Soumis par Révolution Inte... le
Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".
Toutes ces justifications ne sont que de purs mensonges ! Haïti, est l'exemple même du cynisme de la bourgeoisie. Comme le continent africain, Haïti est ravagée par la famine, les épidémies. 70% de la population est au chômage. 85% de la population vit avec moins d'un Euro par jour. La moyenne de l'espérance de vie est de moins de 50 ans en 2002 contre environ 70 ans dans les autres pays d'Amérique et des Caraïbes. 40% de la population n'a pas accès aux soins de base et les taux d'infection par le VIH et la tuberculose sont les plus élevés d'Amérique latine. La mortalité infantile y est deux fois plus élevée et la moitié des enfants de moins de 5 ans ne mangent pas à leur faim. Cette situation est aggravée par l'attitude des puissances occidentales qui promettent des crédits et des subventions qui ne sont jamais versées. "Après les élections législatives contestées du 21 mai 2000, les Etats-Unis, l'Union Européenne et les organismes financiers internationaux ont gelé l'aide prévue pour Haïti. Ce véritable embargo atteint la population la plus vulnérable de tout le continent, le peuple le plus pauvre, celui dont l'économie, l'environnement, le tissu social sont les plus fragiles" (Le Monde Diplomatique, juillet 2003). A ce sombre tableau de l'enfoncement dans la paupérisation, s'ajoutent les émeutes et affrontements entre anti et pro-Aristide qui ont fait plusieurs centaines de morts. Ces victimes s'additionnent à la longue liste d'exactions et de massacres commis par les régimes précédents, soutenus par les démocraties occidentales, des sanguinaires Duvalier père et fils et leurs milices "tontons macoutes" aux généraux et gouverneurs militaires qui se sont succédés depuis l'indépendance de l'île en 1804. Haïti s'enfonce dans toujours plus de chaos et de désordre. Elle est aux mains des bandes armées et de leurs représentants politiques qui organisent toutes sortes de trafics : drogue, armes et organisation des filières de l'immigration clandestine. Devant un tel niveau de barbarie qui illustre de manière dramatique l'enfoncement général du capitalisme dans la décomposition, il est légitime de se demander l'intérêt que peuvent avoir les grandes puissances à intervenir militairement en Haïti. Contrairement à ce que racontent les gauchistes, les grandes puissances n'interviennent pas en Haïti pour continuer à faire fonctionner les entreprises, les banques, etc.. Ceci est secondaire tant l'économie et l'Etat de cette partie de Saint-Domingue sont exsangues. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, où les puissances européennes se disputaient les richesses des Caraïbes. Nous ne sommes plus au XXe siècle où la division du monde en blocs militaires nécessitait un contrôle absolu de cette zone par le bloc américain face au bloc soviétique et à ses influences sur Cuba. Aujourd'hui, ce n'est pas le contrôle de Haïti en soi qui justifie l'intervention des grandes puissances mais le fait que les Etats-Unis veulent garder la main mise sur les Caraïbes pour contrôler le flux croissant de réfugiés qui arrive sur les côtes de Floride et garder l'influence sur cette zone qu'ils considèrent comme leur pré-carré face aux autres puissances européennes, notamment la France qui, au moment du Bicentenaire de l'indépendance de Haïti (autrefois colonie française), essaye de contester aux Etats-Unis cette zone. Depuis l'effondrement du bloc de l'Est, l'Oncle Sam se heurte, dans la défense de son leadership, à la contestation de ses anciens alliés du bloc de l'Ouest. Déjà, en 1994, c'est cette contestation par la France, l'Allemagne et la Russie, des sanctions prises à l'ONU contre l'Irak après la première guerre du Golfe, qui, entre autre, va pousser Bill Clinton à la démonstration de force. Il envoie plus de 20 000 soldats pour "restaurer la démocratie" en Haïti et les Etats-Unis réinstallent sur le trône présidentiel Jean-Bertrand Aristide, celui-là même qu'ils avaient chassé quelques années auparavant.
Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué
lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les
autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau
lâché par ses parrains américains et français.
Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté
des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains
qui réclament à cor et à cri une enquête
internationale sur l'éviction anti-démocratique subie
par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper
du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est
eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire
n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile",
mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré
les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac
pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point
sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait
intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence
qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre,
même si cela génère encore plus de chaos et de massacres
pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence
pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour
le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait
que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de
la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis
s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont
chassé Aristide, fait céder ses opposants armés,
désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration.
Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement
de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle
de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus
l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et
le caractère irrationnel du point de vue économique de
ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche
et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti
met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus
irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre
n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même
pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des
tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées
aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation
Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de
gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine
ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des
différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander
si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle
Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres
puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme.
Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe
en réalité les contradictions impérialistes, alimente
le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement
le plus total.