Soumis par Révolution Inte... le
La prise d’otages est devenue une pratique guerrière courante, presque journalière. En Tchétchénie, au Moyen-Orient, en Irak, en Afrique, partout où les conflits impérialistes sont ouvertement à l’œuvre, des êtres humains sont pris en otage, décapités, massacrés, tout en étant filmés par les médias aux ordres de la bourgeoisie. Le capitalisme est né dans la boue et le sang, mais si le prolétariat le laisse faire, il nous entraînera dans une marée de souffrance et de destruction.
L’offensive de l’impérialisme français dans le monde arabo-musulman
Il y a maintenant un mois, deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont été enlevés en Irak. Ce ne sont pas les premiers français pris en otage de part le monde au cours des dernières années. Malgré une présence militaire forte et active, des journalistes avaient déjà été enlevés en Côte-d’Ivoire, comme d’ailleurs un journaliste de Canal Plus, Jordanov, qui avait été détenu pendant quatre jours par une faction islamiste en Irak au printemps dernier. Jamais la bourgeoisie française n’avait jusqu’à présent mené de campagne idéologique en faveur de la libération d’otages avec une telle ampleur, avec une publicité médiatique aussi grande. La classe ouvrière ne doit pas se faire d’illusions, l’Etat français se moque totalement de la vie de ces deux journalistes. Le capitalisme a toujours eu un mépris total pour la vie humaine et ce n’est pas dans la période de décomposition de son système que cela risque de changer. Il suffit de se rappeler le rôle cynique et barbare joué par la France dans le génocide de près d’un million de personnes au Rwanda en 1994 pour s’en convaincre totalement, si cela était encore nécessaire. Tous les efforts diplomatiques de l’impérialisme français dans tous les pays arabes et musulmans n’ont qu’un seul et véritable objectif : y renforcer autant que possible son influence. Un article de Courrier International du lundi 20 septembre commence ainsi : "Si les ravisseurs des deux journalistes français Christian Chenot et Georges Malbrunot avaient pu s’attendre à la vague de réprobation islamique que leur acte a soulevé, il est fort probable qu’ils auraient renoncé à cet enlèvement." En effet, à partir du moment où le rapt des deux journalistes a été officiellement connu, nous avons pu assister à une offensive diplomatique –avec sans aucun doute une composante secrète- conduite par les plus hauts responsables de l’Etat français dans l’ensemble des capitales arabo-musulmanes. Le résultat de cette offensive politique de la bourgeoisie française est que jamais la France n’aura été autant soutenue et n’aura fait l’objet d’une telle sollicitude des sociétés arabes et musulmanes. Aucun Etat, y compris ceux qui, tel l’Egypte, figurent depuis plusieurs dizaines d’années parmi les plus fidèles alliés des Etats-Unis, n’ont manqué à l’appel. Tous ont accueilli très chaleureusement les déclarations mettant en avant la politique de soutien au monde arabo-musulman de la part de l’impérialisme français. La position de la France sur la guerre en Irak n’est à cet égard qu’un aspect de sa politique impérialiste dans cette région du monde. Mais plus significatif encore de l’orientation pro-arabe et pro-musulmane de la politique impérialiste de la France est l’abondance des messages de sympathie et de soutien qu’aura reçu l’Etat français à cette occasion de la part des hauts dignitaires religieux et autres organisations terroristes armées : le cheikh Youssef Al-Qaradaoui (haut dignitaire sunnite) ; Mohamed Hussein Fadlallah (un des dirigeants du Hezbollah) ; le guide du mouvement des frères musulmans en Irak ; le Hamas ; l’organisation du Djihad islamique palestinien... Il est impossible de savoir qui est à l’origine de cette prise d’otages, comme il est délicat d’avancer avec certitude quelle est l’obédience du groupe terroriste qui, sur place a commis l’enlèvement. Combien de groupes totalement incontrôlés, prolifèrent dans le chaos irakien ? En tout état de cause, il semble bien que, pour le moment, la bourgeoisie française a profité au maximum de cette prise d’otages en travaillant à réactiver tous ses réseaux de contacts et de liens politiques dans cette partie du monde, en réaffirmant à cette occasion sa ligne politique en direction du monde arabe et musulman. Il est indéniable qu’à ce jour, l’impérialisme français vient de marquer des points non négligeables sur le terrain des affrontements inter-impérialistes.
Aucun répit n’est possible dans la confrontation entre grandes puissances
Il est bien évident que les principaux concurrents de l’impérialisme
français et en premier lieu les Etats-Unis ne pouvaient pas rester
indifférents à cette offensive de la France. On ne peut
manquer de remarquer que l’Etat français, par l’entremise
de son chef de la diplomatie Michel Barnier ou de son ministre de l’intérieur
Dominique de Villepin, s'est montré dans un premier temps très
optimiste à propos de la libération des deux journalistes
français. Cet optimisme ne pouvait être dû qu’à
des renseignements fiables sur les résultats positifs de l’offensive
diplomatique menée sur la libération des otages. Et pourtant,
un mois après, leur libération n’est pas encore effective.
Si, comme tout le monde l’affirme, les otages sont retenus dans
la région de Fallouja, il est important de remarquer la simultanéité
de la campagne internationale pour la libération de ces deux
journalistes et l’offensive américaine d’envergure
sur Fallouja. Comme il est encore important de noter que, depuis lors,
des raids de l’aviation militaire sont sans cesse menés :
"L’armée américaine a affirmé ces
derniers jours avoir pris pour cible, à plusieurs reprises, des
repaires présumés du groupe de l’islamiste jordanien
Abou Moussad Al Zarkaoui, lié à Al-Qaida, à Fallouja,
faisant ainsi des dizaines de morts parmi la population civile."
(Courrier International du 20 septembre). Il est certain, que cette
nouvelle offensive armée américaine, tout particulièrement
centrée sur la région où sont retenus les otages
français n’est que la partie la plus visible de la réaction
américaine à l’offensive impérialiste de la
France, qui s’est elle-même développée à
peine cachée sous la bannière humanitaire de la libération
des deux journalistes. Ceci donne tout son sens au fait que le gouvernement
Chirac met en avant la poursuite des combats et des violences en Irak
pour expliquer la lenteur de la libération éventuelle
de ces deux journalistes français et de leur chauffeur syrien.
Les dignitaires religieux semblent tout particulièrement visés
depuis quelques temps : "Deux membres du comité
des oulémas sunnites ont été assassinés
lundi dans la capitale irakienne. Des hommes armés ont tué
le cheikh Mohamed Djadou lundi alors qu’il sortait d’une mosquée
à l’ouest de Bagdad. Quelques heures plus tôt, dimanche
soir, un autre dirigeant du comité des oulémas, Hazem
Al Zadi, a été tué à la sortie des prières
d’une mosquée de Sadr City, quartier chiite de la capitale
irakienne. Le comité des oulémas a dit craindre une "campagne
organisée" d’assassinats de ses dignitaires."(idem).
En retour, ces assassinats particulièrement ciblés sont
un facteur très important dans le mouvement de radicalisation
d’une partie de la population irakienne, notamment parmi sa frange
la plus croyante, plongeant un peu plus l’Irak dans un chaos total.
Dans ce contexte, quelles que soient les motivations réelles
du groupe terroriste qui détient les deux otages français
et le niveau d’influence que peuvent avoir sur lui les autorités
religieuses, il semble bien que les ravisseurs se retrouvent dans une
situation très périlleuse qui complique sérieusement
les modalités de libération des deux journalistes français.
Aussi bien les réactions d’ampleur et menaçantes
à cet enlèvement que les enjeux des tensions interimpérialistes,
impliquant directement la France et les Etats-Unis, placent ces preneurs
d’otages entre le marteau et l’enclume. De tous cotés,
la perspective à leur égard, pourrait être leur
écrasement dans le sang. Dans ce sens, le permis de tuer (par
une "fatwa") délivré par les plus hautes autorités
religieuses à ces ravisseurs est significatif du soutien global
du monde musulman à l’impérialisme français.
Le jeudi 16 septembre dernier, deux Américains et un Britannique,
ont été enlevés dans leur résidence d’un
quartier aisé de Bagdad, comme au même moment deux jeunes
femmes italiennes engagées dans des activités humanitaires
auprès d’ONG. Aucune des instances qui se sont mobilisées
pour soutenir la France dans l’affaire de ses otages, ne s’est
mobilisée à nouveau pour les otages américains.
C’est même le silence le plus total qui prévaut, signifiant
ainsi, de fait, l’aval donné par ces instances à
ces prises d’otages. Et l’assassinat barbare, filmé
sur Internet, de deux d’entre eux ne s’est pas fait attendre.
Le prolétariat doit refuser l’union sacrée avec la bourgeoisie
La prolétariat ne doit se faire aucune illusion. L’Irak
livré à la guerre permanente et à l’anarchie
la plus complète ne peut que sombrer encore plus dans le chaos.
Derrière la guerre civile en Irak et dans l’ensemble du
monde arabo-musulman, les grandes puissances impérialistes se
rendent coup pour coup. La prise des otages français quels qu’en
soient les initiateurs et leurs motivations, comme quelle qu’en
soit l’issue, n’aura constitué qu’un épisode
supplémentaire dans les affrontements impérialistes, et
notamment entre la France et les Etats-Unis. La vie des otages n’est
que le prétexte pour développer cet affrontement.
Certes, la France vient de marquer quelques points, mais ceci peut encore
évoluer selon le sort qui sera réservé aux otages.
Dans leur lutte acharnée, la France et les Etats-Unis ne manqueront
pas d’en faire l’usage le plus cynique.
La bourgeoisie française a déjà largement profité,
par exemple, du moins dans un premier temps, du battage médiatique
autour de cet événement. Une fois de plus, la barbarie
du capitalisme aura permis de recréer et de susciter un climat
d’union nationale, "d’union sacrée" entre
les exploiteurs et leurs exploités, auquel toutes les forces
de la bourgeoisie auront largement contribué, des trotskistes
au PCF, des pontes du PS en passant par l’ensemble des leaders
de la droite. La classe ouvrière n’a rien à gagner
mais tout à perdre en se laissant entraîner dans de telles
campagnes qui ne servent qu’à la détourner de son
terrain de lutte.