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Nous publions à la suite un texte du "Groupe Autonome Ouvrier de Clermont-Ferrand" touchant un des problèmes importants soulevés par le processus actuel de prise de conscience du prolétariat : la signification et la fonction des groupes et cercles ouvriers de discussion. Par manque de place nous ne pouvons donner ici que des extraits -ceux que nous pensons les plus significatifs- de ce document.
Les lecteurs intéressés pourront en trouver l'intégralité dans "Jeune Taupe!" n°l5 (l). Mais contrairement à cette revue qui le publie sans commentaires, nous estimons nécessaire de faire suivre ce texte d'un certain nombre de remarques en particulier pour critiquer certaines confusions qui s'y manifestent et contribuer à la clarification des questions qu’il soulève. Nous estimons en effet que le rôle de l'organisation des révolutionnaires ne saurait se limiter à celui d'un bureau d’édition des différents documents écrits par des ouvriers -une offset au service de la classe, en quelque sorte- mais bien d'intervenir activement dans le processus de développement de la conscience du prolétariat par des analyses et des prises de position sur l'ensemble des problèmes auxquels il est confronté.
L'expérience de nos luttes trahies, de nos échecs, des grèves éclatant en dehors des syndicats ou contre eux, font que des ouvriers prennent conscience du rôle contre-révolutionnaire des syndicats, les font se regrouper en noyaux autonomes.
Pourquoi nous dressons-nous contre des organisations que la classe ouvrière s'est données, il y a un siècle, au prix de luttes acharnées !
Avons-nous perdu le fil de l'histoire, ou est-ce simplement que ce qui était valable il y a cent ans ne l'est plus aujourd'hui?
(...) Si les syndicats trahissent nos luttes, c'est parce qu'ils sont réformistes et non à cause de leurs chefs ; il ne peut plus y avoir de bons chefs avec des organisations réformistes qui ne peuvent plus servir nos luttes.
(...) En effet, pour qu'une organisation soit véritablement démocratique, il faut que tous ses membres soient intégrés à son activité. Si le désintéressement gagne l'ensemble, il n'y a plus de possibilité de véritable collaboration, de véritable démocratie. Ceux des membres qui continueraient à s'agiter pour maintenir un semblant de vie, ne peuvent que devenir des CHEFS BUREAUCRATES d'une masse plongée dans l'indifférence. Or les syndicats sont, par définition, des organisations de masse et permanentes. Les syndicats existent aussi bien au moment des luttes qu'au moment des replis. Aussi, dès qu'il y a reprise de la lutte, les ouvriers trouvent en face d'eux une organisation hiérarchisée qui tend à faire des ouvriers des exécutants passifs de la direction syndicale. C'est pour cela que nous sommes d'accord avec les camarades qui opposent aux syndicats la démocratie directe (...). De plus, cette démocratie ne peut exister que quand tout le monde est intéressé, au moment des luttes.
Enfin, les syndicats servent de courroie de transmission aux partis de gauche et aux gauchistes. Le programme de ces organisations est réformiste à l'instar des syndicats. C'est un programme pour nous mystifier. Il propage l'idée que la crise économique n'est qu'une affaire de mauvaise gestion, que le socialisme n'est que quelques nationalisations plus ou moins autogérées.
C'est pourquoi, devant la crise mondiale grandissante, devant la décomposition des appareils d'Etat, le capitalisme appelle de plus en plus la gauche au pouvoir pour gérer son système pourrissant.
(...) Pour lutter contre l'autonomie du prolétariat, la gauche a deux armes : l'électoralisme et le modernisme!
(...) Chaque élection lui permet de mettre les ouvriers au pas, de casser les grèves sous prétexte que les élections se déroulent dans un climat de sérénité. Surtout les élections permettent à la gauche de détourner le prolétariat de ses tâches essentielles, son autonomie et son auto-organisation, en le faisant participer à un jeu de dupes monté par la bourgeoisie et qui ne sert qu'à isoler l'ouvrier de sa classe. Notre seule force est celle que nous donne la lutte collective.
(...) Le modernisme permet à la vieille gauche, grâce à la complicité volontaire de tous les gauchistes, de faire peau neuve... Les idéologues modernistes, l'autogestion, les groupes spécifiques, les comités non violents, le régionalisme, l'écologie, etc... donnent à la gauche un air dans le vent, révolutionnaire. . . Mais ces idéologies permettent surtout à la gauche de lutter contre l'autonomie du prolétariat en créant des divisions, en noyant la classe ouvrière dans des catégories qui ne sont que l'image de la société capitaliste.
La gauche et ses courroies de transmission, les syndicats, étant devenus des appareils intégrés à l'Etat capitaliste, notre lutte ne pourra se développer qu'en dehors et contre eux.
(...) L'expérience des plus grandes luttes du prolétariat en dehors des syndicats a montré que la forme d'organisation est celle des comités d'usine ou de comités de grève élus et révocables... Toutes les décisions concernant la marche de la lutte sont prises par les assemblées d'ouvriers... Les tâches de coordination sont assurées par un comité de grève ou comité d'usine, formé de délégués élus en assemblées et responsables à tout moment devant elles... Cette forme d'organisation particulièrement simple est en effet la seule qui permet la véritable participation de tous les ouvriers au combat. Elle fait de celui-ci l'affaire propre des ouvriers, et non plus celle des centrales syndicales Elle permet l'unité et la cohérence effectives que les divisions syndicales empêchent.
(...) Ces comités d'usine ou de grève ne correspondent pas seulement à un souci de démocratie. Ils sont déjà en eux-mêmes une préfiguration des Conseils Ouvriers, organisation que se donne la classe ouvrière pour prendre définitivement le pouvoir.
(...) Aujourd'hui, il est fondamental que la forme d'organisation des luttes prenne les traits essentiels des organisations pour la prise totale du pouvoir, et seule une telle organisation peut donner un sens et une issue à nos luttes.. .
Cependant le processus qui mène à ces formes de lutte va se heurter à une série d'obstacles qui tendent à maintenir le mouvement de la classe ouvrière sous le contrôle des organisations syndicales... Il y a d'abord "l'habitude"... Depuis des années, la classe ouvrière, bercée dans le mythe des syndicats, "organisations représentatives des intérêts ouvriers", laisse la conduite de la lutte et son organisation aux mains des centrales syndicales et de leurs bonzes. Aussi l'idée de s'organiser sans eux semble souvent une chose irréalisable. . .
Cette habitude dans les grèves sauvages d'atelier, là où l'influence syndicale est moins forte, commence à être brisée. Elle sera de plus en plus brisée que sera plus fort le besoin de la lutte.
(...) Il est fondamental que le groupe autonome ouvrier répande l'idée de ces formes nouvelles de lutte, que les expériences des grèves sauvages des ouvriers italiens, anglais, marocains, espagnols, de toute la classe ouvrière, soient connues de tous, que l'on sache qu'il existe des formes de lutte et d'organisation autres que les syndicats et qu'elles se développent partout dans le monde.
S'opposer aux syndicats apparaît à certains ouvriers comme "s'isoler du mouvement général". Il est indispensable de montrer que ce sont les syndicats qui s'isolent et vont s'isoler de plus en plus des véritables luttes du mouvement ouvrier... D'autres facteurs empêchent certains ouvriers de dépasser le cadre syndical au moment de la lutte: ainsi le besoin de coordination avec d'autres usines en lutte ou le fait que les patrons n'acceptent de discuter qu'avec les délégués syndicaux... les centrales syndicales étant normalement le seul lien existant entre les ouvriers de différentes entreprises, la rupture avec elles peut faire craindre l'isolement de la lutte. En fait, l'expérience a montré que les syndicats utilisent systématiquement leur pouvoir pour isoler et diviser les luttes
La tactique qui consiste à annoncer faussement dans une usine en grève que les autres ont repris afin de faire cesser la grève est devenue classique. Il est donc fondamental que le groupe autonome ouvrier développe tous les liens possibles avec d'autres groupes autonomes ou comités d'usine et assure le jour de la lutte des liaisons.
Quant au problème que le patron n'accepte de discuter qu'avec les syndicats, seules la combativité et la détermination
des ouvriers peuvent le résoudre : par l'épreuve de force seulement les ouvriers peuvent imposer leurs propres délégués et donc leur propre volonté.
(...) Si le groupe autonome ouvrier est composé d'ouvriers participant à la prise de conscience de la classe, nous ne sommes pas la conscience ni le noyau dirigeant. Nous ne sommes pas le noyau des futurs conseils ouvriers, ni l'embryon d'un futur parti. Nous n'avons pas à inventer des revendications pour les luttes.
Notre raison d'être dans toutes les luttes est celle d'un pôle de discussion, de réflexion, pour aborder nos problèmes d'un point de vue d'ensemble, non localement mais globalement, pour mieux connaître les idées motrices qui animent le mouvement de la classe, pour mieux savoir qui sont nos ennemis, qui sont nos amis. Nous sommes des ouvriers militant pour l'organisation autonome des ouvriers, et non des instruments de quelque parti ou tendance politique. Nous regroupons des ouvriers de différentes tendances politiques ou d'aucune tendance ou groupe précis pourvu qu'ils soient d'accord sur la nécessité de développer les formes d'organisation et de lutte autonome des ouvriers.
(...) Le groupe autonome ouvrier est une avant-garde. C'est la cristallisation et la manifestation d'un processus de prise de conscience qui s'opère dans la classe. Nous militons pour l'autoorganisation de la classe, donc nous serons amenés à l'auto-dissolution dès qu'apparaîtra l'organisation autonome de la classe que nous, ouvriers, nous nous donnerons. Nous militons comme ouvriers, éléments de la classe ouvrière, et non comme un groupuscule ou pseudo avant-garde éclairée.
Nous sommes une avant-garde mais pas, à l'instar des léninistes, une avant- garde éclairée permanente apportant de l'extérieur la conscience, encadrant les ouvriers...
Le groupe autonome ouvrier est composé d*ouvriers révolutionnaires mais nous ne sommes révolutionnaires que si nous sommes conscients de nos responsabilités et que nous les réalisons effectivement.
En plus d'être des révolutionnaires participant activement et résolument dans la lutte constante de la classe à son auto-organisation, à la solidarité révolutionnaire, nous avons pour tâche essentielle d'œuvrer pour la conscience théorique de la classe et dans la classe, car l'autonomie de la classe est avant tout l'autonomie politique . . .
(...) C'est pourquoi nous devons ... nous réapproprier les acquis des luttes du passé, regrouper nos forces à l'échelle de la classe ouvrière, c'est à dire mondiale, mettre au centre de nos préoccupations la crise du capitalisme et ses conséquences pour l'ensemble des ouvriers, la dictature révolutionnaire du prolétariat, l'internationalisme, la violence révolutionnaire, la période de transition.
Le groupe ouvrier autonome de Clermont-Ferrand.
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Indiscutablement, ce texte constitue le résultat d'un effort sérieux de réflexion d'un point de vue prolétarien. Sur certains points, il fait une défense très vivante et percutante des positions révolutionnaires. En particulier il est très clair dans son analyse du mécanisme de développement de la bureaucratie syndicale, dans sa dénonciation de la gauche, des gauchistes, et de leurs armes : les élections et le "modernisme". De même il met en avant avec vigueur, à la fois la nécessité de l'auto-organisation des luttes ouvrières, de leur extension face à l'isolement maintenu par les syndicats et à la fois la nécessité pour la classe d'une réflexion approfondie par rapport à son expérience et aux perspectives de sa lutte. Cependant le texte contient un certain nombre d'idées et de formulations erronées qu'il nous appartient comme révolutionnaires de relever et de réfuter.
On peut lire dans ce document des phrases comme : "si les syndicats trahissent nos luttes, c'est parce qu'ils sont réformistes"... ou bien "le programme de ces organisations politiques (gauche et gauchistes) est réformiste à l'instar des syndicats".
Ces formulations sont inexactes et introduisent une confusion là où; par ailleurs, le texte est très clair : la nature capitaliste de la gauche et des syndicats.
Le réformisme appartient à une période et à des circonstances bien précises de l'histoire du mouvement ouvrier. C'est un terme qui définit la maladie dont ont été atteintes la plupart des grandes organisations ouvrières dans la période ascendante du capitalisme. Dans cette période, celui-ci était capable d'accorder des réformes réelles et, dans la mesure où il constituait le cadre approprié au développement des forces productives, sa disparition n'était pas à l'ordre du jour. Pour la classe ouvrière la lutte pour des réformes n'était pas seulement possible mais nécessaire en attendant que mûrissent les conditions économiques de la révolution, nécessaire à la fois pour améliorer ses conditions d'existence et pour se préparer à l'affrontement final. Le réformisme était justement la politique qui, en s'appuyant sur l'illusion que le capitalisme pourrait indéfiniment poursuivre son ascension, rejetait le deuxième aspect des luttes de la classe. Dans cette conception, "le but n'est rien, le mouvement est tout" (Bernstein) : le seul objectif des luttes est une transformation progressive de la société capitaliste dont le socialisme est l'aboutissement organique. Même si elle était favorisée par la pratique quotidienne de la classe, une telle vision était indiscutablement d'essence bourgeoise : le réformisme était une manifestation du poids de l'idéologie bourgeoise au sein des organes de lutte de la classe ouvrière. Mais dans la mesure où justement, la révolution n'était pas encore à l'ordre du jour, ces organes pouvaient assurer une défense réelle des Intérêts Immédiats des travailleurs. Syndicats et partis sociaux-démocrates de masse étaient des instruments de la classe ouvrière et malgré leurs imperfections et leurs limites, les révolutionnaires y militaient afin d'y défendre, contre les réformistes, la perspective historique de la lutte de classe : le renversement du capitalisme.
Avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, ces organisations sont passées dans le camp du capitalisme : dans la mesure où le système n'était plus capable d'accorder de réforme, elles ne pouvaient plus, sur le terrain qui leur était propre, assurer une quelconque défense des intérêts prolétariens et c'est tout "naturellement" qu'elles sont devenues des instruments de l'Etat bourgeois, des officines de celui-ci en milieu ouvrier. Leur programme actuel, même s'il s'applique à maintenir des illusions réformistes au sein de ia classe, la croyance en la possibilité d'améliorations réelles, n'est pas "réformiste". Il est bourgeois. Sous couvert de "réformes", il se propose de perfectionner les instruments d'oppression et de mystification de la classe, de renforcer l'emprise totalitaire de l'Etat sur la société. La journée de 10 heures, à l'époque où les ouvriers en travaillaient quatorze ou seize, était une conquête prolétarienne. Les nationalisations sont des mesures capitalistes.
Ce n'est par goût de l'exégèse que nous avons critiqué ces formulations, mais parce qu'elles recouvrent des confusions qui risquent d'être dangereuses. Si la vision qui se dégage de ce texte est authentiquement prolétarienne, par contre c'est sur la base de l'idée que le PC et le PS sont (quand même) "réformistes" que les gauchistes justifient leur politique bourgeoise de soutien à ces partis. Entre les mains d'une organisation du capital, toute confusion de la classe devient une arme redoutable et c'est pour cela qu'il ne faut en laisser passer aucune.
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Dans la seconde partie de cet article, nous traiterons du problème central soulevé par ce texte : la fonction des cercles ouvriers.
C.G.
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La première partie de cet article (RI n°39) était constituée d'un document émanant du "groupe ouvrier autonome de Clermont-Fd. intitulé "plateforme minimum pour l'autonomie ouvrière" et du début d’une critique de ce texte. Celle-ci portait sur un certain nombre de formulations erronées ou ambiguës concernant la nature présente des syndicats et des partis de gauche. En effet, si le texte est particulièrement clair sur la nature bourgeoise de ces organismes, il introduit une confusion en les considérant comme "réformistes". La critique essayait de démontrer qu'un tel terme qui s'appliquait à certaines organisations ouvrières du siècle dernier ne saurait convenir aux organisations bourgeoises à langage ouvrier d'aujourd'hui. Nous poursuivons ici la critique de ce document en abordant le sujet qui en constitue l'axe : la signification et la fonction des groupes et cercles ouvriers de discussion qui surgissent dans la classe à l'heure actuelle.
Pour les communistes, il est acquis depuis longtemps que les armes fondamentales du prolétariat dans sa lutte contre le capitalisme sont sa conscience et son organisation. Nous ne reviendrons pas ici sur les causes de cette caractéristique de la lutte prolétarienne, ni sur la façon dont elle s'est manifestée aux différentes étapes de celle-ci (voir résolution sur l'organisation dans RI n° 17 et article sur les statuts du CCI dans la Revue Internationale n°5). Ce qu'il est indispensable de faire apparaître, c'est que, dans l'affrontement décisif contre le capital, la classe ouvrière se dote, comme traduction de cette double nécessité, d'une part, d'une organisation générale et unitaire, les Conseils Ouvriers et, d'autre part, d'organisations politiques, les partis prolétariens, regroupant les éléments les plus avancés de la classe et dont la tâche est de généraliser et approfondir le processus de prise de conscience dont ils sont une expression.
Démentant les conceptions de l'internationale Communiste, l’histoire de ce dernier demi-siècle a démontré qu'il ne pouvait exister pour la classe d'autres formes d'organisation que celles qui viennent d'être définies. Les syndicats, dont l'IC voulait faire des "courroies de transmission" entre le parti et la classe, se sont confirmés comme courroies de transmission entre l'Etat capitaliste et le milieu ouvrier. Les Unions Ouvrières, opposées par la Gauche Communiste d'Allemagne aux syndicats, se sont révélées comme des formes rénovées... de syndicats. En effet, de tels organismes, se proposant de rassembler tous les ouvriers, membres ou non du parti, sur la base du rejet des syndicats et de la reconnaissance de la nécessité de la dictature du prolétariat, n'ont pu remplir ni la tâche d'un parti, compte tenu de leur hétérogénéité ni celle de l'organisation générale dans la mesure où ils excluaient les travailleurs en désaccord avec ces positions. Et, si de tels organismes bâtards ont pu connaître un semblant de vie dans les moments de lutte intense au début des années 20, le reflux des luttes les a confrontés à l'alternative : disparaître ou suivre le chemin des syndicats, c'est-à-dire baser leur existence permanente sur la conquête de revendications; 1’intégration dans les structures étatiques devait suivre nécessairement. Et le fait qu'ils fussent organisés par usines et non par métiers ou branches d'industrie n'y changeait rien.
Les leçons d'un demi-siècle d'expériences depuis la vague révolutionnaire des années 17-23 sont claires :
Différents à la fois des organisations unitaires et des organisations politiques, on voit aujourd'hui surgir des groupements rassemblant un certain nombre de travailleurs sur la base d'un rejet des syndicats, de la gauche ; et animés de la volonté d'impulser la lutte prolétarienne. De tels organes ont des origines et revêtent des formes multiples que nous ne pouvons analyser ici. Mais le "groupe ouvrier autonome de Clermont-Fd" en constitue un bon exemple puisque, par certains côtés, il a atteint un niveau élevé de clarté, et que, par d'autres, il souffre de certaines confusions communes à ces différents groupes et qu'on peut résumer ainsi : l'idée qu'ils sont des ébauches soit de l'organisation générale de la classe, soit d'une organisation politique ou qu'ils constituent une sorte d'intermédiaire entre ces deux types d'organes.
En effet, ce "groupe", s'il affirme: "Nous ne sommes pas le noyau des futurs conseils ouvriers, ni l'embryon d'un futur parti", démontre qu'il ne s'est pas entièrement dégagé d'une telle conception en écrivant : "...l’expérience a montré que les syndicats utilisent systématiquement leur pouvoir pour isoler et diviser les luttes ... Il est donc fondamental que le groupe autonome ouvrier développe tous les liens possibles avec d'autres groupes autonomes ou comités d'usine et assure, le jour de la lutte, des liaisons'.' Dans cet extrait, le G.O.A.C. se place clairement sur le même plan que les comités d'usine élus par les assemblées générales lors des luttes et se propose les mêmes tâches : généraliser et coordonner les combats de la classe. Constatant que les syndicats ne font pas et empêchent un tel travail, il se propose donc de constituer un organisme permanent (les comités d’usine étant eux constitués pour la durée des luttes) qui se chargerait de l'assumer. Qu'il le veuille ou non, il s'agit là d'une nouvelle forme de syndicat...
On lit également : "...c'est pourquoi nous devons (les groupes ouvriers) regrouper nos forces à l'échelle de la classe ouvrière, c'est-à-dire mondiale..." Là encore, malgré ses dénégations, le G.O.A.C. se donne des tâches qui ne peuvent être les siennes. Ou bien il considère que l'organisation internationale des groupes ouvriers devra préluder à l'organisation générale de la classe à cette échelle, et il rejoint la vision anarcho-syndicaliste qui veut "préfabriquer" ce qui surgira spontanément des assemblées ouvrières. Ou bien, c’est en vue de constituer une organisation politique à l'échelle de la classe qu’il estime nécessaire que les groupes ouvriers regroupent leurs forces. Dans la mesure où le texte s'intitule "plateforme" et qu'il fixe comme autres tâches la réappropriation des "acquis des luttes du passé" et la discussion sur "la crise du capitalisme, la dictature... du prolétariat,... la période de transition", il semble montrer que c'est de cette deuxième forme d'organisation qu'il s'agit. Et, là encore, il tombe dans l'erreur de vouloir constituer une organisation politique qui n'ose dire son nom, basée sur un programme flou et incomplet (puisque «minimum"), ce dont nous avons déjà signalé les dangers.
Il s'avère donc que la tentative de ce "groupe ouvrier" de se définir le conduit, aussi clair qu'il puisse être par ailleurs, à se donner des tâches qui ne peuvent être les siennes.
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Nous verrons dans la partie suivante de cet article comment un tel type d'erreur est en fait inhérent à ce genre de groupements. Nous y analyserons la signification du surgissement de ce type d'organes et la tâche des révolutionnaires à leur égard.
C. G.
Le prolétariat, en ressurgissant sur la scène historique, après un terrible et tragique écrasement tant par sa durée que par l'ampleur de ses conséquences, se trouve confronté à un grand vide, presque à un néant : une brisure sans précédent avec son passé. Cette coupure est avant tout le résultat du passage dans le camp adverse de l'ensemble de ses organisations, créées pourtant au prix d'une lutte acharnée entre prolétariat et capital, de la sclérose ou de la décomposition, quand ce n'est pas de la disparition pure et simple de celles qui, peu nombreuses et au prix d'une formidable résistance à la pression de l'idéologie bourgeoise, ont tant bien que mal défendu les acquis historiques de la classe et ainsi participé à la préparation de son nouvel assaut.
Le poids de cette rupture organique s'est et se fait encore concrètement ressentir lorsque, après la réémergence du prolétariat à un niveau mondial depuis 68, le premier obstacle a été pour les minorités révolutionnaires sécrétées par ce mouvement, de se percevoir comme le produit d'une lutte entamée déjà depuis plus d'un siècle.
On peut diviser en deux grandes catégories les falsifications produites autour de l'élan révolutionnaire des ouvriers allemands : la première, celle du stalinisme et de son soutien critique : le trotskysme. En France, elle est représentée principalement par Badia et Broué. Chez Badia, en dehors des spartakistes érigés, à l'image du mausolée de Lénine, en totem du panthéon socialiste, c'est tout simplement le traitement du silence Infligé aux principales organisations communistes à côté du PC officiel (KAPD, AAUD) qui, pourtant, regroupent un moment la majorité des communistes et de la classe en lutte, et représenteront la meilleure tentative de la classe de continuer la marche de la révolution et de résister au reflux de celle-ci.
Chez Broué, si celui-ci fait référence dans son ouvrage monumental aux "gauchistes" allemands, il réduit les faiblesses et l'échec du mouvement à la crise de la direction révolutionnaire et à l'absence d'une pratique systématique de front unique.
La deuxième grande catégorie des mystifications produites par la chape de plomb de la contre-révolution est d'autant plus dangereuse qu'elle est le fait de groupes produits du combat de la classe ouvrière contre la dégénérescence de ses organisations (l'IC et les différents partis communistes), mais qui, ayant subi toute la pression énorme de la défaite, ont entamé un lent processus de dégénérescence, rendant par là-même, confuses ou même contre- révolutionnaires leurs positions sur bien des points.
Ainsi, nous avons la version bordiguiste selon laquelle la gauche allemande des années 20, bien qu'étant un courant authentique de la classe, une réaction saine de celle-ci, serait foncièrement minée dès le début par l'anarchisme ("Programme Communiste", n°58), la rendant ainsi impropre à toute effective action de classe, et justifiant donc, malgré ces erreurs, l'attitude du PC officiel (KPD), lui, foncièrement communiste.
A l'opposé de cette vision, et pourtant en parfaite symétrie avec elle, nous avons le purisme conseilliste. Pour lui, l'enseignement du mouvement révolutionnaire allemand des années 20 étant essentiellement réductible aux conseils ouvriers, il rejette par là tout l'immense apport du mouvement sur la question du parti, son rôle, sa relation avec les conseils, etc., et en arrive ainsi au fétichisme d'une forme qui, sans contenu révolutionnaire n'est rien et ne représente en soi aucune garantie contre le reflux de la révolution. Cette vision le rend incapable d'apprécier justement le rôle de l'organisation des révolutionnaires et les
épigones conseillistes actuels qui tendent à nier tout rôle à celle-ci, ne font par-là que répéter les erreurs du passé, produits avant tout du reflux (Rühle et les AAUE).
Le livre[1] de Authier-Barrot sur la gauche communiste en Allemagne est le bienvenu, dans la mesure où il tend à renouer ce fil rompu avec l'histoire de la classe, oubliée, falsifiée, dénaturée par 50 ans de contre-révolution. Le livre, en se plaçant globalement sur un terrain de classe, s'attaque aux différents mythes attachés à cet épisode fondamental du mouvement ouvrier dont quelques-uns des plus tenaces, des plus crapuleux, sont énoncés plus haut. Il essaie également d'aborder d'une manière critique les questions posées par deux des principales fractions communistes qui ont lutté contre la dégénérescence de l'IC, contre le reflux, les gauches italienne et allemande.
Il tend à voir comment ces deux fractions ont exprimé la conscience que le prolétariat prenait de cette période de bouleversement incessant de "guerres et révolutions", des tâches impliquées par elle, et aussi la difficulté, les obstacles, en particulier en Allemagne à cette prise de conscience.
"La gauche allemande, à la différence des bolcheviks, s'est trouvée directement confrontée aux tâches de la révolution dans les pays les "plus avancés", elle en a reconnu lucidement quelques-unes, elle a fait une tentative très intéressante de les résoudre que la révolution future doit absolument dépasser" (Barrot).
Cette tentative est appuyée par un travail important, bien que parfois un peu universitaire. A travers une documentation très fournie et souvent peu accessible, il part des origines et de la situation du capitalisme et de la classe ouvrière en 14 pour aller jusqu'au reflux définitif du mouvement révolutionnaire après 23, en passant par les étapes fondamentales de ce mouvement, tels l'écrasement de la Commune de Berlin et l'assassinat de Luxembourg et de Liebknecht en janvier 19, ou encore la fondation du parti communiste allemand (KPD) puis du parti communiste ouvrier (KAPD).
Le livre est toutefois plus axé sur la gauche communiste proprement dite, c'est-à-dire sur ce qui va s’opposer à la dégénérescence de l'IC et des partis communistes et synthétiser le degré de compréhension du prolétariat de ses nouvelles tâches, celles-là même que Lénine va stigmatiser du nom de "gauchistes" dans la "Maladie infantile".
Malheureusement, le seul cadre permettant de voir clair dans cette vague incessante de flux et de reflux que fut le combat mortel entre prolétariat et capital en Allemagne, c'est-à-dire :
Ainsi les faiblesses et erreurs de l'IC et des différents partis communistes sont certes bien mises en évidence, mais perçues uniquement comme une somme mécanique, leur énonciation n'échappe pas dès lors à une certaine complaisance, tout au long des chapitres, sans jamais voir le fond du problème, alors qu'il est clairement exprimé dans le programme de la Ligue Spartakus : "...cette révolution est survenue après quatre années de guerre, après 4 ans au cours desquels, grâce à l'éducation que lui ont fait subir la social-démocratie et les syndicats, le prolétariat allemand a révélé une dose d'infamie et de reniement de ses tâches socialistes.. Que, si l'on se situe sur le terrain du développement historique, on ne peut s'attendre à voir surgir soudain une révolution grandiose, animée par la conscience de classe et des objectifs clairs à atteindre" (Luxembourg).
Par leur refus de tout ce qui peut leur rappeler le léninisme, ils en arrivent à l'incompréhension fondamentale du rôle de l'organisation révolutionnaire. Cette incompréhension culmine dans la non-reconnaissance du rôle actif joué par celle-ci dans la généralisation et la clarification de la conscience que la classe prend d'elle-même et de son but historique : le communisme.
Cela les amène ainsi à nier l'un des enseignements majeurs de l'histoire de la gauche allemande : prise de court par le tourbillon de la période révolutionnaire, elle n'a pu approfondir à temps suffisamment toutes les questions suscitées par l'ouverture du cycle de guerre et de révolution (exergue du 1er Congrès de l'IC) et, donc, se regrouper sur des bases programmatiques claires.
En résumé, les auteurs ne tirent pas, pour aujourd'hui, les conséquences de cette tragique expérience du prolétariat allemand, à savoir l'extrême importance du regroupement des révolutionnaires, parallèlement à l'approfondissement politique, avant que la classe n'ait déjà engagé ses combats décisifs, de même qu'ils sont incapables de comprendre l'immense apport de la gauche allemande sur la question du parti. Le KAPD fut pendant presque deux ans une démonstration éclatante de qu'est-ce qu'un parti vivant, anti-pyramidal, anti-hiérarchique ; bref, un centralisme effectif.
Cet ensemble d'erreurs et de confusion ont toute leur origine dans le modernisme de leurs auteurs.
Cette vision qui prend naissance dans la période de reconstruction (qui s'achève au début des années 60) se caractérise dans une volonté de dépasser le marxisme explicitement comme l'a fait "Socialisme ou Barbarie", ou inconsciemment en opposant l'ancien mouvement ouvrier au nouveau.
Elle exprime deux choses essentielles :
Cette opposition entre "ancien" et "nouveau" mouvement ouvrier se manifeste chez nos auteurs, par une sorte d'attitude de juges de l'histoire. Du haut de leur chair, forts de l'expérience accumulée pendant cinquante ans, ils décernent les bons et les mauvais points. Ainsi, l'immaturité, la confusion qui règne dans la gauche allemande et dans l'ensemble du mouvement ouvrier d'alors tend à être mesurée à l'aune d'un radicalisme abstrait, les faiblesses et confusions de la conscience de classe sont confrontées à un programme communiste que l'on n'appliquerait pas et les défaites peuvent pâtre ainsi imputées à un "manque de communisme".
Enfin, le confusionnisme de cette vision conduit à un rejet des conseils -ils étaient valables en 1920 parce que "l'usine, le lieu de travail, n'était pas encore conquis par le capital". Là encore, on retrouve l'ambiguïté présidant à l'analyse des auteurs. S'il est absolument correct d'affirmer, comme ils le font ensuite que "la prise en main de l'ensemble de l'appareil productif par les conseils ouvriers n'a rien de révolutionnaire si les ouvriers se contentent de gérer...", et d'insister sur le danger de l'usinisme, (la tâche fondamentale de la révolution sera bien sûr son extension), il est faux à partir de là d’en conclure à un rejet, par le fait même que les usines, les lieux de production présentent la base à partir de laquelle peut s'affirmer le prolétariat en lutte.
En conclusion, on peut dire que ce livre, quoique intéressant à lire, souffre fondamentalement des conceptions encore modernistes de Authier-Barrot, et de leur attitude académique, "au- dessus de la mêlée", ou du pur regard radical jeté sur le passé. En effet, il n'y a qu'une seule manière effective de dépasser l'apport limité, mais cependant essentiel de la gauche allemande, c'est tout simplement de poursuivre leur œuvre en participant, dans une optique de continuité-dépassement, à la préparation de la reconstruction d'un parti communiste qui, désormais, ne pourra être que mondial.
R. N.
[1] Publié chez Payot.
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Dans ce numéro, nous publions la première partie du rapport sur la situation en France adopté tout récemment par la section territoriale du CCI en France.
Ce rapport, qui s’inscrit dans la continuité des précédents travaux de notre Courant, dégage les perspectives fondamentales et met en lumière quelles sont les lignes de force qui orientent la société de classe dans ce pays.
Il se veut être une contribution qui permette à l'organisation des révolutionnaires de faire face à ses tâches dans un tout proche avenir et il doit être compris comme tel.
■ Malgré l'écran idéologique qu'a pu projeter la bourgeoisie, la crise mondiale et la situation de misère physiologique et spirituelle faite à des centaines de millions d'êtres humains dans les différents pays civilisés apportent, pour les révolutionnaires, la preuve que le régime bourgeois de la production a exacerbé ses propres contradictions pour aboutir à une impasse dont il ne peut sortir.
Partout, le capitalisme est acculé à une situation de faillite internationale. Celle-ci fournit la preuve palpable qu'il ne pourra remonter le courant, qu'il ne pourra pas retrouver l'expansion qui a été la sienne après la 2ème guerre. Le capitalisme ne peut plus organiser le processus d'accumulation comme avant l'éclatement de la crise; il ne peut plus le faire sur les mêmes bases qu'auparavant.
Malgré les lénifiantes déclarations optimistes des gouvernements, la "confiance" dans le redémarrage du bien-être social s'est perdue et le cauchemar de la guerre commence à envahir et à hanter la conscience de l'humanité qui a déjà vécu deux holocaustes. Le vieux monde capitaliste ne vit plus dans 1'opulence du développement des forces productives: des pans entiers de son édifice construit "dans le sang et dans la boue" sont emportés par la crise.
Quoiqu’il existe une série de facteurs sociaux, historiques et politiques propres à la France, la situation dans ce pays est déterminée par les lois du marché mondial.
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En France, le capitalisme ne régule plus son marché et se trouve étouffé par un surplus de marchandises faute de débouchés en acheteurs solvables. Il a jeté sur le marché une surproduction d'articles de toutes sortes, il a inondé de billets de banque le marché monétaire amenant une inflation à deux chiffres. A la rentrée d'octobre 1977, le rythme de l'inflation atteignait 12%, les produits alimentaires accusaient une hausse annuelle de 20%, les services de 11%.
Les capacités de l'appareil de production français ne sont utilisées qu'à 75% en moyenne de leur capacité -65 % dans la sidérurgie; les investissements ne sont engagés qu'avec la plus grande hésitation, tandis que les taux de croissance sont plus faibles et les taux d'augmentation des prix plus élevés que pendant les années favorables que l’on a connues autrefois. Les courbes de croissance industrielle déclinent beaucoup plus vite que celle des géants (USA, Japon, RFA); les achats industriels s'effondrent; le vieillissement de la machinerie s'accélère.
Compte tenu de la faiblesse de l'augmentation du taux de productivité des usines françaises, les produits finis et élaborés trouvent difficilement acquéreurs. Non seulement la France perd divers marchés mais encore doit-elle protéger son marché intérieur de la percée étrangère. La libre circulation des marchandises au sein de la CEE étant morte de sa belle mort, l'austérité dans l'autarcie pour réduire la consommation de produits importés, devient la règle.
Après une brève reprise au premier semestre 76, reprise sectorielle et non généralisée à l'ensemble des branches d'activité, le capitalisme a plongé encore plus bas dans le marasme. Depuis le printemps 77, la production ne croit plus et baisse, se tasse dans le courant de l'été et la chute se poursuit à la rentrée d'automne. Une nouvelle détérioration générale est attendue, faisant craindre le pire pour la tenue du franc. La décote de celui-ci par rapport au deutschemark est venue alourdir la facture des importations. Le taux de couverture du commerce extérieur est tombé à 94 % alors que la dette extérieure française s'élève à 10 milliards de dollars. Les carnets de commande se vident et les stocks d'invendus s'alourdissent. Ce bilan désastreux, comparable à celui de l'Espagne, de l'Italie et de la Grande-Bretagne range la France dans le peloton des "hommes malades de l'Europe".
A lui seul, le nombre de chômeurs complets permet de se faire une idée précise de la dimension et de la profondeur de la crise: 1,220,000. Des dizaines de milliers de jeunes en âge d'entrer dans la production ou les activités annexes restent sur le pavé. La plupart des salariés de l'industrie et du commerce, qui avaient été mis à pied par suite de "conjoncture défavorable" n'ont pas, depuis, retrouvé de travail. Maintenant, la bourgeoisie décidée à faire baisser le chômage essaie de dresser les ouvriers au travail contre les chômeurs "fauteurs d'inflation"; elle renvoie dans leurs pays d'origine les travailleurs étrangers et limite sévèrement les contingentements de main d'œuvre. Il suffit que le chômeur ne se présente pas à une convocation d'un employeur, où qu'il soit situé sur le territoire national, pour être radié du chômage. Les tentatives du gouvernement pour assainir le marché de l'emploi ont l'appui, plus ou moins franc, des syndicats qui développent le thème du "fabriquons français !", cherchant par-là à atteler la classe ouvrière à la défense de "son" capital.
Sur toute la ligne, le plan du docteur Barre est allé d'échec en échec. Devant ces graves revers et leurs conséquences en pleine période de préparatifs électoraux le gouvernement, en particulier sous la pression de l’ex-premier ministre Chirac, a eu recours à un saupoudrage de "social" (facilité de retraite anticipée, aide aux ouvriers et aux familles pour la rentrée scolaire, appel à la philanthropie patronale et municipale pour le secours aux chômeurs, embauche de 300.000 jeunes...) aussi bien pour maquiller les plaies du régime que pour dégonfler, le temps d'une campagne électorale, les statistiques du chômage. Toujours dans une préoccupation d'ordre politique, le gouvernement a accordé à plusieurs catégories sociales -petits industriels, commerçants, artisans- la déduction de 20% sur la déclaration de leurs revenus.
Dans un souci d'apaisement, le gouvernement a fini par faire voter une loi sur l'imposition des "plus-values" particulièrement atténuée.
Le capitalisme français n'est plus capable de reprendre souffle et de continuer à orienter la production sur les bases de la propriété privée. Malgré les pétitions de principes sur le libéralisme giscardien, jamais les pouvoirs publics ne sont intervenus aussi souvent et aussi directement dans l'économie française. Tour à tour dans l'automobile (Peugeot, Citroën) et les poids lourds (Berliet, Saviem), dans l'industrie nucléaire et l'informatique (CGE, CII, Alsthom), c'est-à-dire les principaux secteurs à technologie avancée et de l'économie de guerre ont été placés sous la coupe directe de l'Etat. Pour l'instant, le secteur public en France représente 9,6% de la population active et 24% des investissements. Quel que soit le résultat des élections de 1978, cette marche tendant à renforcer le caractère omniprésent de l’Etat-Parasite sera accélérée en tous cas. Le capitalisme d'Etat, pour diriger la nation tout entière vers l'effort de guerre, a donné plus nettement encore au gouvernement -démocratique ou totalitaire- le caractère de machine exerçant une dictature sociale et politique sans précédent.
Sans les exportations militaires, le déficit de la balance des paiements de la France aurait été le double en 1974.
Le capitalisme français ne peut plus se survivre sans une gigantesque économie de guerre. Il a lancé sur le marché, dans l'espace et sous les mers, un stock incalculable d'armes et d'engins de mort des plus meurtriers. Il a converti une masse énorme de moyens de production en moyens de destruction. Il a consacré une masse d'argent de plus en plus fabuleuse pour la recherche militaire. Il a investi des milliards pour construire des sous-marins nucléaires et la bombe atomique. Il a militarisé la vie de l’homme depuis le berceau jusqu'à sa tombe.
Le capitalisme contient et conduit à la guerre pour anéantir les propres richesses créées par le travail de la société. La guerre est devenue le mode de survie permanent du capitalisme qui ne paraît que capable de plonger l'humanité dans le précipice d'une 3ème guerre mondiale annoncée par les conflits impérialistes sur la scène du monde. Par les efforts déployés pour son armement, par sa politique munitionnaire, par ses expériences atomiques, par la construction de dizaines de centrales nucléaires, la France se place aux avant-postes de la préparation à la guerre.
La crise a précipité, non l'effritement, mais le renforcement des blocs. Elle a mis les pays de second ordre en demeure de choisir leur camp; elle a resserré les jeux diplomatiques des différentes nations.
Capitalisme affaibli par la dernière guerre mondiale, la France a payé du prix de son indépendance nationale le soutien logistique, économique et financier que lui assure la puissance nord-américaine. C'est pourquoi elle a dû rabaisser ses prétentions sur ses anciennes chasses-gardées d'Afrique Noire et de l'Indochine. Les Etats-Unis n'abandonnent qu'une maigre portion du marché mondial à son allié auquel est fixé un cadre d'exportation bien défini qui ne pourra aller qu'en se rétrécissant. Renault et Michelin ont rencontré d'énormes difficultés aux USA: les USA ne sont pas un marché pour la France.
En outre, les interdictions de survol de New-York par le Concorde ont frappé d'un rude coup toute l'aéronautique française. Sous la pression de l'Amérique, qui doit à tout prix contenir les forces du Pacte de Varsovie en Europe, la France a été quasiment contrainte d'accroître son budget militaire. La restructuration de l'armée française, l'abandon de son projet stratégique de "défense tous azimuts", la substitution de la technologie américaine pour la conception et la réalisation des centrales atomiques à la filière nationale "graphite-gaz", traduisent la soumission de la France au bloc de tutelle. Dans l'impossibilité de jouer sa propre carte en politique étrangère, la France voit ses intérêts généraux se confondre à ceux du bloc américain. Elle sera toujours plus soumise au diktat américain, renoncera à toute initiative diplomatique et militaire sans l'accord américain, et réintégrera l'OTAN.
Dans une deuxième partie, nous verrons comment la crise économique se répercute sur le plan politique, et sonne le branle-bas de combat contre la classe ouvrière pour les différentes fractions du capital.
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A l'heure où l’Espagne subit, plus que bien d'autres pays développés, le tourment de la crise générale du capitalisme, l'actuel regain du "particularisme" régionaliste met tout d'abord en relief la faiblesse constitutive du capital espagnol. Expression des contradictions au sein de la bourgeoisie, le régionalisme n'en agit pas moins corme force de mystification contre le prolétariat. Il contribue à l'isolement des luttes ouvrières et favorise dans le prolétariat les tendances localistes. Face à une résurgence ouvrière qui lui pose problème, toutes les fractions de la bourgeoisie, gauchistes compris, tentent de conjuguer leurs efforts pour renouveler le coup réussi en 1936-37, en faisant feu de tout bois, régionaliste et autre. Mais, dirigée vers une classe qui, contrairement à ce qui était en 1936, ne relève pas d'une défaite mondiale et multiplie les signes de sa combativité, la mystification régionaliste ne peut que voir son poids de plus en plus diminuer.
Que le particularisme se manifeste avec une exceptionnelle vigueur dans la péninsule ibérique n'est pas un pur produit d'un milieu géographique circonscrit, mais de l'histoire mondiale tout entière, voilà l'explication du marxisme. En Espagne, la force du séparatisme tient à ce que Marx qualifiait d’"ignominieuse et lente décomposition" de l’organisme social. Après la perte du Portugal et la tentative de sécession avortée de la Catalogne au 17° siècle, l'élan politique centralisateur impulsé par l'accumulation primitive est interrompu, l'unité économique entre les régions relâchée. La classe dominante, mélange hétéroclite de bourgeois flanqués de "caciques", de parasites des congrégations religieuses se replie sur son agriculture et veille principalement à maintenir son immense empire colonial.
Dans un pays où les aspirations a l'hégémonie politique d'une bourgeoisie catalane se trouvent bridées par une monarchie à l'arrière-ban de l'Europe, il y a un catalanisme républicain anticlérical comme il y a un fort sentiment séparatiste chez les ouvriers encore largement occupés dans la manufacture et le travail à domicile, comme il y a un catalanisme des communautés libertaires parmi les misérables métayers et les journaliers agricoles.
A un prolétariat qu'elle ne pouvait pas associer à une impossible prospérité, la bourgeoisie devait faire subir de terribles saignées. Sa chirurgie spécifique, et chaque fois "bénéfique" à l'organisme social, ce fut d'attirer les travailleurs et les paysans dans des aventures pour l'autonomie.
Combien de fois la bourgeoisie catalane a-t-elle réussi à les tromper cyniquement et à les meurtrir en agitant le thème du "statut d'autonomie de la province" ? Tantôt ce sont les émissaires alliancistes bakouniniens qui, assimilant unité politique et tyrannie gouvernementale, proposent la conquête de l'autonomie conjuguée au principe fédératif des groupes de producteurs, des communes et des régions. Un peu plus tard, c'est le courant de ces mêmes alliancistes agissant pour la "décentralisation" du pouvoir révolutionnaire dans chaque ville et village lors de la première république espagnole de 1873, écho lointain mais vite muet de la révolution démocratique européenne de 1848. Aux lendemains de la restauration de la monarchie, c'est le parti fédéraliste proudhonien de Pi y Margall qui prétend répondre aux aspirations du petit peuple catalan par un retour en arrière vers le régime des guildes et corporations de métiers libres de l'ancienne principauté catalane. Puis c'est 1'Esquerra de Macià et Companys qui cherchera à capter l'énergie des masses afin de l'utiliser dans sa lutte pour ramener le centre de gravité de la vie sociale et politique de Madrid à Barcelone^
De 1911 à 36, il n'y a pas un seul congrès de la Confédération qui ne fasse acclamer l'autonomie de la Catalogne, pas une seule prise de terre par les paysans, pas une seule grève où les cénétistes ne mettent en avant la "Catalogne libre", pas un déclenchement de soulèvement dans les "pueblos" n'agissant pour son compte sans se préoccuper des autres.
Autour des années 30, c'est la Fédération communiste catalano-baléare qui se présente sur la scène sociale en déployant le drapeau du droit de la nationalité catalane à la libre disposition d'elle-même, jusques et y compris le divorce. En 29, elle se sépare du squelettique parti officiel sur la critique qu'il n'agit pas dans le sens du vaste mouvement autonomiste qui agite toute la péninsule et affaiblit l'appareil d'Etat. Son mot d'ordre sera la "République fédérale" et elle estime que le prolétariat se suiciderait politiquement s'il tentait de substituer sa propre dictature de classe au régime du général Primo de Rivera tombé tout seul comme un fruit pourri. Pour Maurin, la tête pensante, cette révolution est typiquement "espagnole" et elle s'appuiera non sur les soviets mais sur les "Juntas", plus conformes à la "spécificité" locale.
Elle pousse le souci d'exprimer la place tenue par la Catalogne dans le progrès social et l'apport culturel de son peuple[1] au point de se voir accuser de défendre des thèses "droitières" par une Internationale dont la théorie du socialisme en un seul pays et le kuomintangisme ont définitivement scellé le destin contre-révolutionnaire. Etait-ce à dire qu'elle est convaincue que la Catalogne est la "nation élue" et la classe ouvrière de Barcelone la plus avancée du monde ? A en croire les augures "marxistes", la révolution qui va s'accomplir en Catalogne surpassera à tous les niveaux celle de 17 dans la Russie "incomparablement plus arriérée". Que ce soit sous le label de Fédération communiste catalano-baléare, de "Bloc" -né de la fusion avec le Partit Comunista Catala- d'"Alliance" ou de POUM, s'enchaîne la spirale de toute une politique nationaliste catalane à couleur "maximaliste".
N'y a-t-il pas de la fierté nationale quand, après le succès de la "gauche" aux élections d'avril 31, qui apportent la seconde République, le "Bloc" envoie un détachement armé de ses propres forces assurer la garde du nouveau gouvernement, la Generalitat, que vient de se donner la bourgeoisie catalane ? Parce qu'à Barcelone, le "camarade" Companys est installé à la Generalitat, il n'y a aucune raison de se mettre en grève. Fier d'avoir réussi la première étape de la révolution démocratique, le Bloc propose à 1'Esquerra et à sa base paysanne l'Uniò des Rabassaires le front unique. L'Alliance Ouvrière, sous le nom duquel désormais agit le Bloc, pousse 1'Esquerra à armer les ouvriers contre les menaces de la "droite". La voilà apportant aide et appui à un gouvernement qui, derrière le paravent de sa "législation progressive” décrète illégales les grèves sans préavis et expulse les paysans qui occupent les terres.
Au "Bloc" a succédé le POUM par assemblage autour de la Fédération de plusieurs "agrupaciones", comme de bien entendu autonomes, localisés en Catalogne et de la majorité de la Gauche communiste de Nin. Sous la direction de celui-ci, au moment du pronunciamento franquiste, le POUM tout comme la CNT, va parachever sa politique d'union antifasciste. Que disait le POUM sur la nature de classe de la Generalitat ? Ce gouvernement n'est comparable à aucun autre, écrivaient et la "Batalla" et "El Comunista" : "Le gouvernement de la République est l'expression de la volonté des masses populaires incarnée par leurs partis et organisations" (5/ 12/36). Que faisait le POUM par rapport au problème fondamental de la destruction de l'Etat ? C'est avec l'argument de la lutte anti-fasciste qu'il entre dans le Conseil Economique, que ses milices s'intègrent dans l'armée régulière soumise à 1'Etat-Major qui a rétabli le code militaire de la monarchie, qu'il participe au gouvernement[2] (2). Et le gouvernement dans lequel Nin fait office de ministre de la justice est celui-là même qui décide la dissolution des Comités nés dans les premières journées révolutionnaires de juillet 36.
Quant à Messieurs les anti-étatistes, il était hors de question, par souci de tolérance politique, que la CNT déposât Companys et décrétât la dictature du prolétariat. Jetant aux orties son intransigeance de façade, elle acceptait de participer aux gouvernements centraux de Madrid et de Barcelone composés de partis ayant trempé jusqu'au cou dans la plupart des répressions antérieures. Côte à côte, en tournée de propagande républicaine, on a pu voir Nin unir ses efforts à ceux de Companys pour faire plier les derniers comités à la nouvelle légalité des conseils municipaux. Tandis qu'à Valence, l'anarchiste Oliver surveille l'application de la justice "populaire", à Barcelone, elle s'exécute sous l'oeil vigilant du "marxiste" Nin.
Déterminés à défendre, à l'intérieur du camp républicain, l'unité contre l"'ennemi commun" : le fascisme, les chefs de la CNT et du POUM prirent part à la liquidation des barricades édifiées au début de mai 37, sur le port et dans les faubourgs barcelonais. Oh ! bien sûr, pas en tirant directement sur les insurgés : d'un côté, la "Batalla" appela à abandonner la rue, de l'autre, "Solidaridad" arrangeait une "trêve" avec la Generalitat (cf. RI n° 38).
Avec leurs formules générales de gauche, les dirigeants cénétistes et poumistes ont laissé entrevoir aux ouvriers que pouvait exister un catalanisme à contenu "révolutionnaire" dépassant, il va de soi, celui de 1'Esquerra. Ce triste bilan du catalanisme "révolutionnaire" se passe de longs commentaires : une profonde défaite pour le prolétariat et un nouveau sursis pour la domination capitaliste.
R. C.
D'un puissant concours dans l'orchestre démocratique bourgeois depuis la mort de Franco, les "bandas" régionalistes espagnoles, après 1'"historique" sanction des urnes de juin, redoublent de vigueur aux accents de frénétiques sardanes et autres fandangos. Dans le contexte d'une Espagne capitaliste pressée comme un citron par la crise, transpirant des chômeurs par centaines de milliers et n'offrant aux ouvriers "libérés" du fascisme pas une autre perspective qu'une exploitation accrue, l'austérité et la répression, il est déjà assez écœurant d'entendre les chantres nationalistes basques ou catalans reprendre à pleines voix leurs hymnes vétustes à la gloire de la langue, de la culture, des coutumes "libertaires" et du génie ancestral de "leur" peuple ; mais le "particularisme" atteint une dimension proprement caricaturale et délirante lorsque, derrière le Pays Basque, la Catalogne et la Gallice, il nous faut assister depuis l'Andalousie, le León, 1'Estrémadure même, et jusqu'aux plus grises sous provinces d'Espagne, au spectacle d'une cul-terreuse et épicière bourgeoisie s'exciter à retardement du chatouillis autonomiste. Le branle-bas régionaliste actuel est d'autant plus remarquable et consternant que, par rapport à la seconde république de 1931, on voit cette fois, et à quelques indécrottables phalangistes près, tout l'éventail des partis politiques espagnols, depuis l'extrême gauche -confondue à l'extrémisme sépariste- jusqu'au parti néo-franquiste de Fraga, en passant par le PSOE et le PCE, y participer sous une nuance ou une autre. Les marxistes, gens de froide rigueur, dit-on, ne s'épuisent pas en vaines colères, et pourtant la vision de toutes ces ganaches vieillies en exil avec encore sur elles le sang séché des massacres ouvriers de la république, les Dolores Ibárruri, les Federica Montseny et les Josep Tarradellas (successeur de Companys), qui viennent reprendre du service dans leur terroir, a de quoi les révulser.
En ouvrant des négociations avec Tarradellas et Jesús Maria de Leizaola pour la reconduction des statuts d'autonomie de la Catalogne et du Pays Basque, le gouvernement Suarez, au nom de la bourgeoisie, essaie de renouer le fil cassé de la maigre et peu brillante tradition démocratique espagnole, inséparable de la "question des nationalités" au regard de la structuration du capital et de son Etat.
Le problème national, en Espagne, a le même caractère que partout, dans le cours de la décadence capitaliste : il est pon progressiste et revêt une fonction de mystification contre le prolétariat. Il n'offre un intérêt d'examen aux révolutionnaires que par rapport à l'appréciation des forces de la bourgeoisie et des conditions de la lutte révolutionnaire des ouvriers dans ce pays.
Du point de vue de la bourgeoisie nationale, ce que traduit avant tout le "particularisme" régionaliste, c'est le caractère archaïque de l'économie espagnole. Même s'il faut bien reconnaître un progrès certain depuis la situation des années 30, le relatif retard historique du développement du capitalisme en Espagne s'accuse encore. Le régionalisme, comme première conséquence de cet archaïsme, découle, à un niveau superficiel, de la disparité de l'implantation des capitaux à l'intérieur de l'Espagne. Mais la conséquence fondamentale réside dans le poids toujours important que représentent, par rapport à l'ensemble de la bourgeoisie, les secteurs non industriels de cette classe, propriétaires terriens, commerçants, plus liés aux formes anciennes de production et, par nature, hostiles à la concentration et à l'étatisation. C'est donc tout naturellement parmi ces couches anachroniques que le régionalisme, dans ce qu'il a de plus bêlant et de proprement réactionnaire, trouve l'essentiel de son humus idéologique. Sous cet angle, la recrudescence présente du sentiment "particulariste", représente bien la ré réaction viscérale de couches arriérées de la bourgeoisie devant leur décomposition sous le fouet d'une crise qui contraint le capitalisme à la rationalisation.
Le fait que le régionalisme trouve son expression la plus consistante justement dans les aires les plus industrialisées d'Espagne, loin de venir en contradiction à notre analyse, la confirme. Il explique que, dans ces provinces, le Pays Basque et la Catalogne, le régionalisme peut adopter des formes d'autant moins primitives que la petite-bourgeoisie y est moins prépondérante. Le contenu de ce régionalisme-là, qui n'adopte une tournure fédéraliste que pour enjôler la petite-bourgeoisie, sinon le prolétariat, dénote une meilleure compréhension des intérêts globaux de la bourgeoisie espagnole et de ceux de l'Etat. C'est d'ailleurs pourquoi, sur cette base, la concession d'un statut d'autonomie, pour la Catalogne par exemple, fut et demeure parfaitement négociable en 1932 comme en 1977 par toutes les sphères de la bourgeoisie liées plus directement à l'Etat. Cet autonomisme-là n'en illustre que mieux le trait général d'immaturité du capitalisme espagnol par le fait qu'il tire sa substance ferme d'une excentration caractéristique des foyers économiques par rapport au siège de la vie administrative et politique madrilène.
11 est important de souligner toutes les conséquences qu'entraîne cette situation pour la lutte d'un prolétariat surtout concentré en Catalogne et au Pays Basque, cela dans le sens d'un affrontement différé avec la force centrale de l'Etat et d'une pente facilitée vers l'isolement localiste.
C'est d'ailleurs par ce dernier biais que le régionalisme a le plus de chance de figurer avec efficacité dans la panoplie mystificatrice de la bourgeoisie contre le prolétariat. En tant qu'exaltation idéologique du fait culturel et linguistique, sa capacité de brouillage, sensible peut-être dans les secteurs et les moments où le prolétariat, faible, se trouve isolé parmi les autres couches sociales, ne tient pas longtemps devant une classe ouvrière rassemblée et fortement combative, qui se ressaisit de toute une expérience historique où jamais il n'a été question d'un programme révolutionnaire régionaliste. Qu'est-ce que l'important contingent des travailleurs immigrés andalous et galiciens, en Catalogne et au pays Basque, peut bien avoir à faire avec la culture et la langue du pays ! Trimant, tels de vulgaires OS maghrébins en France, dans des bagnes industriels qui n'ont rien de spécifiquement régionaliste, ils ont par contre beaucoup à penser de syndicats, CNT, UGT et autres, qui viennent leur parler des intérêts ouvriers dans une langue qu'ils ne comprennent pas ! Ils ont là une bonne occasion de vérifier la sale besogne syndicale de division de la classe ouvrière ! De même, les travailleurs français, qu'ils soient bretons ou occitans et qui, venus passer leurs vacances en Espagne, ont vu leurs voiture se consumer dans les flammes de la passion gauchiste des supporters , basques et catalans confondus (sans doute l'ébauche d'une internationale régionaliste), d'Apalategui, pourront méditer et tirer, à partir de cet exemple extrême, la leçon du contenu hautement prolétarien du régionalisme, qu'il s'affuble ou non de la phraséologie révolutionnaire internationaliste.
Les régionalistes de toute vertu, qu'ils s'étouffent avec leurs millénaristes antiennes, c'est de l'expérience vive d'une classe porteuse d'avenir que les révolutionnaires tirent et répètent cette leçon : pas plus que l'émancipation du prolétariat mondial ne peut se contenir dans le cadre des nations, pas moindre peut être son exploitation que les capitalistes soient du village, du pays, du cru, ou pas.
Mx
On ne les a pas envoyés tout droit à la chaise électrique, mais l'infernale machine judiciaire du Massachussetts les a tués 7 fois 365 jours avant de le faire. Après ces années de torture morale dans leur prison de Boston, de lutte avec la mort comme bien peu l'on connue, le 22 août 1927, les deux anarchistes italiens Sacco et Vanzetti étaient électrocutés par la mercantile Amérique. Pays où se respire à pleins poumons l'air le plus libre du monde, c'est à dire que la "loi du peuple américain" pendit les cinq martyrs de Chicago, que 1'American Legion brûla vifs femmes et enfants d'un campement de mineurs à Ludlow, que la milice patronale de Manville-Jackes battit à mort et braqua ses fusils sur les ouvriers du textile à Gastonia, que des centaines de militants membres des IWW pourrirent dans les pénitenciers.
Il n'y a nul système d'exploitation et de contrainte de l'homme par l'homme comme le capitalisme pour appeler à son aide ceux qui figurent en victimes de la tragédie sociale et les faire plaider pour leur propre bourreau en une mise en scène parodique de l'histoire. Ainsi, s'ordonnèrent les procès du "Centre anti-soviétique trotskyste" de Moscou. Ou alors, c'est le bourreau lui-même qui s'approprie sa propre victime. Ainsi, Mussolini, tortionnaire du prolétariat italien, mêlera sa voix pour sauver Sacco et Vanzetti, "ses infortunés frères italiens".
Mais le capitalisme n'était pas encore arrivé aux limites de la récupération que nous lui connaissons désormais. Il sera donné à notre époque de montrer à quels sommets de détournement il peut se hisser pour transformer la boue en or, la haine en vénération. Ce n'était pas assez qu'il payât grassement des juges pour condamner et des flics pour tuer. En ce cinquantième anniversaire du supplice de Sacco et de Vanzetti, à son déclin, le capitalisme s'adonne à tous les trafics, use de toutes les combines de brouillage idéologique. Voilà qu'aujourd'hui le gouverneur en place du Massachussetts décrète le 23 août "journée du souvenir" de Sacco et Vanzetti pour, paraît-il, réparer l'injustice de son prédécesseur. De distingués professeurs honoris causa, d'éminents juristes, des sociologues certifiés, tous ceux à qui incombent le devoir d'éclairer de leurs lumières le chemin de la démocratie, commentent les pièces et les témoignages du procès de Delham. Avec une charité toute chrétienne, ils conclueront à la "non-culpabilité" de ce "bon cordonnier et du pauvre crieur de poissons", deux parias de l'opulente Amérique.
Maintenant, l'Amérique puritaine et obscène de Carter ne craindra pas d'utiliser l'agonie de Sacco et de Vanzetti pour faire passer au monde le message de son nouvel ange exterminateur : l'évangile des "droits de l'homme". C'est ainsi que le capitalisme se sert sans vergogne du sang répandu par lui quotidiennement pour huiler les mécanismes de son système de broyage et d'abrutissement de l'homme ; qu'il transforme sa chaîne de brutalités en une couronne de pitié. Sous tous les cieux, le capitalisme anthropophage joue la grandiloquente scène de la concorde universelle.
Sous toutes les latitudes, ivres de sang humain, dansent les goules du capitalisme en chantant la gloire des "droits de l'homme". Ces "droits de l'homme" qui se glissent dans la vie des hommes comme l'ombre funeste des rapports de propriété !
Il n'y a aucune organisation de l'ennemi de classe qui, tel le PCF, peut émasculer toute protestation prolétarienne devant l'assassinat d'un sans- grade de la guerre de classe. Pas encore tout à fait mis à genoux par la contre- révolution, le prolétariat qui s'était dressé unanime dans de grandioses manifestations pour empêcher /'inéluctable exécution de Sacco et de Vanzetti, se trouva travesti des oripeaux mangés aux mites de la "démocratie". L'attaque du palais de la SDN dans la paisible Genève, la grève des mineurs gallois et des dockers de la Tamise, l'important défilé des grévistes du port de Sydney et les batailles de rue dans le Paris des ouvriers deviendront, pour les staliniens, autant de marques d'attachement du prolétariat mondial aux institutions républicaines.
Malheureusement, le fait est que l'épuisement du prolétariat permettait aux staliniens de transformer la révolte de dégoût des ouvriers du monde entier en une démonstration de son respect des codes et des lois érigés par la bourgeoisie, à métamorphoser ces vibrants hommages d'internationalisme prolétarien en un combat de défense et d'élargissement des conquêtes constitutionnelles.
Que le prolétariat toléra et accepta que sa révolte se convertisse en campagne démocratique avec l'inévitable kyrielle d'avocats et de représentants de l'intelligentsia révélait bien son état d'extrême affaiblissement dont le débouché sera la mobilisation à la guerre.
Cependant, les hésitations de la bourgeoisie américaine à exécuter la sentence de mort réflétèrent sa crainte d'un sursaut, d'une dernière flambée de l'incendie social encore plausible en 1927. Aussi, dans la nuit où Sacco et Vanzetti se dirigeaient vers la chaise électrique, dehors la prison de Charlestown était équipée comme si elle allait avoir à soutenir un siège militaire : à la garde ordinaire, le gouverneur ajouta d'autres flics et des centaines de ses prétoriens armés de mitrailleuses et de lance-grenades.
Il n'y a pas dans 1'"affaire Sacco et Vanzetti, un cas exceptionnel à dissocier du mouvement historique général dont il n'est qu'un témoignage. Au moment où le prolétariat vaincu descend la pente fatale vers la guerre, à l'échelle de deux individus, la mort de Sacco et de Vanzetti symbolise la tragédie que vit dans ses chairs la classe révolutionnaire, le prolétariat. Leur mort marque effectivement le signal de recrudescence de l'offensive capitaliste pour conjurer le "péril rouge". Les deux électrocutés de Boston annonceront la vague de répression sanglante qui, immédiatement, allait s'abattre sur le prolétariat du monde entier.
S'adressant une dernière fois à ses camarades de lutte, Sacco écrivait que "la classe capitaliste ne connaît pas de pitié pour les bons soldats de la révolution". Ont réellement été des soldats de la révolution sociale, ceux dont nous saluons ici la mémoire -bien que nous ne nous réclamions pas de l'idéologie anarchiste-, et non des chantres de la Démocratie. Sacco et Vanzetti ont payé de leur vie la politique contre-révolutionnaire de la social-démocratie durant l'assaut révolutionnaire des années 20. De tels souvenirs ne doivent jamais s'effacer du cœur et de l'esprit des prolétaires. Ils doivent leur redonner la soif de combattre par l'affirmation d'une claire perspective de lutte.
C'est le prolétariat mondial qui renversera l'ordre du bourreau. Cela seul, la révolution prolétarienne, permettra de rendre définitivement impossible les meurtres que le capitalisme perpètre de sang-froid à l'abri de la loi républicaine ou de la "constitution socialiste". Quand le prolétariat se mettra debout pour reprendre la lutte intransigeante, alors se réalisera ce qui ne pouvait être qu'un vœu de Sacco : "DEMOLIR CETTE HORRIBLE MAISON DE MORT AVEC LES MARTEAUX DU PROGRES !"
R. C.
Les grèves qui ont secoué l'Afrique du Nord ces derniers mois marquent le resurgissements de plus en plus évident du prolétariat dans cette région du globe.
La crise dans son long travail de sape sert de révélateur face aux impostures "socialistes" et au carcan nationaliste. Dans une zone où pèse la menace de la guerre, 'la combativité du prolétariat joue un rôle de frein dans le développement des conflits impérialistes de la périphérie vers le centre du capitalisme. La menace d'un affrontement entre l'Algérie et le Maroc se heurte déjà à la réalité de la lutte d'un prolétariat proche de celui de l'Europe à travers toute son expérience de l'immigration.
De plus en plus, au Moyen-Orient comme en Afrique du Nord, les luttes de la classe ouvrière deviennent le plus sûr garant de la lutte contre la guerre face à l'hécatombe que la bourgeoisie propose comme "solution" à la crise mondiale du capitalisme.
Le mythe de la lutte de libération nationale de l'Algérie est aujourd'hui bien loin, et la magie des mots ne fait plus recette. L'appellation contrôlée du "socialisme à l'algérienne" n'arrive même plus à masquer la sinistre marchandise frelatée du capitalisme d'Etat, pas plus à l'algérienne qu'à la russe ou à l'américaine mais est la tendance générale du capitalisme décadent, d'autant plus brutale en Algérie ou au Maroc que ce sont des pays sous-développés. Aujourd'hui tout le monde se réclame du socialisme et les pitreries d'Hassan II, appelant à un "socialisme authentiquement marocain" ne peuvent que prêter à sourire, la magie incantatoire sera de moins en moins suffisante pour museler un prolétariat dont on ne peut calmer les tiraillements de la faim avec des "belles paroles".
Les maux dont souffre le "socialisme algérien" : le chômage, avec plus de 1 500 000 sans-emplois (plus de 60% d'inactifs chez les jeunes), des centaines de milliers de travailleurs qui doivent aller travailler dans les métropoles d'Europe (900.000 en France), et l'inflation, qui se traduit par une hausse vertigineuse dans le marché privé et une pénurie dans les magasins d'Etat, n'apparaissent pas très différents des symptômes de la crise du capitalisme dans tous les pays du monde.
Que ce soit en Algérie "socialiste" ou au Maroc "monarchiste", les travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes, à la même attaque de leur niveau de vie et face à cela ne peuvent que réagir de la même manière. Les récentes grèves chez les deux frères ennemis du Maghreb l'ont bien démontré, que ce soit au travers des grèves des travailleurs des transports, du textile et des dockers en Algérie.
En déclenchant une grève sauvage, les travailleurs des docks d'Alger ont vu se dresser devant eux l'ensemble de l'appareil d'Etat. Les exhortations à reprendre le travail au nom de l'intérêt national faites par les bureaucrates des sociétés portuaires étatisées, les manœuvres de Benikous, leader de l'UGTA, le syndicat unique, pour faire cesser la grève, sont restées sans effet, les promesses vagues ne suffisaient plus aux dockers, instruits de l'expérience de grève de 1975 où Boumédienne en personne s'était déplacé pour, à coups de promesses sans lendemain, endormir la méfiance des grévistes. Finalement, c'est en envoyant des jaunes et des flics que la grève a été brisée.
Cette grève est significative par la combativité et la résolution qu'elle a montrées, et du niveau de mécontentement social qui existe en Algérie. Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui, en Algérie comme au Maroc, la bourgeoisie use et abuse de l'arme mystificatrice des élections et de la démocratie. En Algérie, en l'espace d'un an, quatre fois la bourgeoisie algérienne a amené les travailleurs devant les urnes; au Maroc. C’est dans l'isoloir que la population a été appelée à célébrer l'Union Nationale qui regroupe les soi-disant ennemis d'hier (USFP, Istiqual, et monarchistes). Les bourgeoisies maghrébines prennent des leçons de leurs comparses plus expérimentés d'Europe, mais ne conservent que l'aspect mystificateur : ces élections ne peuvent être que des caricatures de "démocratie à l'occidentale", et leur pouvoir de dévoiement s'use vite.
Le réveil de la classe ouvrière dans ces pays, où le prolétariat subit depuis des décennies le martèlement idéologique du nationalisme le plus putride et la répression étatique la plus féroce, montre bien à quelles difficultés les bourgeoisies nord-africaines se heurtent et vont se heurter de plus en plus dans l'avenir pour faire accepter aux travailleurs des sacrifices croissants au nom de la défense de l'économie nationale.
Les bourgeoisies mauritanienne, algérienne et marocaine qui rêvent d'en découdre pour s'approprier une meilleure part du gâteau saharien, exprimant ainsi le caractère impérialiste de tout capital national, du plus grand au plus petit, voient leur élan belliciste freiné par le resurgissements du prolétariat dans ces pays. Les grèves des dockers à Nouakchott ou à Alger, des travailleurs du chemin de fer en Algérie comme au Maroc sont des coups de semonce dont doivent tenir compte les belligérants.
Les violentes manifestations lors des enterrements des soldats morts dans le conflit larvé contre le Maroc, les mini émeutes qui ont eu lieu dans toute l'Algérie, en prenant prétexte des rassemblements sportifs, les sifflements qui ont salué l'hymne national lors de la finale de la coupe de football et retransmis en direct par la télévision partout en Algérie sont, avec la vague de grèves qui a secoué le pays ces derniers mois, autant de manifestations du mécontentement qui montrent une situation sociale explosive.
Le prolétariat du Maghreb tire sa force et sa combativité non seulement de l'expérience des luttes menées ces dernières années en Afrique du Nord, mais aussi de son lien organique avec le prolétariat européen et sa vieille tradition de lutte, au travers de l'immigration. Obligés aujourd'hui de retourner dans "leur" pays, repoussés par la montée du chômage en Europe qui les touche en premier, ce sont des travailleurs dyrcis au feu des luttes ouvrières en France, en Belgique ou en Allemagne qui retrouvent en Algérie, au Maroc ou ailleurs les mêmes maux contre lesquels ils avaient à lutter en Europe. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes : l'arme de la lutte de classe.
Paradoxalement, dans des pays qui ont cultivé le verbe nationaliste depuis la "décolonisation", le poids de cette mystification perd de son importance devant l'expérience des ouvriers marocains, algériens, mauritaniens qui ont lutté ensemble en Europe. Oui pourrait leur faire croire que les frères de classe d'hier, parce qu'ils ont traversé la Méditerranée, doivent s'entre-tuer demain au sacro-saint nom de la défense de l'intérêt national? Oui pourrait leur faire croire que, de retour au "pays", ils doivent cesser leurs luttes alors que ce qu'on leur propose c'est encore plus de chômage, encore plus d'austérité, et une guerre en perspective?
Les bourgeoisies algérienne et chérifienne qui brûlent de se colleter ne peuvent ignorer ce facteur, et le conflit larvé pour le contrôle du Sahara occidental aura d'autant plus de difficulté à exploser que le prolétariat se montrera combatif et résistera aux agressions contre son niveau de vie.
Dans les luttes que mène la classe ouvrière aussi bien en Afrique du Nord qu'au Moyen-Orient se concrétise, face à la marche de la bourgeoisie vers la guerre, de plus en plus l'alternative prolétarienne face à la crise du capitalisme mondial. Avec l'approfondissement de la crise, les rivalités inter-impérialistes prennent de plus en plus d'acuité. Cependant dans son cheminement de la périphérie du capitalisme vers les centres industriels, la tendance de la bourgeoisie vers une troisième guerre mondiale se trouve de plus en plus freinée (même si ce n'est pas là le seul facteur, c'est celui qui sera historiquement décisif) par la combativité du prolétariat que le chant des sirènes nationalistes arrive de moins en moins à endormir.
Dans sa fuite en avant vers sa "solution" à la crise : la guerre impérialiste, la bourgeoisie retrouve son ennemi héréditaire qui se réveille d'un long étourdissement. Dès aujourd'hui, dans sa lutte contre l'austérité toujours plus grande que lui impose le capitalisme sénile dans sa marche en avant vers l'économie de guerre, le prolétariat apparaît comme le seul obstacle réel face à la généralisation de l'état de guerre quasi-permanent que nous montre le tiers-monde. Dans sa résistance à l'exploitation aujourd'hui, le prolétariat forge déjà les armes dont il aura besoin lors de l'affrontement de classe décisif dont dépendra le sort de l'humanité.
J. J.
Les deux premières parties de cet article étaient constituées par un texte du "groupe ouvrier autonome de Clermont-Ferrand" intitulé "plateforme minimum pour l’autonomie ouvrière" et d'une critique de ce document. Celle-ci s'appliquait, d'une part, à démontrer que, contrairement aux formulations de ce texte, les syndicats et les partis de la gauche du capital (PC, PS, gauchistes) ne peuvent pas être considérés comte "réformistes", et, d'autre part, à relever un certain nombre de confusions sur la fonction des cercles ouvriers qui peuvent apparaître à l'heure actuelle. En particulier, après avoir rappelé que la classe ouvrière se donne deux types d'organisations : son organisation générale (conseils ouvriers) et son organisation politique (parti, minorités révolutionnaires) et qu'il ne peut, à l'heure actuelle, en exister d'autres, notre article faisait apparaître que le GOAC tendait à se définir, malgré ses propres dénégations, comme un troisième type d'organe ayant des caractéristiques à la fois de l'organisation générale de la classe et de ses organisations politiques. Après avoir défini ce que ne peuvent pas être les cercles ouvriers, nous allons essayer maintenant d'établir ce qu’ils sont effectivement.
De tous temps, depuis que le prolétariat a, avec le capitalisme, commencé à se développer, il a existé parmi les ouvriers la tendance à constituer des cercles de discussion correspondant au besoin de confronter leurs expériences, à en tirer des leçons, à mieux connaître les moyens et les buts de leurs luttes de classe, d'approfondir leur prise de conscience comme classe historique. Pendant toute une période, les organismes de défense économique que la classe s'était donnée, les syndicats, ont joué ce rôle de lieu de développement de sa conscience révolutionnaire. C'est pour cette raison que Marx considérait que ces organes devaient constituer des écoles de communisme". C'est autour des "bourses du travail", des "maisons du peuple", mais également autour des grands partis ouvriers de masse que se rassemblaient les ouvriers qui tentaient de se dégager de l'emprise idéologique du capitalisme, qui étaient animés d'une préoccupation militante et révolutionnaire.
Mais, avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, le prolétariat a perdu ses anciennes organisations syndicales et politiques qui sont devenues des rouages de l'Etat capitaliste. De plus, la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe après la grande vague révolutionnaire du premier après-guerre, a eu raison, d'abord des partis communistes créés pendant cette vague et qui sont devenus de fidèles chiens de garde du capital, ensuite des différents courants et fractions communistes qui s'étaient dégagés de ces partis lors de leur dégénérescence. Certains de ces courants ont finalement rejoint l'ennemi de classe (le trotskysme par exemple), d'autres ont carrément disparu ou ont été réduits à l'état de petites sectes plus ou moins sclérosées. C'est dans une telle situation d'inexistence quasi-totale d'organisations politiques prolétariennes que la classe ouvrière a commencé de rompre, à la fin des années 60, avec le carcan de la contre-révolution. Et c'est le besoin d'une réflexion et d'une prise de conscience suscité par la reprise des luttes qui est à l'origine de l'apparition depuis quelques années et dans beaucoup de pays de toute une série de cercles ouvriers aux dénominateurs et formes multiples, mais qui, pour tous, expriment plus ou moins confusément l'impossibilité de développer une activité et une pensée de classe au sein des organes capitalistes que sont les "organisations ouvrières" officielles (PS, PC, gauchistes, syndicats).
Quelles que soient les conditions particulières d'apparition des cercles ouvriers, leur dénomination ou leur degré de clarté, leur raison même d'exister leur confère un certain nombre de caractéristiques générales communes.
En premier lieu, ce type d'organes se distingue des organisations politiques de la classe en ce sens qu'ils ne constituent pas de véritables organisations dotées d'un programme politique et de statuts. Première étape dans un processus de prise de conscience des travailleurs qui s'y rencontrent, ils ne sauraient d'emblée se donner une vision élaborée et cohérente basée sur l'ensemble de l'expérience historique de la classe, qui sont les caractéristiques du programme prolétarien. De ce fait, ces organes ne peuvent établir des règles d'appartenance formelles et ne sauraient exiger une discipline de la part de leurs participants. C'est pour ces mêmes raisons que nous préférons les appeler "cercles" au lieu de "groupes" : plutôt que des organisations, ce sont fondamentalement des "lieux" de rencontre et de discussion pour les éléments de la classe en recherche d'une clarification.
Une deuxième caractéristique de ces cercles tient dans leur nature temporaire et éphémère. Etape dans un processus de prise de conscience, manifestation du caractère encore embryonnaire de celui-ci, le mode d'existence des cercles est fondamentalement l'évolution et le dépassement de leurs conditions d'apparition. L'aboutissement logique du processus de prise de conscience dans lequel sont engagés leurs participants est l'adhésion aux positions communistes et donc l'intégration dans une organisation politique. En effet, ceux-ci ne sauraient se maintenir de façon permanente sur des positions minimales telles que, par exemple, "1'anti-syndicalisme et la dénonciation de la "démocratie" politique ou syndicale ; le refus de l'isolement sectoriel ; la recherche de la solidarité avec d'autres secteurs sur ces bases" comme le voudrait le PIC (Jeune Taupe, n°12). Le fait pour des travailleurs d'en rester à des positions élémentaires signifierait que leur prise de conscience s'est arrêtée avant d'atteindre une vision réellement communiste. Et la constitution d'une organisation sur une telle base programmatique aurait plus un effet de blocage que d'activation de la réflexion et de l'approfondissement politique de leurs membres. D'une façon générale, l'adoption par un cercle ouvrier d'une "plateforme», c'est à dire d'une base d'adhésion et par suite de règles organisationnelles, ne constitue pas une étape positive de son développement, mais le conduit à se transformer en secte ou en point de fixation de la confusion[1] (1). C'est en ce sens que nous critiquons le terme de "plateforme" par lequel le GOAC a intitulé son texte.
L'adoption par un cercle ouvrier d'une "plateforme" est d'autant moins souhaitable qu'un tel document serait non seulement nécessairement incomplet et insuffisant pour permettre une réelle activité communiste mais risquerait de plus d'institutionnaliser certaines des faiblesses et des confusions politiques qui pèsent en général sur les cercles ouvriers de par leurs origines mêmes. En effet, dans la mesure où les cercles apparaissent en rupture avec les syndicats et les partis de gauche du capital, ils sont une tendance marquée à rejeter tout ce qui, à leurs yeux, s'apparente de près ou de loin à la "bureaucratie" et à la "manipulation". Aussi, ils sont conduits bien souvent à rejeter tout ce qui est "extérieur" à leur petit cercle et qui risquerait de venir menacer leur "pureté". L'"autonomie" dont ils se réclament, si elle signifie indépendance à l'égard de toute main-mise du capital, acquiert en général un sens localiste (pas de "centralisme", centralisme égalant léninisme) et ouvriériste (pas d'"intellectuels" parmi nous). Traumatisés par la politique des partis bourgeois, les cercles ont souvent tendance à rejeter tout ce qui est "politique". Ils portent ainsi une forte attention à tout ce qui concerne la forme de la lutte (assemblées générales, révocabilité, etc.) au détriment de ce qui concerne leur contenu[2], manifestant de ce fait une forte attirance vers les erreurs conseillistes.
Ainsi, malgré son caractère de grande élaboration, le texte du GOAC constitue une illustration de ce genre d'erreurs: "il est fondamental que le groupe autonome ouvrier répande l'idée de ces formes nouvelles de lutte..." nous regroupons des ouvriers de différentes tendances politiques ou d'aucune tendance... pourvu qu'ils soient d'accord sur la nécessité de développer les formes d'organisation et de lutte autonome des ouvriers".
Entravés par ces faiblesses constitutives, il est fréquent que les cercles échouent dans leur fonction. La plupart du temps, ils disparaissent comme tels pour devenir la simple "courroie de transmission" de groupes gauchistes ou bien leurs participants se dispersent purement et simplement dans la lassitude et la démoralisation. C'est pour cela qu'il revient aux révolutionnaires une tâche importante à leur égard : celle de les aider à comprendre ce qu'ils sont réellement, le caractère positif de leur existence comme "lieu" de clarification politique mais aussi leurs limites. Contrairement à la vision de "Battaglia comunista", qui veut constituer des "groupes communistes internationalistes d'usine" comme "courroie de transmission", "tête de pont du parti dans l'histoire", ou celle du PIC qui, tout en rejetant une telle vision, préconise, dans sa "stratégie d'intervention" (sic) de "contribuer à la formation de noyaux ouvriers révolutionnaires... germes de constitution de l'organisation autonome de la classe" (Plateforme du PIC), le rôle des révolutionnaires est d'insister sur le caractère embryonnaire et temporellement limité de tels organes ; de combattre en leur sein toute tendance à un repliement ouvriériste et localiste ; de les pousser à s'ouvrir à des participants appartenant à des organisations politiques et éventuellement autres que strictement "ouvriers de pousser la discussion et la clarification au maximum ; de combattre toute tendance à une fixation organisationnelle (plateforme, statuts), ce qui ne veut pas dire que l'élaboration et la diffusion de textes de discussion soit à repousser, au contraire. Une des tâches les plus importantes et certainement les plus difficiles des révolutionnaires sera de combattre -et non de flatter- les préventions contre toute organisation politique (qui peuvent être en contradiction avec la propre évolution organisationnelle du cercle) qui souvent constituent le ciment de tels cercles.
Alors seulement, 1'intervention des révolutionnaires à leur égard sera positive et permettra que l'effort de prise de conscience qui avait présidé â leur naissance ne soit pas stérile et aboutisse réellement à un renforcement de la classe ouvrière dans son ensemble, en vue des luttes de demain.
C.G.
Après des années de reconstruction, 32 ans après la bombe d'Hiroshima, l'humanité découvre qu’elle a désormais les moyens de sa propre destruction ; les manifestations de Creys-Malville, de Flamanville, et bien d’autres dans d'autres pays -en Allemagne par exemple- témoignent de l'affolement devant de telles possibilités et s’en prennent à ce qui leur semble être l'arme suprême : le nucléaire. Ne s'attaquant qu'à une seule forme d'armement, les "anti-nucléaire" rejoignent en cela Carter, qui, dès le mois de mai, annonçait son intention de ne pas construire d’usine de retraitement, de ne pas produire de plutonium, de ne pas construire de surrégénérateur.
On ne peut pourtant pas prétendre que des Etats puissent, dans le contexte actuel, se tenir en dehors des préparatifs de guerre, et plus particulièrement celui qui est à la tête du bloc impérialiste le plus puissant du monde. En fait, si les Etats-Unis refusent le développement du nucléaire, ce n’est pas par un besoin soudain de réconcilier le genre humain, par-delà les nations et les classes, mais pour des raisons économiques et que le développement du nucléaire ne l'empêche pas de fabriquer des bombes à neutrons...
C'est dire que condamner une forme d'armement comme, par exemple, le nucléaire, ne condamne en rien le développement de l'armement classique ou toute une politique globale d'économie de guerre. Donc, pour les "anti-nucléaire", condamner le nucléaire ne revient-il pas à justifier toutes les autres formes de l’économie de guerre ?
En fait, actuellement, l'économie de guerre ne se limite pas au "nucléaire" à la construction de "Superphénix" à Creys-Malville ou d'autres centrales, mais elle s'étend à toute la production industrielle, à toute la politique générale des grandes puissances. C'est aussi la tendance vers une économie de grands travaux, le renforcement de l'Etat sur des secteurs vitaux de l'économie tels que l'aéronautique, c'est aussi une politique générale d'autarcie sous le contrôle du bloc de tutelle...
Et, ces éléments-là, même s'ils ne sont pas aussi spectaculaires que le "nucléaire" ne participent pas moins du même processus de la marche générale vers la guerre.
Déjà, dans la préparation à la seconde guerre mondiale, la bourgeoisie des pays les plus touchés par la crise avait développé toute une politique de grands travaux et d'armements traditionnels qui ne pouvaient trouver son aboutissement que dans une guerre.
Ainsi, malgré son déficit commercial, l'Italie a construit, entre 1922 et 34, de nombreuses routes -en particulier des routes de montagne- et autoroutes, de nouvelles voies de chemin de fer, aménagé de nouveaux ports.
L'Allemagne, dès le 1er mai 1933, s'est engagée dans la "bataille du travail", a inauguré la construction d'un millier de km d'autoroutes par an pendant sept ans, construit une écluse à ascenseurs entre l'Elbe et l'Oder,...
Les USA ont construit eux aussi de nombreux barrages, et des routes qui, menant aux déserts n'ont pu avoir qu'un intérêt stratégique...
De même, actuellement, comme dans la plupart des pays, la France oriente toute son économie vers la production de guerre. Elle prétend doubler le réseau routier entre 77 et 83, construire de nouvelles voies ferrées, moderniser 1er transports aériens.
Dans tous ces domaines, l'Etat tente d'obtenir au moins la minorité de blocage ou 51% des actions pour pouvoir imposer sa politique : c'est le cas à la SNCF et bientôt à Dassault. Pour sa part, la gauche propose un contrôle de
70 à 85% de la sidérurgie par la simple conversion des dettes de la sidérurgie envers l'Etat en participation de l'Etat, ce que se propose déjà de réaliser Giscard d'Estaing.
L'économie de guerre n'est pas une "autre" forme d'économie capitaliste : elle n'est que la transformation des moyens de production en instruments de la politique de destruction destinés à compléter le rôle de l'armement traditionnel. Et le nucléaire apparaît alors pour ce qu'il est : un moyen de destruction parmi d'autres qui ne doit pas faire oublier la capacité de destruction de l'armement traditionnel et le rôle de la politique économique.
Les Etats-Unis n'ont pas pris leur décision à la légère : ils ne l'ont prise qu'après avoir connu le résultat des travaux d'un groupe d'études de la politique de l'énergie nucléaire : le retraitement n'a aucun intérêt pour les Etats-Unis, il ne pourrait réduire que de 1% le prix final de l'électricité ; d'autre part, ils ont suffisamment d'uranium pour tenir pendant 20 ans et préfèrent garder leurs réacteurs à eau moins coûteux et tout aussi rentables. Quant à l'armement classique, le premier marchand d'armes du monde en a suffisamment et, de plus, l'a expérimenté pendant des années au Vietnam. Forts de cet arsenal, les USA peuvent faire figure de "colombes" disposant d'armes comme instruments de dissuasion et prétendre contrôler des pays de son bloc comme la France et l'Allemagne au nom du respect des accords sur la non- prolifération des armes nucléaires.
En se privant d'usines de retraitement et de surrégénérateurs, les Etats-Unis ont laissé libre un marché pour certains pays européens : ainsi, l'Allemagne a signé un contrat avec le Brésil et la France avec le Pakistan. Si, pour la suite, ces deux pays ont accepté, après l'intervention des USA, de ne plus vendre d'usines de retraitement, ils n’en ont pas moins signé un accord pour la construction de surrégénérateurs.
D'autre part, les USA tentent de "moraliser" la vente des armes : ils n'en vendront désormais qu'aux pays de l'OTAN, au Japon, à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande... Pour tous les autres cas, les industriels américains devront obtenir l'appui du gouvernement.
Ainsi, le "pacifisme" de Carter n'est qu'une tentative des Etats-Unis de contrôler la politique des pays du bloc : il va de l'intérêt des Etats-Unis que chaque pays s'oriente vers une économie de guerre, vers une politique autarcique qui ne ferait pas concurrence au bloc, et que chaque pays contrôle à son tour la région dont ils lui ont donné la charge : ainsi, la France contrôle une bonne partie du territoire africain avec l'accord des Etats-Unis.
Carter condamne les constructions d'usines de retraitement et de surrégénérateurs : il n'en construit pas moins des bombes à neutrons, "bombes propres" qui auraient pour rôle la destruction des êtres humains mais non du matériel... Alors, les adeptes du "nucléaire" condamnent à leur tour la bombe à neutrons, ils "en dénoncent le caractère monstrueux" qui "vise délibérément à l'extermination de millions d'êtres humains" (déclaration de 28 PC contre la bombe à neutrons).
Les "anti-nucléaire" en luttant contre l'utilisation d'une arme, même aussi puissante que peut l'être une bombe atomique, justifient en fait l'emploi de toutes les autres armes. Ils ne luttent que contre un aspect secondaire de la préparation de la guerre, de la même façon que les "pacifistes" des deux guerres prétendaient lutter contre la guerre en demandant "la paix".
Mais, pas plus que les exhortations à la paix n'ont fait cesser la guerre en 14-18 comme en 39-45, les réclamations contre le nucléaire ne pourront empêcher une guerre à venir. Dans le passé l'affolement devant l'existence de gaz asphyxiants n'a pas empêché leur emploi au moment de la guerre ; les déclarations de "bonne volonté" de certaines bourgeoisies nationales n'empêcheront pas plus 1'emploi de la bombe à neutrons ou de la bombe atomique.
Seul le prolétariat a les moyens d'empêcher la destruction massive d'une prochaine guerre. Et ce n'est pas en marchandant sur le droit d'utiliser telle ou telle arme : il importe peu aux prolétaires de mourir en masse sous les effets radioactifs d'une bombe atomique, de mourir en petits paquets asphyxié par une bombe à neutrons ou de périr un par un sous les coups d'une baïonnette. Le prolétariat n'a rien à dire sur les armes choisies par la bourgeoisie, il saisit les armes pour détruire la bourgeoisie avant même qu'elle puisse déclencher la guerre : la lutte de classe pour la destruction du capitalisme est la fin de toutes les guerres.
N. M.
Liens
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[16] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/france
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[19] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_41.pdf
[20] https://fr.internationalism.org/tag/5/41/espagne
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[25] https://fr.internationalism.org/tag/5/442/maghreb