Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".
Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué
lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les
autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau
lâché par ses parrains américains et français.
Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté
des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains
qui réclament à cor et à cri une enquête
internationale sur l'éviction anti-démocratique subie
par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper
du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est
eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire
n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile",
mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré
les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac
pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point
sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait
intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence
qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre,
même si cela génère encore plus de chaos et de massacres
pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence
pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour
le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait
que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de
la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis
s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont
chassé Aristide, fait céder ses opposants armés,
désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration.
Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement
de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle
de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus
l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et
le caractère irrationnel du point de vue économique de
ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche
et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti
met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus
irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre
n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même
pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des
tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées
aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation
Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de
gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine
ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des
différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander
si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle
Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres
puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme.
Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe
en réalité les contradictions impérialistes, alimente
le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement
le plus total.