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■ Pour les idéologues bourgeois, l'Etat est l'émanation de la souveraineté populaire. La démocratie est la forme suprême de l'Etat, l'achèvement et la perfection de son être. Le marxisme y voit cependant tout autre chose. Dévoilant la division de la société en classes, il démontre qu'il ne saurait y avoir communauté d'intérêts entre exploités et exploiteurs. Par conséquent, l'Etat, loin de gérer un prétendu bien commun, n'est jamais qu'une trique aux mains de la classe exploiteuse. Cela reste vrai même si la démocratie étend son voile hypocrite sur les rapports de classe et ne laisse paraître que les "citoyens égaux et libres". Derrière la liberté et l'égalité formelles, descend l'ombre du bâton dont la classe oppresseuse se sert pour assujettir la classe opprimée.
Pour comprendre la fonction première de la démocratie, on peut méditer ces mots d'Engels : "...au moment de la révolution, elle aura son importance en tant que PARTI BOURGEOIS EXTREME... A ce point, toute la masse des réactionnaires s'aligne dans sa foulée et la renforce, tout ce qui est réactionnaire se donne des allures démocratiques... (ce qui fait que) notre seule ennemi au moment et au lendemain de la crise sera l’ENSEMBLE DE LA REACTION REGROUPEE AUTOUR DE LA DEMOCRATIE PURE" (Engels, 1884, lettre à Bebel).
C'est vrai lorsque la crise révolutionnaire frappe à la porte, mais tend également à se réaliser dès que les affrontements de classe se durcissent. Les luttes prolétariennes trouvent alors sur leur chemin le mirage démocratique et parlementaire, destiné à les égarer, à ramollir ou écarter les assauts qu'elles portent à l'Etat bourgeois, à freiner ou disloquer leur élan, à les emporter sans force loin de leur but. Car si "l'appareil exécutif, militaire et politique de l'Etat bourgeois organise l'action directe contre la révolution prolétarienne, la démocratie représente pour lui un moyen de défense indirecte en répandant dans les masses l'illusion qu'elles peuvent réaliser leur émancipation par un processus pacifique" (thèses de la Gauche italienne, 1920). De ce moyen de défense indirecte, aucun Etat de la classe dominante ne peut durablement se passer sans chauffer à blanc les antagonismes sociaux.
démocratie et état fort sont complémentaires
Nous avons établi que la démocratie servait principalement de tampon entre la machine étatique et la classe ouvrière ; au détriment non de la première, mais de la seconde. Dans le cours au renforcement de l'Etat, la légalité "démocratique" est d'ailleurs la plus avantageuse pour la bourgeoisie. Elle n'a nul besoin de liquider son arsenal démocratique pour augmenter ses capacités de répression brutale. C'est au contraire sous la démocratie que l'Etat bourgeois se renforce LE MIEUX : il gagne en puissance matérielle, sans pour autant rien perdre en puissance idéologique. Il faut apprécier avec réalisme cette tendance de la démocratie â se blinder "contre la subversion", à se doter des capacités de répression les plus modernes pour faire face à la lutte de classe (comme l'indique la campagne anti-terroriste de la bourgeoisie, prétexte au déploiement, béni par la gauche, de ses forces policières). Voir dans le blindage de la démocratie une tendance qui ne peut être inversée, mais que seule la révolution prolétarienne pourra briser par la destruction de l'Etat bourgeois, n'est nullement propager le pessimisme dans la classe ouvrière. A moins de croire réellement que la bourgeoisie ne se préparé pas pour le moment crucial et renoncera à se défendre si les codes démocratiques sont suffisamment exprimés dans un texte de loi. Une fatale illusion qui a creusé la tombe de plus d'une révolution quand la bourgeoisie, acculée, s'est mise à violer tous les chapitres de sa propre légalité.
que signifient aujourd’hui les «droits démocratiques» ?
Au siècle dernier, lorsque le capitalisme était un mode de production progressif, il existait la possibilité pour la classe ouvrière d'obtenir un certain nombre d'améliorations et de garanties au sein du système. A cette époque, malgré les illusions qu'elles pouvaient déjà favoriser, et que les révolutionnaires dénonçaient, les luttes pour certains de ces "droits" avaient un sens. C'est notamment vrai pour le suffrage universel qui permettait, d'une part, l'utilisation du parlement comme tribune de laquelle les partis ouvriers pouvaient mettre en avant ce qui distinguait le prolétariat des autres classes de la société; d'autre part, d'apporter un soutien aux secteurs les plus dynamiques de la classe dominante contre les vestiges de la féodalité afin de hâter le développement du capitalisme et donc des conditions de sa disparition. Mais, aujourd'hui, alors que le capitalisme est un système décadent, qui ne peut accorder de réelles améliorations à la classe ouvrière, au sein duquel tous les secteurs de la classe dominante sont réactionnaires au même titre que le système lui-même, on peut se demander ce que valent ces "droits démocratiques" dont parle l’extrême-gauche. Effectivement, ces droits, quels sont-ils ?
C'est le droit pour le prolétaire, après avoir sué tant et plus pour le capital, de coucher sur papier son mécontentement, de le faire publiquement et même de se rassembler avec d'autres pour en parler... dans la mesure bien sûr où aucune lutte n'en découle, sinon la police intervient et rappelle très vite que la "démocratie a aussi ses devoirs".
C'est le droit, après avoir trimé durement dans les bagnes industriels, de se faire arnaquer par les syndicats pour tenter de récupérer une partie de ce que le capital nous vole, et pour finalement ne pas même récupérer des miettes parce que les syndicats ne sont là que pour protéger les profits du capital.
C'est la liberté de croire que si tel ou tel parti accédait à l'exécutif de l'Etat, la société changerait, de telle sorte que nous devrions nous échiner à élire parti sur parti dans l'espoir de voir leurs promesses se réaliser. Bref, les "libertés démocratiques" sont la consolation offerte par la bourgeoisie à ses esclaves salariés et elles culminent dans la liberté... d'être humble et soumis à l'ordre établi. Qui nous fera croire après ça qu'une autre classe que la bourgeoisie a intérêt à la démocratie politique ?
Dans la propagande des gauchistes, les "libertés constitutionnelles" sont pour le prolétariat la première chose à acquérir. Dans leur vision de la lutte de classe, le prolétariat apparaît comme un ver rampant, la classe opprimée la plus lâche et la plus insensée de l'histoire. Car si les esclaves du passé avaient d'emblée leurs propres révoltes, les serfs les jacqueries, la bourgeoisie les grandes révolutions anti-féodales ; le prolétariat n'a qu'un itinéraire absurde : d'abord lutter avec les méthodes bourgeoises pour des objectifs bourgeois (par exemple, avec les syndicats pour la mystification de "droit de grève"), ensuite seulement envisager la révolution. Comme si après avoir fait siens des buts et des moyens opposés à ses propres buts et moyens, on pouvait songer sérieusement à renverser l'ennemi de classe !
Mais, ici, le gauchisme sursaute et se colore d'indignation. Il crie au scandale, tablant sur le sens commun et l'opinion courante : "Quoi ! Pour ces misérables pourfendeurs de démocratie, la lutte contre l'arbitraire, pour la liberté d'association, d'expression, etc. n'est pas valable en tous temps et de n'importe quelle manière ?" Bien sûr que non, faux dévêts, elle ne Test pas. Les révolutionnaires ne sont nullement favorables aux libertés EN GENERAL qui toujours cachent la dictature bourgeoise. D'abord parce qu'ils sont partisans de la dictature du prolétariat comme transition nécessaire vers le communisme, c'est-à-di- dire d'un pouvoir qui SUPPRIMERA pour les classes exploiteuses ces fameuses libertés politiques dont on parle tant. Ensuite, parce qu'il vaut mieux faire grève pour les intérêts réels de la classe ouvrière, plutôt que pour obtenir... le "droit de grève" accordé par la bourgeoisie, qui ne sera jamais que la garantie verbale de ne pas réprimer la grève, en d'autres termes, du vent. Qui serait assez naïf pour croire que si la grève menaçait véritablement ses intérêts, la bourgeoisie resterait inactive parce qu'elle a promis de le rester ? Seuls ceux qui ont orienté tous leurs espoirs sur l’obtention de cette promesse, en la prenant pour argent comptant, seront surpris lorsque la classe dominante leur cassera l'échine.
L'extrême-gauche, quant à elle, s'affirme partisane de la "liberté de grève": elle montre par-là que la classe ouvrière dont elle rêve, n'est que la classe qui SE SOUMETTRA TOUJOURS ! Tant que les prolétaires feront la grève pour se voir garantir le droit de grève, écriront pour avoir le droit d'écrire, parleront pour avoir le droit de parler, la bourgeoisie ne sera jamais menacée.
Mais quand la classe ouvrière fera grève sans concessions, exprimera ses intérêts généraux antagoniques au capital, écrira et parlera d'insurrection avec la ferme intention de la mettre eri pratique, les fusils de la classe bourgeoise tonneront, quel que soit le "degré de la démocratie". Le gauchisme voudrait établir un "statu quo" entre les deux classes antagoniques. Et pour cela il propose aux prolétaires, ni plus ni moins... de ne pas lutter, de prendre des airs courtisans à l'affût de phrases onctueuses et de caresses empoisonnées. Encore les courtisans savaient-ils s'y prendre. Les prolétaires n'en retireraient qu'une honte sans avantage. En somme, le programme du gauchisme revient à dire que le plus sûr moyen d'empêcher la répression de s'abattre sur la révolution est encore de supprimer la révolution ; et en lieu et place de lutter pour elle, de dévoyer les combats prolétariens en leur donnant comme objectifs des "droits" vides de sens qui ne renforcent que les illusions propagées par la société bourgeoise.
la Position des révolutionnaires sur la démocratie
Toutes ces constatations ne nous empêchent évidemment pas d'affirmer pour le prolétariat le "droit" de combattre la domination bourgeoise. Faut-il beaucoup discuter pour comprendre la différence entre ce "droit" et celui que l'extrême-gauche revendique pour la classe ouvrière ? Le marxisme est partisan de la COALITION des ouvriers pour limiter les empiétements du capital, de l'EXPRESSION par la parole et l'écrit de leurs revendications de classe, et même plus, de leur ORGANISATION comme CLASSE REVOLUTIONNAIRE pour renverser l'Etat bourgeois et le capitalisme.
Jamais la classe dominante ne pourra admettre le "droit", historique du prolétariat à la balayer, elle et toute sa société d'oppression et d'exploitation.
Ce "droit", le prolétariat le tire non d'une constitution stalinienne qui le proclame, ni de principes moraux, mais de sa seule FORCE. Quant à ses possibilités d'association, de réunion, de diffusion d'une presse, etc. -exigences pratiques de sa vie-, il doit les IMPOSER par la lutte contre l'Etat bourgeois, non pour se maintenir dans des positions défensives, mais pour se préparer â l'assaut final.
Rien de commun, on le voit, avec la démocratie bourgeoise et ses prétendues garanties. Mais, au contraire, la plus ferme détermination d'affronter la terreur bourgeoise, démocratie ou fascisme, sur un terrain de classe : par la préparation, l'organisation de la lutte révolutionnaire. Lorsque la classe ouvrière s'émancipera de ses illusions dans la démocratie, elle n'exigera pas un nouveau "droit", un "droit prolétarien" à la révolution ; mais concrétisera son devoir historique de renverser le vieux monde par la destruction de tout l'appareil politique, économique, juridique du capitalisme.
(D'après Internationalisme n°23).
"Il n'est jamais trop tard pour bien faire" et "tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir", nous dit le "bon sens populaire". En général, les communistes dénoncent ce "bon sens" dans lequel ils voient essentiellement un condensé de tous les préjugés sur lesquels s'appuie l'idéologie de la classe dominante, mais, pour une fois, ces deux proverbes semblent pouvoir s 'appliquer au "Parti Communiste International" dont les analyses publiées dans le n° 77 de "Programme Communiste" et le "Prolétaire" nu 271 traduisent un net redressement par rapport aux aberrations qu'ils a pu produire ces dernières années sur trois points essentiels pour la lutte prolétarienne :
Nous estimons très important ce redressement opéré par le PCI, nous espérons qu'il ne restera pas sans lendemain et permettra en particulier à cette organisation de reconsidérer un certain nombre de positions erronées qui, pour l'heure, lui interdisent une contribution réellement positive au processus de prise de conscience de la classe ouvrière.
Mais nous entendons déjà le militant bordiguiste crier à la "falsification" et déclarer : "Nous, changer de position ? Jamais ! Ne savez-vous pas que nos positions sont invariantes ?"
Bien, puisqu'il le faut, nous allons imposer au lecteur un certain nombre de citations de la presse du PCI pour faire apparaître que ces changements de positions sont bien réels et non le fruit de notre simple imagination torturée.
Nous avons signalé trois points sur lesquels les positions du PCI ont évolué de façon positive. Le premier concerne l'évaluation de la situation internationale. Voici ce que le PCI écrivait en 1974 concernant les rapports entre les USA et l'URSS : "Nous proclamons depuis longtemps un certain nombre de vérités qui ne sont pas des découvertes de nos cervelles mais découlent d'une application élémentaire du marxisme à l'analyse et à l'appréciation des événements contemporains. Le prétendu "condominium américano-soviétique" sur le monde n'est en réalité qu'une domination du gendarme américain avec participation aux bénéfices du laquais russe. Tout pas en avant dans la détente, dans les "relations commerciales avantageuses", dans la coexistence pacifique... Tout cela signifie le feu vert pour le gendarme impérialiste international siégeant à Washington (mais, bien entendu... la succursale de Moscou, elle aussi en profite : celui qui tient le parapluie de son supérieur hiérarchique a quelque chance d'être à l'abri de la pluie...")...
En 1975, sous le titre "En Indochine, l'axe USA-URSS", on entendait le même son de cloche : "C'est là, dans le stalinisme, qu'est la racine de la capitulation devant l'impérialisme mondial et son pilier: les USA. C'est là aussi qu'est la clé pour comprendre par quel "mystère" la Russie et la Chine peuvent s'accuser réciproquement de révisionnisme et n'aspirer à rien d'autre qu'à de bons rapports et à une "collaboration avantageuse" avec l'empire de la bannière étoilée"...
"C'est en s'appuyant sur les centrales du "socialisme dans un seul pays" que Washington peut se sentir à l'abri aussi bien les jours de tempête que les jours de calme plat". ("Le Prolétaire", n°197 du 31 mai 1975).
Ainsi, à cette époque, le PCI développait la thèse d'un "impérialisme mondial" dirigé par les USA dont l'URSS n'était qu'un simple valet. Il s'agit là d'une position proche de celles des trotskystes pour qui il n'y a pas (comme les révolutionnaires et particulièrement Lénine l'ont toujours affirmé) des blocs impérialistes antagoniques mais une sorte de "super-impérialisme" tentant d'imposer ses conditions léonines à tous les autres pays du monde et contre lequel les "peuples" sont appelés à "s'émanciper". Certes, même à cette époque, il existait une différence fondamentale entre les positions bordiguistes et les positions trotskystes : les premières reconnaissent la nature capitaliste et impérialiste de l'URSS alors que les secondes considèrent ce pays comme un "État ouvrier" qu'il faut défendre. Cependant, cette conception d'un impérialisme mondial, non seulement tournait résolument le dos à la réalité (malgré la prétention de ses auteurs de procéder à "une application élémentaire du marxisme à l'analyse et l'appréciation des événements contemporains") mais, de plus, elle était extrêmement dangereuse et pernicieuse (c'est pour cela que Lénine la combattait très férocement chez Kautsky) : en niant l'existence d'antagonismes irréductibles entre blocs impérialistes, elle tend à accréditer l'idée que la guerre impérialiste mondiale n'est pas la conséquence inéluctable de la crise du capitalisme en l'absence de révolution prolétarienne. C'est, sur le plan théorique, la porte ouverte au pacifisme et à l'abandon des positions fondamentales autour desquelles les révolutionnaires se sont retrouvés pendant la 1ère guerre mondiale et sur lesquelles s'est fondée l'internationale Communiste. Rien de moins.
Progressivement, cette conception absurde a disparu des colonnes de la presse bordiguiste et on a pu voir apparaître des références à l'aggravation des tensions entre les "deux grands blocs" : il est vrai qu'il fallait être aveugle pour ne pas s'en apercevoir. Cependant, même ces derniers mois, la sous-estimation du rôle de l'impérialisme russe dans le monde était de mise : ainsi, lors de l'intervention française au Zaïre, la prise de position du PCI "Impérialisme français hors d'Afrique et du Liban" ("Le Prolétaire", n° 267), ne disait pas un mot de l'existence -combien présente en Afrique !- de l'impérialisme russe. Et si les articles suivants du "Prolétaire" étaient un peu moins discrets sur cette existence (ils insistaient presque exclusivement sur un seul point : les intérêts spécifiques de la France en Afrique), ce n'est que dans "Programme Communiste" n°77 que l'impérialisme russe trouvait sa vraie place dans la tragédie africaine et que la véritable signification des événements était dégagée : "Avec la chute de l'empire colonial portugais, le vrai repartage du continent est désormais ouvert. Mais il démarre en grand précisément au moment où la crise économique mondiale... ramène avec elle le spectre d'une nouvelle guerre mondiale. De plus, la lutte titanesque pour la domination du monde que se livrent les deux super-monstres étatiques du capital, qui masquent leurs faces hideuses de marchands d'esclaves sous les plis des drapeaux d'une hypocrite défense des droits de l'homme d'un côté, d'un faux anti-impérialisme de l'autre, se répercute sur la scène de notre drame... On comprend alors que cette vaste aire géographique... devienne un terrain privilégié de la préparation d'un futur conflit impérialiste".
De même, cet article semblait répondre (est-ce une coïncidence ?) à celui publié dans "Révolution Internationale" n°51 intitulé : "Et si le PCI avait des militants en URSS ?" et dans lequel nous mettions en évidence "l'internationalisme" à usage uniquement occidental de cette organisation. Effectivement, le PCI écrit : "Par rapport à l'Afrique, la position est la même en Belgique contre les agressions belges, aux USA contre les menées américaines, en Russie contre les brigandages russes... car le prolétariat international n'a pas à choisir un camp impérialiste contre un autre".
Très bien ! Voilà qui ressemble plus à une position réellement internationaliste !
Le deuxième point sur lequel on peut noter une évolution de la part du PCI est directement rattaché au premier : la signification des prétendues luttes de "libération nationale". Dans "Le Prolétaire" n°271, le PCI nous en donne partiellement la clé : "Derrière les conflits locaux, rôle de spectre de la guerre mondiale". On peut lire dans l'article : "L'Afrique, en particulier, n'a cessé de prendre feu, dans sa corne orientale, au Sahara Occidental, au Tchad, et, enfin, au Zaïre. Les tensions nationales internes et les explosions sociales dans des pays dont l'indépendance est trop fragile pour ne pas se convertir en dépendance économique, financière, politique et militaire, ont été le prétexte d'interventions soi-disant philanthropiques des uns et des autres, créant une chaîne de heurts, d'antagonismes et de conflits sanglants qui n'est pas près de s'arrêter".
Voilà qui commence à ressembler à une appréciation correcte de ces luttes "nationales" dans lesquelles ce sont les blocs impérialistes qui sont maîtres du jeu, et absolument pas les "peuples". Toute cette théorie bordiguiste sur l'émancipation des "peuples de couleur" et que la simple constatation de la réalité oblige à remettre en cause, repose sur une thèse essentielle : celle de l'existence "d'aires" du capitalisme où les tâches du prolétariat seraient différentes. C'est justement sur ce 3ème point que l'article : "Sur la révolution en Amérique Latine" ("Programme Communiste" n°77) essaie de rétablir une position correcte. C'est explicitement que cet article rejette la thèse énoncée dans le n°75 de "Programme Communiste" et qui affirme : "La classe ouvrière doit lutter pour soulever et entraîner sous sa direction les masses travailleuses paysannes et urbaines dans la révolution agraire et anti-impérialiste, qui n'est pas sa propre révolution de classe, mais une condition nécessaire... sur la voie de son émancipation..."
Il n'a pas peur d'affirmer dans le rectificatif : "Il serait désastreux de s'enfermer dès à présent dans l'horizon soi-disant obligatoire d'une révolution bourgeoise radicale", et aussi: "c'est dans cette perspective, qui renverse le schéma esquissé dans (l'autre article), que nos camarades doivent travailler. Dans cette optique, la future révolution continentale prolétarienne, partie intégrante de la révolution prolétarienne mondiale, est la règle..."
Nous sommes loin des conceptions qui apparaissaient dans l'article dédié à Che Guevara (Le Prolétaire, n°253) qui se lamente que "le prolétariat... alors absent de la scène historique n'ait pas répondu à l'appel que lui lançaient, depuis La Havane, les représentants de la révolution paysanne" et qui prévoit: "L‘ appel, cependant, reste vivant, et la nouvelle vague révolutionnaire devra lui répondre".
C'est donc sur une position bien ancrée dans le PCI que l'article de "Programme Communiste" n°77 appelle à revenir et non sur une simple coquille malencontreusement apparue dans le n°75 de la même revue.
Si nous avons mis en évidence l'évolution subie dernièrement par certaines positions du PCI, ce n'est certainement pas pour le lui reprocher. Ces dernières années, ce n'est pas avec indifférence que nous avons constaté et signalé le processus d'involution de cette organisation qui se réclame de la Gauche Communiste, vers des positions de plus en plus proches de celles du trotskysme. Nous avons vu, au contraire, dans ce phénomène une dernière victoire de la contre-révolution qui entraînait de plus en plus à elle une organisation de la classe ouvrière. C'est pour cela que nous saluons les prises de position récentes du PCI. Nous y voyons une réaction contre cette involution et donc la possibilité d'un redressement politique. Cependant, nous estimons que cette réaction n'est pas suffisante et que c'est seulement en remettant explicitement en cause certaines des positions de Lénine et de l'internationale Communiste dont le PCI a fait un dogme, qu'il pourra se donner la capacité de résister efficacement contre la pression de l'idéologie bourgeoise ambiante (et dont sa phraséologie sur les "luttes héroïques" des peuples X ou Y et sur les exploits du "Che" était une des expressions les plus lamentables). Lénine était un grand révolutionnaire, sa contribution au combat de la classe ouvrière est énorme, mais, comme tous les révolutionnaires, il a commis des erreurs. En particulier, dans son débat avec Rosa Luxembourg, l'histoire a donné raison à cette dernière : "Les guerres nationales ne sont plus possibles à l'époque de l'impérialisme effréné. Les intérêts nationaux ne servent que comme instrument de duperie pour mettre les masses ouvrières au service de leur ennemi mortel, l'impérialisme"[1]. Plus d'un demi-siècle de massacres inter-impérialistes a tragiquement confirmé cette thèse. Ici, la fidélité à la lettre des positions de Lénine conduit à une trahison de toute sa démarche comme révolutionnaire et comme marxiste : se mettre à l'école de l'expérience ; critiquer, à la lumière de celle-ci, la moindre erreur programmatique ou d'analyse.
Implicitement, c'est ce qu'a fait le PCI en rejetant certaines de ses positions qui n'ont pas résisté à l'épreuve des faits. Mais, si, réellement, une vie révolutionnaire l'anime, il ne peut en rester là : il doit également tirer les conclusions de ce réalignement et jeter aux orties les dogmes absurdes et dérisoires de "l'invariance" et du "monolithisme". Le PCI n'est ni "invariant", comme on a pu le voir, ni monolithique : sinon, pourquoi le "centre" estime-t-il nécessaire d'indiquer la bonne direction dans laquelle les "camarades doivent travailler". Rien n'est plus étranger au marxisme que l'idée d'une pensée monolithique. Le marxisme est essentiellement critique et même s'il se conçoit comme une vision cohérente du monde, il n'a jamais exclu la possibilité de contradictions au sein de sa démarche, contradictions qui sont l'expression même de la vie.
Chacune des différentes organisations qui se réclament du bordiguisme se considèrent comme "le seul détenteur de la conscience révolutionnaire". Pauvre conscience qui est obligée de courir après l'événement et, incapable de tirer les enseignements d'un demi-siècle d'histoire, d'ajuster le tir au coup par coup. Comme toute pensée, elle aurait grandement gagné à la discussion et à la confrontation avec celle des autres groupes communistes existant à l'heure actuelle. Cela lui aurait peut-être évité certains des errements mencheviks et kautskystes que le PCI -bien que partiellement- vient de rejeter en catastrophe et que d'autres organisations dénonçaient depuis longtemps. Malheureusement, par leur refus récent de participer aux efforts de discussion entrepris avec "Battaglia Comunista" par le CCI, le CWO et autres, le PCI ("Programma"), comme le PCI ("Il Partito Comunista"), se refuse à une telle attitude. Décidément, il reste encore un long chemin à faire pour le bordiguisme !
F.M.
[1] Thèses de la social-démocratie révolutionnaire sur la guerre impérialiste (1915).
Iran, Nicaragua, c'est par milliers de morts, que les régimes en place doivent leur maintien au pouvoir. Voilà l'image idyllique que le capitalisme nous donne de lui aujourd'hui. Pour la bourgeoisie "démocratique”, "progressiste” ou "libérale”, tout cela est "de la faute" des régimes "pourris" et "sanguinaires” du Shah ou du dictateur Somoza. Hypocrisie ! Les lamentations actuelles de cette bourgeoisie ne nous feront pas oublier qu'elle partage, avec les secteurs de droite, "fascistes” et autres, l’entière responsabilité des plus grands crimes de ce siècle ; des 20 millions de morts de la 1ère guerre mondiale, des 50 millions de morts de la 2nde, de tous les massacres qui l'ont suivie et surtout qu'elle a toujours été en première ligne quand il s'agit de déchaîner la répression contre la classe ouvrière. Aujourd'hui, dans ces deux pays, ce n'est pas le prolétariat qui occupe le devant de la scène. L'immense mécontentement de presque toutes les couches de la population, violemment heurtées par la crise mondiale du capitalisme, et où domine la petite-bourgeoisie agricole et urbaine, en est d'autant mieux utilisé, soit au service des secteurs les plus anachroniques de la classe dominante comme en Iran, soit au service de la bourgeoisie "démocratique” comme au Nicaragua. De ce fait, la domination bourgeoise n'est nullement remise en cause par ces "mouvements populaires", mais la sauvagerie avec laquelle ils sont réprimés permet de se faire une idée de ce que la classe capitaliste, toutes fractions réunies, est capable de faire quand son système est réellement menacé par la seule classe qui puisse l’abattre : le prolétariat.
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Trois jours avant la répression qui s'est abattue sur les manifestations pacifiques des habitants des taudis en Iran, toute la presse bourgeoise parlait de "libéralisation", s'attardait sur la description idyllique de la foule qui lançait des gerbes de fleurs sur l'armée et la police. Puis, ce fut la tuerie. L'armée tirait à vue. Les soldats qui refusaient d'exécuter, mitraillés aussi. 5000 morts, ce jour-là. Un mouvement qui rassemblait 500 000 personnes dans une même colère s'est fait écraser comme des agneaux dans une boucherie.
C'est ainsi que répond la bourgeoisie lorsque la situation est bloquée, et que les Carter, les Schmidt, les Giscard ou les Hua Kuo Feng ne peuvent admettre que soient mis en péril les milliards investis en Iran, pays clé de la situation stratégique de la guerre entre les blocs.
Mais si les remous actuels en Iran sont certes l'expression de rivalités intestines qui agitent le clan du shah, l'église ou l'opposition pro-russe, alimentées par des rivalités de plus grande ampleur, celles des blocs occidental et russe, la foule mystifiée qui s'est jetée dans la rue, n'était pas avant tout animée de la foi dans Allah ou de la volonté que l'Iran s'islamise. Ce qui l' a jetée là, c'est la misère profonde dans laquelle est maintenue la majorité de la population, pour qui la survie est un problème quotidien, et qui n'a rien à perdre, parce qu'elle ne possède rien, si ce n'est sa vie, et encore si peu.
Cette foule qui s'est fait livrer pieds et poings liés à la répression, endormie par les appels au pacifisme d'une opposition qui craignait d'être débordée par sa masse de manœuvre, ce n'est pas encore la classe ouvrière. Les grands centres industriels, ceux qui se sont soulevés en grève l'année dernière, sont restés muets, à part le simulacre de "grève de solidarité" de 24 heures orchestrée par l'opposition. La classe qui seule porte la possibilité de la véritable libération de l'humanité, celle qui seule a la force de s'organiser et de s'armer contre le capitalisme pourrissant, commence à peine à s'affirmer sur la scène internationale. Aussi longs que soient ses préparatifs, ce n'est que dans un mouvement international de la classe ouvrière que se trouve le bout du tunnel pour le tiers-monde. En l'absence de cette force, les mouvements du lumpen prolétariat sont condamnés à se faire embrigader par des "ayatollahs", des PC ou autres prometteurs de miroirs aux alouettes, et à se faire massacrer.
Si le mouvement auquel s'est heurté l'État iranien n'était pas encore celui de son ennemi mortel, sa réaction fut par contre celle à laquelle TOUTE bourgeoisie a recours face à la colère des exploités, quand les phrases creuses ne suffisent plus.
Pour accréditer la possible mise en place d'une soi-disant libéralisation au nom du camp des droits de l'homme, la bourgeoisie occidentale tente de masquer sous le folklore des grands sorciers ayatollahs les véritables causes de la situation, tentant de justifier la tuerie par le caractère "réactionnaire" du mouvement. Les proclamations américaines du début de l'été ne déclaraient-elles pas que "le shah partage les conceptions occidentales des droits de l'homme"? Nous n'en doutons pas. La bourgeoisie a par-delà ses frontières et ses divisions, la même conception des droits de ceux qu'elle exploite. Et les professions de foi de la gauche en France qui implore une "véritable libéralisation" ne font pas plus illusion que les autres. Depuis le sang des ouvriers allemands sur les mains de la social- démocratie en 1920 jusqu'aux massacres en chaînes dans les pays sous-développés actuellement, la chaîne est longue des forfaits perpétrés par la classe bourgeoise lorsqu'elle se trouve face à l'impasse, à l'opposition de ceux qui n'ont rien à perdre.
La signification de ces derniers massacres est double:
D.N.
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Au Nicaragua, un régime aux abois déchaîne aujourd'hui une des répressions les plus féroces que l'Amérique Latine ait connu depuis le putsch de Pinochet au Chili en 1973. C'est là une image que le capitalisme, tous secteurs confondus, ne manquera pas de présenter de plus en plus fréquemment à mesure que sa crise mortelle ira en s'aggravant. Mais le dégoût que les atrocités de la soldatesque aux ordres de Somoza ne peut manquer de provoquer, ne doit pas faire oublier au prolétariat où sont ses intérêts véritables, s'il ne veut pas se laisser entraîner dans une lutte qui n'est pas la sienne, où il n'a rien à gagner et tout à perdre.
Pour ceux à qui il suffit qu'une lutte soit violente pour qu'elle soit révolutionnaire, comme "Libération" par exemple, il faut sans doute saluer la "lutte du peuple de Matagalpa" par exemple, où "les étudiants, les lycéens, les commerçants, les paysans, les employés... se sont soulevés comme un seul homme" (journal du 5 août).
Pour nous, pour le prolétariat mondial, cette énumération est avant tout significative que cette lutte n'est pas la nôtre, même si des prolétaires en sont les premières victimes.
En effet, cette lutte, si elle s'appuie sur le mécontentement de toute une série de couches sociales violemment touchées par la crise mondiale du capitalisme, ne peut que servir des intérêts qui n'ont rien à voir, ni avec ceux de la classe ouvrière, ni même avec ceux des autres couches qui sont descendues dans la rue. D'emblée, elle s'est placée sur un terrain parfaitement bourgeois, celui des "droits démocratiques", du "renversement de la dictature fasciste". Et cela d'autant plus facilement que ces différentes couches, autres que le prolétariat, n'ont aucun avenir, ni immédiat, ni encore moins historique. Aucun avenir pour les étudiants et les lycéens destinés à devenir techniciens ou cadres, mais pour quoi faire ? dans un pays où l'industrialisation est à son plus faible degré de développement.
Aucun avenir pour les paysans qui peuvent difficilement vivre de ce qu'il qu'ils produisent : bananes, café, canne à sucre... et plus difficilement encore payer leurs impôts.
Aucun avenir pour les commerçants qui peuvent difficilement vendre quelque chose, à une population dont 80% vit dans les bidonvilles et dont 40% est au chômage.
Aucun avenir pour les quelques milliers d'employés dont la perspective se situe de plus en plus entre l'austérité et le chômage.
Aucun avenir non plus pour les syndicats patronaux de plus en plus écrasés par le poids de la concurrence mondiale.
Et alors, dans ces circonstances, comment la population, le "peuple nicaraguayen", va-t-elle payer les impôts demandés par la famille Somoza ? Et comment la famille Somoza va-t-elle rembourser ses dettes vis-à-vis des USA et négocier le prêt de 40 millions de dollars avec le FMI ?
Il n'y a plus alors aucune difficulté à comprendre pourquoi la population du Nicaragua s'est, en quelque sorte, mise en grève générale, et à quel degré de décomposition de la bourgeoisie cela correspond.
La lutte du "peuple nicaraguayen", c'est donc la lutte de toutes les forces politiques opposées à la famille Somoza : jamais, très certainement, "un front élargi d'opposition" n'a été aussi élargi puisqu'il va des conservateurs aux sandinistes favorables à la guérilla, qu'il comprend à la fois les milieux d'affaires, l'Église, et tous les amateurs de "respect des droits de 1'homme".
Jamais, non plus, une opposition à un gouvernement en place n'a reçu une telle approbation de tous côtés, et bien au-delà du pays concerné lui-même. En effet, derrière le "front élargi d'opposition", et à des degrés divers, il y a bon nombre de pays d'Amérique Latine qui n'ont pas intérêt à voir se développer une zone "d'instabilité sociale" à leurs frontières : c'est le cas du Venezuela notamment, qui a tout récemment prêté son armée au Costa-Rica pour protéger ses frontières, et qui demande de plus en plus fortement l'aide des USA. La réaction des USA semble encore un peu hésitante mais, elle vise avant tout à installer au Nicaragua, comme ailleurs, un régime capable de garantir un minimum de "paix sociale" pour tenter de "rentabiliser" l'aide qu'il peut lui apporter. Le tout, bien sûr, sous la couverture de "respect des droits de 1'homme".
Et toute l'opposition à Somoza se veut respectueuse des "droits démocratiques" du "peuple nicaraguayen" ; il n'est qu'à entendre les syndicats patronaux eux-mêmes : "l'installation d'un régime démocratique susceptible d'introduire des réformes sociales, politiques et économiques visant à l'amélioration des conditions de vie du peuple du Nicaragua". Voilà le contenu de la lutte du "peuple nicaraguayen", exprimé tout crûment par ceux-là mêmes qui exploitent tous les jours des milliers de travailleurs et d'ouvriers agricoles.
La lutte du "peuple nicaraguayen", c'est donc, avant tout, celle de toutes les fractions de la bourgeoisie qui demandent à pouvoir exploiter en paix les travailleurs, et une aide consistante du bloc. Et en suivant l'étendard de la bourgeoisie, cette lutte ne pouvait avoir qu'une issue : le massacre.
Et ce n'est pas parce que des travailleurs ou des chômeurs en ont été les victimes que cette lutte est notre lutte. Toujours les ouvriers ont fait les frais des règlements de compte entre fractions locales ou nationales de la bourgeoisie : les deux guerres mondiales en sont l'expression la plus criante. Et le massacre au Nicaragua n'est donc rien d'autre qu'un moment de la barbarie.
Notre lutte, si ce n'est pas celle d'un "peuple nicaraguayen", c'est celle de tout un prolétariat qui se bat à l'échelle d'un continent entier, et qui tente de lutter en tant que classe autonome. Bien sûr, dans ce cas, les journaux ne signalent les luttes du prolétariat que par quelques entrefilets. C'est bien là l'expression de cette "liberté de presse" qui n'a rien à envier, du point de vue de l'hypocrisie, au "respect des droits de l'homme" de Carter ; et cette politique est bien celle de toutes les fractions de la bourgeoisie qui s'entendent pour saluer la lutte des "peuples d'Amérique Latine" : comprendre, "il n'y a pas de lutte de classe en Amérique Latine". Et pourtant, cette lutte existe, et depuis plusieurs années. Et celle-ci, c'est notre lutte.
Notre lutte, c'est celle des mineurs de Chuquicamata, hier contre Allende, aujourd'hui contre Pinochet. C'est celle des travailleurs péruviens dont nous parlions dans le dernier numéro de RI : 40.000 mineurs en grève pendant 31 jours, demandant 25% d'augmentation de salaires et qui ont repris le travail en ayant tout obtenu, du moins pour un temps : la non-application du décret anti-grève, une loi sur la stabilité de l'emploi, la garantie qu'il n'y aurait pas de représailles. La bourgeoisie péruvienne n'a pu, bien sûr, accorder ces revendications qu'en pensant les récupérer le plus tôt possible
Elle n'a, de toutes façons, pas le choix. Mais la classe ouvrière a donné bien des preuves de sa combativité, elle n'a pas hésité à refuser l'accord préalablement signé entre les syndicats et le patronat au cours de la dernière grève. Elle a tout un passé de luttes : les mineurs de Cobiza en 71, les pêcheurs de Chimbote et les mineurs de Cuamone en 73, les mineurs de Centromin Peru en août74, les métallurgistes en septembre74, les mineurs encore en décembre74, les prolétaires de Lima en février75, ceux d'Arequipa en juillet75, les mineurs, les métallurgistes, les employés des banques et de la presse en janvier 76, A tous ceux qui rechercheraient encore une classe ouvrière au Pérou, la voilà, et la liste de son action est suffisamment parlante.
Notre lutte, c'est aussi celle des métallurgistes de Sao Paulo, au Brésil, en mai78. La grève, commencée par les ouvriers de la métallurgie, s'est poursuivie dans la sidérurgie, les constructions mécaniques, les industries textiles. En mai, finalement, 100.000 ouvriers sont en grève illégale pour des augmentations de salaires. Mais, là encore, le patronat est de plus en plus tenté par les méthodes "occidentales": "les dirigeants d'entreprises" estiment qu'une reconnaissance du droit de grève et l'octroi d'un rôle plus important aux syndicats permettraient de circonscrire des conflits sociaux qui, dans les circonstances actuelles, se transforment en autant de "grèves sauvages" ("Le Monde" du 31 mai). Saluons au passage "Le Monde" pour ces quelques lignes qui en disent long sur son objectivité.
En septembre, le mouvement de grève a repris parmi les employés de banque, les métallurgistes du grand complexe de Joao-Montevade, portant à plus de 150.000 le nombre des grévistes. Mais, il faut croire que le vœu du "Monde" n'a pas été satisfait et que les techniques de mystifications syndicales ne sont pas encore au point au Brésil.
Notre lutte, c'est aussi celle des ouvriers de Renault-Argentine en octobre77 : 23 ouvriers sont encore portés "disparus", 140 ont été licenciés.
C'est aussi celle des enseignants de Colombie, des employés de l'aéroport, des banques, des ouvriers du bâtiment il n'y a pas si longtemps, et tous en lutte pour des augmentations de salaires ou des non-versements de primes.
C'est encore celle des mêmes ouvriers de la sucrerie Aztra à Guayaquil, en Equateur, qui, en octobre77, avaient été si violemment réprimés et qui se sont à nouveau remis en grève le 8 août.
Les faits se suffisent à eux-mêmes : la classe ouvrière existe en Amérique Latine et, bien plus, elle se bat, et pas seulement en suivant les syndicats. La bourgeoisie a bien compris qu'il s'agissait des mêmes luttes que dans les pays dits développés , elle qui a commencé par réprimer d'abord violemment toute grève, à interdire le droit de grève, et qui, maintenant, ne se sert plus seulement de la gauche et des gauchistes pour justifier la répression, mais de plus en plus pour demander des "droits démocratiques".
Elle se bat le plus souvent pour des augmentations de salaires, elle se bat contre l'austérité, le chômage, la misère, pas pour obtenir de quelconques "droits démocratiques". Et les préparatifs de la bourgeoisie à un affrontement plus généralisé n'atténuent en rien la force du prolétariat sur tout un continent.
Elle se bat seule, contre la bourgeoisie toute entière. Sa lutte est notre lutte, son ennemi est le même, il est mondial : c'est la bourgeoisie. Là encore plus qu'ailleurs, le prolétariat n’a plus rien à perdre que ses chaînes.
N.M.
Récemment a été publiée la revue "Alarme", organe du "Ferment Ouvrier Révolutionnaire"[1]. Cette revue continue en français le travail initié par "Alarma" en espagnol depuis plus de 10 ans. Ce groupe, à travers la personne de son inspirateur G. Munis, est issu d'une scission du trotskysme. Réfugiés au Mexique, des membres de l'ex-section espagnole de la IVème Internationale allaient défendre une position internationaliste pendant la guerre en dénonçant le caractère impérialiste dans les deux camps de ce nouvel holocauste. En s'opposant à la "défense de l‘URSS" des trotskystes, concrétisée par leur participation dans les fronts de résistance, le groupe de Munis rompait de fait avec la IVème Internationale, rupture qui fut officialisée par leur scission en 1948.
C'est grâce à cette scission que le groupe du Mexique put se réapproprier les positions de classe les plus fondamentales : affirmation de la décadence du capitalisme, rejet des luttes de libération nationale, caractérisation de l'URSS, de la Chine, etc., comme capitalistes (cf. "Pour un second Manifeste Communiste) ; dénonciation des syndicats comme organes du capitalisme ("Les syndicats contre la révolution" de Munis et B. Péret). Positions aujourd'hui défendues par le FOR.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir l'intervention des camarades du "Fomento Obrero Revolucionario" s'élargir avec la publication en français de leur numéro 1 d'"Alarme". Cette parution est un signe que la crise, loin de démoraliser le prolétariat et ses éléments d'avant-garde, est au contraire un terrain favorable où la vieille taupe de la révolution vient creuser avec ardeur. L'existence même d'"Alarme" constitue une preuve vivante que la position défendue par "Alarma" il y a quelques années selon laquelle, comme en 29, la crise générale du capitalisme allait plonger dans la résignation et désespoir le prolétariat, ne s'est heureusement pas vérifiée. Le développement de la lutte de classe à l'échelle internationale depuis 68, même si son cours demeure encore hésitant, traduit le cours historique actuel de la tendance générale à la révolution prolétarienne, comme point d'aboutissement de tout un processus d'explosions ouvrières de plus en plus généralisées. Cette alternative prolétarienne, face à l'autre alternative, celle capitaliste de la guerre généralisée, se traduit par un surgissement d'éléments neufs, qui, au prix d'immenses difficultés, se réapproprient peu à peu, les positions révolutionnaires du passé.
Faire face à ses responsabilités de révolutionnaires dans la classe, faire un travail de clarification théorique, mener une confrontation politique dans le milieu révolutionnaire en vue d'un regroupement des forces que le prolétariat sécrète toujours plus est une tâche immense, qui implique une intervention renforcée, un organe d'intervention. Nous saluons dans "Alarme" cette tentative de concrétiser une intervention politique avec des articles vivants d'actualité (Indochine, Italie, grève des mineurs aux USA, etc.) ou de fond (contre les nationalisations) qui viennent actualiser les positions révolutionnaires.
Nous devons faire ici néanmoins quelques remarques d'ordre théorique, qui, bien entendu, n'épuisent pas une discussion plus systématique avec ces camarades. Plusieurs points, dans la présentation du FOR, nous semblent manquer de clarté :
Il est affirmé qu'"il y a 40 ans s'achevait la contre-révolution", et que l'Espagne en 36-37 fut l'ultime point d'aboutissement de la vague révolutionnaire commencée en 17. Parler de "révolution espagnole", alors que le Front Populaire, la mobilisation sur le front de la guerre civile fut un sommet de la contre-révolution, ouvrant le cours à la guerre impérialiste mondiale, c'est ne pas tirer toutes les leçons de la contre-révolution officialisée par l'adoption par l’IC du "socialisme en un seul pays". La Gauche italienne, a travers "Bilan", a été une des seules en mesure, à l'époque, de dénoncer l'écrasement du prolétariat mondial qui se préparait à travers l'embrigadement dans la "lutte anti-fasciste", puis l'écrasement des ouvriers de Barcelone en 1937. "Alarme" qui affirme que "le bordiguisme en arrive à nier la révolution espagnole du fait de l'absence d'organisation révolutionnaire forte" ne comprend donc toujours pas qu'il n'y ait pas une "révolution espagnole" mais bien une contre-révolution espagnole, expression de la contre-révolution mondiale qui réduisit à néant la magnifique combativité du prolétariat espagnol en juillet 36. Et enfin, pourquoi la prétendue révolution espagnole a été une période non d'organisation du prolétariat en conseils, mais d'atomisation dans les tranchées, non de surgissement d'un parti mais de débandade généralisée dans le milieu révolutionnaire. " "Alarme" ne l'explique pas, ne tente pas de soumettre au crible de la critique, -sans préjugés ni idées reçues-cette vieille position erronée du FOR.
Alors que le "Second Manifeste Communiste" définissait le courant trotskyste comme "réformiste", "Alarme" affirme clairement qu'il est contre-révolutionnaire. C'est un pas en avant incontestable. Mieux vaut tard que jamais, après toute une période où le FOR eut quelques "atomes crochus" vers LO pour laquelle il avait plutôt un "préjugé favorable". Il nous semble cependant que cette dénonciation du trotskysme ne va pas jusqu'à la racine du mal. Affirmer que Trotsky considérait ses positions sur l'URSS comme "provisoires", différencier en quelque sorte les "disciples" du "maître", c'est escamoter purement et simplement la responsabilité du créateur de la IVème Internationale dans la trahison de cette dernière lors de la 2ème guerre mondiale : de la "défense de l'URSS" du "programme de transition" au soutien du camp démocratique "contre le fascisme" dans "Défense du marxisme", au salut enthousiaste de l'arrivée de l'armée rouge en Finlande et dans les pays baltes, Trotsky n'a fait que préparer et couvrir le passage progressif du "trotskysme" à la bourgeoisie. Cette réticence à reconnaître la validité de l'analyse de la Gauche italienne par rapport au trotskysme, cette vague nostalgie de la "section espagnole" de la IVème Internationale, autant de confusions du passé que le FOR actuel arrive encore mal à surmonter.
La caractérisation de la période actuelle manque de clarté. Sommes-nous en période de cours vers la révolution? Ou bien alors de cours vers la guerre ? La présentation du FOR garde là-dessus un silence gênant. Le titre d’"Alarme" donné à l’organe du FOR ne contribue pas à dissiper ce silence : s'agit-il de sonner l'alarme face à une prochaine guerre mondiale? "Alarme" est, pour un groupe révolutionnaire Se développant en période de montée de la lutte de classe, un titre bien... alarmiste.
L'ensemble de ces critiques faites rapidement à la jeune publication en français du FOR, ne sont pas bien entendu des critiques pour la critique.
Elles se veulent un encouragement à une discussion de plus en plus profonde et large, sans sectarisme, au sein du milieu révolutionnaire international, à une confrontation publique et résolue de leurs positions avec d'autres groupes politiques, comme ils ont commencé de le faire.
Que cette confrontation, vitale pour le mouvement révolutionnaire, soit possible, les conférences internationales à Oslo ou à Milan l'ont montré.
[1] "Alarme", C/o -"Parallèles", 47, rue St Honoré, 75001 Paris.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_54.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/tag/4/459/democratie
[3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/polemique
[4] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/bordiguisme
[5] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/pci-proletaire
[6] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/nicaragua
[7] https://fr.internationalism.org/tag/geographique/iran
[8] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/dehors-gauche-communiste
[9] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/alarma-for