République démocratique du Congo, Soudan, Côte d'Ivoire : L'Afrique dévastée par les rivalités impérialistes

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Depuis une quinzaine d’années, l’Afrique, en permanence à feu et à sang, paie un lourd tribu à l'impasse mondiale du capitalisme. Destruction des vies et de l’environnement, maladies terribles, misère absolue de la population et du prolétariat sont la conséquence de guerres impliquant directement les grandes puissances et dont elles sont responsables au premier chef. Bien qu'il n'existe aucun havre de paix sur ce continent, la situation est actuellement particulièrement dramatique en RDC, au Soudan, en Côte d’Ivoire, au Togo.

La paix impossible en RDC (Congo ex-Zaïre)

Suite aux massacres en masse de l’été dernier à l’est de la RDC (ex-Zaïre) perpétrés par les bandes sanguinaires qui chassaient des populations d’origine tutsie, les tueries s’intensifient et impliquent même les forces de l’ONU. En effet, dans cette région, depuis août dernier, la guerre a déjà fait des milliers de morts venant s’ajouter aux 60 000 victimes et 500 000 déplacés de 2003.

Dans ce contexte, sous prétexte de "venger" leurs collègues tués par des bandes armées, les militaires de l’ONU, qui s'impliquent de plus en plus directement dans la guerre en RDC, ont mis à leur actif ce mois-ci la mort d'une centaine de miliciens congolais.

De leur côté, les autorités criminelles rwandaises et congolaises, qui encadrent les diverses bandes, s’apprêtent à en découdre en envoyant leurs troupes respectives dans les zones de combats. Une fois encore, le chaos sanglant de la RDC est sur le point d’embraser toute la région des Grands Lacs, alors que les grandes puissances et l’ONU tentent de dissimuler leurs propres responsabilités criminelles dans les massacres.

Dix ans de destruction massive du pays, de massacres et de mutilations par millions, n’ont pas suffi aux charognards impérialistes. Pourtant officiellement, ces gens-là ne sont présents sur le terrain que pour assurer la "paix", la "réconciliation", la "démocratie"…

Mais qu’en est-il en réalité ?

La vérité, c’est qu'au lendemain de l’accomplissement de l’abominable "génocide rwandais", la France et les Etats-Unis téléguidant les cliques rwandaises qui s’entredéchiraient alors, se sont retrouvés face à face sur le sol congolais pour poursuivre leurs sanglants règlements de comptes par alliés locaux interposés. Et on connaît la suite : des tueries incessantes et des millions de morts et de blessés. A ce sujet, deux organismes, une ONG basée à New York (IRC) et un centre de recherche médical australien, ont produit un rapport rendu public en décembre dernier qui montre que la guerre en RDC a fait en réalité 3,8 millions de morts depuis 1996. Soit l’équivalent de mille morts par jour, faisant ainsi du conflit en RDC le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Les grandes puissances démocratiques ont pour ainsi dire passé sous silence ce génocide de près de 4 millions de victimes, qui n'a pu être exécuté sans leur complicité active.

Aujourd’hui, alors que les tueries se poursuivent et face à la menace de la généralisation du chaos sanglant, l’ONU et les grandes puissances appellent à la "retenue", tout en envoyant leurs émissaires prodiguer des "conseils" aux divers chefs de guerre.

Ces manœuvres diplomatiques ne sont qu’un habillage des agissements criminels des grandes puissances impérialistes en vue de préserver leurs sordides intérêts capitalistes. En effet, rappelons-nous que depuis le début de la guerre, il y a déjà eu des dizaines de "plans de paix" et de résolutions de l’ONU suivis d’innombrables "cessez- le feu" qui n'ont jamais arrêté la boucherie.

Aujourd’hui, face à la nouvelle vague des tueries en masse, les grandes puissances restent de marbre, ou plutôt continuent à téléguider en coulisses les cliques sanguinaires sans même faire semblant d’arrêter les assassins.

Le rôle criminel de l’ONU dans le conflit en constitue une illustration. Pas plus qu'en mai 2003, où ils assistaient passivement à l’assassinat de plus de 60 000 personnes en Ituri, les Casques bleus de l’ONU présents en RDC n’empêchent les massacres. Mais en plus, leurs membres participent directement à des exactions, comme les violences sexuelles, en compagnie des autres criminels. C'est à un point tel que le secrétariat de Kofi Annan a dû admettre publiquement que des "Casques bleus déployés au Congo ont commis des abus sexuels" ( !). Ces crimes sont encore plus odieux au regard du nombre des victimes (40 000 depuis le début de la guerre) et du fait que ce sont des enfants, filles et garçons, qui sont victimes des violences sexuelles. En clair, l’ONU ne se contente pas de tromper son monde sur le fait qu'elle serait une "force de paix", mais elle est directement impliquée dans les opérations criminelles des puissances impérialistes.

Ce sont les mêmes grandes puissances qui ont plongé ce pays dans un chaos sans fin qui tentent de dissimuler leurs responsabilités à travers une propagande mensongère. En effet, pour masquer ses menées guerrières, la bourgeoisie des grands pays capitalistes brandit systématiquement aux yeux du monde des "plans de paix" et de "réconciliation" pour cette région. En 2003, les grands parrains impérialistes des cliques congolaises avaient réussi à imposer à celles-ci un compromis débouchant sur la formation d’un "gouvernement d’union nationale".

Cet épisode a été l’occasion pour la bourgeoisie de parler de l’arrivée d’une "nouvelle ère de paix" et de "réconciliation" en RDC. Mystification grossière ! Le simulacre de gouvernement mis en place n’a pas été long à vaciller quand, en juin dernier, un de ses membres a pris les armes pour occuper la ville de Bukavu en massacrant et faisant fuir par milliers les populations civiles.

Bras armé de pays qui cherchent à contrôler la région, chaque groupe aiguise ses armes contre les autres. Tous ces gangsters qui ne vivent que de la guerre précipitent le pays dans le massacre de tous contre tous.

Autrement dit, contrairement à la propagande mensongère de la bourgeoisie, la paix est impossible dans cette zone. La perspective pour la RDC, c’est la poursuite et la généralisation de la barbarie guerrière.

Soudan (Darfour) : les puissances impérialistes encouragent les massacres

Depuis l’été 2003 les massacres se poursuivent au Darfour soudanais et le responsable onusien des "affaires humanitaires" vient d’annoncer, lui-même, le chiffre de 180 000 morts en 18 mois. Pendant toute cette période, les grandes puissances impérialistes de l’ONU se sont déclaré "préoccupées" par le "génocide" et les "crimes contre l’humanité" commis au Soudan, mais dans les faits, elles ont armé, soutenu et manipulé en sous-main les belligérants. En effet, le régime soudanais arme et protège les milices sanguinaires qui s’acharnent sur les populations accusées de soutenir les rebelles, tandis que ces derniers sont armés et financés par certains pays voisins comme le Tchad. Mais en réalité, derrière ces deux pays et les rebelles, il y a d'autres vautours impérialistes encore plus puissants, notamment français et américains qui, derrière des discussions sur des "résolutions de paix", se disputent le contrôle des cliques locales et de la région. Le masque tombe à l’ONU en révélant l’hypocrisie criminelle de ces messieurs :

"Les Américains ont intégré un deuxième volet de sanctions contre le régime de Khartoum, qui gêne les Russes, les Chinois et les Algériens. Les Européens, qui votent sans problème les sanctions, s’opposent en revanche aux Etats-Unis sur la partie du texte concernant la poursuite des responsables des exactions perpétrées au Darfour". (Le Monde du 19 mars 2005)

Voilà comment se déroulent les fameuses "négociations de paix" à l’ONU pour soi-disant arrêter le "génocide" au Darfour, le cynisme des grandes puissances impérialistes n’a d’égal que les degrés de barbarie dont ils portent la responsabilité. Non seulement ces brigands sont les complices des bandes sanguinaires qui massacrent, mais de surcroît ils ont le plus total mépris du sort des populations et des 200 000 morts de cette guerre.

Côte d’Ivoire : la guerre menace de se généraliser

La guerre entre cliques armées repart et menace de généraliser le chaos sanglant sous les yeux des 11 000 militaires de l’ONU et de l’impérialisme français. En effet une milice présidentielle de Gbagbo a attaqué ces jours–ci une position des rebelles du Nord et ceux-ci ont répliqué en décidant de mettre fin à la "médiation de paix" du président sud- africain pour mieux se préparer à une recrudescence de la guerre. Ce nouvel affrontement était prévisible car, depuis quelque temps, les soldats de l’ONU et de la France présents sur le terrain laissaient passer les conteneurs bourrés de munitions à destination des belligérants et ce alors même qu’un embargo avait été instauré officiellement, par le Conseil de sécurité, pour soi-disant empêcher l’exportation des armes. Quel cynisme !

Par ailleurs, sur fond d’affrontements militaires sur le terrain, les rivalités impérialistes s’intensifient sur le plan diplomatique. Ainsi, le président Chirac a été jusqu’à dénoncer publiquement son homologue sud-africain en l’accusant de saboter la politique française dans cette région. En coulisses, les Français soupçonnent les Sud-Africains de s’entendre avec le pouvoir ivoirien sur leur dos. Et cela révèle les appétits criminels de ces deux puissances impérialistes pour le contrôle du pouvoir ivoirien. Ce n'est pas pour autre chose que la France est toujours présente sur place avec 5000 hommes.

Togo : les menaces de chaos

La disparition subite (le 5 février dernier) du général président, Gnassingbé Eyadema risque de déboucher sur un chaos sanglant à cause des convoitises impérialistes dont le pays est l'objet. Les premiers affrontements entre les successeurs du défunt général et l’opposition ont déjà fait plusieurs morts et blessés. Là à nouveau, les diverses cliques locales qui s’affrontent deviennent, de fait, les instruments des Etats impérialistes qui les soutiennent. Ainsi, dès l’annonce du décès du président togolais, les diverses puissances locales (la Libye, le Burkina, le Ghana, etc.) en compagnie de la France se sont précipitées sur le fils, Faure (désigné par les militaires fidèles au père) pour tenter de le contrôler et de le soumettre à leurs intérêts impérialistes respectifs. L’impérialisme français est sur les dents et fait tout pour conserver son influence au Togo. En effet, les relations entre la France et le Togo ont toujours été marquées par la logique "gaullo-barbouzarde" (cette expression exprimant le fait que les réseaux du général de Gaulle en Afrique étaient constitués de barbouzes) de l’ancienne puissance coloniale. D’ailleurs, Eyadema en était l’exemple parfait, lui qui a été formé et téléguidé pendant 40 ans pour servir les intérêts de l’impérialisme français. C’est ainsi qu’il avait pu organiser des coups d’Etat militaires (en 1963, puis en 1967) contre des opposants d’alors à la politique française (l’ex-président Olimpio) grâce à la "couverture" de Foccart, ex- "grand chef" des "barbouzes gaullistes", le défunt "conseiller spécial en matière africaine" du général de Gaulle. Et ce n’est pas un hasard si, après la mort d’Eyadema, Chirac affirme publiquement "qu’avec lui disparaît un ami de la France qui était pour moi un ami personnel".

Ce propos du président français montre clairement que, pour préserver ses intérêts dans cet ancien bastion colonial, l’impérialisme français se prépare à la confrontation qui se dessine au Togo.

Ce qui se prépare dans ce pays, comme dans d'autres pays cités, c’est le processus à la congolaise. En clair, la perspective pour l’Afrique tout entière, c’est ce qui se déroule déjà en RDC, c'est-à-dire la généralisation de la barbarie sans fin.


Pour renverser une telle perspective, ce n'est évidemment pas sur une puissance de premier ou de troisième ordre qu'il faut compter, ni sur une institution internationale comme l'ONU qui n'est qu'un repaire de brigands, mais bien sur le renversement du capitalisme par la classe ouvrière.

Amina (24 mars)



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