Hommage à Bruno Maffi

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Bruno Maffi est mort à Milan le mercredi 20 août.


Né à Turin en 1909, il était le neveu de Fabrizio Maffi, député socialiste "maximaliste" qui entrera tardivement au PC d'Italie en 1924. Bruno est d'abord socialiste et membre du comité central de "Giustizia e Libertà", une organisation "antifasciste". Il est arrêté une première fois en 1930. Chargé en 1934 de la reconstruction du "centre socialiste" pour l'Italie, il collabore à Nuovo Avanti et à Politica socialista. Il écrit dans cette période ses Appunti per una politica socialista. Il est arrêté de nouveau en 1935 et c'est à partir de ce moment là que, sous l'influence notamment d'Onorato Damen, un des principaux militants de la Gauche communiste restés en Italie et qu'il a rencontré en prison, il commence à se rapprocher des positions de ce courant et finit par rompre avec son passé "antifasciste" pour adopter des positions de classe. En 1943, il participe avec Damen à la fondation du Partito Comunista Internazionalista, dont il sera l'un des responsables. En 1945, cette organisation accueille dans ses rangs toute une série de nouveaux militants dont :

  • Ottorino Perrone, ancien dirigeant de la Fraction italienne de la Gauche communiste mais qui, au moment de la "Libération", participe à la "Coalition antifasciste de Bruxelles", ce qui lui a valu son exclusion de la Fraction en janvier 1945 ;
  • des membres de la "minorité" de la Fraction italienne qui ont rompu avec celle-ci en 1938 en adoptant des positions antifascistes à propos de la guerre d'Espagne ;
  • des militants du Sud de l'Italie regroupés dans une "Fraction de Gauche des communistes et socialistes" dirigée par Amadeo Bordiga (principal fondateur du Parti communiste d'Italie en 1921 et dirigeant "historique" de la Gauche italienne dans les années 20) et qui a dans un premier temps misé sur une possibilité de "redressement" du Parti communiste d'Italie (c'est-à-dire le parti stalinien).

L'hétérogénéité de cette organisation aboutit après 1947 à de nombreuses défections et à la scission de 1952 entre la tendance animée par Damen (qui conserve les organes de presse Battaglia comunista et Prometeo) et celle animée par Bordiga qui publie Il programma comunista. Perrone et Maffi se rallient à cette dernière tendance. Après la disparition de Bordiga, en 1970, Bruno Maffi devient le principal dirigeant du "Partito comunista internazionale" qui a pris ce nom en 1965 pour se distinguer du "Partito comunista internazionalista" de Damen et pour rendre compte de son extension à d'autres pays, notamment en France. Cette organisation connaît une première scission importante en 1974 avec la formation d'un autre "Partito comunista internazionale" qui publie à Florence Il Partito comunista. En 1982, le PCI de Maffi connaît une véritable explosion qui détruit complètement l'organisation internationale, dilapidant tout un patrimoine de militants et d'expériences uniques à l'échelle mondiale. A partir de ses débris se reconstituent plusieurs petits groupes se réclamant de la tradition "bordiguiste" dont les plus importants sont le "Partito comunista internazionale" qui publie Il Comunista en Italie et Le Prolétaire en France et le "Partito comunista internazionale" animé par Bruno Maffi qui reprend (grâce à une action de justice devant les tribunaux bourgeois) la publication de Il Programma comunista. Depuis ses débuts, notre organisation a publié des articles de polémique contre certaines des positions défendues par l'organisation de Bruno Maffi, tout en affirmant cependant son appartenance au camp du prolétariat et de la Gauche communiste. C'est pour cela que nous ne reviendrons pas ici sur les divergences que nous avions avec ce camarade et avec l'ensemble du courant "bordiguiste". Nous nous contenterons de signaler que peu avant de disparaître, Maffi a commis une faute politique particulièrement grave : il a participé à la fondation, le 27 mai 2000, d'une "Fondation Amadeo Bordiga" subventionnée par l'Etat italien. A son propos, nous écrivions dans notre publication en Italie : "L'intervention introductive des travaux de la conférence, par la voix du président de l'association, Bruno Maffi, a essentiellement tenu à 'rendre hommage au combattant, à l'honnêteté de l'homme qui avait su dédier son énergie à la politique sans aucun intérêt personnel' et en disant cela, il était explicitement fait référence aux politiciens actuels qui sont tout sauf désintéressés sur le plan personnel. Naturellement, il n'est pas venu le moins du monde à l'idée du vieux Maffi que sur la base de cette prise de position, le révolutionnaire Bordiga finissait par être assimilé au héros de Mani Pulite, Di Pietro. (...) Ce manque de clarté a conduit à déformer sérieusement la figure de Bordiga : de révolutionnaire, on en a fait un combattant pour la démocratie. Pauvre Bordiga !" (Rivoluzione internazionale n° 117, "Fondation Amadeo Bordiga, ou comment démocratiser et momifier la figure d'un grand révolutionnaire")


Malgré ses erreurs politiques qui proviennent en partie du fait que ce n'est que tardivement (après 1935) que Bruno Maffi s'est rallié à la Gauche communiste (dont il n'a jamais assimilé pleinement le combat) et malgré les errements graves que nous venons d'évoquer, nous tenons ici à rendre hommage à ce militant pour avoir conservé et défendu jusqu'au terme de sa longue vie ses convictions communistes.


A ses camarades de Programma comunista, nous transmettons toute notre solidarité.

CCI

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