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Internationalisme - 2011

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Internationalisme no 349 - 1er trimestre 2011

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Le problème n’est pas la crise de gouvernement, mais la crise du système capitaliste

Dimanche 23 janvier, plus de trente mille citoyens, défilent dans les rues de Bruxelles sous le slogan « shame ! » pour exprimer leur exaspération face au blocage politique en Belgique et pour réclamer un gouvernement. Quelle signification donner à cette marche lancée à l’appel de cinq étudiants, ainsi qu’à d’autres actions comme celle du jeudi 17 février qui se sont répandues comme un feu de paille? Elles expriment d’abord un ras-le-bol au sein de la population et surtout parmi les jeunes. Ras-le-bol de toutes ces querelles mesquines entre les différents partis politiques qui font la Une des journaux, alors que la situation de crise économique se fait de plus en plus pressante et interpelle plus d’un sur l’avenir! Mais elles en appelaient aussi à la prise de responsabilité des forces politiques démocratiques, dix mois après le verdict électoral : «Je suis sidéré de constater qu’après tout ce temps, ce pays n’a toujours pas de gouvernement alors que les problèmes s’amoncellent: 365.000 belges en défaut de paiement, ce n’est pas une raison majeure de trouver rapidement un compromis, ça?», «Qu’y a-t-il de superficiel à demander qu’un gouvernement assure rapidement la qualité de vie de tous les belges et le futur socio-économique de tous les jeunes?» (déclarations des jeunes organisateurs, Le soir, 24.01.2011). Au-delà de l’inquiétude et de l’exaspération, deux idées maîtresses ressortent des déclarations des initiateurs du mouvement: la première, c’est qu’il faut que le pays soit gouverné pour faire face à la crise; la seconde, c’est la nécessité de solidarité pour mettre en œuvre une politique au service de l’ensemble de la population du pays!
L’Etat Belge est-il réellement paralysé sans nouveau gouvernement et n’est-il plus capable de prendre des décisions? Qu’on ne s’y méprenne pas! Certes, la bourgeoisie belge est divisée en diverses fractions nationales et régionales qui s’entre-déchirent comme une bande de loups enragés pour s’accaparer les plus beaux morceaux. Mais lorsque leurs intérêts vitaux sont menacés, celles-ci, repoussant ces conflits au second plan, s’unissent  afin de défendre leurs intérêts communs: leur part de marché menacée par la pression de la crise et l’austérité à imposer pour maintenir le caractère concurrentiel de leur économie. Comme  aujourd’hui, quand les instances internationales mettent sous pression la crédibilité économique et politique de l’Etat Belge, aussi bien le Fonds monétaire international que l’agence de notation Standards and Poors, au même titre qu’ils l’ont fait pour la Grèce et l’Espagne: «Si la Belgique échoue à former bientôt un gouvernement, une dégradation (de sa note de solvabilité financière) pourrait intervenir, potentiellement dans les six mois». (S1P, Le soir, 14.12.2010). Alors, face au péril, quels que soient les blocages institutionnels et les querelles communautaires, la bourgeoisie, tous partis confondus, a montré qu’elle peut parfaitement décider de se passer d’un gouvernement constitué dans les formes. Elle n’a pas hésité à mandater le gouvernement démissionnaire, en théorie limité constitutionnellement à gérer les «affaires courantes», à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir la position concurrentielle du capital Belge: «Reste que – et là tous les constitutionnalistes sont unanimes – si le gouvernement (d’affaires courantes) argue que les mesures budgétaires, voire le budget dans son ensemble, répondent à une urgence ou sont la réponse à une menace pour le pays, il ne se trouvera personne pour le contester» (Le Soir, 2.02.11). Et en surplus, elle arrive à exploiter machiavéliquement ses propres divisions régionales, ses chamailleries sous-nationalistes pour mobiliser la population dans un appel à être gouverné, à ce que des mesures soient prises.
Et sur ce plan, qu’en est-il de cette solidarité pour mettre en œuvre une politique au service de l’ensemble de la population du pays: «nous avons prouvé aujourd’hui que cinq jeunes citoyens ont réussi là où les politiciens ont échoué: se rassembler! se rassembler sans tenir compte des barrières politiques, culturelles et sociales qui sont censées nous différencier. Se rassembler dans la solidarité, la confiance et le respect».(déclarations de jeunes, Le soir, 24.01.2011). Se rassembler certes, mais pour quoi faire, pour mener quelle politique? Pour le gouvernement et les partis «démocratiques», les objectifs de cette solidarité sont bien résumés dans le mandat que le roi a donné au gouvernement «d’affaires courantes» de Leterme: «que le gouvernement en affaires courantes prépare le budget 2011 «avec comme objectif que le solde de ce budget soit meilleur que celui convenu avec les autorités européennes» ». (Le soir 2.02.2011). Et dans un élan unanime, tous ces partis qui se disputent et s’invectivent sur les questions communautaires et linguis-tiques n’hésitent pas à s’inscrire dans ce «pacte de solidarité» pour défendre le capital national: tracer au plus vite le budget 2011, dégager 20 à 22 milliards d’euros pour ramener le déficit public à zéro d’ici 2015, contre 6 % du PIB l’année dernière, empêcher la dette de repasser l’an prochain au-dessus du seuil psychologique de 100 % du PIB, imposer l’accord interprofessionnel négocié par les «partenaires sociaux» (syndicats et patronat), afin d’imposer l’austérité sur le dos des travailleurs et de sauvegarder la position concurrentielle du capital Belge sur les marchés internationaux. Même le nationaliste Flamand radical De Wever tend la main au premier ministre démissionnaire Leterme: «Nous sommes prêts, au Parlement, à collaborer de manière constructive à l’élaboration du budget 2011 afin de lancer un message rassurant aux marchés internationaux.» (Le Soir, 24.01.2011). Et précisément, ces mesures apparaissent comme d’autant plus légitimes qu’elles ne portent pas la couleur d’un parti et apparaissent plus que jamais comme «l’émanation de l’intérêt collectif». Se ranger derrière une telle «solidarité», la solidarité pour la défense du capital national et de l’Etat démocratique, c’est accepter de se soumettre à ses exploiteurs, c’est accepter une fois de plus que les exploités soient les dindons de la farce et acceptent de payer pour un capitalisme en déliquescence.
Non, le problème, ce n’est pas que le gouvernement belge soit en crise! C’est que le système capitaliste plonge dans une crise économique mondiale effroyable. Et tout comme les gouvernements de tous les pays, l’ensemble des partis belges, unitaires ou régionalistes appellent les travailleurs à être «solidaires», c’est-à-dire à se serrer la ceinture, à accepter des sacrifices pour garantir le niveau concurrentiel du capital national. Et ils le font avec beaucoup de machiavélisme, exploitant le battage communautaire, nationaliste, (sous)-nationaliste, les chamailleries entre partis pour diviser les ouvriers, dévier leur attention, obstruer la conscience qu’ils font partie de la classe qu’on exploite au niveau international, afin de sauver un système en crise mortelle. Comme seule classe n’ayant aucun intérêt à défendre ce système en perdition, elle seule peut le renverser en se mettant en lutte internationalement pour instituer un système au service des besoins humains. « se rassembler sans tenir compte des barrières politiques, culturelles et sociales qui sont censées nous différencier. Se rassembler dans la solidarité, la confiance et le respect» Oui! Mais pas derrière les bannières nationales ou derrière la défense de la démocratie bourgeoise car la classe ouvrière n’a pas de patrie à défendre, ni d’intérêts en commun avec ses exploiteurs!


H & J /13.02.2011

Belgique : le problème n'est pas la crise du gouvernement, mais la crise du capitalisme

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Dimanche 23 janvier, plus de trente mille citoyens, défilent dans les rues de Bruxelles sous le slogan « shame ! » pour exprimer leur exaspération face au blocage politique en Belgique et pour réclamer un gouvernement. Quelle signification donner à cette marche lancée à l’appel de cinq étudiants, ainsi qu’à d’autres actions comme celle du jeudi 17 février qui se sont répandues comme un feu de paille? Elles expriment d’abord un ras-le-bol au sein de la population et surtout parmi les jeunes. Ras-le-bol de toutes ces querelles mesquines entre les différents partis politiques qui font la Une des journaux, alors que la situation de crise économique se fait de plus en plus pressante et interpelle plus d’un sur l’avenir! Mais elles en appelaient aussi à la prise de responsabilité des forces politiques démocratiques, dix mois après le verdict électoral : «Je suis sidéré de constater qu’après tout ce temps, ce pays n’a toujours pas de gouvernement alors que les problèmes s’amoncellent: 365.000 belges en défaut de paiement, ce n’est pas une raison majeure de trouver rapidement un compromis, ça?», «Qu’y a-t-il de superficiel à demander qu’un gouvernement assure rapidement la qualité de vie de tous les belges et le futur socio-économique de tous les jeunes?» (déclarations des jeunes organisateurs, Le soir, 24.01.2011). Au-delà de l’inquiétude et de l’exaspération, deux idées maîtresses ressortent des déclarations des initiateurs du mouvement: la première, c’est qu’il faut que le pays soit gouverné pour faire face à la crise; la seconde, c’est la nécessité de solidarité pour mettre en œuvre une politique au service de l’ensemble de la population du pays!
L’Etat Belge est-il réellement paralysé sans nouveau gouvernement et n’est-il plus capable de prendre des décisions? Qu’on ne s’y méprenne pas! Certes, la bourgeoisie belge est divisée en diverses fractions nationales et régionales qui s’entre-déchirent comme une bande de loups enragés pour s’accaparer les plus beaux morceaux. Mais lorsque leurs intérêts vitaux sont menacés, celles-ci, repoussant ces conflits au second plan, s’unissent  afin de défendre leurs intérêts communs: leur part de marché menacée par la pression de la crise et l’austérité à imposer pour maintenir le caractère concurrentiel de leur économie. Comme  aujourd’hui, quand les instances internationales mettent sous pression la crédibilité économique et politique de l’Etat Belge, aussi bien le Fonds monétaire international que l’agence de notation Standards and Poors, au même titre qu’ils l’ont fait pour la Grèce et l’Espagne: «Si la Belgique échoue à former bientôt un gouvernement, une dégradation (de sa note de solvabilité financière) pourrait intervenir, potentiellement dans les six mois». (S1P, Le soir, 14.12.2010). Alors, face au péril, quels que soient les blocages institutionnels et les querelles communautaires, la bourgeoisie, tous partis confondus, a montré qu’elle peut parfaitement décider de se passer d’un gouvernement constitué dans les formes. Elle n’a pas hésité à mandater le gouvernement démissionnaire, en théorie limité constitutionnellement à gérer les «affaires courantes», à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir la position concurrentielle du capital Belge: «Reste que – et là tous les constitutionnalistes sont unanimes – si le gouvernement (d’affaires courantes) argue que les mesures budgétaires, voire le budget dans son ensemble, répondent à une urgence ou sont la réponse à une menace pour le pays, il ne se trouvera personne pour le contester» (Le Soir, 2.02.11). Et en surplus, elle arrive à exploiter machiavéliquement ses propres divisions régionales, ses chamailleries sous-nationalistes pour mobiliser la population dans un appel à être gouverné, à ce que des mesures soient prises.
Et sur ce plan, qu’en est-il de cette solidarité pour mettre en œuvre une politique au service de l’ensemble de la population du pays: «nous avons prouvé aujourd’hui que cinq jeunes citoyens ont réussi là où les politiciens ont échoué: se rassembler! se rassembler sans tenir compte des barrières politiques, culturelles et sociales qui sont censées nous différencier. Se rassembler dans la solidarité, la confiance et le respect».(déclarations de jeunes, Le soir, 24.01.2011). Se rassembler certes, mais pour quoi faire, pour mener quelle politique? Pour le gouvernement et les partis «démocratiques», les objectifs de cette solidarité sont bien résumés dans le mandat que le roi a donné au gouvernement «d’affaires courantes» de Leterme: «que le gouvernement en affaires courantes prépare le budget 2011 «avec comme objectif que le solde de ce budget soit meilleur que celui convenu avec les autorités européennes» ». (Le soir 2.02.2011). Et dans un élan unanime, tous ces partis qui se disputent et s’invectivent sur les questions communautaires et linguis-tiques n’hésitent pas à s’inscrire dans ce «pacte de solidarité» pour défendre le capital national: tracer au plus vite le budget 2011, dégager 20 à 22 milliards d’euros pour ramener le déficit public à zéro d’ici 2015, contre 6 % du PIB l’année dernière, empêcher la dette de repasser l’an prochain au-dessus du seuil psychologique de 100 % du PIB, imposer l’accord interprofessionnel négocié par les «partenaires sociaux» (syndicats et patronat), afin d’imposer l’austérité sur le dos des travailleurs et de sauvegarder la position concurrentielle du capital Belge sur les marchés internationaux. Même le nationaliste Flamand radical De Wever tend la main au premier ministre démissionnaire Leterme: «Nous sommes prêts, au Parlement, à collaborer de manière constructive à l’élaboration du budget 2011 afin de lancer un message rassurant aux marchés internationaux.» (Le Soir, 24.01.2011). Et précisément, ces mesures apparaissent comme d’autant plus légitimes qu’elles ne portent pas la couleur d’un parti et apparaissent plus que jamais comme «l’émanation de l’intérêt collectif». Se ranger derrière une telle «solidarité», la solidarité pour la défense du capital national et de l’Etat démocratique, c’est accepter de se soumettre à ses exploiteurs, c’est accepter une fois de plus que les exploités soient les dindons de la farce et acceptent de payer pour un capitalisme en déliquescence.
Non, le problème, ce n’est pas que le gouvernement belge soit en crise! C’est que le système capitaliste plonge dans une crise économique mondiale effroyable. Et tout comme les gouvernements de tous les pays, l’ensemble des partis belges, unitaires ou régionalistes appellent les travailleurs à être «solidaires», c’est-à-dire à se serrer la ceinture, à accepter des sacrifices pour garantir le niveau concurrentiel du capital national. Et ils le font avec beaucoup de machiavélisme, exploitant le battage communautaire, nationaliste, (sous)-nationaliste, les chamailleries entre partis pour diviser les ouvriers, dévier leur attention, obstruer la conscience qu’ils font partie de la classe qu’on exploite au niveau international, afin de sauver un système en crise mortelle. Comme seule classe n’ayant aucun intérêt à défendre ce système en perdition, elle seule peut le renverser en se mettant en lutte internationalement pour instituer un système au service des besoins humains. « se rassembler sans tenir compte des barrières politiques, culturelles et sociales qui sont censées nous différencier. Se rassembler dans la solidarité, la confiance et le respect» Oui! Mais pas derrière les bannières nationales ou derrière la défense de la démocratie bourgeoise car la classe ouvrière n’a pas de patrie à défendre, ni d’intérêts en commun avec ses exploiteurs!

H & J /13.02.2011

Géographique: 

  • Belgique [2]

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [3]

Internationalisme no 350 - 2e trimestre 2011

  • 1414 lectures
[4]

Une guerre humanitaire ? Non, une guerre impérialiste !

“Le Conseil de sécurité [de l’ONU],

- Se déclarant vivement préoccupé par la détérioration de la situation, l’escalade de la violence et les lourdes pertes civiles, […]

- Condamnant la violation flagrante et systématique des droits de l’homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires, […]

- Considérant que les attaques généralisées et systématiques actuellement commises en Jamahiriya arabe libyenne contre la population civile peuvent constituer des crimes contre l’humanité, […]

- Se déclarant résolu à assurer la protection des civils, […]

- Autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet […] à prendre toutes mesures nécessaires, […] pour protéger les populations […]” (Résolution ONU 1973 – Libye, 17.03.2011).

Une nouvelle fois, les hauts dirigeants de ce monde usent de belles formules humanitaires, font des discours, la voix vibrante, sur la “démocratie”, la “paix” et la “sécurité des populations”, pour mieux justifier leurs aventures impérialistes.

Ainsi, depuis le 20 mars, une “coalition internationale” (1) mène en Libye une opération militaire d’envergure, nommée poétiquement “Aube de l’Odyssée” par les États-Unis. Chaque jour, des dizaines d’avions décollent des deux puissants porte-avions français et américain pour larguer des tapis de bombes sur toutes les régions abritant des forces armées fidèles au régime de Kadhafi (2).

En langage clair, c’est la guerre!

Tous ces Etats ne font que défendre leurs propres intérêts… à coup de bombes.

Évidemment, Kadhafi est un dictateur fou et sanguinaire. Après des semaines de recul face à la rébellion, l’autoproclamé “Guide libyen” a su réorganiser ses troupes d’élite pour contre-attaquer. Jour après jour, il a réussi à regagner du terrain, écrasant tout sur son passage, les “rebelles” comme la population. Et il s’apprêtait sans aucun doute à noyer dans leur propre sang les habitants de Benghazi quand l’opération Aube de l’Odyssée a été déclenchée.

Les frappes aériennes de la coalition ont mis à mal les forces de répression du régime et ont donc effectivement évité le massacre annoncé.

Mais qui peut croire un seul instant que ce déploiement de forces armées a réellement eu pour but le bien-être de la population libyenne?

Où était cette même coalition quand Kadhafi a fait massacrer 1000 détenus dans la prison Abu Salim de Tripoli en 1996? En réalité, c’est depuis quarante ans que ce régime enferme, torture, terrorise, fait disparaître, exécute… en toute impunité.

Où était hier cette même coalition quand Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte ou Bouteflika en Algérie faisaient tirer sur la foule lors des soulèvements de janvier et février?

Et que fait aujourd’hui cette même coalition face aux massacres qui ont lieu au Yémen, en Syrie ou à Bahreïn? Oh pardon… ici nous ne pouvons pas dire qu’elle est tout à fait absente: un de ses membres, l’Arabie Saoudite, intervient effectivement pour soutenir l’État du Bahreïn… à réprimer les manifestants! Et ses complices de fermer les yeux.

Les Sarkozy, Cameron, Obama et consorts peuvent bien se présenter fièrement comme des sauveurs, des défenseurs de la veuve et de l’orphelin, la souffrance des “civils” de Benghazi n’a été pour eux qu’un alibi pour intervenir militairement sur place et défendre leurs sordides intérêts impérialistes respectifs. Tous ces gangsters ont une raison, qui n’a rien à voir avec l’altruisme, de se lancer dans cette croisade impérialiste.

Cette fois-ci, contrairement aux dernières guerres, les États-Unis ne sont pas le fer de lance de l’opération militaire. Pourquoi? En Libye, la bourgeoisie américaine est contrainte de jouer à l’équilibriste.

D’un côté, elle ne peut pas se permettre d’intervenir massivement par voie terrestre sur le sol libyen. Cela serait perçu par l’ensemble du monde arabe comme une agression et une nouvelle invasion. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont en effet encore renforcé l’aversion généralisée pour “l’impérialisme américain, allié d’Israël”. Et le changement de régime en Égypte, traditionnel allié de l’Oncle Sam, est venu affaiblir un peu plus sa position dans la région (3).

Mais de l’autre, ils ne peuvent rester en dehors du jeu sans risquer de décrédibiliser totalement leur statut de “combattant pour la démocratie dans le monde”. Et il est évidemment hors de question pour eux de laisser le terrain libre au tandem France/Grande-Bretagne.

La participation de la Grande-Bretagne a un double objectif. Elle aussi tente, auprès des pays arabes, de redorer son blason terni par ses interventions en Irak et en Afghanistan. Mais elle essaye aussi d’habituer sa propre population à des interventions militaires extérieures qui ne manqueront pas de se multiplier à l’avenir. “Sauver le peuple libyen de Kadhafi” est l’occasion parfaite pour cela (4).

Le cas de la France est un peu différent. Il s’agit du seul grand pays occidental à jouir d’une certaine popularité dans le monde arabe, acquise sous De Gaulle et amplifiée par son refus de participer à l’invasion de l’Irak en 2003.

En intervenant en faveur du “peuple libyen”, le président Sarkozy savait parfaitement qu’il serait accueilli les bras grands ouverts par la population et que les pays voisins verraient d’un bon œil cette intervention contre un Kadhafi beaucoup trop incontrôlable et imprévisible à leur goût. Et effectivement, à Benghazi, ont retenti des “Vive Sarkozy”, “Vive la France” (5). Une fois n’est pas coutume, l’État français est parvenu ici à profiter ponctuellement de la mauvaise posture américaine.

Le président de la République française en a aussi profité pour se rattraper suite aux bourdes successives de son gouvernement en Tunisie et en Égypte (soutiens aux dictateurs finalement chassés par les révoltes sociales, accointances notoires pendant ces luttes entre ses ministres et les régimes locaux, proposition d’envoyer ses forces de police pour épauler la répression en Tunisie…).

Nous ne pouvons pas ici détailler les intérêts particuliers de chaque Etat de la coalition qui frappe aujourd’hui la Libye mais une chose est sûre, il ne s’agit en rien d’humanisme ou de philanthropie! Et il en est exactement de même pour ceux qui, réticents, se sont abstenus de voter la résolution de l’ONU ou alors du bout des doigts:

La Chine, la Russie et le Brésil sont très hostiles à cette intervention tout simplement parce qu’ils n’ont rien à gagner au départ de Kadhafi.

L’Italie, elle, a même tout à perdre. Le régime actuel assurait, jusqu’à maintenant, un accès facile au pétrole et un contrôle draconien des frontières. La déstabilisation du pays peut remettre tout cela en cause.

L’Allemagne d’Angela Merkel est encore aujourd’hui un nain militaire. Toutes ses forces sont engagées en Afghanistan. Participer à ces opérations aurait révélé un peu plus au grand jour cette faiblesse. Comme l’écrit le journal espagnol El País, “Nous assistons à une réédition du rééquilibrage constant de la relation entre le gigantisme économique allemand, qui s’est manifesté pendant la crise de l’euro, et la capacité politique française, qui s’exerce aussi à travers la puissance militaire”(6).

Finalement, la Libye, comme l’ensemble du Moyen-Orient, ressemble aujourd’hui à un immense échiquier où les grandes puissances tentent d’avancer leurs pions.

 Pourquoi les grandes puissances interviennent-elles maintenant?

 Cela fait des semaines que les troupes de Kadhafi avancent vers Benghazi, le fief des rebelles, massacrant tout ce qui bouge sur leur passage. Pourquoi les pays de la coalition, s’ils avaient de tels intérêts à intervenir militairement dans la région, ont-ils tant attendu?

Dans les premiers jours, le vent de révolte qui a soufflé en Libye venait de Tunisie et d’Égypte. La même colère contre l’oppression et la misère embrasait toutes les couches de la société. Il était donc hors de question pour les “Grandes démocraties de ce monde” de soutenir réellement ce mouvement social, malgré leurs beaux discours condamnant la répression. Leur diplomatie refusait hypocritement toute ingérence et vantait le “droit des peuples à faire leur propre histoire”. L’expérience enseigne qu’à chaque lutte sociale, il en est ainsi: la bourgeoisie de tous les pays ferme les yeux sur les plus horribles répressions, quand elle ne leur prête pas directement main forte!

Mais en Libye, ce qui semblait avoir commencé comme une véritable révolte de “ceux d’en bas”, avec des civils sans armes, partant courageusement à l’assaut des casernes des militaires et incendiant les QG des prétendus “Comités du Peuple” s’est rapidement transformé en une sanglante “guerre civile” entre fractions de la bourgeoisie. Autrement dit, le mouvement a échappé des mains des couches non-exploiteuses. La preuve en est que l’un des chefs de la rébellion et du CNT (Conseil National de Transition) est Al Jeleil, l’ancien ministre de la Justice de Kadhafi! Cet homme a évidemment autant les mains couvertes de sang que son ancien “Guide” devenu son rival. Autre indice, alors que “les prolétaires n’ont pas de patrie”, ce gouvernement provisoire s’est donné pour drapeau les couleurs de l’ancien royaume de Libye. Et enfin, Sarkozy a reconnu les membres du CNT comme les “représentants légitimes du peuple Libyen”.

La révolte en Libye a donc pris une tournure diamétralement opposée à celle de ses grandes sœurs tunisienne et égyptienne. Ceci est principalement dû à la faiblesse de la classe ouvrière de ce pays. La principale industrie, le pétrole, embauche presque exclusivement des travailleurs venus d’Europe, du reste du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique. Ceux-là, dès le début, n’ont pas pris part au mouvement de contestation sociale. Résultat, c’est la petite-bourgeoisie locale qui a donné sa coloration à la lutte, d’où la mise en avant du drapeau national par exemple. Pire! Les travailleurs “étrangers”, ne pouvant alors se reconnaître dans ces combats, ont fui. Il y a même eu des persécutions de travailleurs noirs entre les mains des forces “rebelles”, car il y avait de nombreuses rumeurs selon lesquelles certains mercenaires d’Afrique noire avaient été recrutés par le régime pour écraser les manifestations, ce qui jetait la suspicion sur tous les immigrants venant de là.

 Luttes ouvrières versus guerres impérialistes

 Ce retournement de situation en Libye a des conséquences dépassant largement ses frontières. La répression de Kadhafi d’abord et l’intervention de la coalition internationale ensuite, constituent un coup de frein à tous les mouvements sociaux de la région. Cela permet même aux autres régimes dictatoriaux contestés de se livrer sans retenue à une répression sanglante: c’est le cas à Bahreïn où l’armée saoudienne a prêté main forte au régime en place pour réprimer violemment les manifestations (7); au Yémen où le 18 mars les forces gouvernementales n’ont pas hésité à tirer sur la foule, faisant 51 morts supplémentaires; et plus récemment en Syrie.

Cela dit, il n’est pas du tout sûr qu’il s’agisse là d’un coup fatal. La situation libyenne pèse, tel un boulet attaché aux pieds du prolétariat mondial, mais la colère est si profonde face au développement de la misère qu’elle ne la paralyse pas totalement. Au moment où nous écrivons ces lignes, il faut s’attendre à des manifestations à Riyad, alors même que le régime saoudien a déjà décrété que toutes les manifestations sont contraires à la charia. En Égypte et en Tunisie, où la “révolution” est censée avoir déjà triomphé, il y a des affrontements permanents entre les manifestants et l’État, maintenant “démocratique”, qui est administré par des forces qui sont plus ou moins les mêmes que celles qui ont mené la danse avant le départ des “dictateurs”. De même, des manifestations perdurent au Maroc, malgré l’annonce par le roi Mohammed VI de l’avènement d’une monarchie constitutionnelle.

Quoi qu’il en soit, pour toutes ces populations prises sous le joug de terribles répressions, et parfois sous les bombes démocratiques des différentes coalitions internationales, le ciel ne s’éclaircira vraiment que lorsque le prolétariat des pays centraux, en particulier d’Europe occidentale, développera à son tour des luttes massives et déterminées. Alors, armé de son expérience, rompu notamment aux pièges du syndicalisme et de la démocratie bourgeoise, il pourra montrer ses capacités à s’auto-organiser et ouvrir la voie d’une véritable perspective révolutionnaire, seul avenir pour toute l’humanité.

Être solidaire de tous ceux qui tombent aujourd’hui sous les balles, ce n’est pas soutenir le régime de Kadhafi, ni les “rebelles”, ni la coalition onusienne! Il faut au contraire dénoncer tous ceux-là comme des chiens impérialistes!

Être solidaire, c’est choisir le camp de l’internationalisme prolétarien, lutter contre nos propres exploiteurs et massacreurs dans tous les pays, participer au développement des luttes ouvrières et de la conscience de classe partout dans le monde!

 Pawel /25.03.2011

 

1) Royaume-Uni, France, États-Unis en particulier, mais aussi Italie, Espagne, Belgique, Danemark, Grèce, Norvège, Pays-Bas, Émirats, Arabe Unis et Qatar.

2) A en croire les médias occidentaux, seuls les hommes de main de Kadhafi meurent sous ces bombes. Mais souvenons-nous qu’au moment de la Guerre du Golfe, ces mêmes médias avaient aussi fait croire à une “guerre propre”. En réalité, en 1991, au nom de la protection du “petit Koweït” envahi par l’armée du “boucher” Saddam Hussein, la guerre avait fait plusieurs centaines de milliers de victimes.

3) Même si la bourgeoisie américaine a réussi à limiter les dégâts en soutenant l’armée pour remplacer le régime honni par la population

4) Il faut se souvenir ici qu’en 2007, à Tripoli, l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair embrassait chaleureusement le colonel Kadhafi, en le remerciant de la signature d’un contrat avec BP. Les dénonciations actuelles du “dictateur fou” ne sont que purs cynisme et hypocrisie

et un contrôle draconien des frontières.

5) Rappelons que la bourgeoisie française ne fait là, elle aussi, que retourner une nouvelle fois sa veste, elle qui a reçu en grande pompe Kadhafi en 2007. Les images de sa tente plantée au beau milieu de Paris ont d’ailleurs fait le tour du monde et ridiculisé encore un peu plus Sarkozy et sa clique. Mais aujourd’hui, c’est un nouveau film qui nous est joué : “OTAN en emporte l’auvent”

6) https://www.elpais.com/articulo/ internacional/guerra/europea/ elpepuint/20110321elpepiint_6/Tes [5]

7) Ici aussi d’ailleurs, la faiblesse de la classe ouvrière favorise ces répressions. Le mouvement y est en effet dominé par la majorité chiite, soutenue par l’Iran

 

Séismes, tsunami et accidents nucléaires au Japon : le capitalisme est une horreur

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“Le pire est à craindre!” Telle est la tonalité qui s’étale maintenant sur toutes les manchettes de journaux, dans tous les médias comme dans la bouche des dirigeants de la planète eux-mêmes. Mais le pire est déjà là! Parce que du tremblement de terre au tsunami puis aux accidents nucléaires qui n’en finissent pas, la population japonaise se trouve dans une situation effroyable. Et parce que ce sont aussi des millions de gens sur la planète qui vivent dès aujourd’hui sous l’épée de Damoclès du nuage nucléaire dégagé des réacteurs de Fukushima. Cette fois, il ne s’agit pas d’un pays pauvre comme Haïti ou l’Indonésie qui est frappé de plein fouet mais le cœur d’un des États les plus industrialisés du monde, particulièrement spécialisé dans les technologies de pointe.

Un pays qui connaît les effets dévastateurs de l’énergie nucléaire, qui a été le premier à subir les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en 1945.

C’est le capitalisme qui rend l’humanité plus vulnérable aux catastrophes naturelles

Une fois de plus, la folie du capitalisme et l’irresponsabilité de la bourgeoisie explosent au grand jour. Le monde prend conscience seulement aujourd’hui que des millions de personnes ont été entassées dans des maisons de bois le long de rivages côtiers, menacés en permanence par le risque de séismes et de vagues géantes qui engloutissent tout. Et cela sur les terres de la troisième puissance économique mondiale!

Comme si cela ne suffisait pas, des centrales nucléaires, qui constituent partout de véritables bombes à retardement, ont été construites elles aussi à la merci des tremblements de terre et des tsunamis. La plupart des centrales nucléaires du Japon ont été construites il y a 40 ans, non seulement dans des zones très peuplées mais aussi près des côtes. Elles sont donc particulièrement exposées aux inondations. Ainsi, sur les 55 réacteurs japonais répartis sur 17 sites, 11 ont été touchés par le sinistre. Résultat immédiat, la population est déjà exposée à des taux de radiations allant officiellement (1) jusqu’à plus de 40 fois la normale jusqu’à Tokyo, située à 250 km de Fukushima, radiations pourtant déclarées “sans risque” par le gouvernement japonais! Et il n’y a pas que les centrales qui ont été frappées, mais aussi les complexes pétrochimiques construits au bord de la mer et dont un certain nombre ont été incendiés, ce qui vient ajouter au désastre et à la catastrophe écologique en cours.

La bourgeoisie tente encore de nous faire croire que c’est la faute à la nature, que l’on ne peut prévoir la force des séismes et l’amplitude des tsunamis. Ce qui est vrai. Mais ce qui est surtout frappant, c’est comment le capitalisme, tout en ayant développé depuis deux siècles et de façon phénoménale les connaissances scientifiques et les moyens techniques qui pourraient être mis à profit pour prévenir ce genre de catastrophe, fait courir en permanence des dangers monstrueux à l’humanité. Le monde capitaliste actuel a d’énormes moyens technologiques mais est incapable de les utiliser pour le bien être de l’humanité, seul compte à ses yeux le profit du capital… au détriment de nos vies. Depuis la catastrophe de Kobe en 1995, l’État japonais avait par exemple développé une politique de construction de bâtiments antisismiques qui ont tenu, mais qui sont restés destinés aux plus riches ou aux immeubles de bureaux des métropoles.

Les gros mensonges de la bourgeoisie

Aujourd’hui, les comparaisons abondent avec de précédents accidents nucléaires majeurs, en particulier avec la fusion sans explosion du réacteur de Three Mile Island aux États-Unis en 1979. Celle-ci n’avait causé officiellement aucun décès. Par contre, tous les responsables politiques affirment que, “pour l’heure”, il ne s’agit pas d’un événement aussi grave que celui de l’explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986. Doit-on donc être rassuré par ces propos outrageusement optimistes? Comment évaluer le danger réel pour la population vivant au Japon, en Asie, en Russie, aux Amériques… et dans le monde? La réponse ne fait aucun doute?: les conséquences vont de toute façon être dramatiques. Il y a d’ores et déjà une pollution nucléaire majeure au Japon et les responsables de Tepco qui exploitent les centrales japonaises ne peuvent faire face au risque d’explosion qu’en bidouillant au jour le jour et en exposant sans vergogne la vie de centaines d’employés et de pompiers à des taux de radiations fatals. Ici d’ailleurs se révèle une différence fondamentale entre la bourgeoisie et le prolétariat. D’un côté, une classe dominante n’hésitant pas à envoyer à la mort “son” personnel et, plus largement encore, à mettre en danger la vie de dizaines de milliers de personnes au nom de son sacro-saint profit. De l’autre, des ouvriers prêts à se sacrifier, à subir l’agonie lente et insoutenable des irradiés, pour l’humanité.

Aujourd’hui, l’impuissance de la bourgeoisie est telle qu’après une semaine de tentatives désespérées pour refroidir les réacteurs endommagés, ses spécialistes en sont réduits à jouer aux apprentis sorciers en tentant de rebrancher sur le réseau électrique les différents systèmes de refroidissement des cœurs des centrales. Personne ne sait ce que cela peut donner: soit les pompes fonctionnent correctement et la chaleur baissera effectivement, soit les dégâts causés sur les câbles et appareils engendrent des courts-circuits, des incendies et des… explosions! La seule solution sera alors de recouvrir la centrale de sable et de béton, comme… à Tchernobyl (2). Face à de telles atrocités présentes et à venir, le discours de nos exploiteurs est toujours le même: le mensonge!

En 1979, Washington avait menti sur les conséquences radioactives de la fusion du cœur de la centrale, tout en évacuant malgré tout 140.000 personnes; si aucun mort direct n’a été à déplorer, les cancers s’étaient ensuite multipliés dans leurs rangs (entre 2 et 10 fois), ce que le gouvernement américain n’a jamais voulu reconnaître.

Concernant la centrale de Tchernobyl, atteinte de graves déficiences de sa structure et de son entretien, le gouvernement russe avait caché durant des semaines l’urgence de la situation. Ce n’est qu’après l’explosion du réacteur et le dégagement d’un immense nuage nucléaire se dispersant à des kilomètres de hauteur et à des milliers de kilomètres alentour que le monde entier a perçu l’ampleur de la catastrophe. Mais il ne s’agit pas là d’une spécificité stalinienne. Les responsables occidentaux ont fait exactement de même. A l’époque, l’État français s’était d’ailleurs même particulièrement distingué dans la menterie XXL en nous racontant que le nuage se serait arrêté pile poil aux frontières orientales de la France! Autre fait édifiant, aujourd’hui encore, l’OMS (Organisation mondiale pour la santé), indéniablement liée à l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique), dresse un bilan dérisoire et même ridicule de l’explosion de Tchernobyl : 50 morts, 9 décès d’enfants de cancers et 4.000 cancers potentiellement mortels! En réalité, selon une étude de l’Académie des sciences de New York, 985.000 personnes ont péri à cause de cet accident nucléaire (3). Et ce sont aujourd’hui ces mêmes organismes qui sont chargés de dresser le bilan de Fukushima et de nous informer sur les risques! Comment, dès lors, leur accorder le moindre crédit? Par exemple, que vont devenir ceux qu’on nomme “les liquidateurs” (ceux qui interviennent aujourd’hui en urgence) de Fukushima quand on sait qu’à Tchernobyl, “des 830.000 “liquidateurs” intervenus sur le site après les faits, 112.000 à 125.000 sont morts” (4). Encore aujourd’hui, la bourgeoisie s’efforce de cacher que le noyau de cette centrale est toujours hautement à risque puisqu’il est aujourd’hui nécessaire et urgent de confiner le cœur du réacteur sous une énième couche de béton comme elle a caché que les centrales de Fukushima ont connu pas moins de 200 incidents au cours de ces dix dernières années!

Tous les pays mentent sur la réalité du danger nucléaire! L’ État français ne cesse de déclarer avec aplomb que les 58 réacteurs nucléaires de l’Hexagone sont parfaitement sous contrôle, alors que la plupart des centrales sont soit sur des zones sismiques, soit en zone maritime ou fluviale inondable. Durant la tempête de 1999, durant laquelle un vent violent avait causé d’importants dégâts sur tout le territoire national et fait 88 morts en Europe, l’inondation de la centrale du Blayais, proche de Bordeaux, avait déjà failli provoquer la fusion d’un réacteur. Peu de gens l’ont su. Parlons encore de la centrale de Fessenheim dont la vétusté est telle qu’elle doit fermer depuis des années. Mais à coups de pièces de rechange (non homologuées pour bon nombre d’entre elles), elle continue tant bien que mal à fonctionner, avec des taux d’irradiation sans doute catastrophiques pour les personnels de maintenance. C’est cela, “avoir le contrôle” et prétendre à la “transparence”.

Dès le début du tremblement de terre au Japon, vendredi 11 mars, les médias aux ordres nous avaient asséné avec l’aplomb qui les caractérise que les centrales nucléaires japonaises étaient parmi les plus “sûres” au monde. Pour nous dire le contraire deux jours après et rappeler que l’entreprise Tepco, qui gère les centrales japonaises, avait déjà caché par le passé certains incidents nucléaires irradiants. En quoi les centrales en France où “en l’espace de dix ans, le nombre d’incidents mineurs et d’anomalies sur les installations nucléaires a doublé” (5), comme ailleurs dans le monde, sont elles “plus sûres”? En rien. “Environ 20 % des 440 réacteurs civils en activité dans le monde sont situés dans des zones “d’importante activité sismique”, selon l’Association mondiale du nucléaire (World Nuclear Association, WNA), un groupement d’industriels. Certains des 62 réacteurs en construction sont également dans des zones à risque sismique, tout comme nombre des 500 autres projets en particulier dans les pays à économie émergente. De nombreuses centrales – y compris les quatre réacteurs de Fukushima endommagés par le tsunami du 11 mars – se trouvent sur ou près du “cercle de feu”, un arc de 40 000 km de failles tectoniques qui entoure le Pacifique” (6).

Ainsi, des informations sérieuses “laissent entendre que les éléments radioactifs circulent de plus en plus. Par exemple, alors que le plutonium n’existait pas dans la nature avant 1945, on en trouve désormais dans les dents de lait des enfants britanniques” (7), et bien que la Grande-Bretagne ait cessé son programme nucléaire civil.

Le capitalisme pousse l’humanité vers de plus en plus de désastres

Et au Japon, il n’y a pas que la catastrophe nucléaire en marche, mais aussi une autre catastrophe humanitaire. Ainsi, la troisième puissance économique mondiale s’est trouvée plongée en quelques heures dans une situation de crise sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les mêmes ingrédients terrifiants y sont présents: destructions massives, morts par dizaines de milliers et pour finir, irradiations, comme à l’issue des bombardements atomiques de Nagasaki et d’Hiroshima.

Des millions de gens au Nord-est du Japon survivent sans électricité, sans eau potable, avec des vivres en diminution constante, quand elles ne sont pas contaminées. 600.000 personnes ont été déplacées, à cause du tsunami qui a dévasté des villes entières face au Pacifique et à cause du risque nucléaire, dans le plus grand dénuement, subissant le froid et la neige. Contrairement à ce qu’annonce le gouvernement nippon, qui n’a cessé de minimiser la gravité de la situation, et de sous-évaluer le nombre de victimes, ne livrant l’augmentation du nombre de morts qu’au compte-gouttes, jour après jour, on peut déjà, et sans aucun doute, compter les morts par dizaines de milliers dans tout le pays. La mer ne cesse de rejeter des cadavres sur les côtes. Le tout sur fond de destructions gigantesques d’habitations, de bâtiments, d’infrastructures hospitalières, d’écoles…

Ce sont des villages, des immeubles, des trains, voire des villes entières, qui ont été emportés par la vague du tsunami qui a frappé la côte nord-est du Japon. Dans certaines villes, encastrées dans des vallées généralement étroites comme à Minamisanriku, c’est jusqu’à plus de la moitié des 17.000 habitants qui ont été emportés et ont péri. Avec le temps d’alerte de 30 minutes annoncé par le gouvernement, les routes ont été rapidement embouteillées, mettant les “retardataires” à la merci des vagues.

La population a été saluée par tous les médias occidentaux pour son “exemplaire courage” et sa “discipline”, population que le premier ministre japonais appelle à “reconstruire le pays à partir de zéro”, autrement dit, en langage clair, la classe ouvrière vivant dans ce pays doit maintenant s’attendre à de nouvelles privations, à une exploitation accrue et à une aggravation de la misère. Certes, cela fait joli pour entretenir les images d’Épinal qu’on nous déverse depuis des décennies, celle d’une population servile qui fait du sport avec son patron le matin, qui se tait et se fait exploiter en silence, et qui reste gentiment stoïque et aux ordres pendant que les bâtiments s’écroulent sur sa tête. Bien sûr, la population japonaise est d’un courage extraordinaire, mais la réalité de son “stoïcisme” décrite dans les journaux est totalement différente. En-dehors des centaines de milliers qui s’entassent dans des gymnases ou autres locaux collectifs et parmi lesquels la colère monte inexorablement à juste titre, des centaines de milliers d’autres cherchent à s’enfuir, dont un nombre grandissant des quelque 38 millions d’habitants de Tokyo et sa banlieue. Et ceux qui restent ne le font pas pour “braver le danger et la fatalité”, mais parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Par manque de moyens financiers et pour aller où ? Et pour être “accueilli” où? De toute façon, être un “réfugié environnemental” constitue une indécence aux yeux de la bourgeoisie. Environ 50 millions de gens seront contraints dans les années à venir de migrer pour des raisons environnementales mais ne connaissent pas de “statut” au regard de la Convention des Nations Unies, même s’ils sont victimes d’une catastrophe, fût-elle “nucléaire”. En clair, les Japonais sans le sou qui vont chercher à échapper à la catastrophe nucléaire, ou simplement à se reloger quelque part, se verront refuser le “droit d’asile”, partout dans le monde.

Ce système d’exploitation forcenée est moribond et chaque jour plus inhumain. Alors que d’immenses connaissances et de gigantesques forces technologiques ont été accumulées par l’Homme, la bourgeoisie est incapable d’en faire une force allant dans le sens des bienfaits de l’humanité, qui devrait permettre de nous prémunir contre les catastrophes naturelles. Elle œuvre au contraire avec vigueur à sa destruction, pas seulement ici ou là, mais partout dans le monde.

“Nous n’avons pas d’autre choix face à cet enfer capitaliste?: socialisme ou barbarie. Lutter contre lui ou mourir” (8)

Mulan/ 19.03.2011

 

 1) Et l’expérience montre quel crédit nous pouvons accorder aux chiffres officiels en général et à ceux concernant le nucléaire en particulier?: le mensonge, la manipulation et la sous-estimation des dangers est ici la règle d’or des dirigeants de tous les pays!

2) La catastrophe actuelle était même attendue; comme le rapporte le Canard enchaîné du 16.03.2011: “Pas fous, les huit ingénieurs allemands d’Areva qui bossaient sur le site de la centrale de Fukushima 1 (...) surpris par le tremblement de terre “en pleine opération d’une tranche” du réacteur numéro 4 dès vendredi soir (11 mars) avaient été mis à l’abri à une quarantaine de kilomètres de la centrale” puis “acheminés à Francfort dès le dimanche 13 mars”.

3) Source: “Troublante discrétion de l’Organisation mondiale de la santé”, le Monde du 19.03.2011.

4) https://www.monde-diplomatique.fr/2010/12/KATZ/19944 [6]

5) www.europe1.fr/societe/En-France-les-incidents-nucleaires-en-hausse-497336 [7]

6) www.lemonde.fr [8]

7) https://blog.mondediplo.net/2011-03-12-Au-Japon-le-seisme-declenche-l-alerte-nucleaire [9]

8) Propos tenu par un intervenant sur notre forum en français au cours de la discussion sur cette catastrophe: http:/ :fr.internationalism.org/forum/312/tibo/4593/seisme-au-japon [10].

Géographique: 

  • Japon [11]

Récent et en cours: 

  • Catastrophes [12]

Face à la politique anti-immigrés, solidarité de classe !

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Des étudiants et des travailleurs grecs vivant à Lyon, en France, nous ont récemment interpellés sur la situation dramatique des travailleurs immigrés implantés sur le sol grec.

Comme dans tous les pays, les travailleurs immigrés sont là-bas actuellement la cible d’une politique totalement inhumaine. Leurs conditions de vie effroyables sont tout simplement en train de les pousser vers la mort.

C’est pourquoi du 25 janvier au 9 mars, environ 300 travailleurs immigrés ont mené une grève de la faim, à Athènes et à Thessalonique. Ils réclamaient les mêmes droits politiques et sociaux que les travailleurs et travailleuses en Grèce, leur régularisation et surtout une vie plus digne. Après plus d’un mois de refus total de s’alimenter, la plupart d’entre eux présentent aujourd’hui des troubles de santé graves.

Leur Appel des immigrés, grévistes de la faim, appelé aussi l’Appel des 300, est un témoignage bouleversant. Il révèle quelle cruauté se cache derrière tous les discours policés sur la “nécessaire maîtrise des flux migratoires”. Tous ces dirigeants politiques en costard-cravate ou en tailleur de haute couture ne sont rien d’autre que des assassins (et en Grèce, les dirigeants actuels sont “socialistes”!). La réalité sur ces hommes et femmes qui vivent dans la clandestinité et qui sont dénoncés aujourd’hui par tous les ministres de l’immigration du monde comme des “profiteurs” et même des “parasites”, la voici : “Nous sommes des immigrés et des immigrées venus de toute la Grèce. Nous y sommes venus, chassés par la pauvreté, le chômage, les guerres et les dictatures.”

Cet “Appel” souligne aussi avec force que la seule façon pour nous, travailleurs immigrés ou non, de résister aux assauts du capital, c’est la solidarité de classe dans la lutte!

D’ailleurs, si le gouvernement grec a en partie cédé aux revendications des 300, en leur accordant ponctuellement quelques miettes (tel que l’allégement de taxes), ce n’est certainement pas par charité ou bonté d’âme. La classe dirigeante n’a que faire de voir 300 travailleurs crever la bouche ouverte à la suite d’une grève de la faim! Non, ce qui les a contraint à réagir, c’est l’élan d’indignation et de solidarité qui a commencé à se développer dans le pays. Comme l’ont écrit les étudiants grecs qui nous ont interpellés dans leur invitation à une réunion de solidarité avec les 300 sur Lyon: “De nombreuses actions de solidarité ont eu lieu partout dans le pays (rassemblements, manifestations, déploiements de bannières, occupations des bâtiments publics, interventions sur les chaînes de télé, de radio, pendant des événements culturels, etc.), ainsi qu’à l’étranger. Les pressions créées par tous ces mouvements de solidarité peuvent amener la victoire!”

Appel des immigrés, grévistes de la faim (Grèce)

Si nous voulons faire entendre notre voix, nous n’avons pas d’autre choix. Le 25 janvier, trois cents (300) d’entre nous commencent une grève de la faim. Nos points de lutte seront à Athènes et à Thessalonique.

Nous sommes des immigrés et des immigrées venus de toute la Grèce. Nous y sommes venus, chassés par la pauvreté, le chômage, les guerres et les dictatures. Les multinationales du monde occidental et leurs serviteurs politiques dans nos pays ne nous laissent pas d’autres choix que de risquer nos vies des dizaines de fois pour arriver jusqu’à la porte de l’Europe. L’Occident, qui pille nos pays, et où le niveau de vie est infiniment mieux (comparé au notre), est notre seul espoir de vivre comme des êtres humains. Nous sommes venus (par la voie légale ou pas) en Grèce et nous travaillons pour notre survie et pour la survie de nos enfants. Nous vivons dans la galère, et à l’ombre de l’illégalité, au profit des patrons et des organismes étatiques qui à leur tour exploitent brutalement notre travail. Nous gagnons notre pain à la sueur de notre front en rêvant d’obtenir un jour des droits égaux.

Ces derniers temps, nos conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles. Au fur et à mesure que les salaires et les retraites se voient rongés et que tous les prix augmentent, l’immigré est présenté comme le fautif, le coupable de la détérioration et de l’exploitation sauvage des salariés grecs et des petits commerçants. La propagande fasciste et raciste est déjà devenue la langue officielle des appareils étatiques. La terminologie fasciste est reproduite par les médias quand ils parlent de nous. Leurs “propositions” sont déjà consacrées comme politiques gouvernementales: le mur à Évros, les camps flottants et l’armée européenne dans la mer Égée, la répression brutale dans les villes, les déportations massives. Ils veulent faire croire aux travailleurs grecs que nous sommes, tout à coup, une menace pour eux, et que nous sommes les seuls coupables de la nouvelle attaque lancée par leurs propres gouvernements. La réponse à leurs mensonges et à leur incessante barbarie doit être immédiate. Et c’est à nous, aux immigrés, de la donner. Nous faisons face, avec nos propres vies comme arme, pour mettre fin à l’injustice qui nous est faite. Nous demandons la régularisation de tous les immigrés et de toutes les immigrées. Nous demandons les mêmes droits politiques et sociaux et les mêmes obligations que les salariés grecs.

Nous demandons à nos collègues travailleurs grecs et à chaque être humain qui souffre aujourd’hui de l’exploitation de sa propre sueur, de se tenir à nos côtés. Nous demandons de soutenir notre lutte, pour ne pas laisser triompher leurs mensonges, l’injustice, le fascisme et le totalitarisme des élites politiques et économiques. C’est à dire de ne pas permettre ce qui a prédominé dans nos pays et qui nous a forcés à nous expatrier afin de revendiquer une vie digne pour nous et pour nos enfants.

Nous n’avons pas d’autre moyen pour faire entendre notre voix, et pour faire entendre la voix de nos droits.

Le 25 janvier, trois cents d’entre nous ont commencé une grève de la faim, à l’échelle nationale, à Athènes et à Thessalonique. Nous mettons en danger notre vie, car de toute manière nous ne vivons pas dans la dignité. Nous préférons mourir ici, plutôt que de laisser nos enfants hériter de ce que nous avons vécu .

Janvier 2011

L’assemblée des immigrés, grévistes de la faim

Récent et en cours: 

  • Immigration [13]

Qu'est-ce qu'une révolution ?

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Aujourd’hui, tout le monde ne parle plus que de "révolution" . Les soulèvements récents en Afrique du Nord ont été décrits comme des "révolutions" . En Irlande, le leader du Fine Gael, Enda Kenny a proclamé "une révolution démocratique" parce que maintenant, c’est à son tour d’imposer les mesures d’austérité auparavant menées par ses prédécesseurs, le Fianna Fail et le Green Party. Aux Etats-Unis, le célèbre chef Jamie Oliver combat pour une "révolution de l’alimentation" contre l’obésité. Dans les médias, nous ne nous attendons pas à voir quelque effort sérieux d’examen de l’idée de révolution telle que l’entendent les marxistes dans le mouvement ouvrier. Ce serait comme attendre de magazines de mode qu’ils se réfèrent à des "images créées pour être des objets de vénération religieuse" ou de "petites images sur un écran d’ordinateur" quand ils parlent des "icônes" .

La Commune est une publication qui se réclame de l’héritage marxiste. Sur son site Web, à la mi-février, a été publié un article "Sur l’Egypte et la révolution" . Il commence ainsi:

"Les révolutions sont en fait très communes. On est seulement en février, et il y a déjà eu deux révolutions cette année en Tunisie et en Egypte. D’autres révolutions récentes concernent la Serbie (2000), la Géorgie (2003), le Kirghizistan (2005) et l’Ukraine (2005). Il y a eu des échecs récents qui comprennent la Thaïlande (2009), le Myanmar (2007) et l’Iran 2009). Toutes ces révolutions ont été, pour utiliser le terme marxiste, des révolutions politiques plus que sociales. C'est-à-dire qu’elles ont renversé la faction qui tenait l’Etat et l’ont remplacée par une autre." La distinction que fait l’auteur entre révolution politique et révolution sociale est qu’ "une révolution sociale est celle qui ne change pas que la clique au pouvoir mais la façon dont la société est organisée" .

La vision de Trotsky, dans une période de défaite

Cette démarche, de la part de quelqu’un qui affirme être marxiste, n’est pas un cas unique. Dans La Révolution trahie, Trotsky considère l’Etat de la Russie et donne une perspective à la classe ouvrière. Prévoyant un régime plus démocratique, il écrit "… en ce qui concerne les rapports de propriété, le nouveau pouvoir n’aura pas à recourir à des mesures révolutionnaires. Il maintiendra et développera l’expérience de l’économie planifiée. Après la révolution politique – c'est-à-dire la destitution de la bureaucratie – le prolétariat devra introduire une série très importante de réformes dans l’économie, mais pas une autre révolution sociale" . Dans ce passage, la "révolution politique" veut dire ne pas avoir à "recourir à des mesures révolutionnaires" - ce n’est pas une "révolution sociale" .

Ailleurs, dans le même ouvrage, Trotsky dit: " le renversement de la caste bonapartiste aura, naturellement, des conséquences sociales sérieuses, mais en lui même, il se confinera aux limites de la révolution politique" . Ce concept de "limites de la révolution politique" se trouve aussi dans En défense du Marxisme de Trotsky, un ouvrage qui est un recueil de travaux écrits en 1939 et 1940. Dans cet ouvrage, il voit l’Etat russe "comme un complexe d’institutions sociales qui continuent à persister malgré le fait que les idées de la bureaucratie soient maintenant presque à l’opposé des idées de la Révolution d’Octobre. C’est pourquoi nous n’avons pas renoncé à la possibilité de régénérer l’Etat soviétique par une révolution politique" . En dépit du fait que l’Etat en Russie ait été l’instrument du maintien écrasant de l’exploitation et de la répression de la classe ouvrière, Trotsky pensait qu’il pouvait être régénéré par le processus de "révolution politique".

Les principes fondateurs du marxisme sur la question

Pour trouver les bases de la compréhension marxiste de ce qu’est une révolution, il faut partir de Marx.

Dans son article de 1844 ‘Notes critiques relatives à l'article " Le roi de Prusse et la Réforme sociale" par un Prussien’, Marx analyse la phrase: "Une révolution sociale avec une âme politique" et conclut que "chaque révolution dissout l’ancienne société; en ce sens, elle est sociale. Toute révolution renverse l’ancien pouvoir; en ce sens, elle est politique" .

Il continue: Mais autant une ‘révolution sociale avec une âme politique’ est paraphrase ou absurdité, autant est raisonnable une révolution politique avec une âme sociale. La révolution en tant que telle – le renversement du pouvoir établi et la dissolution des conditions anciennes- est un acte politique. Or sans révolution, le socialisme ne peut devenir réalité. Cet acte politique lui est nécessaire dans la mesure où il a besoin de détruire et de dissoudre. Mais là où commence son activité organisatrice, là où se manifeste son propre but, son âme, le socialisme rejette son enveloppe politique." (Œuvres III, La Pléïade, p. 417-418)

Il est clair que tout en se situant toujours dans le même cadre, Marx a pris en compte les développements historiques tout au long de sa vie. La préface à l’édition allemande du Manifeste Communiste dit que les événements font que quelques détails de son programme politique sont "datés". En particulier, l’expérience de la Commune de Paris (en citant La Guerre Civile en France) a démontré que "la classe ouvrière ne peut simplement s’emparer de la machinerie d’Etat existante et la faire fonctionner pour ses objectifs". L’Etat doit être détruit par la classe ouvrière pour qu’elle accomplisse la transformation de la société au niveau le plus élevé. La Commune de Paris "était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail … La domination politique du producteur ne peut coexister avec la pérennisation de son esclavage social. La Commune devait donc servir de levier pour renverser les bases économiques sur lesquelles se fonde l'existence des classes, donc, la domination de classe." (La Guerre Civile en France, Marxism.org).

Il y a eu par la suite d’autres développements dans la vision marxiste du processus révolutionnaire, en particulier L’Etat et la révolution de Lénine. Ce qu’ils ont de plus clair en commun, c’est la compréhension qu’une révolution de la classe ouvrière est "politique" en ce sens qu’elle détruit l’Etat de ses exploiteurs et "sociale" en ce sens que son but est la transformation de la société. Le "politique" et le "social" ne sont pas deux phénomènes séparés mais les deux faces d’une même lutte. Quand une faction capitaliste en remplace une autre à la suite d’élections parlementaires, quand une faction capitaliste s’empare du pouvoir grâce à un coup d’Etat militaire, ou quand la réalité force la bourgeoisie à réorganiser sa façon de fonctionner comme classe dominante, rien de tout cela n’est une "révolution" . En un mot : l’Etat capitaliste reste intact.

Les "révolutions" évoquées dans la liste de la publication La Commune ne sont pas des révolutions sociales pas plus qu’elles ne sont des révolutions politiques. Le remplacement d’une faction par une autre, du point de vue de la classe ouvrière, n’est en aucune façon une révolution. Pour la classe ouvrière, la destruction de l’Etat capitaliste est un moment politique essentiel dans la révolution sociale, une partie du processus qui peut mener à la libération de toute l’humanité.

Barrow/04.03.2011

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La Révolution prolétarienne [14]

90 ans après, l'écrasement de Cronstadt reste une tragédie toujours en débat au sein du camp révolutionnaire

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Ces dernières semaines, les discussions sur le forum du CCI ont été particulièrement animées et passionnées autour d’un événement tragique: l’écrasement, dans le sang, des insurgés de Cronstadt.

Il y a 90 ans, en 1921, des ouvriers se sont dressés face au Parti bolchevique, réclamant, entre autre, la restitution du pouvoir réel aux soviets et sans le Parti bolchevique. Le Parti communiste a alors pris la terrible décision de les réprimer.

Une participante à ce débat, prénommée Youhou, nous a envoyé la lettre que nous publions ci-dessous et que nous saluons chaleureusement. Elle y fait à la fois l’effort d’essayer de synthétiser les différents points de vue qui se sont faits jour au fil des interventions et de prendre clairement position.

Il ne s’agit pas là, en aucune manière, d‘une conclusion à la discussion. Au contraire, il nous semble que dans l’esprit de la camarade, son texte se veut être seulement une étape.

Enfin, nous nous joignons à elle quand, dans ses dernières lignes, elle lance: “Venez nous rejoindre dans ce débat passionnant! Le débat fraternel est notre meilleure arme face à l’idéologie bourgeoise” (1).

Sur le forum du CCI se déroule actuellement, à l’occasion du 90e anniversaire de la répression de Cronstadt, une discussion très animée qui mérite d’être commentée. Elle est très intéressante car finalement très représentative des positions qui traversent la classe ouvrière sur ce sujet. L’écrasement de la classe ouvrière révoltée du soviet de Cronstadt, par l’armée révolutionnaire, sur ordre du parti bolchevique en 1921 est posé sans tabou et sans langue de bois sur le forum. La volonté de tirer les leçons de ce massacre, si importantes pour la révolution future, rassemble tous les camarades sur ce forum et confirme ce que Rosa Luxemburg écrivait sur la Révolution russe: “il est clair que seule une critique approfondie, et non pas une apologie superficielle, peut tirer de tous ces événements les trésors d’enseignement qu’ils comportent.” Ce débat est marqué depuis des décennies par deux tendances diamétralement opposées: les trotskistes qui pensent que l’écrasement était une “tragique nécessité” et les anarchistes qui pensent que le Parti bolchevique en tant que parti contenait en lui les germes de cette dégénérescence et remettent en cause la nécessité même de l’existence d’un parti de la classe ouvrière.

Alors, est-ce une “erreur” ou “une nécessité” tragique?

 Voici une des idées avancées par Jeannotrouge: “Le prolétariat ne peut se constituer en classe et donc ensuite, après la révolution, en classe dominante qu’à l’issu d’une lutte politique tenace en son sein, contre les influences bourgeoises portées par différentes institutions, organisations et partis prétendument “ouvriers”, lutte qui ne peut pas ne pas comporter d’épisode d’affrontement et de violence.”

Mouhamed, un peu plus nuancé, explique que les bolcheviques ne pouvaient pas faire autrement.

Mais sur ce point, je rejoins pleinement Tibo et Underthegun: l’écrasement de Cronstadt n’allait pas dans le sens de la révolution. Ce massacre n’était absolument pas nécessaire et a précipité la défaite de la révolution russe. Pourquoi? Ce sont des ouvriers qui ont été éliminés et massacrés et non des contre-révolutionnaires en col blanc comme Trotski le concédera lui-même: “Nous avons attendu aussi longtemps que possible pour que les matelots, nos camarades aveuglés, ouvrent les yeux et voient où la mutinerie les conduisait”. La société communiste ne peut pas naître de luttes fratricides: un tel massacre ne peut faire partie des armes des révolutionnaires. Tibo écrit avec raison: “Oui, nous avons un monde “enfin humain” à bâtir. Et celui-ci ne peut avoir pour fondation des cadavres des ouvriers tués par d’autres ouvriers”. Je rajouterai: et surtout de cette manière, en prenant leur famille en otage, en condamnant les soldats de l’armée de rouge s’ils refusaient de tirer... La violence de classe est nécessaire, certes, mais pour la classe ouvrière elle est déterminée par le but final qui est la libération de l’humanité du joug de l’exploitation. Les camarades, en désaccord sur ce point, ont rappelé, à juste titre, les apports des bolcheviques pour la classe ouvrière. Le Parti bolchevique sous l’impulsion de Lénine n’a jamais trahi les intérêts du prolétariat et en refusant toute politique d’alliance pour former un parti de masse, il a fait le choix de rester minoritaire parmi les ouvriers et de répéter inlassablement la nécessité de ne plus faire confiance au sociaux-démocrates. Ce parti a défendu l’internationalisme jusque dans sa chair. Les bolcheviques ont soutenu les ouvriers dans leur lutte en restant à leur côté même quand ils savaient qu’ils commettaient une erreur.

Alors comment ce parti qui avait pleinement conscience du fait que le socialisme ne s’impose pas par la force sur la classe ouvrière, et que le devoir du parti est de combattre au côté de la classe, s’est-il retrouvé armé face à elle?

Comment le parti bolchevique en est-il arrivé à commettre un tel crime ?

 Le camarade Mouhamed écrit: “Pour moi, s’il y avait eu la révolution mondiale, il n'y aurait ni Cronstadt, ni rien du tout”. Il est vrai que l’enfermement de la Russie est une cause fondamentale de la débâcle de la révolution. Beaucoup d’ouvriers sont morts dans la guerre civile, les soviets se trouvent partiellement dépeuplés et se limitent pour beaucoup à des comités militaires de quelques membres qui décident des stratégies à adopter. Quand le président du Bund (parti communiste juif) demanda ce que faisait le comité central, lors du VIIe congrès des soviets, Trotsky répondit: “le CEC est sur le front!”. S’ajoute à cela des rationnements alimentaires draconiens du fait de l’Ukraine, grenier à blé de la Russie, qui l’affame. L’entrée du prolétariat allemand en contaminant les autres prolétariats d’Europe puis du monde aurait apporté un second souffle à la révolution russe. Le CCI écrit dans sa brochure sur la période de transition: “Mais le pire danger de la contre-révolution n’est venu ni des “koulaks”, ni des ouvriers lamentablement massacrés de Cronstadt, ni des “complots des blancs” que les bolcheviques voyaient derrière cette révolte. C’est sur les cadavres des ouvriers allemands massacrés en 1919 que la contre-révolution a gagné et c’est à travers l’appareil bureaucratique de ce qui était supposé être le “semi-Etat” du prolétariat qu’elle s’est le plus puissamment exprimée.” En épuisant les soviets, fondement de la dictature du prolétariat, en restant enfermé dans les frontières nationales de Russie, le Parti bolchevique s’est retrouvé face à des choix très lourds de conséquence et a commis le pire: éliminer physiquement leur frère de classe.

L’isolement de la Russie dans le processus de la révolution mondiale explique en partie l’attitude des bolcheviques mais n’explique pas pourquoi les soviets se sont retournés contre le parti: s’ils ne s’étaient pas révoltés, la question ne se serait même pas posée. Comme je le défends, ainsi qu’Underthegun, on voit très nettement, que ce soit dans les revendications du soviet de Cronstadt (“tout le pouvoir au soviet”), mais aussi dans les vagues de grèves qui avaient gagné Moscou ou Petrograd (3 régions à l’avant-garde de l’insurrection d’Octobre, soit dit en passant), qu’un fossé s’est creusé entre le parti et la classe ouvrière. Voici un message radio destiné “aux ouvriers du monde entier” enregistré le 6.03.1921: “Nous sommes partisans du pouvoir des soviets, non des partis. Nous sommes pour l’élection libre de représentants des masses travailleuses. Les soviets fantoches manipulés par le Parti communiste ont toujours été sourds à nos besoins et à nos revendications; nous n’avons reçu qu’une réponse: la mitraille [...]. Camarades! Non seulement ils vous trompent, mais ils travestissent délibérément la vérité et nous diffament de la façon la plus méprisable [...]. À Cronstadt, tout le pouvoir est exclusivement entre les mains des marins, soldats et ouvriers révolutionnaires [...]. Vive le prolétariat et la paysannerie révolutionnaire! Vive le pouvoir des soviets librement élus!”. Que l’on soit d’accord ou pas avec ces revendications, il est incontestable que les soviets s’opposent directement au parti qu’il voit désormais comme un ennemi. Pour ma part, je pense que l’assimilation du parti dans l’Etat, organe par nature réactionnaire et conservateur, a entraîné les bolcheviques à s’éloigner de la classe. Finalement, c’est l’isolement dans l’isolement. Le parti fut à la fois juge et parti et ne pouvait donc comprendre la révolte de leur camarade des soviets. Underthegun écrit très justement: “le “gouvernement bolchevique” mais c’est bien là le problème de cette révolution isolée, assiégée de toutes parts. L’urgence de la situation, les dangers multiples, ont amené les bolcheviks dès 1918 avec Brestlitovsk à assurer l’exercice du pouvoir. Or […] la dictature du prolétariat n’est pas la dictature du parti.”. Si le parti ne représente pas les intérêts d’un soviet ou d’une partie de la classe ouvrière, il doit défendre les intérêts du prolétariat mondial, et c’est justement parce que le parti était confondu dans l’Etat qu’il a manqué de clairvoyance pour donner des orientations issues du mouvement ouvrier mondial. Pris au piège de perspective immédiate liée à l’organisation de la révolution il a perdu de vue le but final: la libération de l’humanité. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’une erreur de parcours mais bien de comprendre que la dictature du prolétariat doit être exercée par les soviets et ce au sein d’une révolution mondiale. Voici ici présentées les causes matérielles et objectives de ce crime fratricide mais il est clair que contrairement à ce que pensent Prodigy, Jeannotrouge et Mouhamed, les conditions matérielles ainsi évoquées ne sont pas complètes si elles n’intègrent pas la dimension éthique.

La question: “a-t-on le droit de dresser un bilan moral de ce drame?” a été longuement débattue

Underthegun insiste beaucoup sur le fait qu’il n’y a pas de déterminisme et que parmi les révolutionnaires au sein du parti, certains, dans des conditions identiques d’urgence, ont fait le choix de défendre leur frère à Cronstadt. Les Lénine et Trotski avaient le choix et ils ont fait celui de massacrer leurs camarades. A mon sens, la question mérite d’être posée mais les camarades Mouhamed et Prodigy objecteront dans leurs interventions: qu’“une analyse marxiste ne consiste pas à faire un bilan moral ; mais faire un bilan objectif et matérialiste. Il ne s’agit pas de condamner, de dire que c’est immoral ou pas. Il s’agit de tirer les enseignements sans sentiments humanistes.”. Bilan moral et analyse contextuelle ne s’opposent pas mais se complètent. La morale n’est pas la morale manichéenne bourgeoise, c’est le fruit d’une longue évolution tout droit issu du fait que l’homme a sélectionné la civilisation et s’exprime dans la préservation de l’espèce par la solidarité: elle est, donc, inhérente aux conditions matérielles. Le Parti bolchevique a dégénéré et s’est trouvé dans des situations inédites pour lesquelles il n’y a pas de recette. Alors, oui, il a choisi la voie qui le mènera à sa perte et, non, l’écrasement de Cronstadt n’allait pas dans le sens de la révolution. Pouvait-il faire autrement? Peut-être. Aurait-il dû le faire? C’est une certitude! Pourquoi certains ont ordonné ce massacre et d’autres s’y sont opposés? Simplement parce que face à une même situation la conscience n’est pas homogène, le lien entre conscience et conditions matérielles n’est pas mécanique. C’est pourquoi nous ne devons pas jeter sur la répression de Cronstadt le regard d’une morale sans faille forgée durant 9 décennies de luttes prolétariennes. Les révolutionnaires seront face à des choix tout aussi essentiels dans les luttes futures et Cronstadt est un “sombre trésor d’enseignements” car elle apporte avec son lot de malheur une leçon essentielle: “pas de violence au sein de la classe ouvrière!”. Si la fin ne justifie pas les moyens, elle les détermine!

Nous n’avons pu débattre de cette question sans clarifier nos positions sur le marxisme mais aussi sur le trotskisme et l’anarchisme. Venez nous rejoindre dans ce débat passionnant! Le débat fraternel est notre meilleure arme face à l’idéologie bourgeoise.

Fraternellement, Youhou

 

1) C'est pourquoi nous ne répondons pas ici à la camarade Youhou. Non seulement nous partageons l'essentiel de son analyse mais le débat peut et doit se poursuivre. Pour connaître néanmoins la position du CCI sur cet événement tragique, nous renvoyons nos lecteurs à deux de nos articles:

a) "La répression de Cronstadt en mars 1921: une erreur tragique du mouvement ouvrier [15]"

b) "1921: comprendre Cronstadt [16]", Revue internationale n° 104.

Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [17]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La vague révolutionnaire, 1917-1923 [18]

Internationalisme no 351 - 3e trimestre 2011

  • 1169 lectures
[19]

Face aux conséquences de la crise mondiale, une seule classe, un même combat !

L’Organisation des Nations Unies vient de tirer la sonnette d’alarme. Son département des Affaires économiques et sociales a intitulé son dernier rapport publié fin juin “La crise sociale globale”! Les médias ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, tous y ont vu un clair avertissement pour les bourgeoisies du monde entier: face aux différents plans d’austérité et aux effets dévastateurs de la crise économique mondiale, le risque grandit de voir partout apparaître une montée de la combativité ouvrière.

 Dans tous les pays, la classe ouvrière retrouve le chemin de la lutte

Ces derniers mois ont été marqués par une actualité sociale internationale brûlante. En fait, les luttes sociales donnent l’impression de se répondre les unes aux autres, de se faire écho d’un pays à l’autre.

Durant l’automne 2010, le prolétariat vivant en France s’est mobilisé par centaines de milliers à de multiples reprises, dans d’immenses manifestations, pour protester contre une énième attaque du régime de retraite. Le fait le plus significatif de ce mouvement fut sans nul doute l’apparition, certes très minoritaire, d’assemblées spontanées et autonomes, hors de tout contrôle syndical. Qu’elles se nomment assemblées “interprofes-sionnelles”, “autonomes” ou “populaires”, elles ont chaque fois permis à quelques dizaines de travailleurs, chômeurs, étudiants, précaires et retraités de se regrouper et discuter pour se battre ensemble, collectivement. Ils ont ainsi tenté de prendre l’organisation de la lutte entre leurs propres mains. L’un des slogans les plus forts de ce mouvement et initié par la CNT-AIT à Toulouse a été?: “Libérons la parole!”.

A peine quelques semaines plus tard, c’est au tour de la jeunesse vivant en Angleterre de faire parler d’elle. Refusant une nouvelle augmentation du coût des inscriptions aux universités, ces jeunes – qui sont largement précarisés et très souvent endettés pour plusieurs années – ont rompu l’atonie sociale qui prévalait depuis les années de plomb de l’ère Thatcher. Dans les années 1980, cette “Dame de fer” de la bourgeoisie anglaise avait réussi, en effet, à briser moralement le prolétariat alors le plus combatif d’Europe, avec la défaite de la grève des mineurs. Le début du retour à la lutte de classe dans ce pays est donc un signe particu-lièrement prometteur pour le futur.

Et depuis le début de l’année 2011, les exploités ont encore fait un pas supplémentaire sur le chemin de la lutte contre le développement de la misère.

En Tunisie et en Égypte, face aux conditions de vie insupportables liées à la dégradation de la situation économique, mais aussi contre la répression et l’absence de toute liberté d’expression, de larges couches de la population se sont dressées contre les pouvoirs en place. En quelques semaines, le “Printemps arabe” et la “place Trahir” sont devenus les symboles du courage des masses face aux puissants et à la répression sanglante. Évidemment, ces “révoltes” ont été aussi marquées par d’importantes faiblesses. La lutte ne s’est pas réellement organisée collectivement au sein de ces immenses rassemble-ments sur les grandes places des villes; par exemple, à notre connaissance, il n’y a eu que très peu de réels débats collectifs en assemblées. Mais surtout, la colère s’est chaque fois focalisée sur un gouvernant, le dictateur en place (ou sur sa famille et son clan). “Ben Ali dégage!” et “Moubarak dégage!” étaient les slogans les plus populaires: il y avait là, indiscutablement, le faux espoir d’établir un nouveau régime plus humain car plus “démocratique”. Enfin, allant de pair avec cette illusion démocratique, le nationalisme a lui aussi marqué de son empreinte le “Printemps arabe”; les drapeaux nationaux ont envahi tous les lieux de rassemblement. L’ensemble de ces faiblesses est lié à la faiblesse du prolétariat dans cette région du monde; celui-ci est très combatif et courageux mais aussi très peu expérimenté. Il n’a pas été confronté, comme les travailleurs d’Europe occidentale, à des décennies de mensonges “démocratiques”, de réformes “démocratiques”, de sabotages syndicaux “démocratiques”…

Cela dit, bien plus que “la pression populaire” en général, ce sont surtout les grèves ouvrières qui ont réellement fait trembler les pouvoirs tunisien et égyptien, mais aussi américain et européen, et qui ont poussé la bourgeoisie à mettre hors circuit Moubarak et Ben Ali. Toutes les grandes bourgeoisies ont senti qu’il leur fallait éviter qu’une grève générale n’embrase totalement les grands centres industriels.

C’est d’ailleurs ce rôle, secondaire numériquement mais déterminant politiquement, que n’a pas pu jouer le prolétariat en Libye, au Yémen et en Syrie. Ici, sa quasi-inexistence n’a pu lui permettre d’empêcher le poison nationaliste de couler à flots dans les veines des “opposants” et de se répandre dans l’ensemble du mouvement, pour finalement tuer toute possibilité d’une lutte des exploités sur leur terrain de classe. Dans ces trois pays, les populations ont été enrôlées dans une guerre de cliques bourgeoises; elles n’ont là rien à y gagner et n’ont que la vie à y perdre! (1). Le “Printemps arabe” lègue donc à la classe ouvrière internationale trois leçons fondamentales:

– face au développement de la misère et à la répression sanglante, il n’y a pas d’autre choix que de relever la tête pour se battre dans la dignité. Comme le scandaient les manifestants sur la place Trahir “Maintenant, nous n’avons plus peur!”;

– la rue appartient aux exploités!;

– la force d’un mouvement de lutte contre la misère et la barbarie capitalistes dépend de la capacité de la classe ouvrière à s’organiser, à ne pas se laisser diluer dans la contestation interclassiste et à entraîner derrière ses propres mots d’ordre les autres exploités (et non le contraire).

C’est justement sur ces trois enseignements que s’est développé le “mouvement des Indignés” en Espagne.

Depuis trois ans, la crise économique frappe de plein fouet la péninsule Ibérique. Les plans d’austérité s’y succèdent les uns aux autres, engendrant une misère sans nom, et comme partout ailleurs les syndicats ne font qu’organiser des “manifestations-balades”, simulacre de lutte, pour encadrer et endiguer la colère. Mois après mois se rejoue depuis 2008 cette même scène sinistre d’un cortège de manifestants se rendant d’un point A à un point B, mobilisés pour une “journée d’action syndicale”, et rentrants chez eux démoralisés, avec un profond sentiment d’impuissance. Mais le courage et la combativité des exploités qui ont bravé la plus terrible des répressions en Tunisie et en Égypte ont allumé une flamme dans les yeux des jeunes travailleurs, chômeurs et précaires d’Espagne. Ceux que l’on appelle la “génération 600 euros” se sont inspirés des combats de leurs frères exploités de l’autre côté de la Méditerranée. Ils se sont, à leur tour, regroupés massivement sur les grandes places de plus de 70 villes du pays, notamment à Madrid et à Barcelone, pour prendre à leur tour l’organisation de la lutte entre leurs mains. “De la place Trahir à la Puerta del Sol” ou “Nous non plus, nous n’avons plus peur!”, sont autant de slogans qui témoignent de l’impact du “Printemps arabe”. Mais ces jeunes Indignés ont porté beaucoup plus loin le flambeau de la lutte.

Ils ont su organiser de grands débats collectifs à travers une multitude d’assemblées (assemblées générales ou populaires, assemblées de commissions et de quartiers…). Ils ont rejeté explicitement tous les grands partis bourgeois, de droite comme de gauche, ainsi que les centrales syndicales. Il faut dire que la présence à la tête de ce pays d’un gouvernement “socialiste” qui attaque sans relâche et férocement les conditions de vie, et la “trahison” quotidienne des syndicats pour accompagner ces attaques, ont permis une très large et profonde réflexion dans les rangs des exploités sur la véritable nature de ces officines.

Évidemment, ce mouvement a lui aussi présenté des faiblesses. En particulier, l’idéologie “alter-mondialiste”, préconisée par ATTAC et Democracia Real Ya, a désarmé en partie ce mouvement en transformant le slogan “Ni partis ni syndicats” en rejet de la “politique”. Cet “apolitisme” a permis en fait à toutes les fractions classiques de la gauche (socialistes, trotskistes, alter-mondialistes…) d’infiltrer le mouvement, de noyauter les AG et les commissions pour mieux empêcher toute possibilité d’extension massive du mouvement à l’ensemble de la classe ouvrière. Ils ont ainsi pu imposer à tous, à nouveau, leur idéologie démocratiste et réformiste (2).

Néanmoins, ce mouvement des Indignés est riche de promesses pour les luttes futures. Il est par exemple parvenu à gagner la sympathie et la solidarité des travailleurs: dans de nombreuses entreprises d’Espagne ont éclaté des grèves, des assemblées générales avec débat ont été organisées sur les places occupées par les jeunes Indignés. Et cet élan a largement dépassé les frontières. En France, en Belgique, au Mexique, au Portugal, en Chine, en Allemagne, aux États-Unis et surtout en Grèce (3), il y a eu aussi et il y a encore des assemblées régulières, bien plus minoritaires, où s’affirment la solidarité avec les Indignés et la volonté d’organiser la lutte. Au Portugal, on a pu lire des pancartes telles que “Espagne, Grèce, Irlande, Portugal?: notre lutte est internationale” (4). Mais c’est encore une fois en Espagne que la maturation de la conscience de classe a été la plus évidente. A Valence, on a pu entendre le slogan: “Ce mouvement n’a pas de frontières!”. Dans plusieurs campements ont été organisées des manifestations “pour la Révolution européenne”. Le 15 juin, il y a eu des démonstrations de soutien aux luttes en Grèce. Le 19 juin sont apparus, minoritaires, des slogans internationalistes comme “Joyeuse union mondiale” ou, en anglais, “World Revolution” (révolution mondiale). Sur la place de Catalogne à Barcelone, on a pu lire sur une pancarte le slogan: “Capitalisme, dégage!” ou encore?: “Dictature et démocratie sont les deux faces de la même médaille. Tous les États sont des assassins!”, etc. A Tarrasa (ville ouvrière de la banlieue de Barcelone), des jeunes ont affirmé, dans une assemblée générale des commissions: “Nous ne luttons pas pour la victoire immédiate, mais pour préparer le futur”.

Il s’agit là d’une avancée très importante. Évidemment, cette prise de conscience que les exploités du monde entier rament en fait dans la même galère, qu’ils sont tous marqués au fer rouge de la même exploitation capitaliste, que sans une lutte mondiale du prolétariat, nul salut… tout cela n’est pas encore partagé par tous les prolétaires et dans tous les pays. En Grèce par exemple, le mouvement est sur ce point largement en retard par rapport au mouvement des Indignés d’Espagne: les drapeaux nationaux grecs, les slogans nationalistes et anti-allemands qui jalonnent les manifestations à Athènes en témoignent. Mais de manière générale, le sentiment internationaliste avance lentement, mais sûrement, dans les têtes des exploités. Pendant des années, ce qu’on a appelé la “mondialisation de l’économie” servait à la bourgeoisie de gauche à susciter des réflexes nationalistes, ses discours consistant à revendiquer, face aux “marchés apatrides”, la “souveraineté nationale”. Autrement dit, il était proposé aux ouvriers d’être encore plus nationalistes que les bourgeois eux-mêmes! Avec le développement de la crise, mais aussi grâce à la popularisation d’Internet, des réseaux sociaux, etc., la jeunesse prolétarienne commence à renverser les choses. Il émerge un sentiment selon lequel, face à la globalisation de l’économie, il faut répondre par la “globalisation” internationale des luttes. Face à une crise économique et à une misère mondiales, la seule riposte possible est la lutte mondiale!

 La responsabilité du prolétariat des pays d’Europe occidentale (5)

 Jusqu’à présent, c’est donc le prolétariat d’Espagne qui a porté le plus loin les méthodes et les revendications qui vont nous permettre à l’avenir de nous unir dans la lutte en tant que classe, de nous organiser collectivement et de construire peu à peu un rapport de force en notre faveur. Et ce n’est pas là un hasard. L’Espagne est un pays touché brutalement par la crise économique mais, surtout, il est un pays démocratique d’Europe occidentale. Les prolétaires d’Espagne font partie des bataillons les plus expérimentés par des décennies de luttes, de victoires, de défaites et d’amères expériences. C’est dans les pays centraux d’Europe occidentale que la classe ouvrière est confrontée aux pièges démocratiques les plus sophistiqués. C’est dans cette région du monde (et notamment dans l’espace Schengen), composée d’une mosaïque d’États nationaux, que la question de l’internationalisme se pose de façon plus évidente. C’est sur le vieux continent européen, là où le capitalisme est né et où la bourgeoisie est la plus forte et la plus expérimentée sur le plan idéologique, que la classe exploitée pourra ouvrir une perspective et donner le signal de la révolution prolétarienne mondiale.

Cela ne veut pas dire que les combats prolétariens dans les autres parties du monde ne peuvent à leur tour rien apporter aux prolétaires d’Europe occidentale, loin de là! La classe ouvrière est une classe internationale, la lutte de classe existe partout où se font face prolétaires et capital. Les enseignements de toutes les luttes sont valables pour l’ensemble du prolétariat mondial quel que soit le lieu où elles éclatent. En particulier, l’expérience des luttes dans les pays de la périphérie influencera de plus en plus la lutte des pays centraux, comme on l’a vu en Tunisie et en Égypte. La détermination, le courage exemplaire et la massivité de la révolte des exploités de Tunisie et d’Égypte ont constitué un encouragement pour les luttes des exploités en Espagne comme dans tous les pays (par exemple en Grande-Bretagne).

Mais le prolétariat vivant en Europe occidentale a une responsabilité particulière. Ses 200 ans d’expérience doivent lui permettre de tracer le chemin vers la révolution pour tous les exploités du monde. Il doit parvenir, comme il commence timidement à le faire, à mettre en avant les méthodes de luttes qui, seules, peuvent permettre à toute la classe ouvrière de s’organiser collectivement, de prendre en main sa propre destinée. Et il doit surtout dévoiler à ses frères de classe des pays périphériques le vrai visage de la démocratie bourgeoise en déjouant ses pièges les plus dangereux et sophistiqués: les illusions démocratiques, réformistes, électoralistes, syndicales…

Ce n’est nullement là une vision “euro-centriste”. Le monde bourgeois s’est développé à partir de l’Europe, il y a développé le plus vieux prolétariat, qui de ce fait a été doté de l’expérience la plus grande. C’est le monde bourgeois qui a concentré sur un petit espace de terre autant de nations avancées, ce qui facilite d’autant l’épanouissement d’un internationalisme pratique, la jonction des luttes prolétariennes de différents pays…

Le cœur du monde capitaliste, l’histoire l’a situé depuis des siècles en Europe occidentale. C’est là où le capitalisme a fait ses premiers pas et c’est là que la révolution mondiale prolétarienne fera les siens.

 

Ces derniers mois de lutte, de l’Afrique du Nord à l’Europe occidentale, en passant par la Chine et les États-Unis, ont confirmé une nouvelle fois que le prolétariat est une seule et même classe sur toute la planète, qu’il mène le même combat pour l’émancipation de toute l’humanité dans tous les pays, sans distinction de race, de nationalité ou de religion. Comme l’écrivait déjà Engels en 1847 dans ses Principes du communisme: “La grande industrie, en créant le marché mondial, a déjà rapproché si étroitement les uns des autres les peuples de la terre, et notamment les plus civilisés, que chaque peuple dépend de ce qui se passe chez les autres. Elle a, en outre, uniformisé dans tous les pays civilisés le développement social à tel point que, dans tous ces pays, la bourgeoisie et le prolétariat sont devenus les deux classes décisives de la société, et que la lutte entre ces deux classes est devenue la principale lutte de notre époque. La révolution communiste, par conséquent, ne sera pas une révolution purement nationale; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés, c’est à dire tout au moins en Angleterre, en Amérique, en France et en Allemagne. (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle; elle aura par conséquent, un terrain universel.” 

 Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!

Pawel /1.07.2011

 

(1) Lire notre article sur la Syrie au sein de ce même journal,

(2) Lire notre article concernant le piège de l’apolitisme, publié au sein de ce même journal,

(3) De nombreux articles au sein de ce journal ou sur notre site Internet détaillent les différentes luttes qui ont animé les exploités de ces différents pays ces derniers mois.

(4) Éléments repris du site espagnol https://www.kaosenlared.net/ [20]
(5) De très larges extraits de cette partie sont repris de notre article “Le prolétariat d’Europe occidentale au centre de la généralisation de la lutte de classe” qui date de 1982. Celui-ci, à notre sens, n’a rien perdu de sa force et de son actualité et nous en conseillons évidemment vivement sa lecture (article disponible sur notre site Internet).

Avec les mêmes mesures d'austérité qu'ailleurs, la Belgique n'a jamais été une exception

  • 1918 lectures

Enfin …… la Belgique aura son gouvernement. Huit différents partis ont pris leur responsabilité. Les "séparatistes" sont temporairement mis de côté pour pouvoir exécuter "dans l’union" un plan d’austérité solide. Après le record mondial en exercice comme premier d’un "gouvernement d’affaires courantes", Leterme pourra largement profiter d’un petit job bien payé par une institution internationale. Est-ce un retour vers une situation normale dans une Europe où les cours de la bourse oscillent? Qui peut maintenant pousser un soupir de soulagement: les politiciens ou la classe ouvrière?

Selon les nouvelles économiques, l’économie belge a connu une relative bonne période: maintenant cela ne peut que davantage s’améliorer. La situation économique était relativement stable. Au niveau social, c’était tranquille. La population s’est conduite calmement. Seuls les politiciens ont longtemps adopté une attitude irresponsable. Maintenant qu’eux aussi en sont arrivés à l’idée qu’une telle situation ne peut plus durer, la situation ne peut qu’aller mieux.

Est-ce effectivement ainsi? Ou veulent-ils simplement nous le faire croire? Bien qu’ un certain nombre d’affirmations mentionnées ci-dessus sont correctes, la situation économique belge jusqu’ici ne s’est pas détériorée seulement par le fait qu’elle pouvait parasiter l’économie d’un certain nombre de ses pays voisins.

Depuis des mois (en réalité depuis 2008 déjà), la Belgique a nouveau été confrontée à tout un "battage communautaire, nationaliste, (sous)-nationaliste, les chamailleries entre partis pour diviser les ouvriers, dévier leur attention, obstruer la conscience qu’ils font partie de la classe qu’on exploite au niveau international… " (….) "Et tout comme les gouvernements de tous les pays, l’ensemble des partis

Belges, unitaires ou régionalistes appellent les travailleurs à être "solidaires", c’est-à-dire à se serrer la ceinture, à accepter des sacrifices pour garantir le niveau concurrentiel du capital national." (Le problème n’est pas la crise de gouvernement, mais la crise du système capitaliste ; Internationalisme 349).

Mais, tandis que le système capitaliste plonge dans une crise économique mondiale de plus en plus effroyable, la Belgique a été toujours présentée comme une exception en Europe: 

- un Etat relativement épargné par la crise et l’austérité;

- un Etat où le problème essentiel n’était pas la question sociale, les luttes contre les licenciements et l’austérité, "l’indignation" des jeunes générations contre le manque de perspectives, mais la question de la scission d’un arrondissement électoral et les tensions communautaires entre Wallons "profiteurs’ et flamands "arrogants".

Mais contrairement à ce que prétendent les groupes gauchistes, ces "spécificités nationales", auxquelles font parfois aussi référence les gauchistes, sont un leurre. Plus spécifiquement en ce qui concerne la Belgique, c’est de point de vue de la classe ouvrière important á

a) dénoncer l’incroyable mystification à propos de la "spécificité belge" que la bourgeoisie a diffusée et diffuse dans la population en général et au sein de la classe ouvrière en particulier;

b) expliquer comment cette mystification a été rendue crédible ;

c) mettre en garde les travailleurs, les chômeurs et les jeunes contre la nouvelle vague d’austérité qui se prépare à court terme.

1. La mystification sur la bonne santé de l’économie Belge a été entretenue par l’ensemble des partis politiques qui affirment que "la Belgique résiste mieux à la crise", mais aussi par le gouvernement "démissionnaire" Leterme qui affirme que "le gouvernement a tout sous contrôle" et qu’il gère le pays "en bon père de famille". Cette mystification a largement pris eau cet été: la crise de la dette souveraine des Etats et la pression sur les obligations d’Etat en Europe, la crise de l’euro, la pression sur les banques et la bourse touchent tous les Etats d’Europe, y compris la Belgique.

- La pression devient de plus en plus importante sur les banques et sociétés d’assurance Belges et sur celles liées aux banques Françaises (Dexia, Kredietbank, Ethias, BNP Paribas Fortis, ...).

- La pression croît également sur la dette de la Belgique (ampleur de la dette et coût de l’argent emprunté).

- De nouveaux soubresauts économiques menacent, avec le ralentissement de la production en Allemagne, le premier partenaire économique de la Belgique et la crise bancaire aiguë qui touche la France.

- Enfin, l’instabilité de la gouvernance en Belgique est un facteur important de déstabilisation à l’époque actuelle.

 La brouillard nationaliste et sous-nationaliste est particulièrement intense en Belgique pour cacher la réalité de la crise et les enjeux qu’elle pose et ce serait une illusion de penser que la bourgeoisie s’attachera à le dissiper dans la période actuelle. D’ailleurs, ici aussi, il est erroné de voir un tel battage (sous-)nationaliste comme une "exception Belge". Avec l’approfondissement de la crise, en particulier en Europe, ce type de campagne s’accentue partout: en Allemagne, il y a la campagne contre "les Grecs menteurs et voleurs", en Hollande, c’est un sentiment anti-Européen qui est exacerbé sous la poussée du populiste Wilders, en Italie ou en Espagne, les régions riches (l’Italie du Nord, la Catalogne) veulent larguer les parties plus pauvres, ces "gouffres à subsides".

Ainsi, au-delà de ses spécificités, l’exacerbation des campagnes (sous-)nationalistes en Belgique, elle aussi, s’inscrit dans un cadre général marqué par l’enrayement croissant des mécanismes du capitalisme mondial. En effet, l’exacerbation des tensions au sein de la bourgeoisie américaine, au début d’août, sur les mesures budgétaires à prendre (réduire les dépenses ou stimuler la consommation) souligne bien que, sans nier les spécificités de l’Etat et de la bourgeoisie Belge, cette exacerbation des tensions entre fractions bourgeoises est une réalité internationale. Et elle exprime (de manière variable bien sûr selon les pays) avant tout la pression croissante de la crise historique du capitalisme sur la cohésion de l’ensemble des bourgeoisies de la planète.

2. Qu’est-ce qui a permis cette illusion d’une "Belgique qui échappe à la crise", qu’est-ce qui a pu lui donner un semblant de vérité ? En réalité, trois facteurs l’ont favorisé:

- la forte reprise de l’économie allemande après 2008 lui a attribué pour un temps le rôle de locomotive de l’économie mondiale. Or, ce pays est le premier partenaire économique de la Belgique, et, en conséquence, cette dernière en a aussi bénéficié. Entre 2008 et 2011 l’économie Belge était pour 65% dépendante de deux pays voisins (1): La France et l’Allemagne. Elle a donc pu "parasiter’ pendant quelques années sur les mesures de ces deux pays, en profitant du plan de relance de la France et de la croissance Allemande.

- la gestion des affaires s’est poursuivie. D’une part, le gouvernement fédéral étant en "affaires courantes’ depuis en gros 2008, la bourgeoisie a pu éviter la pression sur le budget des dépenses "partisanes’ classiques imposées par les partis gouvernementaux pour satisfaire leur électorat classique. D’autre part, les gouvernements régionaux, non démissionnaires, sont responsables de larges domaines de la gestion étatique, comme l’enseignement, la santé publique, l’écologie et la culture, et ont donc pu pleinement prendre les mesures d’austérité qui s’imposent dans ces domaines.

- mais le plus important, c’est que toute une série de mesures cadres pour imposer l’austérité ont été prises en douce, d’abord un premier plan d’austérité, concocté par Van Rompuy en 2009 et engagé depuis déjà deux ans: passer d’un déficit budgétaire de 6% en 2009 à 0% en 2015, soit 22 milliards d’euros d’économies en 2011. Mais ensuite aussi d’autres mesures, telles l’imposition d’un blocage des salaires strict pour 2011 et 2012 - comme en ont fait l’expérience les travailleurs du secteur des cimenteries- ou le non remplacement des fonctionnaires par gouvernement "d’affaires courantes" de Leterme.

3. Aujourd’hui, des attaques sans merci contre les conditions de vie de la classe ouvrière se préparent, à l’instar de ce qui se fait dans les autres pays d’Europe. Les mesures prises dans des pays comme la Hollande, la France, l’Italie ou l’Espagne donnent le cadre général et annoncent les mesures supplémentaires qui seront prises en Belgique. Les attaques prendront une double forme :

a. des mesures d’attaques globales contre l’ensemble de la classe ouvrière, en dessus des mesures déjà prises dans le cadre du plan "pluriannuel" 2010-2015 de Van Rompuy, justifiées à partir de la défense de l’Europe et de l’euro contre la crise mondiale (cf. les différentes mesures proposées par le formateur E. Di Rupo):

- réduction budgétaires dans les soins de santé, menaçant la qualité des soins aux patients;

- réduction et même suppression des allocations pour les chômeurs de longue durée, y compris chefs de famille et sans cohabitant + sanctions renforcées contre les chômeurs, suppression de l’allocation d’attente pour les jeunes;

- limitation du droit au crédit d’heures et à la pause carrière;

- suppression de la prise en compte des périodes de chômage, de retraite anticipée et de crédit d’heures pour la retraite;

- la limitation de l’accès à la retraite anticipée, sans même attendre l’évaluation des résultats du Pacte des générations par les partenaires sociaux;

- la limitation du départ à la retraite à 60 ans;

-une attaque contre les retraites des fonctionnaires.?  

L’accroissement de la pression sur les banques (cfr Dexia) et sur la dette de l’Etat imposera des mesures supplémentaires (impôts nouveaux et/ ou restrictions budgétaires plus drastiques) pour renflouer les banques ou pour supporter le coût de la dette.

b. l’exacerbation de la concurrence entre les régions, au nom d’une régionalisation plus poussée.

Cette dernière dynamique mènera à l’exploitation des tensions communautaires sur le plan économique à travers l’organisation d’une concurrence interne entre régions: fiscalité différenciée entre régions pour "attirer les entreprises", financement des régions partiellement lié à l’atteinte de critères de rentabilité et d’efficacité (exemple le budget pour les allocations chômage sera lié à l’efficacité de la politique de "mise au travail" des chômeurs). La concurrence et la course à la performance entre les régions impliqueront une pression accrue sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.

 4. Pour la classe ouvrière en Belgique, la situation ces dernières années a été difficile et cela va encore rester difficile pendant une certaine période: les campagnes et les divisions qu’on fait avaler restent intenses. La classe ouvrière ne sera pas seulement confrontée à une perduration des campagnes de division mais aussi dans un premier temps, par la mise en place du nouveau gouvernement, à son propre soulagement du fait que les affaires au niveau de la gestion de l’Etat belge sont enfin réglées.

Toutefois, les éléments avancés dans cet article démontrent bien que le décalage avec la situation sociale dans les autres pays d’Europe est plus une question de perception et de prise de conscience qu’une réalité objective: la réalité économique et sociale en Belgique est complètement similaire à celles de pays comme la France ou les Pays-Bas.

Aussi, la situation sociale peut évoluer très vite, comme l’ont illustré le "printemps arabe’ et les événements en Espagne ou en Angleterre. Bien qu´une hésitation dans le premier temps est plus que probable; très vite la classe ouvrière en Belgique peut retrouver le chemin de la lutte. Et une fois en mouvement, elle peut très bien réagir avec encore beaucoup plus de combativité et de détermination qu’ailleurs. Sur ce plan-là aussi, contrairement aux campagnes de la bourgeoisie, la Belgique n’est pas une exception n

Ricardo / 29.09.2011

 

(1) www.ing.be/xpedio/groups/internet/ [21]@public/@bbl/@publications/documents/portalcontent/502395_nl.pdf.

 

Situations territoriales: 

  • Situation économique en Belgique [22]

Rubrique: 

Belgique

Débat ouvert entre internationalistes sur la nature de classe de la Révolution russe

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"Ces dernières années, les communistes de gauche du Courant Communiste International (CCI) ont beaucoup écrit sur l’anarchisme. Nous nous concentrons ici sur le courant dont fait partie aussi De Vrije Communist: l’anarchisme internationaliste.

"Il apparaît clairement que l’anarchisme constitue un lieu où s’affrontent des positions ouvertement bourgeoises et nationalistes et des positions prolétariennes internationalistes." (Les anarchistes et la guerre (4e partie), L’internationalisme, une question cruciale).

Le CCI a écrit deux séries d’articles sur l’anarchisme. La première série traitait de l’anarchisme et la guerre. La deuxième série portait sur la Gauche Communiste et l’anarchisme internationaliste. Le CCI fait une distinction entre les différents courants anarchistes.

A juste titre, le CCI pointe les convergences avec l’anarchisme internationaliste. Il s’agit essentiellement de deux terrains de convergence: le rejet des élections et celui de la guerre. En effet, les anarchistes internationalistes ne prennent pas position en faveur de l’un ou l’autre camp de la classe dominante.

Le CCI énumère aussi les différences les plus importantes entre le CCI et l’anarchisme internationaliste: le CCI est centraliste, matérialiste, pour une période de transition de l’Etat et pour la prise de pouvoir de Lénine en Russie en octobre 1917. L’anarchisme internationaliste est fédéraliste (pour une organisation partant de la base), idéaliste, pour une suppression immédiate de l’Etat et contre la prise de pouvoir de Lénine en Russie en octobre 1917.

Les anarchistes internationalistes ont une tout autre forme d’organisation que les communistes de gauche. Et les anarchistes internationalistes rejettent toute survie "momentanée" de la dictature pendant une soi-disant période de transition. Cela ne pourrait pas mener vers une autre société. On ne se défait plus d’une telle dictature "momentanée". Les nombreuses dictatures marxistes du vingtième siècle l’ont amplement démontré.

Une autre différence entre les communistes de gauche et les anarchistes internationalistes est peut-être aussi que les anarchistes internationalistes ont un terrain d’intérêt plus large et se consacrent plus souvent à des sujets qui ne sont pas complètement réductibles à la lutte de classe.

Les communistes de gauche veulent engager la discussion avec les anarchistes internationalistes et collaborer avec eux. Entre temps, aux Pays-Bas, on a vu un début d’une telle collaboration. Les Kritische Studenten Utrecht (KSU)[Etudiants critiques d’Utrecht], le Anarcho-Syndicalistische Bond (ASB)[La ligue Anarcho-Syndicaliste] et le Courant Communiste International (CCI) ont fait une déclaration commune sur les actions contre les coupes salariales chez le Viva ! Zorggroep [Groupe de soignants Viva]."

De Vrije Communist

 

(1)De Vrije Communist, à commander chez "Woorden van Rebellen", Amsterdam, n° du compte 87.12.25.115.

 


 

 

Nous saluons la publication de l’article ci-dessus dans le Vrije Communist. Il constitue une contribution sérieuse au développement du débat entre organisations qui se situent sur le caractère internationaliste de la lutte et qui réfutent la voie parlementaire de réforme durable, fondamentale à l’intérieur du capitalisme comme une illusion. Car au-delà de nos divergences, parfois importantes, nous partageons en effet des positions révolutionnaires essentielles: l’internationalisme, le rejet de toute collaboration et de tout compromis avec des forces politiques bourgeoises, la défense de “la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes”. Mais comme nous l’avons exprimé dans la série d’articles dans la presse, il existe aujourd’hui encore, de part et d’autre certaines craintes à débattre et à collaborer. Pour dépasser ces difficultés, il faut être persuadé d’appartenir bel et bien au même camp, celui de la révolution et du prolétariat, malgré les divergences. Mais cela ne peut suffire. Nous devons aussi faire un effort conscient pour cultiver la qualité de nos débats. Et l’article dans le Vrije Communist en est un bon exemple. (2)

L’article pose effectivement de façon claire, et selon nous c’est aujourd’hui de loin le plus important, que la Gauche communiste et l’anarchisme internationaliste aient une base commune. L’article développe également quelques points de divergence. Nous espérons que notre réaction peut contribuer au prolongement d’une discussion fructueuse entre anarchistes internationalistes et communistes de gauche où que ce soit. Ceci malgré le fait, et nous en sommes pleinement conscients, que les premiers ont une toute autre conception de l’Etat de transition, de la révolution Russe et sur d’autres points.

Avec cette courte réaction nous aimerions déjà aborder quelques points concernant les divergences mentionnées.

Est-ce que la Gauche communiste est, comme le dit le texte ci-dessus: " pour la prise de pouvoir de Lénine en Russie en octobre 1917" ? ou encore "Et les anarchistes internationalistes rejettent toute survie "momentanée" de la dictature pendant une soi-disant période de transition. Cela ne pourrait pas mener vers une autre société. On ne se défait plus d’une telle dictature "momentanée ". Les nombreuses dictatures marxistes du vingtième siècle l’ont amplement démontré."

Nous comprenons très bien que c’est le point de divergence qui est développé en premier lieu dans le texte. Si nous relisons le " jeune " Marx d’avant la Commune de Paris, le social-démocrate Kautsky ou même divers écrits de Lénine ou Trotski, alors il y a matière à douter de la validité de certaines positions marxistes. En vue d’approfondissements complémentaires de ces questions, il est justement important de savoir de quel type d’expérience il s’agit. La Révolution russe a t’elle été une révolution ouvrière? Ou bien a t’elle été un coup d’Etat, fomenté par un parti bourgeois particulièrement habile dans la manipulation des masses? Le stalinisme a t’il été le produit "naturel" de cette révolution ou bien en a t’il été le bourreau? Suivant la réponse que l’on donne à ces questions élémentaires, les enseignements que l’on tirera seront évidemment radicalement opposés.

"Les idéologies staliniennes "reconnaissent" une nature prolétarienne (ils préfèrent en général parler de "populaire"), à la révolution d’Octobre. Mais la version totalement défigurée qu’ils en donnent n’a d’autre objectif que de faire oublier l’effroyable répression à laquelle le stalinisme s’est livré contre les ouvriers et les bolcheviks qui en avaient été les protagonistes; de tenter de justifier ce qui restera comme un des plus grands mensonges de l’histoire: l’assimilation du capitalisme d’Etat comme synonyme de "commu-nisme".(…) D’autres se contentent de parler de mouvement nationaliste en vue de moderniser le capitalisme russe. (…) En somme une révolution bourgeoise (…). D’autres parlent de "révolution ouvrière" pour Octobre 1917 et s’accordent avec les staliniens pour considérer l’Union Soviétique comme un pays " communiste ", mais ce n’est que pour mieux décrire les horreurs du stalinisme en en déduisant: "c’est à cela, et seulement à cela que peuvent conduire des mouvements révolutionnaires à notre époque".

"C’est lorsque le prolétariat mondial se trouvera devant la tâche d’organiser collectivement une insurrection armée qu’ils ressentiront massivement le besoin de posséder les leçons d’octobre 1917. C’est lorsqu’ils seront confrontés à des questions telles que: savoir qui exerce le pouvoir; ou bien: quels rapports doit il y avoir entre le prolétariat en armes et l’institution étatique qui surgira au lendemain des premières insurrections victorieuses; ou bien encore: comment réagir face aux divergences entre secteurs importants du prolétariat; qu’ils comprendront les véritables erreurs commises par les bolcheviks (en particulier dans la tragédie de Kronstadt en 1921)." (De l’introduction de la brochure sur la Révolution Russe)

 

Finalement un passage d’un texte ultérieur qui traite également un des aspects que le Vrije Communist soulève: "C’est en fait de l’intérieur, (…), que surgit la contre-révolution et que se reconstitua le pouvoir de la bourgeoisie du fait du processus d’absorption du parti bolchévik par l’Etat. Gangrené (…), le parti bolchevik tendit de plus en plus à substituer la défense des intérêts de l’Etat soviétique au détriment des principes de l’internationalisme prolétarien. Après la mort de Lénine en 1924, Staline, principal représentant de cette tendance vers l’abandon de l’internationalisme, aida la contre-révolution à s’installer (…). Le bastion prolétarien russe s’effondra de l’intérieur et la chasse aux révolutionnaires internationalistes fut ouverte dans le parti. (…).. L’URSS devenait un pays capitaliste à part entière où le prolétariat était soumis, le fusil dans le dos, aux intérêts du capital national, au nom de la défense de la “patrie socialiste”. (Internationalisme n° 234, octobre 1997) n

 Wereldrevolutie/Internationalisme / 27.09.2011

 

(2)Notons aussi l’initiative prise par le AKG (Collectif Anarchiste Gand) à organiser ensemble avec le CCI, les " Lege Portemonnees " et le Catholic Workers des débats sur la perspective de la lute contre le capitalisme et sur comment unir nos forces.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Révolution Russe [23]

S'indigner, oui ! contre l'exploitation capitaliste ! (à propos des livres de Stéphane Hessel "Indignez-vous !" et "Engagez vous !")

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Indignez-vous! et Engagez-vous! de l’écrivain, poète et diplomate français Stéphane Hessel, sont de véritables “best-sellers”. Ils constituent déjà une référence pour tous ceux qui réfléchissent sur l’injustice de ce monde. Le mouvement de grogne sociale qui vient de parcourir l’Espagne (et dans une bien moindre mesure d’autres États d’Europe) s’est même donné pour nom los Indignados en référence explicite à son premier livre (1)

 Indignez-vous! est un fascicule d’une trentaine de pages. Il a été traduit en plusieurs langues, vendu à des millions d’exemplaires sur l’ensemble de la planète, à un prix dérisoire pour qu’il soit le plus largement diffusé. Cette publication a rencontré immédiatement un immense succès. Et pour cause, son titre est à lui seul un cri de révolte contre la barbarie de ce monde. Il correspond parfaitement au sentiment général qui grandit dans les rangs des opprimés : les horreurs qui ravagent la planète, de la misère à la guerre, sont ressenties comme de plus en plus insoutenables et révoltantes. Le “Printemps arabe”, en Tunisie et en Égypte, et le mouvement des Indignés en sont une claire manifestation.

 De quelle société rêve Stéphane Hessel? (2)

 Stéphane Hessel est un homme de 93 ans qui a encore la force de clamer son indignation face à ce monde inique. En tant que tel, cela ne peut que forcer l’admiration et provoquer la sympathie. Mais au final, pour quel monde nous propose-t-il de nous battre ?

Dès le début de son livre, Stéphane Hessel fait l’apologie des principes et des valeurs qui ont amené le Conseil national de la Résistance (CNR) (3) à élaborer un programme économique à la fin de la Seconde Guerre mondiale. A la question “est ce que ces mesures sont toujours d’actualité?”, Hessel répond “Bien entendu, les choses ont changé en soixante-cinq ans. Les défis ne sont pas les mêmes que ceux que nous avons connus à l’époque de la Résistance. Le programme que nous proposions à l’époque ne peut donc plus s’appliquer intégralement aujourd’hui, et il ne faut pas faire de suivisme aveugle. Par contre, les valeurs que nous affirmions sont constantes, et il faut s’y attacher. Ce sont les valeurs de la République et de la démocratie. Je pense que l’on peut juger les gouvernements successifs à l’aune de ces valeurs. Il y avait dans le programme du Conseil de la Résistance l’affirmation d’une vision, et cette vision est toujours valable aujourd’hui. Refuser le diktat du profit et de l’argent, s’indigner contre la coexistence d’une extrême pauvreté et d’une richesse arrogante, refuser les féodalités économiques, réaffirmer le besoin d’une presse vraiment indépendante, assurer la sécurité sociale sous toutes ses formes… nombre de ces valeurs et acquis que nous défendions hier sont aujourd’hui en difficulté ou même en danger. Beaucoup des mesures qui ont été récemment adoptées choquent mes camarades résistants – car elles vont à l’encontre de ces valeurs fondamentales. Je pense qu’il faut s’en indigner, notamment chez les jeunes. Et résister!” (4). Mais alors qui est responsable de cette situation? “…le pouvoir de l’argent, tellement combattu par la Résistance, n’a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l’État. Les banques, désormais privatisées se montrent d’abord soucieuses de leurs dividendes, et des très hauts salaires de leurs dirigeants, pas de l’intérêt général. L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi important; et la course à l’argent, la compétition autant encouragée” (). Pour Hessel, la démocratie doit guider l’action des dirigeants, cette démocratie plus soucieuse de l’intérêt général en opposition à l’égoïsme des financiers et autres banquiers: “les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie” (). Voici donc le sacro-saint intérêt général qui réunit les politiciens, les patrons de l’industrie côte à côte avec les travailleurs, les chômeurs, les étudiants, les retraités, les précaires... Autrement dit, la démocratie de Stéphane Hessel, c’est ce mythe, cette escroquerie, où exploiteurs et exploités sont mis comme par magie sur un pied d’égalité, où ils sont censés avoir les mêmes “droits et devoirs”, et les mêmes intérêts démocratiques en tant que citoyens contre la dictature des financiers. Et pour aboutir à quoi? “Aujourd’hui, c’est en réfléchissant, en écrivant, en participant démocratiquement à l’élection des gouvernants que l’on peut espérer faire évoluer intelligemment les choses… bref, par une action de très long terme” (). Et quel camp Hessel nous propose-t-il de défendre? “Je me considère toujours comme socialiste – c’est-à-dire selon le sens que je donne à ce terme, conscient de l’injustice sociale. Mais les socialistes doivent être stimulés. J’ai l’espoir de voir émerger une gauche courageuse, impertinente s’il le faut, qui puisse peser et défendre une vision et une conception des libertés des citoyens. De plus, il me semble important qu’il y ait des Verts dans les institutions, pour que la notion de préservation de la planète progresse” (). Finalement, pour Hessel, notre indignation doit déboucher sur un slogan que nous connaissons déjà, le fameux “il faut aller voter”… pour un nouveau programme alternatif (qui fera l’objet d’une nouvelle publication), inspiré du CNR, regroupant toutes sortes d’éléments, de la gauche radicale aux altermondialistes, en passant par des syndicalistes, en fait des partis et des organisations qui ont le sens de l’intérêt général… capitaliste. Heureusement que ces millions de jeunes, à qui Hessel s’adresse tout particulièrement, au Portugal et en Espagne, n’ont pas écouté tous ces discours citoyens de gauche et ont boudé les urnes. Il faut dire qu’ils ont eu l’occasion de voir les gouvernements socialistes de leur pays respectif à l’œuvre ; ils ont vu quelles mesures d’austérité draconiennes les partis socialistes étaient capables d’adopter de façon toute démocratique (ce qui est aussi vrai pour la Grèce d’ailleurs); ils ont tâté de la matraque de la très démocratique police du très démocratique gouvernement socialiste de Zapatero!

Malgré tout, Hessel persiste dans son soutien à ces partis en déclarant: “Qu’est-ce que cela impose comme tâche aux membres de la jeune génération? C’est de prendre au sérieux les valeurs sur lesquelles ils fondent leur confiance ou méfiance dans ceux qui les gouvernent – c’est le principe de la démocratie, par lequel on peut avoir de l’influence sur ceux qui prennent des décisions” (9). Quelle influence cette jeune génération peut-elle avoir sur ces États démocratiques qui lui imposent tant de misère? Peut être, remplacer un ministre devenu impopulaire… et alors? Quel véritable changement? Aucun! Dans tous les pays, que les gouvernants soient de droite ou de gauche (ou d’extrême-gauche comme en Amérique latine), le fossé devient de plus en plus profond entre l’immense majorité de la population en proie à une dégradation généralisée de ses conditions de vie et un pouvoir étatique démocratique bourgeois prônant une politique d’austérité afin d’éviter la banqueroute économique. Il ne peut en être autrement! Derrière le masque démocratique de l’État se cache toujours la dictature du Capital.

Pas touche au capitalisme!

 “Ma génération a contracté une véritable allergie à l’idée de révolution mondiale. Un peu parce que nous sommes nés avec elle. Moi qui suis né en 1917, année de la Révolution russe, c’est une caractéristique de ma personnalité. J’ai acquis le sentiment, peut être injuste, que ce n’est pas par des actions violentes, révolutionnaires, renversant les institutions existantes, que l’on peut faire progresser l’histoire”(10). Et plus loin Hessel continue encore: “Dans toutes les sociétés existe une violence latente qui est capable de s’exprimer sans retenue. Nous avons connu cela avec les luttes de libération coloniale. Il faut avoir conscience que des révoltes, ouvrières par exemple, sont encore possibles. Mais c’est peu probable étant donné la façon dont l’économie s’est développée et globalisée. Le genre Germinal, c’est un peu dépassé” (). Voilà l’appel que lance Hessel à la jeune génération: ôtez-vous de la tête toute idée de révolution mondiale, toute idée de lutte de classe! C’est du passé! Essayez plutôt d’améliorer le fonctionnement de ce système. Comment? C’est là que Hessel a une idée “géniale et innovante”… avancée mille fois par toute la gauche depuis un siècle: la création d’un Conseil de sécurité économique et social, réunissant les États les plus puissants de la planète, une sorte de gouvernance mondiale. Cet organisme mondial aurait comme objectif de réguler l’économie, ce qui éviterait les crises en exerçant un contrôle efficace sur toutes ces grandes institutions financières, avides de profits et de pouvoir. Rappelons simplement que la Société des Nations (SDN), qui est devenue ensuite l’Organisation des Nations Unies (ONU), a été créée à la suite de la Première Guerre mondiale en suivant officiellement un raisonnement presque identique: empêcher le retour de la guerre par un organisme international conciliant l’intérêt des nations. Résultat? La Seconde Guerre mondiale et… 14 jours de paix dans le monde depuis 1950! En fait, ce monde est divisé en nations capitalistes concurrentes les unes des autres: elles se livrent une guerre économique sans merci et, quand nécessaire, l’arme au poing. Toutes les “gouvernances mondiales” qui existent (OMC, FMI, ONU, OTAN…) ne sont que des repères de brigands où les États poursuivent leur lutte impitoyable. Mais avouer cela, ce serait reconnaître ce que veut absolument évacuer à tout prix Stéphane Hessel: la nécessité d’un nouveau système mondial et donc d’une révolution internationale!

Il préfère envoyer les jeunes dans des impasses plutôt que de leur indiquer un chemin qui les mènerait vers une remise en cause trop radicale à ses yeux de ce système d’exploitation. Il les encourage donc à faire pression sur leurs États pour que ceux-ci mènent une nouvelle politique au sein de son nouveau Conseil de sécurité économique et social. Pour lui, il suffirait d’une intervention massive de la société civile, d’une mobilisation citoyenne d’ampleur, pour influer sur les décisions des États. Cet engagement devrait aussi se conjuguer avec une implication plus grande dans les ONG et autres réseaux associatifs car les défis, et donc les combats, sont multiples: écologiques, sociaux, antiracistes, pacifiques, pour une économie solidaire...

En fait, fondamentalement, Hessel nous ressert la vieille soupe réformiste: avec quelques ingrédients bien choisis (une implication citoyenne de la population, un vote intelligent..), le capitalisme pourrait cesser d’être ce qu’il est, un système d’exploitation, et pourrait devenir plus humain, plus social.

Réforme ou révolution?

“L’histoire est faite de chocs successifs, c’est la prise en compte de défis. L’histoire des sociétés progresse, et au bout, l’homme ayant atteint sa liberté complète, nous avons l’État démocratique dans sa forme idéale” nous dit Hessel dans Indignez-vous!. C’est vrai, l’humanité est face à un défi: trouver la solution à tous ses maux ou disparaître. Au cœur de cet enjeu: la nécessité de transformer la société. Mais quelle transformation? Peut-on réformer le capitalisme ou doit-on le détruire pour construire une autre société?

Réformer le capitalisme est un leurre, c’est se soumettre à ses lois, à ses contradictions qui mènent l’humanité à la misère, à la guerre, au chaos, à la barbarie. Le système capitaliste est un système d’exploitation, peut-on rendre humaine une exploitation? Peut-on rendre humain un système dont le seul objectif est de permettre à une classe d’accumuler des richesses en faisant du profit sur le dos de millions de travailleurs? Et quand la concurrence entre capitalistes devient plus aiguë, que la crise économique mondiale fait rage, alors c’est la classe ouvrière qui en paie durement le prix: chômage de masse, précarité généralisée, surexploitation sur les lieux de travail, baisse des salaires… Pourtant, tout est là pour que les être humains puissent subvenir à leurs besoins élémentaires et construire une société sans classes, donc sans injustices, sans barbarie guerrière, en abolissant les frontières. Seule la classe ouvrière peut porter la perspective d’un tel monde. C’est d’ailleurs ce qui est déjà en germe dans le mouvement des Indignés: l’entraide, le partage, la solidarité, le dévouement, la joie d’être ensemble… Ce formidable mouvement social que nous avons vécu en Espagne n’est pas un feu de paille, il annonce les futures luttes qui vont se développer un peu partout dans le monde, des luttes qui verront la classe ouvrière se mobiliser de plus en plus massivement, entraînant derrière elle toutes les couches opprimées par ce système; des luttes qui vont de plus en plus s’affirmer contre l’inhumanité du capitalisme, et d’où émergera une conscience plus aiguë d’un nécessaire changement de société pour construire une nouvelle humanité n

Antoine/02.07.2011

 

(1) Stéphane Hessel est très connu en Espagne, au moins autant qu’en France. Il y vit et a pour ami Jose Luis Sampedro, écrivain et économiste espagnol et, surtout, initiateur de Democracia Real Ya. Jose Luis Sampedro a d’ailleurs publié un pamphlet inspiré de son alter ego et a écrit la préface d’Indignez-vous ! pour l’édition de son pays.

(2) Le CNR est pour Stéphane Hessel la référence historique, l’exemple à suivre. Nous reviendrons prochainement de façon plus détaillée sur cette question précise.

(3) Indignez-Vous!, p. 15.

(4) Idem, p. 11.

(5) Idem, p. 12.

(6) Engagez-vous!, p. 16.

(7) Idem, p. 43 et 44.

(8) Engagez vous !, p. 22.

(9) Idem, p. 20.

(10) Idem, p. 21.

(11) Idem, p. 21.

Personnages: 

  • Hessel [24]

Avec la terreur, le risque d'une aggravation du chaos en Syrie

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Dans la lignée des révoltes du printemps dans les pays arabes, la population syrienne a commencé à la mi-mars à manifester pour réclamer le départ de son dirigeant suprême et un régime “démocratique”. Devant ce mouvement populaire exprimant le ras-le-bol des conditions de vie de plus en plus intolérables imposées par la junte de la clique issue du régime d’Hafez-al-Assad, le “renard du désert” et père de l’actuel dictateur, c’est une violente répression qui s’est abattue et n’a cessé de s’accentuer: 1.600 morts, on ne sait combien de blessés, et 12.000 réfugiés, principalement en Turquie mais aussi au Liban où plusieurs centaines de personnes ont fui. Cette répression s’abat tous azimuts pour semer la terreur et brandir à la face du monde la volonté de Bachar al-Assad de rester en place, contre vents et marées. Des villages, des bourgs, sont privés d’eau, d’électricité, d’approvisionnement, “pour l’exemple”, c’est-à-dire pour rien, tandis que les habitants sont abattus pendant leur fuite devant les exactions de la soldatesque syrienne aux ordres. Les villes “rebelles” sont bombardées. Le recours à la torture, déjà quotidienne auparavant connaît des sommets d’horreur. Souvenons-nous que c’est celle infligée à cinq enfants qui avait été un des éléments déclencheurs de la révolte populaire, à la mi-mars. Les forces de l’ordre ouvrent systématiquement le feu dans les manifestations et les faubourgs de Damas sont livrés avec une intensité grandissante à la vindicte de l’armée ou aux tirs de snipers recrutés pour l’occasion. La situation est même devenue tellement odieuse que des désertions de militaires sont apparues, désertions réprimées dans le sang, comme celle de Jisr Al-Chouhour le 5 juin où il semblerait que 120 soldats déserteurs aient été abattus par l’armée elle-même. Le gouvernement s’est bien sûr empressé de mettre ces meurtres sur le compte des “terroristes armés qui sèment le chaos”. C’est d’ailleurs le prétexte mis en avant par le régime syrien dans sa fuite en avant dans la répression, qui n’est pas sans rappeler celui des États-Unis et de ses alliés pour justifier la guerre en Irak et en Afghanistan, ou celui de la Russie en Tchétchénie, etc.

Pour l’heure, l’État syrien joue la carte de la confusion. Ainsi, tout en élargissant inexorablement la répression à tout le pays, Bachar al-Assad promet un programme de réformes pour le 10 juillet, programme dont aucune ligne n’a encore été officiellement tracée. Avec une situation économique catastrophique, on se demande ce qu’il va bien pouvoir tenir sinon davantage de balles pour les manifestants. De plus, pour essayer de mieux clouer le bec à toute opposition, il s’efforce d’organiser des manifestations en sa faveur, dont on ne sait pas trop si les participants y sont vraiment volontaires, comme à l’époque des manifestations massives à la “gloire” du stalinisme et le fusil dans le dos, stalinisme avec lequel son père avait connu une longue lune de miel durant la “Guerre Froide” opposant les États-Unis et l’URSS. Un simulacre de réunion “d’opposants” au régime a même été organisé à Damas le 26 juin, sous l’œil complaisant de forces de l’ordre qui n’en ont pas moins continué de tabasser et assassiner toute une population “opposante”. Tout cela ne leurre personne, mais permet de gagner du temps.

Et c’est aussi et surtout la carte de l’extension du chaos à toute la région que brandit la Syrie. L’installation massive de l’armée à la frontière turque, ses incursions militaires brutales dans des villages de plus en plus proches de la frontière avec la Turquie, alors que cette zone est loin d’être l’épicentre de la révolte, sont un message clair d’al-Assad à toute la “communauté internationale": pas touche où je sème le désordre. Alors que la Turquie a déjà fort à faire avec ses régions limitrophes du Kurdistan irakien et iranien, alors que le chef d’État turc, Erdogan, s’inquiète d’un embrasement de ses frontières avec la Syrie et de la survenue d’une réelle catastrophe humanitaire qui en serait la conséquence, Damas menace de mettre le feu aux poudres et d’ouvrir un nouveau front de tensions militaires. Dans ce jeu de “je te tiens, tu me tiens, par la barbichette”, la Syrie est en position de force car il est hors de question pour l’État turc de se permettre le moindre dérapage, obligé pour assurer la défense de ses propres intérêts, de maintenir l’ordre impérialiste au nord du Moyen-Orient. C’est dans le même sens que la pression est mise sur le Liban, à travers les attaques sur Kseir, limitrophe de la Syrie avec le Golan, que Damas revendique historiquement, et qui a été la cause depuis les années 1970 de dizaines d’années de guerre et de massacres. Cependant, derrière le Liban, il y a un énorme problème, c’est celui d’Israël, qui a tout récemment durci sa position sur les questions palestinienne et du Liban. En venant exciter les tensions au sud de son territoire, la Syrie vient là aussi agiter la menace d’une aggravation des tensions guerrières, avec des résultats certainement plus risqués, ne serait-ce que du fait que le chef d’État israélien, Netanyahou, mène résolument une politique anti-arabe et anti-palestinienne provocatrice.

Les pays développés, dont certains au sein de l’ONU ont produit un “projet” de résolution il y a déjà un mois (Allemagne, Grande-Bretagne, France et Portugal), ont bien compris qu’il fallait prendre la situation avec des pincettes, car au-delà du chaos potentiel que représente un changement de régime en Syrie, c’est toute la région qui peut connaître en effet un basculement brutal dans une barbarie aggravée et incontrôlable. Il ne s’agit évidemment pas pour eux de penser aux populations ni à leur bien-être, mais de s’efforcer de contenir une situation pleine de dangers… pour leurs différents intérêts impérialistes dans la région. C’est pour cela que tous ces “humanitaires” patentés roulent des mécaniques dans les salons (1) mais sans aller trop loin car ils savent qu’une intervention militaire en Syrie signifierait l’ouverture d’une boîte de Pandore dont l’issue serait plus qu’incertaine, avec face à eux une armée syrienne solide et entraînée.

Nul ne peut prévoir la perspective qui attend la population de Syrie, et si les États occidentaux, comme l’Amérique qui soutient “l’opposition” depuis des années, vont intervenir. Il est cependant évident que l’évolution actuelle de la situation dans ce pays, qu’elle soit ou non directement le produit de l’action des États-Unis comme certains commentateurs l’avancent, va être le centre d’une foire d’empoigne entre grands et petits impérialistes dont la population ne pourra que faire les frais. L’opposition formelle à toute intervention de la part de la Russie et de la Chine au sein de l’ONU en est une préfiguration. Et, quel que soit le camp que défendent les uns et les autres, ce n’est que pour avancer leurs pions et préserver leurs propres intérêts, pas pour améliorer le sort de tous ceux qui subissent la misère et la violence de la répression étatique n

Wilma/28.06.2011

 

(1) On peut ici signaler la lettre au Conseil de Sécurité de l’ONU signée entre autres par Woody Allen, Umberto Eco, David Grossman, Bernard-Henry Levy, Amos Oz, Orhan Pamuk, Salman Rushdie et Wole Soyinka. De tous ces signataires, dont on ne peut pas douter de la volonté de bien faire, il faut mettre en valeur celle de Bernard-Henry Levy, dont le travail “philosophique” consiste depuis bientôt 20 ans à exhorter (sur les plateaux télé) l’occident à faire rendre gorge aux méchants de tous poils?: Serbes, Albanais, Irakiens, Afghans (al-qaïdistes et talibans), etc., et maintenant Syriens.

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  • Moyen Orient [25]

Misère et colère explosent en Grèce

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En Grèce, la misère et l’injustice sont en passe de devenir tout simplement insupportables aux yeux des exploités. Les plans d’austérité, tous d’une incroyable brutalité, se succèdent les uns aux autres à un rythme infernal. Chaque nouvelle mesure prise par le gouvernement pour écarter temporairement le pays de la faillite se traduit par de nouveaux sacrifices pour toute la population. Et malgré tout, l’économie nationale n’en finit pas de plonger. Résultat, la misère et la colère explosent!

 Un pays symbole de la faillite historique du capitalisme

 Le pays croule sous les dettes. L’Etat, les banques et les entreprises sont au bord de l’asphyxie. Et toutes les mesures prises par le gouvernement socialiste de Papandréou pour éviter le défaut de paiement ne font qu’empirer la situation et préparer des lendemains encore plus douloureux. Pour obtenir de l’argent frais de l’Union européenne, sans lequel l’Etat ne pourrait tout simplement plus fonctionner, les conditions de travail et de vie de la population sont littéralement sacrifiées. Le nombre de fonctionnaires ne cesse de se réduire, tout comme les salaires. Les pensions de retraite, les allocations chômage et sociales, les aides pour les soins sont en train de disparaître. Mais cette explosion de la misère ne fait que plonger le pays un peu plus profondément dans la récession, ce qui aggrave… l’endettement! Il s’agit d’un cercle vicieux duquel la Grèce ne pourra pas sortir.

La bourgeoisie grecque pointe d’un doigt accusateur le FMI, l’Union européenne, les agences de notation, l’Allemagne… Elle veut faire croire que ce sont eux et eux seuls les responsables de cette situation économique désastreuse. Dans le reste du monde, le discours tenu est l’exact opposé: la Grèce serait dans une situation “exceptionnelle” et “particulière” du fait du laxisme de ses dirigeants, de la corruption généralisée de la société hellénique (la triche fiscale est présentée comme un sport national) et de la fainéantise des salariés grecs (selon les propos à la mi-juin de la chancelière allemande Angela Merkel). Cette propagande mensongère et nauséabonde a un certain succès puisque dans les manifestations à Athènes, le nationalisme est souvent exacerbé (les drapeaux grecs flottent sur les cortèges, des slogans comme “FMI go home!” ou “Allemagne go home!” sont scandés…), et dans certains pays comme l’Allemagne l’idée “nous ne voyons pas pourquoi nous paierions pour les Grecs” se répand dans la population. Autrement dit, la classe dominante dresse les exploités les uns contre les autres!

En réalité, la Grèce est le symbole de la faillite historique du capitalisme; d’un point de vue économique, elle indique la direction que vont prendre une à une toutes les autres économies nationales. L’Espagne ne va d’ailleurs pas tarder à suivre.

 La lutte s’inspire du mouvement des “Indignés” d’Espagne

 Si le nationalisme est un poison qui touche aujourd’hui de façon assez importante les ouvriers en Grèce, il y a aussi des lignes de force qui apparaissent peu à peu dans le mouvement de contestation.

En particulier, la jeunesse précarisée a su regarder au-delà des frontières nationales pour s’inspirer du mouvement des Indignés d’Espagne. Dès la fin du mois de mai, sur la place Syntagma d’Athènes, des milliers d’Aganaktismeni (ce mot grec signifie autant l’indignation que la colère (1)) ont commencé à se réunir pour discuter et construire collectivement la lutte. Comme en Espagne, la marque de ce mouvement est, là aussi, l’immense méfiance envers les partis (en particulier le Parti socialiste qui est au pouvoir) et les syndicats (le GSEE, principal syndicat national, est même dénoncé par beaucoup comme un agent de la bourgeoisie). La similitude de la réflexion qui traverse la jeunesse précarisée vivant en Espagne et en Grèce est frappante. Le 25 mai, sur la place Syntagma, par exemple, il y a eu trois bonnes heures de discussion où 83 personnes se sont exprimées. Certains intervenants ont mis en avant l’importance de l’auto-organisation de la classe ouvrière et la nécessité d’une lutte révolutionnaire. Cette réflexion, même si elle est encore exprimée par une toute petite minorité, est très significative. Le simple fait que certains osent tenir ainsi publiquement des propos en faveur de la révolution révèle que le climat est en train de changer. Ils trouvent le courage d’exprimer tout haut, certainement de façon diffuse, ce que bon nombre pensent. D’ailleurs, dans toutes les assemblées des Indignés d’Europe, en Grèce comme en Espagne, en France ou en Angleterre, ces interventions pour l’auto-organisation des masses et pour l’abolition du capitalisme sont souvent parmi les plus applaudies.

Alors, non, la Grèce n’est pas un cas à part! La crise qui y fait rage est celle qui secoue tout le système capitaliste mondial. Et la lutte qui est en train de se développer est l’un des multiples maillons de la chaîne du combat de la classe ouvrière à l’échelle internationale n

 

Laurence /1.07.2011

 

(1) Et la colère est d’autant plus grande qu’à la pauvreté s’ajoute une répression féroce et meurtrière.

 

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  • Grèce [26]

La Commune de Paris, premier assaut révolutionnaire du prolétariat

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Il y a 140 ans, avec le massacre de plus de 20.000 ouvriers lors de la Semaine sanglante, la bourgeoisie mettait fin à la première grande expérience révolutionnaire du prolétariat. Avec la Commune de Paris, c’était la première fois que la classe ouvrière se manifestait avec une telle force sur la scène de l’histoire. Pour la première fois, elle avait montré sa capacité à s’affirmer, comme étant désormais la seule classe révolutionnaire de la société. Cette formidable expérience de la Commune de Paris est là pour témoigner que, malgré l’immaturité des conditions historiques de la révolution mondiale, le prolétariat se montrait déjà en 1871 comme la seule force capable de remettre en cause l’ordre capitaliste. Aujourd’hui, la bourgeoisie cherche encore à convaincre les prolétaires (et notamment les jeunes générations) qu’on peut construire un avenir meilleur pour l’humanité sans renverser l’État capitaliste. Face à la misère et à la barbarie du monde actuel, il importe que la classe ouvrière se penche sur son propre passé, pour en tirer les leçons, reprendre confiance en elle-même et en l’avenir que portent ses combats.

La Commune de Paris a constitué, pour de nombreuses générations de prolétaires, un point de référence dans l’histoire du mouvement ouvrier. En particulier, les révolutionnaires russes de 1905 et d’Octobre 1917 étaient fortement imprégnées de son exemple et de ses enseignements avant que cette dernière ne vienne prendre le relais comme phare pour la lutte du prolétariat mondial.

Aujourd’hui, les campagnes de la bourgeoisie essaient d’enterrer définitivement aux yeux des prolétaires du monde entier l’expérience révolutionnaire d’Octobre 1917, de les détourner de leur propre perspective en continuant à identifier le communisme avec le stalinisme. Ne pouvant utiliser la Commune de Paris pour inoculer ce même mensonge, la classe dominante a toujours essayé de récupérer cette expérience pour en masquer la véritable signification, pour la dénaturer en l’assimilant soit à un mouvement patriotique, soit à une lutte pour les libertés républicaines.

 Un combat contre le capital et non une lutte patriotique

C’est suite à la guerre de 1870 entre la Prusse et la France que se constitue la Commune de Paris, sept mois après la défaite de Louis Napoléon Bonaparte à Sedan. Le 4 septembre 1870, le prolétariat parisien se soulève contre les conditions de misère qui lui sont imposées par l’aventure militaire de Bonaparte. La République est proclamée alors même que les troupes de Bismarck sont aux portes de Paris. La Garde nationale, à l’origine composée de troupes petite-bourgeoises, va désormais assurer la défense de la capitale contre l’ennemi prussien. Les ouvriers, qui commencent à souffrir de la famine, s’y engagent en masse et vont bientôt constituer l’essentiel de ses troupes. Mais, contrairement aux mensonges de la bourgeoisie qui veut ne nous faire voir dans cet épisode que la résistance du “peuple” de Paris contre l’envahisseur prussien, très vite, cette lutte pour la défense de Paris assiégé va céder la place à l’explosion des antagonismes irréconciliables entre les deux classes fondamentales de la société, le prolétariat et la bourgeoisie. En effet, après 131 jours de siège de la capitale, le gouvernement capitule et signe un armistice avec l’armée prussienne. Dès la fin des hostilités avec Bismarck, Thiers, nouveau chef du gouvernement républicain, comprend qu’il faut immédiatement désarmer le prolétariat parisien car celui-ci constitue une menace pour la classe dominante. Le 18 mars 1871, Thiers va essayer d’utiliser la ruse pour parvenir à ses fins: prétextant que les armes sont la propriété de l’État, il envoie des troupes dérober l’artillerie de la Garde nationale, composée de plus de 200 canons, que les ouvriers avaient cachée à Montmartre et Belleville (1). Mais cette tentative échoue grâce à la résistance farouche des ouvriers, et au mouvement de fraternisation entre les soldats et la population parisienne. C’est l’échec de cette tentative de désarmement de la capitale qui va mettre le feu aux poudres et déchaîner la guerre civile entre les ouvriers parisiens et le gouvernement bourgeois réfugié à Versailles. Le 18 mars, le Comité central de la Garde nationale, qui assurait provisoirement le pouvoir, déclare: “Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure est arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques. (...) Le prolétariat a compris qu’il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d’en assurer le triomphe en s’emparant du pouvoir.” Le même jour, il annonce la tenue immédiate d’élections au suffrage universel. La Commune, élue le 26 mars et composée de délégués des différents arrondissements, sera proclamée deux jours plus tard. Plusieurs tendances seront représentées en son sein: la majorité, où dominent les blanquistes, et la minorité, dont les membres seront surtout des socialistes proudhoniens rattachés à l’Association Internationale des Travailleurs (la Première Internationale).

Immédiatement, le gouvernement de Versailles va riposter pour reprendre Paris tombé aux mains de la classe ouvrière, cette “vile canaille”, selon les termes de Thiers: les bombardements de la capitale que dénonçait la bourgeoisie française lorsqu’ils étaient l’œuvre de l’armée prussienne ne cesseront pas pendant les deux mois que durera la Commune.

Ainsi, loin d’avoir été un mouvement pour la défense de la patrie contre l’ennemi extérieur, c’est bien pour se défendre contre l’ennemi intérieur, contre “sa” propre bourgeoisie représentée par le gouvernement de Versailles, que le prolétariat parisien refusa de remettre les armes à ses exploiteurs et instaura la Commune.

 Un combat pour la destruction de l’état bourgeois et non pour les libertés républicaines

 La bourgeoisie a toujours eu besoin, en travestissant l’histoire, de s’appuyer sur les apparences pour distiller les pires mensonges. Ainsi, c’est en se fondant sur le fait que la Commune se revendiquait effectivement des principes de la révolution bourgeoise de 1789 qu’elle a toujours cherché à rabaisser cette première expérience révolutionnaire du prolétariat au niveau d’une vulgaire lutte pour les libertés républicaines, pour la démocratie bourgeoise contre les troupes monarchistes derrière lesquelles s’était ralliée la bourgeoisie française. Mais ce n’était pas dans les habits que le jeune prolétariat de 1871 avait revêtus que se trouvait l’esprit véritable de la Commune. C’est ce qu’il portait déjà comme perspective d’avenir qui fait de ce mouvement une étape de première importance dans la lutte du prolétariat mondial pour son émancipation. C’était la première fois dans l’histoire que, dans une capitale, le pouvoir officiel de la bourgeoisie avait été renversé. Et ce gigantesque combat était bien l’œuvre du prolétariat, d’un prolétariat certes encore très peu développé, à peine sorti de l’artisanat, traînant encore derrière lui le poids de la petite-bourgeoisie et de multiples illusions issues de la révolution bourgeoise de 1789. Mais c’était bien cette classe, et aucune autre, qui avait constitué le moteur et l’élément dynamique de la Commune. Ainsi, alors que la révolution prolétarienne mondiale n’ était pas encore à l’ordre du jour (tant du fait de l’immaturité de la classe ouvrière que d’une situation où le capitalisme n’avait pas encore épuisé toutes ses capacités à développer les forces productives à l’échelle de la planète), la Commune annonçait déjà avec fracas la direction dans laquelle allaient s’engager les futurs combats prolétariens.

Et si la Commune a pu reprendre à son propre compte les principes de la révolution bourgeoise de 1789, ce n’est certainement pas pour leur donner le même contenu. Pour la bourgeoisie, la “liberté” veut dire liberté du commerce et d’exploiter le travail salarié; l’“égalité” n’est rien d’autre que l’égalité juridique entre capitalistes et contre les privilèges de la noblesse; la “fraternité” est interprétée comme l’harmonie entre le capital et le travail, c’est-à-dire la soumission des exploités aux exploiteurs. Pour les ouvriers de la Commune, “Liberté, Égalité, Fraternité” signifiait l’abolition de l’esclavage salarié, de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la société divisée en classes. Cette perspective d’un autre monde qu’annonçait déjà la Commune, on la retrouve justement dans le mode d’organisation de la vie sociale que la classe ouvrière a été capable d’instaurer pendant deux mois. Car ce sont bien les mesures économiques et politiques impulsées par le prolétariat parisien qui confèrent à ce mouvement sa véritable nature de classe, et non les mots d’ordre du passé dont il se réclamait.

Ainsi, deux jours après sa proclamation, la Commune affirme son pouvoir en s’attaquant immédiatement à l’appareil d’État à travers l’adoption de toute une série de mesures politiques: suppression de la police des mœurs, de l’armée permanente et de la conscription (la seule force armée reconnue étant la Garde nationale), suppression de toutes les administrations d’État, confiscation des biens du clergé, déclarés propriété publique, destruction de la guillotine, école gratuite et obligatoire, etc., sans compter les différentes mesures symboliques telle la démolition de la colonne Vendôme, emblème du chauvinisme de la classe dominante érigé par Napoléon premier. Le même jour, la Commune affirme encore son caractère prolétarien en déclarant que “le drapeau de la Commune (2) est celui de la République universelle”. Ce principe de l’interna-tionalisme prolétarien est notamment affiché clairement par le fait que les étrangers élus à la Commune (tels le polonais Dombrowski, responsable de la Défense, et le hongrois Frankel, chargé du Travail) seront confirmés dans leurs fonctions.

Et parmi toutes ces mesures politiques, il en est une qui vient particulièrement démentir l’idée selon laquelle le prolétariat parisien se serait insurgé pour la défense de la République démocratique: la révocabilité permanente des membres de la Commune, responsables devant l’ensemble de ceux qui les avaient élus. Ainsi, bien avant que ne surgissent, avec la Révolution russe de 1905, les conseils ouvriers, cette “forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat”, comme le disait Lénine, ce principe de la révocabilité des charges que se donnait le prolétariat pour la prise du pouvoir vient encore confirmer la nature prolétarienne de la Commune. En effet, alors que la dictature bourgeoise, dont le gouvernement “démocratique” n’est que la variante la plus pernicieuse, concentre tout le pouvoir d’État de la classe exploiteuse entre les mains d’une minorité pour opprimer et exploiter l’immense majorité des producteurs, le principe de la révocabilité permanente est la condition pour qu’aucune instance de pouvoir ne s’impose au-dessus de la société. Seule une classe qui vise à l’abolition de toute domination d’une minorité d’oppresseurs sur l’ensemble de la société peut prendre en charge cette forme d’exercice du pouvoir.

Et c’est justement parce que les mesures politiques prises par la Commune traduisaient clairement le caractère prolétarien de ce mouvement que les mesures économiques, bien que limitées, ne pouvaient aller que dans le sens de la défense des intérêts de la classe ouvrière: gratuité des loyers, suppression du travail de nuit pour certaines corporations telle celle des boulangers, abolition des amendes patronales et retraits sur salaires, réouverture et gestion par les ouvriers eux-mêmes des ateliers fermés, rétribution des membres de la Commune équivalant au salaire ouvrier, etc.

Ainsi, il est clair que ce mode d’organisation de la vie sociale allait dans le sens non de la “démocratisation” de l’État bourgeois, mais de sa destruction. Et c’est bien cet enseignement fondamental que légua l’expérience de la Commune pour tout le mouvement ouvrier futur. C’est cette leçon que le prolétariat en Russie allait, sous l’impulsion de Lénine et des bolcheviks, mettre en pratique de façon beaucoup plus claire en octobre 1917. Comme Marx le signalait déjà en 1852 dans le 18 Brumaire de Louis Bonaparte: “Toutes les révolutions politiques jusqu’à présent n’ont fait que perfectionner la machine d’État au lieu de la briser.” Bien que les conditions du renversement du capitalisme ne fussent pas encore réunies, cette dernière révolution du xixe siècle que fut la Commune de Paris, annonçait déjà les mouvements révolutionnaires du xxe siècle: elle montrait dans la pratique que “la classe ouvrière ne peut se contenter de prendre telle quelle la machine d’État et la faire fonctionner pour son propre compte. Car l’instrument politique de son asservissement ne peut servir d’instrument politique de son émancipation.” (Marx, La Guerre civile en France.)

Face à la menace prolétarienne, la bourgeoisie déchaîne sa furie sanguinaire

La classe dominante ne pouvait accepter que le prolétariat ait osé se dresser contre son ordre. C’est pour cela qu’en reprenant Paris par les armes, la bourgeoisie s’était donné comme objectif non seulement de rétablir son pouvoir dans la capitale, mais surtout d’infliger une saignée mémorable dans les rangs ouvriers afin de donner au prolétariat une leçon définitive. Et la fureur qu’elle déchaîna dans la répression de la Commune était à la mesure de la peur que lui inspirait déjà la classe ouvrière. Dès les premiers jours d’avril s’organise, pour écraser la Commune, la sainte alliance entre Thiers et Bismarck, dont les troupes occupaient les forts du nord et de l’est de Paris. Ainsi, déjà à cette époque, la bourgeoisie montrait sa capacité à reléguer au second plan ses antagonismes nationaux pour affronter son ennemi de classe. Cette collaboration étroite entre les armées française et prussienne a permis d’abord la mise en place d’un double cordon sanitaire autour de la capitale. Le 7 avril, les Versaillais s’emparent des forts de l’ouest de Paris. Devant la résistance acharnée de la Garde nationale, Thiers obtient de Bismarck la libération de 60.000 soldats français faits prisonniers à Sedan, ce qui va donner au gouvernement de Versailles une supériorité décisive à partir du début mai. Dans la première quinzaine de mai, c’est le front sud qui est enfoncé. Le 21, les Versaillais, dirigés par le général Galliffet, entrent dans Paris par le nord et l’est grâce à une brèche ouverte par l’armée prussienne. C’est alors que va se déchaîner toute la furie sanguinaire de la bourgeoisie. Pendant huit jours, les combats font rage dans les quartiers ouvriers; les derniers combattants de la Commune vont tomber comme des mouches sur les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant. Mais la répression sanglante des communards ne pouvait s’arrêter là. Il fallait encore que la classe dominante puisse savourer son triomphe en débridant sa haine vengeresse contre un prolétariat désarmé et battu, contre cette “vile canaille” qui avait eu l’audace de se rebeller contre sa domination de classe: tandis que les troupes de Bismarck recevaient l’ordre de ne laisser passer aucun fugitif, les hordes de Galliffet perpétraient des massacres massifs d’hommes, de femmes et d’enfants sans défense: c’est par centaines qu’ils furent froidement assassinés à la mitrailleuse et même à bout portant.

La Semaine sanglante se termina ainsi sur une innommable boucherie qui fit plus de 20.000 morts. Puis sont venues les arrestations en masse, les exécutions de prisonniers “pour l’exemple”, les déportations au bagne et les placements de plusieurs centaines d’enfants dans des maisons de correction.

Voilà comment la bourgeoisie a pu rétablir son ordre. Voilà comment elle réagit lorsque sa dictature de classe est menacée. Et ceux qui ont noyé la Commune dans un bain de sang, ce ne sont pas les seuls secteurs les plus réactionnaires de la classe dominante. C’est sa fraction républicaine et “démocratique”, avec son Assemblée nationale et ses parlementaires libéraux, qui, en confiant cette sale besogne aux troupes monarchistes, porte l’entière responsabilité du massacre et de la terreur. Ce premier haut fait de la démocratie bourgeoise, le prolétariat ne doit jamais l’oublier.

Avec l’écrasement de la Commune, qui a conduit à la disparition de la Première Internationale après 1872, la bourgeoisie est parvenue à infliger une défaite aux ouvriers du monde entier. Et cette défaite fut particulièrement cuisante pour la classe ouvrière en France, puisqu’elle a cessé, après cette tragédie, d’être aux avant-postes de la lutte du prolétariat mondial comme cela avait été le cas depuis 1830. Cette position d’avant-garde, le prolétariat de France ne la retrouvera que lors de la grève massive de mai 1968, qui ouvrira une nouvelle perspective en signant la reprise historique des combats de classe après quarante ans de contre-révolution. Et ce n’est pas le fait du hasard: en reprenant, même de façon momentanée, son rôle de phare qu’il avait abandonné depuis près d’un siècle, il annonçait toute la vitalité, la force et la profondeur de cette nouvelle étape de la lutte historique de la classe ouvrière mondiale vers le renversement du capitalisme.

Mais cette nouvelle période historique ouverte par mai 1968 se situe, contrairement à la Commune, à un moment où la révolution prolétarienne est devenue non seulement une possibilité mais aussi une nécessité. C’est justement cette vitalité et cette force du prolétariat, ainsi que les enjeux de ses combats actuels, que la bourgeoisie cherche à tout prix à lui masquer à travers toutes ses campagnes mensongères, ses falsifications et tentatives de dénaturer les expériences révolutionnaires du passé n

 

Avril/15.05.91, d’après RI n°202, juin 1991

 

(1) fait, ces canons avaient été achetés avec l’argent des membres de la Garde nationale.

(2) fait que dès sa proclamation, la Commune fit flotter sur Paris le drapeau rouge au détriment du drapeau tricolore, emblème de l’idéologie nationaliste de la bourgeoisie, révèle encore le caractère prolétarien et non patriotique de ce mouvement. Il faudra attendre les années 1930 pour que, avec la trahison des partis communistes, les staliniens (et notamment le PCF) avilissent le drapeau de l’internationalisme prolétarien en le croisant avec le drapeau national de la bourgeoisie.

Histoire du mouvement ouvrier: 

  • Commune de Paris - 1871 [27]

Internationalisme no 352 - 4e trimestre 2011

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Ils accusent la finance pour épargner le capitalisme!

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“Il va y avoir un krach et la chute sera violente”. “Absolument personne ne croit aux plans de sauvetage, ils savent que le marché est cuit et que la bourse est finie”. “Les traders se foutent de comment on va redresser l’économie”. “Cette crise économique est comme un cancer”. “Préparez-vous! Ce n’est pas le moment d’espérer que les gouvernements règlent les problèmes. Les gouvernements ne dirigent pas le monde, c’est Goldman Sachs qui dirige le monde. Cette banque se fiche des plans de sauvetage”. “Dans moins de 12 mois je prédis que les économies de millions de gens vont disparaître, et ce ne sera que le début...”. Ces propos ont été tenus lundi 26 septembre sur la BBC par le trader londonien Alesio Rastani. 1

Nous partageons évidemment la noirceur de la perspective tracée par cet économiste. Le capitalisme va continuer de plonger, la crise va s’aggraver et être de plus en plus ravageuse, et les mille souffrances de la misère vont s’abattre sur une frange toujours plus large de l’humanité. Cette déclaration d’Alesio Rastani vient surtout alimenter l’un des plus gros mensonges de ces dernières années: la planète serait en faillite à cause de la finance… et seulement à cause de la finance. “C’est Goldman Sachs qui dirige le monde”. Et toutes les voix altermondialistes, de gauche et d’extrême-gauche de s’écrier alors en chœur: “Quelle horreur! Voilà la cause de tous nos maux. Nous devons reprendre le contrôle de l’économie. Nous devons mettre au pas les banques et la spéculation. Nous devons lutter pour un Etat plus fort et plus humain!”.

Ce n’est pas une nuance ou une simple affaire de terminologie. Accuser le libéralisme ou accuser le capitalisme est fondamentalement différent. D’un côté, il y a l’illusion que ce système d’exploitation peut être réformé. De l’autre, il y a la compréhension que le capitalisme n’a pas d’avenir, qu’il doit être détruit de fond en comble et remplacé par une nouvelle société. Nous comprenons donc pourquoi la classe dominante, ses médias et ses experts déploient autant d’énergie à pointer du doigt l’irresponsabilité de la finance en l’accusant de tous les déboires économiques actuels.

“C’est la faute aux traders!” : le pitoyable procédé du bouc-émissaire

Depuis quatre ans, à chaque krach boursier éclate une affaire de trader véreux. En janvier 2008, le “scandale Jérôme Kirviel” fait la Une des journaux. Il est jugé responsable de la déroute de la Société générale (banque française) pour avoir perdu 4,82 milliards d’euros. La vraie raison, l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, est reléguée au second plan. En décembre 2008, l’investisseur Bernard Madoff est mis en examen pour une arnaque de 65 milliards de dollars et fait ponctuellement oublier la faillite du géant bancaire américain Lehman Brothers. En septembre 2011, le trader Kweku Adoboli est accusé d’une fraude de 2,3  milliards de dollars à la banque suisse UBS. Cette affaire tombe, par le “plus grand des hasards”, en pleine nouvelle déconfiture économique mondiale.

La ficelle tirée ici par les banques pour justifier leurs déboires est un peu trop grosse pour ne pas être vue. Mais cette propagande médiatique intense permet de focaliser toutes les attentions sur le monde pourri de la finance. L’image de ces requins de spéculateurs, sans foi ni loi, est en train de s’incruster dans nos esprits jusqu’à devenir obsédante et embrumer notre réflexion.

Alors, prenons un instant de recul et réfléchissons: comment ces faits-divers peuvent-ils expliquer en quoi que ce soit les menaces de faillite qui planent sur l’économie mondiale? Aussi révoltantes que puissent être ces magouilles de plusieurs milliards de dollars quand des millions de personnes meurent de faim à travers le monde, aussi cyniques et honteux puissent être les propos tenus par Alesio Rastani, il n’y a là rien qui justifie en profondeur l’ampleur de la crise économique mondiale qui touche actuellement tous les secteurs et tous les pays. Il n’y a là rien de nouveau. Le capitalisme est un système d’exploitation inhumain depuis sa naissance. Le pillage barbare et sanguinaire des populations d’Afrique et d’Asie au XVIII et au XIX ème siècles en constitue une preuve tragique. La voyoucratie des traders et des banques n’explique donc rien de la crise actuelle. Si les escroqueries financières entraînent aujourd’hui des pertes colossales et mettent parfois en péril l’équilibre des banques, c’est en réalité à cause de leur fragilité induite par la crise et non l’inverse. Si, par exemple, Lehman Brothers a fait faillite en 2008, ce n’est pas à cause de l’irresponsabilité de sa politique d’investissement mais parce que le marché de l’immobilier américain s’est effondré lors de l’été 2007 et que cette banque s’est retrouvée avec des monceaux de créances sans aucune valeur.

“C’est la faute aux agences de notation” : comment accuser le thermomètre en cas de fièvre

Les agences de notation sont, elles aussi, sous le feu croisé des critiques. Fin 2007, elles étaient taxées d’incompétence pour avoir négligé le poids des dettes souveraines des Etats. Aujourd’hui, elles sont accusées au contraire de trop pointer du doigt ces mêmes dettes souveraines de la zone euro (pour Moody’s) et des Etats-Unis (pour Standard & Poor’s).

Il est vrai que ces agences ont des intérêts particuliers, que leur jugement n’est pas neutre. Les agences de notation chinoises ont ainsi été les premières à dégrader la note de l’Etat américain, et les agences de notation américaines sont plus sévères envers l’Europe qu’envers leur propre pays. Et il est aussi vrai qu’à chaque dégradation, les financiers en profitent pour spéculer, ce qui accélère la dégradation des conditions économiques.

Mais la réalité, c’est que ces toutes agences sous-estiment volontairement la gravité de la situation; les notes qu’elles attribuent sont bien trop élevées au regard de la capacité réelle des banques, des entreprises et de certains Etats à pouvoir un jour rembourser leurs dettes. L’intérêt de ces agences est indéniablement de ne pas trop critiquer les fondamentaux économiques pour ne pas créer d’affolement. Quand elles décôtent, c’est qu’elles y sont contraintes pour conserver un minimum de crédibilité. Nier totalement la gravité de la situation de l’économie mondiale serait grotesque et personne n’y croirait; il est plus intelligent, du point de vue de la classe dominante, de reconnaître certaines faiblesses pour mieux amoindrir les problèmes de fond de son système. Tous ceux qui accusent les agences de notation aujourd’hui savent tout cela parfaitement. S’ils dénigrent la qualité du thermomètre, c’est pour éviter toute réflexion sur l’étrange maladie qui touche le capitalisme mondial, de peur que l’on ne s’aperçoive qu’il s’agit là d’une maladie dégénérescente et incurable!

“C’est la faute à la finance” : la confusion de la maladie et du symptôme

Ces critiques des traders et des agences de notation appartiennent à une entreprise de propagande beaucoup plus vaste sur la folie et l’hypertrophie de la finance. Comme toujours, cette idéologie mensongère s’appuie sur une parcelle de vérité. Car il faut bien l’avouer, le monde de la finance est effectivement devenu ces dernières décennies un monstre gigantesque, presque obèse, qui est peu à peu gagné par l’irrationalité.

Les preuves sont légions. En 2008, le total des transactions financières mondiales s’élevait à 2200000 milliards de dollars, contre un PIB mondial de 55000 milliards. 2 L’économie spéculative est donc environ 40 fois plus importante que l’économie dite “réelle”! Et ces milliards ont été au fil des ans investis de manière de plus en plus folle et auto-destructrice. Un exemple est à lui seul édifiant: la VAD (vente à découvert). De quoi s’agit-il? “Dans le mécanisme de vente à découvert, nous commençons par vendre une valeur que nous ne possédons pas pour la racheter plus tard. Le but du jeu est bien évidemment de vendre une valeur à un certain prix et de la racheter à un prix inférieur pour encaisser la différence. Comme nous le voyons, le mécanisme est complètement opposé à celui d’un achat suivi d’une vente”. 3 Concrètement, la VAD entraîne d’immenses flux financiers spéculatifs sur certaines valeurs en pariant sur leur baisse, ce qui parfois peut entraîner la faillite de la cible. C’est aujourd’hui ce qui fait scandale. De nombreux économistes et politiciens nous expliquent qu’il s’agit même là du principal problème, de LA cause de la faillite de la Grèce ou de la chute de l’euro. Leur solution est donc simple: interdire les VAD et tout ira de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est vrai que ces ventes à découvert sont une pure folie et qu’elles accélèrent la destruction de pans entiers de l’économie. Mais justement, elles ne font que “l’accélérer”, elles n’en sont pas la cause! Il faut que la crise économique fasse déjà rage pour que ces ventes soient avantageuses à une si grande échelle. Les capitalistes parient de manière croissante sur la baisse et non plus sur la hausse des marchés. Les investisseurs font “des coups” sur le très court terme, sans aucun souci de la pérennité des entreprises et des usines car, de toute façon, il n’y a presque plus de secteurs industriels sûrs et rentables sur le long terme. Et c’est là, qu’enfin, nous commençons à toucher du doigt le vrai cœur du problème: l’économie dite “réelle” ou “traditionnelle” est plongée dans un profond marasme depuis des décennies. Les capitaux fuient cette sphère qui est de moins en moins rentable. Le commerce mondial étant saturé de marchandises invendables, les usines ne tournent plus suffisamment et n’accumulent plus assez. Résultat, les capitalistes investissent leur argent dans la spéculation, le “virtuel”. D’où l’hypertrophie de la finance qui n’est qu’un symptôme de la maladie incurable du capitalisme: la surproduction.

“C’est la faute au néolibéralisme” : comment enchaîner les exploités à l’Etat

Ceux qui luttent contre le néolibéralisme partagent ce constat d’état de délabrement de l’économie réelle. Pour eux, “c’est Goldman Sachs qui dirige le monde”. Ils luttent donc pour plus d’Etat, plus d’encadrement, plus de politique sociale. “Avec plus d’Etat pour encadrer la finance, nous pourrons construire une nouvelle économie, plus sociale et prospère.”

Le “plus d’Etat” ne permet en rien de régler les problèmes économiques du capitalisme. Répétons-le, ce qui mine fondamentalement ce système, c’est sa tendance naturelle à produire plus de marchandises que ses marchés ne peuvent en absorber. Depuis des décennies, il parvient à éviter la paralysie de son économie en écoulant sa surproduction dans un marché créé artificiellement par l’endettement. En d’autres termes, le capitalisme survit à crédit depuis les années 1960. C’est pourquoi aujourd’hui, les particuliers, les entreprises, les banques, les Etats, croulent tous sous une gigantesque montagne de créances et que la récession actuelle est nommée “la crise de la dette”. Or, depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers, que font les Etats, à travers leurs banques centrales, Fed et BCE en tête? Ils injectent des milliards de dollars pour éviter les faillites. Et d’où viennent ces milliards? De nouvelles dettes! Ils ne font donc que déplacer l’endettement privé vers la sphère publique et ainsi préparer de futures faillites d’Etat, comme nous le voyons avec la Grèce dès aujourd’hui.. 4

“Mais s’il ne règle pas la crise, l’Etat pourrait tout de même nous protéger, être plus social”, nous disent tous les chœurs de la gauche.

C’est oublier un peu vite que l’Etat est et a toujours été le pire des patrons. Ainsi, les nationalisations n’ont jamais été une bonne nouvelle pour les travailleurs. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’importante vague de nationalisations avait pour objectif de remettre sur pied l’appareil productif détruit en augmentant les cadences de travail. A l’époque, Thorez, secrétaire général du Parti communiste français et alors vice-président du gouvernement dirigé par De Gaulle, lança à la face de la classe ouvrière: “Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront”, ou encore: “Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale!”.

Les révolutionnaires communistes ont toujours mis en évidence, depuis l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le rôle viscéralement anti-prolétarien de l’État. “L’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste: l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble.” Friedrich Engels a écrit ces lignes en 1878, ce qui montre que, déjà à l’époque, l’Etat commençait à étendre ses tentacules sur l’ensemble de la société. Depuis lors, le capitalisme d’Etat n’a fait que se renforcer; chaque bourgeoisie nationale est en rang et au garde-à-vous derrière son Etat pour mener à bien la guerre commerciale internationale sans merci.

“Les Brics vont nous sauver” : les miracles économiques n’existent pas

Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (ou Brics) ont connu ces dernières années un succès économique retentissant. La Chine en particulier est considérée aujourd’hui comme la deuxième puissance économique mondiale, et nombreux sont ceux qui pensent qu’elle ne tardera pas à détrôner les Etats-Unis. Cette réussite flamboyante fait espérer aux économistes que ce groupe de pays pourrait devenir la nouvelle locomotive de l’économie mondiale. Les altermondialistes voient là une raison de se réjouir: la suprématie américaine de l’ultra-libéralisme étant vécue comme l’un des pires fléaux de ces dernières décennies, la montée en puissance des Brics permettrait l’avènement futur d’un monde plus équilibré et juste. Cet espoir commun de voir les Brics se développer, qu’expriment tous les grands bourgeois et les alter-mondialistes, n’est pas seulement comique, il révèle aussi qu’ils sont tous également profondément attachés au monde capitaliste.

Cet espoir va vite être déçu car il y a dans toute cette affaire de “miracle économique” un air de déjà-vu. L’Argentine et les tigres asiatiques dans les années 1980-1990 ou, plus récemment, l’Irlande, l’Espagne et l’Islande, ont été eux aussi mis en avant, en leur temps, comme des “miracles économiques”. Et comme tout miracle, cela s’est révélé être une supercherie. Tous ces pays devaient leur rapide croissance à un endettement totalement débridé. Ils ont donc connu le même sort: récession et faillite. Il en sera de même pour les Brics. Le président du fonds souverain China Investment Corp, Gao Xiping, vient d’ailleurs de déclarer: “Nous ne sommes pas des sauveteurs, nous devons nous sauver nous-mêmes”. Nous ne saurions être plus clairs !

La vérité, c’est que le capitalisme n’a ni solution, ni avenir

Le capitalisme ne peut plus être réformé. Etre réaliste, c’est admettre que seule la révolution peut éviter la catastrophe. Le capitalisme, comme l’esclavagisme et le servage avant lui, est un système d’exploitation condamné à disparaître. Après s’être développé et épanoui durant deux siècle, aux xviiie et xixe siècles, après avoir conquis la planète, le capitalisme est entré en décadence avec fracas en déclenchant la Première Guerre mondiale. La Grande dépression des années 1930 puis l’effroyable boucherie de la Seconde Guerre mondiale sont venues confirmer l’obsolescence de ce système. Mais depuis les années 1950, aucune crise aussi violente que celle de 1929 n’a éclaté. La bourgeoisie a appris à limiter les dégâts et à relancer l’économie; ce qui laisse croire aujourd’hui à certains que la nouvelle crise que nous traversons n’est qu’un énième et nouvel épisode de ces multiples tremblements et que la croissance ne tardera pas à revenir, comme elle le fait depuis 60  ans et plus.

En effet, chaque fois, la bourgeoisie n’est parvenue à relancer l’économie mondiale qu’en ouvrant toujours plus grandes les vannes du crédit. Elle n’est jamais parvenue à régler le problème de fond, la surproduction chronique ; elle n’a donc fait que repousser les échéances à coup de dettes et aujourd’hui, le système entier est étouffé sous les créances: tous les secteurs, tous les pays sont surendettés. Cette fuite en avant touche donc à sa fin. Est-ce à dire que l’économie va se bloquer, que tout va s’arrêter? Evidemment non. La bourgeoisie va continuer à se débattre. Concrètement, aujourd’hui, la classe dominante n’a le choix qu’entre deux politiques qui sont comme la peste et le choléra: austérité draconienne ou relance monétaire. La première mène à la récession violente, la seconde à l’explosion d’une inflation incontrôlable.

Dorénavant, l’alternance de courtes phases récessives et de longues périodes de reprise financées à coups de crédits est une époque définitivement révolue: le chômage va exploser et la misère comme la barbarie vont se répandre de façon dramatique. S’il y aura, de temps à autres, des phases de relance, ce ne seront que des “bouffées d’oxygène” de très courte durée auxquelles succéderont de nouveaux cataclysmes économiques. Tous ceux qui prétendent le contraire sont comme ce suicidaire qui, après avoir sauté du haut de l’Empire State Building, disait à chaque étage que “jusqu’ici, tout va bien”. La seule véritable incertitude est de savoir comment va s’en sortir l’humanité. Va-t-elle sombrer avec le capitalisme? Ou va-t-elle être capable de construire un nouveau monde de solidarité et d’entraide, sans classes ni Etat, sans exploitation ni profit? Comme l’a écrit Friedrich Engels il y a déjà plus d’un siècle: “La société bourgeoise est placée devant un dilemme: ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie”! Les clés de ce futur sont entre les mains de toute la classe ouvrière, de ses luttes unissant travailleurs, chômeurs, retraités et jeunes précaires.

D’après Pawel/29.09.2011 5


1 Source?: http ://www.dailymotion.com/video/xlcg84_alessio-rastani-c-est-goldman-sachs-qui... [29]

2 Source?: http?://www.jacquesbgelinas.com/index_files/Page3236.htm [30]

3 Source?: http?://www.abcbourse.com/apprendre/1_vad.html [31]

4 Le “plus d’Europe” ou le “plus de gouvernance mondiale” est évidemment tout autant une impasse?: qu’ils soient seuls ou à plusieurs, les Etats n’ont aucune solution réelle et durable. Tout juste leur union permet-elle de ralentir un peu l’avancée de la crise alors que leurs divisions l’accélèrent.

5 pour lire l’article en entier, voir https://fr.internationalism.org [32]

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Editorial

Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne : Occupy, le poids des illusions

  • 1497 lectures

"Le  mouvement Occupy a lieu partout dans le monde. Nous sommes les 99%. Nous sommes un forum pacifique et non-hiérarchique. Nous convenons tous que le système actuel est antidémocratique et injuste. Nous avons besoin d’alternatives, vous êtes invités à nous rejoindre dans le débat et de les développer, à créer un avenir meilleur pour tous“. Ceci est la déclaration qui vous accueille sur le site Web de Occupy Londres. 1

Indéniablement, les appels, les rencontres et occupations d’espaces public partout dans le monde trouvent leur source d’inspiration dans le mouvement Occupy Wall Street, qui s’étend dans plus d’une centaines de villes aux Etats-Unis 2, ainsi que dans d’autres villes à travers l’Europe, et également à des villes en Asie et en Amérique-Latine. Nous avons aussi vu cette vague d’Occupy traverser la Belgique et les Pays-Bas. Le format général de ce mouvement a été l’occupation (pour une courte ou longue durée) d’une place public centrale, suivie par des discussions ouvertes, discours, témoignages, appelant à des manifestations et autres actions.

Que les gens prenant part aux mouvements Occupy aient des préoccupations sincères sur la santé du monde actuel, l’état de son économie et de sa politique, est incontestable. Les nombreux sites Web, pages Facebook et Twitter, les discussions ouvertes et les déclarations en témoignent. Des camarades du CCI ont visité différents sites du mouvement dans plusieurs pays et ils ont activement pris part aux discussions qui se déroulaient. Parmi les participants aux manifestations, on retrouvait aussi bien des gens qui travaillaient, que des chômeurs, retraités et étudiants. De nombreux orateurs exprimaient leurs frustrations, leur mécontentement, d’autres tentaient de développer des analyses. Des témoignages suivaient des "discours" classiques et un nombre croissant de participants voulait vraiment lancer une discussion collective entre eux. Les occupations fournissent en effet, quelque chose qui n’est pas disponible en grand nombre dans le monde - un espace public où les gens sont libres de venir et de discuter en assemblées générales (AG) dans un effort d’essayer de comprendre la situation actuelle du monde.

Comme les événements récents en Espagne et la Grèce l’ont démontré, les assemblées sont l’élément vital de l’auto-organisation des travailleurs. Elles sont le lieu où la confrontation politique, la clarification et la réflexion peuvent avoir lieu. Mais au stade actuel il ne faut surtout pas confondre le point de départ et la forme avec le stade final. La route est encore longue. L’exemple le plus clair en est les discussions intenses en Espagne entre ceux qui plaident pour la "démocratie réelle», c’est à dire une meilleure démocratie gouvernementale réformée et ceux mettant en avant une perspective prolétarienne: "Il y a eu quelques moments très émouvants où les orateurs étaient très excités et presque tous parlaient de révolution, de dénoncer le système, d’être radical (dans le sens d’ "aller à la racine du problème» comme l’un d’eux l’a dit).“3

Beaucoup de discussions autour des protestations Occupy s’articulent encore autour de deux thèmes principaux: comment "améliorer» la démocratie parlementaire, la reconquérir pour le peuple contre les riches, les banquiers, les élites et, deuxièmement comment amener la justice sociale c’est à dire une répartition plus équitable sous le capitalisme. Comme un de nos camarades en Grande-Bretagne rapporta: "J’ai finalement trouvé la réunion où il y avait une discussion sur la démocratie et où j’ai appris qu’ils n’ont pas vraiment la démocratie en Espagne ... Dans cette réunion, les politiciens étaient à blâmer presque pour tout. Il y a eu quelques voix dissidentes qui ont tenté de soulever la question de l’économie, de souligner que la démocratie au Royaume-Uni n’est pas meilleure. Et il y avait quelques contributions bizarres à la discussion, y compris l’idée que nous devrions faire participer le public dans la fonction publique dans le même sens qu’il soit appelé à faire partie d’un jury public  ...ou nous devrions obtenir de meilleurs gestionnaires dans le gouvernement comme en Chine ..."

Lors des discussions et discours, il y a eu des tentatives à certains endroits d’envoyer des délégations, entre autre à des manifestations ouvrières (électriciens en Grande-Bretagne, d’autres conflits ouvriers en Espagne, les métallurgistes en Belgique). Ceci à un moment où, aussi bien en Grande-Bretagne, en Belgique qu’aux Pays-Bas, malgré la peur et la colère engendrées par l’austérité, il n’y avait pas réellement de riposte ouvrière.

Il devient de plus en plus clair que l’énergie spontanée initiale du mouvement est en reflux un peu partout, comme le montrent les assemblées générales, de plus en plus transformées en chambres d’écho passives des “groupes de travail" et des “comités", dont beaucoup semblent être dominés par des militants professionnels, des militants gauchistes, etc.

En Belgique et en Hollande, le CCI a également apporté des contributions limitées aux discussions. Parmi celles-ci: (a) que la façon dont les politiciens se comportent n’est pas causée par le système électoral, que ce soit en Espagne, ou en Belgique ou aux Pays-Bas, mais par le fait qu’ils défendent le capitalisme; (b) sur le rôle de la crise, qui n’est pas seulement provoquée par les banquiers; (c) sur l’importance des assemblées générales et la référence aux principales expériences historiques.

Le mouvement Occupy en Belgique et aux Pays-Bas n’est pas seulement beaucoup plus limité en taille que les mouvements en Espagne et aux Etats-Unis, mais il a surtout beaucoup plus de peine à parvenir à un véritable débat collectif et à obtenir la profondeur dans sa quête d’analyses et de réponses aux questions actuelles.

Un bon nombre de groupes gauchistes en Belgique, aux Pays-Bas, comme en Angleterre, ont souvent essayé de surfer sur les vagues du mouvement afin de faire passer leur propre agenda à travers de nombreux discours et des groupes de travail. Ce ne fut pas très difficile, parce que les réunions avaient la forme d’une réunion ouverte à tous sans beaucoup de structure. En outre, le mouvement n’était pas assez mature pour contrer les tentatives de ces groupes de monopoliser le mouvement. Aussi par une aversion aveugle de la politique, il y avait une réticence à annoncer la couleur politique, un nombre se cachant derrière "une idéologie a-politique" engendrant rapidement le nivellement de nombreuses discussions vers des slogans, vers la désignation de "coupables» et une série de protestations sans perspectives. Cela signifiait que la teneur des débats a été la plupart du temps, à part quelques cas positifs, limitée à un mélange de contributions réformistes, a-historiques et mystiques.

Les mouvements Occupy ici, mais aussi dans de nombreux autres pays, ont été très sensibles à leur image dans les médias. En effet, l’absence d’une claire conscience qu’ils devaient prendre en main et organiser eux-même l’extension et la solidarité les ont placé dans une position de faiblesse. La réaction des médias a été assez prévisible: de titres dans le genre "le choc! l’horreur!" aux articles dans la presse plus libérale ou de gauche qui mettaient en avant que ces occupations stimulaient ou constituaient un coup de pouce pour un système démocratique pondéré. Dans l’ensemble, la plupart de la presse a essayé de mettre en évidence que les politiciens devraient "répondre» aux "préoccupations" de cette protestation légitime. Mais par l’absence d’une perspective d’élargissement du mouvement vers la classe ouvrière, le mécontentement et la colère, alimentés par les médias et comment ils présentaient l’occupation, devenaient un point de fixation.

Aussi la menace d’expulsion et comment se défendre contre la violence et la répression consécutives, sont évidemment une préoccupation importante dans les lieux où il y avait une occupation permanente. Dans de nombreux endroits, tels qu’à travers les Etats-Unis, la "réponse" des politiciens a pris la forme d’une répression sévère. Cependant, quand ils ont discuté dans les assemblées générales sur la façon de réagir aux menaces d’expulsion, la préoccupation majeure était de savoir comment les médias dépeignaient leur réactions. Une proposition d’aller aux travailleurs, soutenue par nos camarades sur place, ainsi qu’ un rappel par un autre participant que leurs objectifs vont au-delà d’un maintien indéfiniment de l’occupation, ne sont pas repris. En fait les deux propositions ont été considérées comme une distraction.

Nous craignons que le plus grand danger aujourd’hui est que les mouvements Occupy se trouvent piégés dans une dynamique de recherche désespérée introspective et laissent ainsi les gauchistes et les médias décider de l’avenir du mouvement.

 

Lac & Ward / 20.11.2011

 

1 https://Occupylsx.org [33]

2 https://en.internationalism.org/node/4571 [34]

3 https://en.internationalism.org/icconline/2011/september/indignados [35]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [36]

Rubrique: 

Mouvement "Occupy"

En Egypte, les dirigeants changent, la lutte des travailleurs demeure

  • 1063 lectures

Le “mouvement de la Place Tahrir” du Caire, en Egypte, qui a fait chuter le régime de Moubarak, a inspiré les exploités du monde entier, en Espagne, en Grèce, en Israël et même aux Etats-Unis. Le courage et la détermination des manifestants ainsi que l’ampleur des rassemblements ont impressionné et donné confiance en la capacité des masses à se dresser ensemble, comme un seul homme, face aux puissants. Mais la force la plus importante dans ce mouvement a été la classe ouvrière. Les grèves dans tout le pays les 8, 9 et 10 février ont en effet constitué le facteur décisif dans la destitution du président Moubarak.

Cela dit, il faut aussi avoir conscience des limites objectives de cette lutte. Contrairement à ce que nous ont raconté la bourgeoisie et tous ses médias aux ordres, ce mouvement n’a jamais été une “révolution”. Qui est aujourd’hui au pouvoir? L’armée! Et à la tête de l’Etat, ses décisions sont tout ce qu’il y a de plus réactionnaire, répressives et anti-ouvrières. Elle a ainsi adopté presque immédiatement une nouvelle loi interdisant les grèves. Les travailleurs vivant en Egypte l’ont d’ailleurs instantanément compris. Ils ne sont pas laissés berner par ce changement de masque du régime, ils ont poursuivi la lutte pour défendre leurs conditions de vie. Depuis le début de septembre, il y a même une nouvelle vague de mécontentement et de contestation.

Des dizaines de milliers d’ouvriers du textile ont fait grève un peu partout dans le pays ainsi qu’une grande partie des 100.000 médecins, la moitié des 200.000 techniciens de la santé des hôpitaux, 4.000 dockers de l’un des ports du canal de Suez, plus de 50 % des 1,7  million d’enseignants du pays. Cette grève des enseignants est très significative de la colère immense qui traverse le pays puisqu’il s’agit de leur première grève nationale depuis 1951 et qu’ils sont allés jusqu’à occuper un certain nombre de bâtiments gouvernementaux. Au Caire, 45.000  chauffeurs d’autobus, mécaniciens et contrôleurs de billets ont aussi été en grève. Certains ont rejoint les manifestations des enseignants au siège du gouvernement.

La vague de luttes spectaculaire qui avait fait trembler tout le pays début 2011 s’était presque totalement éteinte quelques semaines après le départ de Moubarak et l’annonce des nouvelles mesures envisagées par les nouveaux maîtres militaires. Mais toutes les promesses n’ayant évidemment jamais été tenues, la colère explose aujourd’hui de nouveau. Al-Masry Al-Youm a ainsi écrit le 15 septembre: “Les revendications économiques et politiques non satisfaites ont maintenu la fureur des ouvriers d’Egypte” et “Selon les analystes, la récente réapparition de grèves très étendues, reflète une désillusion profonde par rapport au processus de transition démocratique, avec des travailleurs qui sentent de plus en plus que l’amélioration de leurs conditions économiques et politiques ont été de vaines promesses de la révolution.” En guise “d’amélioration de leurs conditions économiques”, les masses ont vu l’inflation exploser, avec, par exemple, une hausse des prix des produits alimentaires de 80 % depuis janvier!

Un des principaux pièges qui attend la classe ouvrière en Egypte, c’est l’illusion de pouvoir être défendue par de nouveaux syndicats autonomes. Depuis le départ de Moubarak, il y a eu au moins 130 créations de syndicats. Ce n’est pas inattendu puisque les syndicats officiels étaient partie intégrante de la machine d’Etat. Mais vieux ou jeunes, les syndicats seront toujours contre les luttes ouvrières. Ces nouveaux syndicats “indépendants” se sont déjà révélés les dignes successeurs des anciens en arrêtant prématurément les grèves et en sapant le développement du mouvement avec une propagande pour “un capitalisme plus démocratique”. Il y a eu récemment de grandes manifestations pour “réclamer la Révolution”. L’acteur Sean Penn, notamment, était sur la place Tahrir. Ces manifestations, tout en s’opposant à l’actuel gouvernement, réclament… un calendrier pour des élections! Le danger pour la classe ouvrière, c’est qu’elle soit prise dans ce type de bataille entre factions militaire et démocratique.

La dernière vague de grèves montre une force qui pourrait se développer, pour autant qu’elle ne soit pas détournée vers l’impasse démocratique.

 

Car/01.10.2011

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [36]

Rubrique: 

Le "printemps arabe"

L'occupation de Wall Street par les manifestants : c'est le système capitaliste lui-même qui est l'ennemi

  • 1480 lectures

Les lecteurs ont sans doute suivi les événements autour du mouvement Occupation de Wall Street (OWS). Depuis la mi-septembre, des milliers de manifestants occupent Zuccotti Park à Manhattan, à quelques blocs de Wall Street. Les manifestations se sont maintenant étendues à des centaines de villes à travers l’Amérique du Nord. Des dizaines de milliers de personnes ont pris part à des occupations, à des manifestations et à des assemblées générales qui ont montré une capacité d’auto-organisation et de participation directe à des activités politiques jamais vues aux Etats-Unis depuis de nombreuses décennies. Les exploités et la population en colère ont fait entendre leur voix, montré leur indignation contre les maux du capitalisme. L’impact international de l’OWS à travers le monde ne doit pas non plus être sous-estimée: des manifestations ont eu lieu dans les centres les plus importants du capitalisme mondial, brandissant des slogans et des expressions de ras-le-bol qui font écho à ceux jaillis à travers l’Europe et l’Afrique du Nord. (…).

Le CCI a pu participer à ces événements à New York, où plusieurs militants et sympathisants proches ont fait un certain nombre de voyages pour aller à Zuccotti Park parler avec les occupants et participer aux assemblées générales. Par ailleurs, des sympathisants du CCI nous ont envoyé des comptes-rendus sur leurs expériences dans ces mouvements dans leurs villes. Une discussion animée a également commencé sur le forum de discussion de notre site. 1 Cet article est une contribution à ce débat, et nous encourageons nos lecteurs à se joindre à la discussion.

Comment répondre aux attaques du capitalisme? Le combat pour trouver un terrain de classe

D’abord, nous devons reconnaître que le mouvement actuel d’occupation provient de la même source que toutes les révoltes sociales massives auxquelles nous avons assisté au cours de l’année 2011. Des mouvements en Tunisie et en Egypte à l’apparition des Indignés en Espagne, aux occupations en Israël et aux mobilisations contre l’austérité et l’anti-syndicalisme dans le Wisconsin et dans d’autres Etats, la frustration et le désespoir de la classe ouvrière, en particulier des jeunes générations durement frappées par le chômage. 2

Ainsi, nous voyons une continuité directe entre OWS et la volonté croissante de la classe ouvrière de se battre contre les attaques du capitalisme, à l’échelle internationale. Il est clair qu’OWS n’est pas une campagne bourgeoise pour faire dérailler et récupérer la lutte de classe. (…). Néanmoins, nous devons aussi reconnaître qu’il existe des tendances différentes dans le mouvement et qu’une lutte se déroule en leur sein. Les tendances dominantes ont une attitude très réformiste et les tendances les plus prolétariennes ont de grandes difficultés à trouver le terrain de classe de leur lutte.

En défense de la souveraineté des assemblées générales

Peut-être l’aspect le plus positif de la revendication de OWS a-t-il été l’émergence des assemblées générales (AG) comme des organes souverains du mouvement qui représente une avancée par rapport aux mobilisations dans le Wisconsin, qui, malgré leur spontanéité initiale, ont été rapidement prises en charge par les appareils syndicaux et par la gauche du Parti Démocrate. 3 L’émergence des AG dans OWS représente une continuité avec les mouvements en Espagne, en France et ailleurs, et est la preuve de la capacité de la classe ouvrière de prendre le contrôle de ses luttes et d’apprendre des événements dans d’autres parties du globe. En effet, l’internationalisation des AG, comme forme de lutte, est l’une des caractéristiques les plus impressionnantes de la phase actuelle de la lutte des classes. Les AG sont, par-dessus tout, une tentative de la classe ouvrière pour défendre son autonomie en impliquant l’ensemble du mouvement dans les décisions prises et en veillant à ce que les discussions soient les plus larges possibles.

Cependant, malgré leur importance dans ce mouvement, il est clair que ces AG n’ont pas été en mesure de fonctionner sans de considérables distorsions et sans les manipulations des activistes professionnels et des gauchistes qui ont largement contrôlé les différents groupes de travail et comités qui étaient censés être nominalement responsables des AG. Ce poids a constitué une difficulté grave pour le mouvement dans le maintien d’une discussion ouverte et il a travaillé à empêcher que les discussions ne s’ouvrent à ceux qui n’occupaient pas, pour atteindre l’ensemble de la classe ouvrière. Le mouvement du 15 Mai en Espagne a également rencontré des problèmes similaires. 4

Au début de l’occupation, en réponse aux demandes persistantes des médias pour que le mouvement identifie ses objectifs et ses exigences, un comité de presse a été formé dans le but de publier un Occupy Wall Street journal. Un de nos camarades était présent à l’AG quand le premier numéro de ce journal, qui avait déjà été rédigé et diffusé auprès des médias par le comité de presse, a été critiqué. Le sentiment dominant de l’AG a été l’indignation devant le fait que ce journal ait été produit et diffusé auprès des médias, alors que son contenu ne reflétait pas le consensus du mouvement, mais semblait refléter un point de vue politique particulier. La décision a été prise de retirer la personne responsable de la production et de la diffusion du journal du comité de presse. Cette action a montré la capacité de l’AG d’affirmer sa souveraineté sur les comités et sur les groupes de travail. Il s’agit d’une expression embryonnaire du “droit de révocation immédiate”, à l’encontre d’un membre fautif du comité de presse, qui a été rapidement révoqué pour avoir outrepassé les limites de son mandat.

Cependant, une semaine plus tard, lors d’une AG (…), des occupants du parc Zuccotti, notre camarade a trouvé une atmosphère totalement différente. (…). L’AG n’a pratiquement pas eu de discussion constructive.(…). Cette AG n’a jamais abordé la question de l’avenir du mouvement. Elle n’a même pas envisagé la question de savoir comment développer une stratégie et formuler des tactiques pour étendre le mouvement au-delà de ses limites actuelles et comment s’opposer à sa disparition presque certaine de Zuccotti Park.

Lors de cette AG, l’un de nos camarades a tenté de proposer que les occupants envisagent l’avenir en s’adressant, au-delà des limites du parc, à la classe ouvrière de la ville, auprès de qui ils étaient susceptibles de recevoir un accueil chaleureux. Il a été répondu à notre camarade que son intervention était hors sujet (…). Comment, alors, expliquer la tendance des groupes de travail, des comités et des animateurs à assurer progressivement leur contrôle sur le mouvement, au fur et à mesure que le temps passe?

Le danger de l’anti-politique

Dès le début, le mouvement OWS s’est caractérisé par un certain esprit “anti-politique” qui a servi à étouffer la discussion, empêcher la polarisation des idées contradictoires et le développement des revendications de classe. Cela a été rendu possible par les gauchistes, les célébrités politiques et les politiciens de tous bords qui ont pu intervenir et parler au nom du mouvement, et ont permis aux médias de présenter le mouvement comme la première étape d’une “aile gauche” du Tea Party. 5

Le refus de presque tous les manifestants d’OWS d’aborder la question des objectifs et des exigences, ce qui représente à notre avis une réticence générale à examiner la question du pouvoir, se présente un peu comme une énigme pour les révolutionnaires. Comment pouvons-nous comprendre ce phénomène, qui a également été présent dans d’autres mouvements des indignés et Occupy à l’échelle mondiale? Nous pensons que cela découle, dans une large mesure, des facteurs suivants:

Le poids, encore présent, des campagnes idéologiques autour de la mort du communisme

S’il est vrai que la principale force sociale derrière ces mouvements semble être la jeune génération de travailleurs, dont beaucoup sont nés après l’effondrement du stalinisme en 1989, il reste une crainte réelle de la part de la classe ouvrière de se réapproprier la question du communisme. Alors que Marx a souvent été intégré dans un processus de réhabilitation pour sa critique du capitalisme, il y a toujours une grande peur d’être associé à un système que beaucoup continuent à croire qu’il a “déjà été essayé et qu’il a échoué” et qui va à l’encontre de l’objectif d’établir “une véritable démocratie”. (…).

La prédominance de la jeune génération

En général, ces mouvements sont animés par la jeune génération des travailleurs. Bien que les travailleurs plus âgés, touchés par la destruction massive d’emplois qui s’est produite aux Etats-Unis depuis 2008 soient également présents dans les mouvements, sociologiquement, la force motrice de ces manifestations est constituée de prolétaires qui ont entre vingt et trente ans. La plupart sont instruits, mais beaucoup n’ont jamais connu dans leur vie un emploi stable. Ils sont parmi les plus profondément touchés par le chômage massif de longue durée qui hante désormais l’économie américaine. Peu d’entre eux ont une expérience du travail associé, si ce n’est d’une manière précaire. Leur identité n’est pas enracinée dans leur lieu de travail ou dans leur catégorie d’emploi. Bien que ces qualités sociologiques soient susceptibles de les rendre plus ouverts à une large solidarité abstraite, elles signifient également que la plupart d’entre eux n’ont pas l’expérience des luttes de défense des conditions de vie et de travail avec des exigences et des objectifs propres. Ayant été en grande partie exclus du processus de production, ils connaissent trop peu la réalité concrète pour défendre autre chose que leur dignité d’êtres humains! La nécessité de développer des exigences spécifiques et des objectifs n’est donc pas si évidente.(…). Un autre aspect qui ne peut être ignoré est le poids du discours politique post-moderniste, en particulier sur ceux qui sont passés par le cursus du système universitaire américain, qui instille la méfiance “traditionnelle” envers une politique de classe et son rejet.

Cela dit, nous ne pouvons pas “demander à l’enfant de se comporter en homme”. La simple existence d’assemblées générales est une victoire en soi, et ces AG constituent d’excellentes écoles où les jeunes peuvent développer leur expérience et apprendre à combattre les forces de la gauche de la bourgeoisie. Tout cela est vital pour les luttes à venir.

Le contexte spécifiquement américain

OWS reste obstinément coincé dans le contexte de la politique et de l’histoire des Etats-Unis. Les racines de la crise internationale et les mouvements sociaux dans d’autres pays sont rarement mentionnés. La croyance dominante du mouvement continue d’être que les immenses problèmes auxquels le monde est confronté sont tous, sous une forme ou une autre, la conséquence des comportements contraires à l’éthique des banquiers de Wall Street, aidés et encouragés par les partis politiques américains. (…). Enfin, il faut identifier le problème principal qui est que “le capital financier non réglementé” a servi à maintenir des illusions sur la nature finalement altruiste de l’Etat bourgeois américain.

De toute évidence, l’éthique anti-politique du mouvement OWS a servi à l’empêcher d’aller au-delà du niveau du mouvement lui-même et a finalement seulement servi à reproduire le genre de domination politique qu’il craignait à juste titre. Cela devrait servir de leçon pour les mouvements futurs. Alors que le mouvement a le droit d’être sceptique par rapport à tous ceux qui cherchent à parler pour lui, la classe ouvrière ne peut se dérober devant la discussion ouverte et la confrontation des idées. Le processus de polarisation, de travailler sur des objectifs et des exigences concrets, aussi difficile soit-il, ne peut être évité si le mouvement va de l’avant.(…). Il y a un fort risque que les principales fractions de la bourgeoisie puissent orienter ce mouvement dans une direction qui serve leurs propres intérêts contre la renaissance de la droite dans leur lutte de cliques. Cependant, en dernière analyse, l’incapacité totale de la bourgeoisie à résoudre sa crise mortelle signe la fin des illusions sur le “rêve américain”, remplacé par le cauchemar de l’existence, sous le capitalisme.

Seule la classe ouvrière offre un avenir à l’humanité

Avec toutes ses faiblesses, nous devons reconnaître les leçons profondes que les protestations d’OWS contiennent pour la poursuite du développement de la lutte des classes. L’apparition des AG, probablement pour la première fois depuis des décennies sur le sol de l’Amérique du Nord, représente une avancée majeure pour la classe ouvrière car elle cherche à développer son combat au-delà des limites tracées par la gauche bourgeoise et par les syndicats. Cependant, nous devons affirmer qu’un mouvement qui se replie sur lui-même plutôt que de chercher l’extension en direction de l’ensemble de la classe est voué à l’échec, que cet échec soit le résultat de la répression, de la démoralisation ou d’un encadrement derrière les campagnes de la bourgeoisie de gauche. (…).

Par ailleurs, aux Etats-Unis, les campagnes persistantes de l’aile droite pour écraser les syndicats ont effectivement eu pour effet de revitaliser dans une certaine mesure le carcan syndical aux yeux des travailleurs et elles ont encore plus désorienté ce secteur de la classe ouvrière. 6 En fait, dans la mesure où ce secteur de la classe ouvrière a participé au mouvement d’OWS, celle-ci s’est largement faite sous la bannière syndicale, mais avec des syndicats qui ont systématiquement œuvré à isoler leurs membres des occupants. Il était clair que, sous l’influence des syndicats, les ouvriers étaient là pour soutenir les occupants, mais non pour les rejoindre! C’est dans le mouvement de la lutte de la classe ouvrière pour défendre ses conditions de vie et de travail que les organes qui peuvent réellement mettre en œuvre la transition vers une société de producteurs associés – les conseils ouvriers – peuvent émerger.(…).

Dans une première étape, nous pensons que le mouvement d’OWS s’est laissé piéger sur le terrain idéologique bourgeois, cependant, celui-ci a déjà un immense mérite, car il donne un aperçu de la façon avec laquelle la classe ouvrière peut prendre le contrôle de sa propre lutte.

 

D'après Internationalism/19.10.2011

 

 

1 https://en.internationalism.org/forum/1056/beltov/4515/occupy-wall-stree... [37] # comment-3866.

2 Voir tous nos articles sur le mouvement indignado https://en.internationalism.org/icconline/2011/september/indignados [35]

3 Bien que contrairement au Wisconsin, où, pour l’instant la menace d’une grève générale a été brandie, OWS représente une mobilisation beaucoup moins “massive”, car, à part pour un petit groupe de manifestants, la mobilisation n’est pas régulière.

4 https://en.internationalism.org/iccon [38]. Voir “Real Democracy Now !’?: A dictatorship against the mass assemblies , article line/2011/special-report-15M-spain/real-democracy-now.

5 Voir Pierre Beinhart, “Occupy Protests” Seismic Effects” pour une déclaration sur la façon avec laquelle la gauche bourgeoise pense qu’OWS pourrait être utilisée pour faire les choux gras d’Obama. https://news.yahoo.com/occupy-protests-seismic-effect-062600703.htm [39].

6 Voir notre article sur la récente grève de Verizon.

Géographique: 

  • Etats-Unis [40]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [36]

Ni un Etat, ni deux, un monde sans frontières !

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Les manifestations de rue massives en Israël semblent, pour l’instant en tout cas, être en net recul. La question sociale, qui a été bruyamment soulevée autour des questions du logement, de l’inflation et du chômage, est une fois de plus mise sur la touche pour mettre en avant la question nationale.

Dans la Cisjordanie occupée, il y a eu des affrontements entre les soldats israéliens et des Palestiniens qui manifestaient leur soutien à la candidature de l’Autorité de la libération de la Palestine pour qu’elle soit acceptée à l’ONU en tant qu’Etat membre.

A Qalandia, un check-point israélien majeur entre la Cisjordanie et Jérusalem, les troupes israéliennes ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les lanceurs de pierres palestiniens. Les affrontements ont duré plusieurs heures et environ 70 Palestiniens ont été blessés par des granulés de caoutchouc et d’acier ou ont souffert d’inhalation de gaz lacrymogène. Ce scénario s’est joué dans de nombreux endroits. D’après des témoins et un rapport militaire, des soldats israéliens ont abattu un Palestinien, près du village d’Ousra, en Cisjordanie, lors d’un incident entre les villageois et les colons israéliens.

Un peu plus tôt, en septembre, un assaut violent contre l’ambassade d’Israël en Egypte a déclenché des raids aériens israéliens sur Gaza, qui ont causé la mort d’un certain nombre de gardes-frontières égyptiens.

Par contre, les tentatives du gouvernement pour détourner l’attention des manifestants de leurs revendications économiques et politiques en brandissant la “question palestinienne” et le sentiment anti-Israël ont rencontré peu de succès. D’après un article de Nadim Shehadi dans le New York Times (25 septembre), “même la récente attaque contre l’ambassade israélienne au Caire a été vue par beaucoup comme une diversion contre la poursuite des manifestations de la place Tahrir”. Il y avait des indices laissant soupçonner une collusion entre le gouvernement et la police dans l’attaque, qui a également coïncidé avec une visite au Caire du Premier ministre turc Erdogan, avide de promouvoir un nouvel axe anti-Israël au Moyen-Orient entre la Turquie et l’Egypte. En tout cas, le pillage de l’ambassade a certainement contribué à détourner l’attention d’une nouvelle vague de mécontentement populaire contre le régime, qui a de nouveau conduit à une vague de grèves ouvrières.

Un ou deux Etats?

Parmi ceux qui affirment être opposés au système capitaliste actuel, beaucoup soutiennent que, tant que la question nationale ne sera pas réglée en Israël et Palestine, il ne pourra jamais y avoir de lutte de classe “normale” dans la région, réunissant les travailleurs et les opprimés, indépendamment de la nationalité et de la religion, contre les capitalistes de tous les pays.

Il existe différentes approches sur la façon dont la question israélo-palestinienne pourrait être résolue: une partie de la gauche s’est montrée plus que disposée à appuyer une action militaire contre Israël (par des groupes palestiniens nationalistes, laïques et islamiques, et, logiquement, par les Etats qui leur ont fourni des armes et des ressources, comme l’Iran, la Syrie, la Libye de Kadhafi ou l’Irak de Saddam Hussein). Le fait qu’une telle politique soit combinée avec la rhétorique de la “révolution arabe” et celle d’une future “Fédération socialiste du Moyen-Orient” ne modifie pas fondamentalement son caractère militariste. Une telle vision a été mise en avant par George Galloway, du SWP et par d’autres. Cette approche a souvent été liée à l’idée d’une “solution à un Etat”: une Palestine démocratique laïque avec des droits pour tous. Comment un tel régime idyllique pourrait-il émerger d’un massacre impérialiste est une question à laquelle seuls pourraient répondre ceux qui sont formés à la sophistique trotskiste.

D’autres, à gauche, et une foule de libéraux, privilégient la “solution à deux Etats”, avec les nations israélienne et palestinienne qui se “déterminent toutes deux” et respectent mutuellement leurs droits nationaux. Dans cette vision, il y a beaucoup de nuances différentes: officiellement, les Etats-Unis sont en faveur d’une solution à deux Etats, sur la base de négociations, qu’ils supervisent avec l’ONU, l’UE et la Russie. Mais Washington met actuellement son veto à la candidature de la Palestine à l’ONU parce qu’elle dit qu’elle n’est pas basée sur des conditions mutuellement convenues. Le fait que les Etats-Unis soient de plus en plus incapables de faire plier l’intransigeance du gouvernement de droite d’Israël avec ses propositions, en particulier avec leur appel à un gel de la colonisation dans les territoires occupés, joue également un rôle majeur dans la position actuelle de l’Amérique.

En attendant, Mohamed Abbas, le président de l’autorité palestinienne, soulignant que les négociations n’existent simplement pas, va de l’avant avec la proposition que la Palestine devienne un Etat parce que cela va lui donner un certain nombre d’avantages tactiques, comme la possibilité de traduire Israël devant la Cour pénale internationale. Mais l’opposition à cette stratégie vient d’un certain nombre de partisans du nationalisme palestinien, à la fois laïques et islamiques, qui soulignent à juste titre qu’un Etat fondé sur quelques morceaux de terrains divisés et dominés par les militaires israéliens et le Mur ”anti-terroriste” n’est rien de plus qu’un Etat symbolique. Les islamistes, dont la plupart ne reconnaissent même pas l’existence d’Israël, veulent poursuivre la lutte armée pour un Etat islamique dans l’ensemble de la Palestine historique (bien qu’en pratique, ils soient prêts à examiner diverses étapes intermédiaires). A ce niveau, l’Islam militariste et le trotskisme militariste préconisent les mêmes méthodes pour la réalisation de leurs différents plans pour un système à un seul Etat. 1

Les communistes sont contre l’Etat-nation

A notre avis, ce sont toutes de fausses solutions. Le conflit Israël- Palestine, qui a traîné en longueur pendant 80 ans, est un exemple concret qui montre pourquoi le capitalisme ne peut pas résoudre les différentes “questions nationales” dont il a hérité en partie des anciens systèmes sociaux, mais qu’il a en grande partie lui-même créées.

En s’opposant au slogan du “droit de tous les peuples à l’autodétermination nationale” durant la Première Guerre mondiale, Rosa Luxemburg a fait valoir que, dans un monde désormais dépecé par les puissances impérialistes, aucune nation ne peut défendre ses intérêts sans s’aligner sur les plus grands Etats impérialistes, tout en cherchant, dans le même temps, à satisfaire ses propres appétits impérialistes. Le nationalisme n’est pas, comme Lénine et d’autres l’ont soutenu, une force potentielle qui pourrait affaiblir l’impérialisme, mais fait partie intégrante de ce dernier. Cette analyse a certainement été confirmée par l’histoire du conflit au Moyen-Orient. Il est bien connu que, depuis sa création, le sionisme ne pouvait faire la moindre conquête sans le soutien de l’impérialisme britannique et, plus tard seulement, il s’est tourné contre l’Angleterre pour se mettre au service des Etats-Unis plus puissants. Mais le mouvement national palestinien n’a pas été moins obligé de chercher le soutien des puissances impérialistes: l’Allemagne et l’Italie fascistes avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, la Russie stalinienne et ses satellites arabes pendant la guerre froide, la Syrie, l’Irak, l’Iran et d’autres depuis l’effondrement de l’ancien système des blocs. Les alliances ont changé au fil des années, mais la constante est que les nationalismes juif et arabe ont agi comme des agents locaux de rivalités impérialistes plus larges et mondiales. Ceux qui préconisent la défaite militaire d’Israël ou des solutions plus pacifiques, présidées par l’ONU, sont toujours enfermés dans cette logique.

Dans le même temps, un soutien à des solutions nationales, dans une période de l’histoire où la classe ouvrière et ses exploiteurs n’ont pas d’intérêts communs, même pas celui de la nécessité de s’opposer aux précédentes classes dominantes réactionnaires, est directement nocive pour la lutte de la classe exploitée. En Israël, la lutte des travailleurs pour défendre leur niveau de vie est constamment accueillie avec l’argument que le pays est en guerre, qu’ils doivent accepter les sacrifices et que les grèves ne peuvent que saper les besoins de la défense nationale. En Egypte et dans d’autres pays arabes, les travailleurs qui résistent à leur exploitation s’entendent dire, en permanence, que leur véritable ennemi est le sionisme et l’impérialisme américain. Les luttes ouvrières massives de 1972 en sont une illustration très claire: à la suite de la répression des grèves à Helwan par le gouvernement de Sadate, “les gauchistes (maoïstes, militants palestiniens, etc.) ont réussi à détourner toute la question vers des fins nationalistes. Ainsi, les demandes de libérer les travailleurs emprisonnés ont été combinées avec des déclarations de soutien à la guérilla palestinienne, avec des demandes pour la mise en place d’une économie de guerre (y compris un gel des salaires) et pour la formation d’une “milice populaire” pour défendre la “patrie” contre l’agression sioniste. Ainsi, le grief principal était que le gouvernement n’avait pas été assez décisif dans ses préparatifs de guerre; quant aux travailleurs, ils ont été exhortés à ne pas mener la lutte contre leurs exploiteurs, mais à former les hommes de troupe d’un impérialisme “populaire” égyptien contre son rival israélien” (“Lutte de classe au Moyen-Orient”, World Revolution no 3, avril 1975).

D’autre part, les récents mouvements de protestation montrent que lorsque la question sociale se pose dans la lutte ouverte, les arguments des nationalistes peuvent être remis en question. Le refus des manifestants de la place Tahrir, en Egypte, de subordonner leur lutte contre le régime de Moubarak à la lutte contre le sionisme, les avertissements prémonitoires par des manifestants israéliens que le gouvernement Netanyahou utiliserait un conflit militaire pour faire dérailler leur mouvement, et surtout leur détermination à poursuivre leurs revendications, même quand les affrontements militaire eurent lieu sur les frontières, montrent que la lutte des classes n’est pas quelque chose qui peut être reporté en attendant qu’une solution idéale au problème national ait été mise en œuvre. Au contraire, c’est dans le cadre de la lutte de classes elle-même que les divisions nationales peuvent être mises à jour et affrontées. En Israël, des slogans inspirés des mouvements dans le monde arabe, bruyamment clamés, comme “Moubarak, Assad, Netanyahu”, des appels à l’unité de lutte entre arabes et juifs, ont été des exemples concrets et positifs de cette possibilité, même si le mouvement est resté hésitant par rapport à l’éventualité de prendre directement en charge la question de l’occupation.

Il serait naïf de s’attendre à ce que ces mouvements récents naissent libres de toute idée nationaliste car, pour la majorité de ceux qui y ont pris part, l’internationalisme signifie plutôt une sorte de trêve ou de fête d’amour entre nations. Ceux qui luttent n’ont par encore pris pleinement conscience de ce que le combat internationaliste implique réellement: la guerre de classe à travers les divisions nationales, la lutte pour un monde sans Etats-nations.

C’est à peine nécessaire de mentionner le terrible engrenage de vengeance, de méfiance et de haine que le conflit israélo-arabe a créé et renforce chaque jour. Mais, dans le même temps, le capitalisme fournit d’amples preuves, non seulement de sa faillite économique, mais aussi de son incapacité à concilier les intérêts nationaux. Dans la prison de l’Etat-nation, que soit préféré l’idéal d’une solution à un ou à deux Etats, il n’y a tout simplement aucune possibilité de délivrer les millions de Palestiniens de la misère des camps de réfugiés ou de rendre la masse des Israéliens capables de vivre sans la peur constante de la guerre et des attaques terroristes. La vision d’une communauté humaine sans frontières, qui est la seule réponse à la crise mondiale du capitalisme, va aussi apparaître comme la seule solution réaliste au conflit israélo-arabe. Et cette vision ne peut prendre corps que dans le cadre de mouvements sociaux massifs qui évoluent vers une authentique révolution des exploités et des opprimés. Tous les Etats bourgeois, réels ou potentiels, seront l’ennemi d’une telle révolution: ils seront le premier mur à devoir être démantelé sur le chemin de la liberté.

 Amos/01.10.201

 

1 Il est important de souligner que certains sionistes de droite ont également conclu qu’un Etat serait préférable, mais que ce serait bien sûr un Etat juif dans lequel la minorité arabe serait soit expulsée, soit y resterait pour toujours comme des citoyens de seconde classe.

Géographique: 

  • Moyen Orient [25]

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Conflit israélo-palestinien

Energie nucléaire, capitalisme et communisme: l'homme et la nature (I)

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L’ampleur de la catastrophe en cours à Fukushima révèle une fois de plus l’exploitation prédatrice de la nature par le capitalisme. L’espèce humaine a toujours été amenée pour vivre à transformer la nature. Mais le Capital pose aujourd’hui un nouveau problème: ce système ne produit pas pour satisfaire les besoins de l’humanité mais pour le profit. Il est prêt à tout pour cela. Laissé à sa seule logique, ce système finira donc par détruire la planète.

Au sein de cette nouvelle série, nous allons donc retracer brièvement l’histoire des rapports entretenus par l’Homme à la nature pour mieux comprendre les dangers actuels mais aussi les nouvelles possibilités énergétiques qui pourraient s’ouvrir à l’Homme dans la société future, le communisme.

Le désastre du réacteur nucléaire de Fukushima au Japon au mois de mars dernier a réouvert le débat sur le rôle de la puissance nucléaire dans les besoins que connaît l’énergie mondiale. Beaucoup de pays, y compris la Chine, ont annoncé qu’ils allaient revoir ou temporairement arrêter leur programme de constructions de centrales tandis que la Suisse et l’Allemagne sont allées plus loin et prévoient de remplacer leur capacité nucléaire. Dans le cas de ce dernier pays, 8 des 17 centrales du pays seront fermées cette année avec un arrêt de toutes en 2022 et seront remplacées par des sources d’énergie renouvelables. Ce changement a provoqué de puissants avertissements de la part de l’industrie nucléaire et certains grands utilisateurs d’énergie de problèmes de réserves et de grosses augmentations des prix. Depuis ces dernières années, on avait vu des rapports sur la renaissance de l’industrie nucléaire avec 60 centrales en construction et une 493e planifiée selon le groupe industriel World Nuclear Association . 1 En Grande-Bretagne, il y a eu un débat sur les risques et les bénéfices du nucléaire comparé à celui des plus profitables énergies vertes. George Monbiot, par exemple, a annoncé non seulement sa conversion au nucléaire comme la seule voie réaliste pour éviter le réchauffement global de la planète 2 mais allant jusqu’à attaquer ses anciens collègues du mouvement anti-nucléaire d’ignorer la question scientifique du risque réel de la puissance nucléaire. 3

En réalité, le problème du nucléaire ne peut être compris comme une question purement technique ou comme une équation déterminée par les différents coûts ou bénéfices du nucléaire, de l’énergie fossile ou des énergies renouvelables. Il est nécessaire de s’arrêter et de regarder l’ensemble de la question de l’utilisation de l’énergie dans la perspective historique de l’évolution de la société humaine et des différents modes de production qui ont existé. Ce qui suit se veut être une esquisse nécessairement brève d’une telle approche.

L’utilisation de l’énergie et le développement humain

L’histoire de l’humanité et des différents modes de production est aussi l’histoire de l’énergie. Les premières sociétés de chasseurs-cueilleurs vivaient principalement de l’énergie humaine comme de celle des animaux et des plantes produites par la nature avec une intervention plutôt modérée, même si certains usages impliquaient l’utilisation du feu pour la déforestation en vue de cultures ou pour abattre les arbres. Le développement de l’agriculture au néolithique marqua un changement fondamental dans l’utilisation de l’énergie par l’humanité et dans ses relations avec la nature. Le travail humain fut organisé sur une base systématique pour transformer la terre, avec des forêts nettoyées et des murs érigés pour élever les animaux domestiques. Les animaux commencèrent à être utilisés pour l’agriculture et donc dans certains processus productifs comme les moulins à grains. Le feu servait à réchauffer et faire la cuisine et pour des processus industriels comme la fabrication de poteries et la fonte des métaux. Le commerce se développa également, reposant à la fois sur la puissance du muscle et de l’animal mais aussi exploitant la force du vent pour traverser les océans.

La révolution néolithique transforma la société humaine. L’augmentation des sources de nourriture qui en résulta conduisirent à une augmentation significative de la population et à une plus grande complexité de la société, avec une partie de la population allant graduellement de la production directe de nourriture vers des rôles plus spécialisés liés aux nouvelles techniques de production. Certains groupes furent aussi libérés de la production pour prendre des rôles militaires ou religieux. Ainsi, le communisme primitif des sociétés de chasseurs-cueilleurs se transforma en sociétés de classe, les élites militaires et religieuses soutenues par le travail des autres.

Les accomplissements des sociétés dans l’agriculture, l’architecture et la religion requéraient tous l’utilisation concentrée et organisée du travail humain. Dans les premières civilisations, ils furent le résultat de la cœrcition massive du travail humain, qui trouva sa forme typique dans l’esclavage. L’utilisation par la force de l’énergie d’une classe assujettie permit à une minorité d’être libérée du travail et de vivre une vie qui exigeait la mobilisation d’un niveau de ressources bien supérieur à celui qu’un individu aurait pu réaliser pour lui-même. Pour donner un exemple: une des gloires de la civilisation romaine était les systèmes de chauffage des villas qui faisaient circuler de l’air chaud sous les sols et dans les murs; rien de comparable n’a été vu par la suite durant des siècles où même les rois vivaient dans des bâtiments qui étaient si froids qu’on raconte que le vin et l’eau gelaient sur les tables l’hiver. 4 Ces systèmes étaient le plus souvent construits et entretenus par des esclaves et consommaient de grandes quantités de bois et de charbon. La chaleur dont profitait la classe dominante venait de l’appropriation de l’énergie humaine et naturelle.

La relation entre l’humanité et la nature

Le développement des forces productives et des sociétés de classe qui était à la fois la conséquence et l’aiguillon de ces dernières changea la relation entre l’homme et la nature comme il avait changé la relation entre les gens. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient immergées dans la nature et dominées par elle. La révolution de l’agriculture poussa à contrôler la nature avec les cultures et la domestication des animaux, le défrichement des forêts, l’amendement des sols par l’utilisation de fertilisants naturels et le contrôle des apports d’eau.

Le travail humain et celui du monde naturel devinrent des ressources à exploiter mais aussi des menaces devant être dominées. Il en résulta que les Hommes – exploités et exploiteurs – se détachèrent de la nature et les uns des autres. Vers le milieu du 19e siècle, Marx montra l’intime inter-relation entre l’humanité et la nature qu’il vit comme la “vie des espèces”: “Physiquement, l’homme ne vit que de ces produits naturels, qu’ils apparaissent sous forme de nourriture, de chauffage, de vêtements, d’habitation, etc. L’universalité de l’homme apparaît en pratique précisément dans l’universalité qui fait de la nature entière son corps non-organique, aussi bien dans la mesu­ re où, premièrement, elle est un moyen de subsistance immédiat que dans celle où, [deuxième­ ment], elle est la matière, l’objet et l’outil de son activité vitale. La nature, c’est-à-dire la natu­ re qui n’est pas elle-même le corps humain, est le corps non-organique de l’homme. L’homme vit de la nature signifie: la nature est son corps avec lequel il doit main­ te­ nir un processus cons­ tant pour ne pas mourir. Dire que la vie physique et intellectuelle de l’homme est indis­ so­ lu­ blement liée à la nature ne signifie pas autre chose sinon que la nature est indissoluble­ ment liée avec elle-même, car l’homme est une partie de la nature.”.5 Le capitalisme, le travail salarié et la propriété privée déchire tout cela, détournant la production du travail ouvrier en “une puissance autonome vis-à-vis de lui” et transformant la nature qui “s’oppose à lui, hostile et étrangère.”.6

L’aliénation, que Marx voyait comme une caractéristique du capitalisme dont la classe ouvrière faisait l’expérience de façon très aiguë, avait émergé en fait avec l’apparition des sociétés de classe mais s’accélérait avec la transition vers le capitalisme. Tandis que l’humanité toute entière est affectée par l’aliénation, son impact et son rôle n’est pas le même qu’il s’agisse de la classe exploitante ou de la classe exploitée. La première, en tant que classe qui domine la société, pousse vers l’avant le processus d’aliénation tout comme elle anime le processus d’exploitation et ressent rarement ce que cela provoque, même si elle ne peut échapper aux conséquences. La seconde ressent l’impact de l’aliénation dans sa vie quotidienne comme un manque de contrôle sur ce qu’elle fait et ce qu’elle est mais absorbe en même temps la forme idéologique que prend l’aliénation et le répète en partie dans ses relations humaines et dans sa relation avec le monde naturel.

Le processus a continué depuis que Marx l’a décrit. Au siècle dernier, l’humanité aliénée s’est entredévorée dans deux guerres mondiales et a vu l’effort systématique effectué pour anéantir des parties d’elle-même dans l’holocauste de la Seconde Guerre mondiale et lors des “nettoyages ethniques” des vingt dernières années. Elle a également exploité et détruit la nature brutalement au point que le monde naturel et toute vie menacent de s’éteindre. Cependant, ce n’est pas une humanité vue comme une abstraction qui a fait cela mais la forme particulière de société de classe qui est arrivée à dominer et menacer la planète: le capitalisme. Ce ne sont pas non plus tous ceux qui vivent dans cette société qui en portent la responsabilité: entre les exploiteurs et les exploités, entre la bourgeoisie et le prolétariat, il n’y a pas d’égalité de pouvoir. C’est le capitalisme et la classe bourgeoise qui ont créé ce monde et qui en portent la responsabilité. Cela peut déranger ceux qui veulent nous mettre tous ensemble dans le même sac pour le “bien commun”, mais l’histoire a montré que notre conclusion est correcte..

 North/19.06.201

 

1 Financial Times du 6 juin 2011, “Nuclear power : atomised approach”.

2 Guardian du 22 juin 2011, “Why Fukushima made me stop worrying and love nuclear power”.

3 Guardian du 5 avril 2011, “The unpalatable truth is that the anti-nuclear lobby has misled us all”.

4 Fernand Braudel, Civilisation and Capitalism 15th – 18th Century, Volume one?: The Structures of Everyday Life, p.299. William Collins Sons and Co. Ltd, London.

5 Marx, manuscrits philosophiques et ­ économiques de 1844, “Le travail aliéné” (www.marxists.org [41])

6 Ibid.

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L'homme et la nature

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