et l’unification de ses luttes dans tous les secteurs, régionalement et internationalement et par la politisation continue de ces luttes. La classe ouvrière doit donc rejeter avec le plus grand mépris l’appel à l’unité nationale pour la guerre contre le terrorisme et intensifier sa lutte de classe. C’est  la seule voie possible à suivre pour elle. 

Communist Internationalist,
organe du CCI en Inde

 

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