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Internationalisme no.337

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5 ans de guerre en Irak, 7 ans en Afghanistan, chaos au Moyen-Orient... Discussion: Pourquoi ces guerres? Comment y mettre fin?

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Le 26 mars, une discussion a eu lieu à Anvers à l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, à l'initiative de quelques jeunes. Chacun y était bienvenu, pour discuter et partager ses analyses à propos de l'origine des guerres qui paraissent ne plus devoir quitter ce monde. L'objectif était, comme le précisait l'invitation, de "tenir une discussion ouverte, dans laquelle on cherche sincèrement des réponses". Le CCI soutient cette initiative. L'introduction et la discussion confirment une fois de plus la thèse de notre dernier Congrès international sur le ressurgissement d'une nouvelle génération de révolutionnaires.

A tous les coins de la planète, un nombre croissant de personnes se posent les mêmes questions fondamentales sur la nature du système capitaliste et veulent débattre sur comment pouvoir établir une alternative. Comme organisation, nous voulons contribuer à ce processus partout et le plus que nous le pouvons, avec les moyens dont nous disposons. Nous publions ci-dessous l'introduction et une courte synthèse du débat qui a suivi que nous avons reçues de l'un de ceux qui en a pris l'initiative.

Introduction au débat

A l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, nous organisons aujourd'hui une soirée de discussion à propos des guerres qui ravagent ce monde et auxquelles aucune fin ne semble arriver. En premier lieu, nous pensons à la guerre en Irak, mais aussi à celles qui font rage en Afghanistan, entre Israël et la Palestine, au Soudan, au Tchad, au Congo, en Somalie, au Kenya, en Tchétchénie, et également aux tensions entre le Venezuela, l'Equateur et la Colombie. Pour la discussion de ce soir, nous partons de la situation en Irak, mais il n'est pas exclu que les autres soient aussi à l'ordre du jour. On peut par exemple se poser la question de savoir s'il existe un lien entre ces guerres et si elles ont un terrain favorable commun.

Je commence par un petit tableau de la situation actuelle en Irak, pour ne quand même pas oublier ce que cette guerre représente concrètement: 94.000 morts, 4,4 millions de réfugiés, 3.000 milliards de dollars en dépenses militaires, dévastation des installations électriques et hydrauliques, état catastrophique des soins de santé. "Chaque jour", il y a un attentat (exemple, mi-mars, une femme explosa et entraîna avec elle des dizaines de morts et de blessés), chaque quartier à Bagdad reflète la milice par laquelle elle est contrôlée, la corruption est générale (exemple, les vendeurs doivent corrompre les postes de l'armée irakienne pour faire passer leurs marchandises "c'est pire qu'à Gaza -si on ne me fait pas passer je dois faire le tour de tout un quartier pour atteindre un autre poste de contrôle, 99% de chance qu'alors je meurs.")

Face à ces faits, la première question de la plupart des gens est comment mettre fin à cette folie. Pour y répondre, nous devons nous poser une autre question: "pourquoi cette guerre?". Je propose de partir de ces deux questions ("pourquoi cette guerre?" et "comment arrêter la guerre?") pour commencer la discussion.

Une guerre de personnalités?

Comment une telle guerre est-elle possible? Personne ne veut quand même cela? Et pourtant, beaucoup prétendent que les guerres en Irak et en Afghanistan seraient menées par quelques personnes de "mauvaise volonté": Bush, Donald Rumsfeld, Blair... ou Oussama Ben Laden, Saddam Hussein, Moqtada El Sadr... Mais les guerres sont-elles vraiment menées par des individus? L'histoire est-elle faite par quelques personnes? Est-ce que Monsieur Bush détermine à lui seul de la marche de l'Etat le plus puissant du monde? Est-il le dirigeant ou est-il le représentant de la politique US? Et la société dans laquelle nous vivons, le capitalisme, ne pousse-t-elle pas en avant les dirigeants dont elle a besoin?

Une guerre issue d'une mauvaise politique?

Si ce n'est pas une question de personnalités, c'est peut-être alors une question de mauvaise politique? Les dirigeants ont-ils pris des décisions "erronées"? Ou la guerre était-elle une bonne affaire, mais aurait été mal menée? C'est du moins ce que nous répètent beaucoup de politiciens et de médias. Mais pourquoi faire la guerre?

Une guerre préventive?

Pendant 5 ans, les USA ont argumenté, avec la G-B, que l'Irak disposait d'armes de destruction massive. Depuis quand un Etat place-t-il des milliards dans une guerre uniquement destinée à désarmer un pays? Qui trouve la rationalité d'une "guerre pour préserver la paix"? ("War is peace, freedom is slavery, ignorance is strength", le slogan de l'Etat totalitaire de 1984, le livre de George Orwell). Après 5 ans, les preuves ne manquent pas que cet argument est creux, et que ce n'était pas la véritable raison de la guerre.

Quelles forces mouvantes?

L'histoire, et donc les guerres, est-elle propulsée par des personnalités, par des gens de mauvaise volonté, une "mauvaise direction" ou une propension arbitraire à faire la guerre? Je ne le pense pas. Les questions que je me pose sont: Quelles forces sociales font que cette (ces) guerre(s) doi(ven)t être menée(s)? Quels mobiles poussent la classe dominante à mener la guerre? (Car même la bourgeoisie veut la paix, mais du fait de sa nature de défenseur du capitalisme, elle est contrainte à l'hypocrisie et à la poursuite de la guerre). Quel est le terreau de ces guerres? Où sont les racines de la guerre? Ce sont là, je pense, les questions essentielles qui peuvent nous conduire à fonder une réponse sur des arguments matériels.

Une guerre impérialiste?

Selon les anti-globalistes, les altermondialistes et beaucoup d'organisations de gauche, la guerre serait menée pour le pétrole irakien, que ce soit pour le revendre ou pour l'utiliser. Et le même argument est utilisé pour quelques guerres en Afrique: les multinationales et/ou les grandes puissances soutiendraient des guerres pour les matières premières. Mais je peux difficilement m'imaginer qu'une guerre qui a déjà englouti 3.000 milliards de dollars aurait été menée pour un profit immédiat. Par ailleurs, les USA disposent eux-mêmes de plusieurs champs pétrolifères, et a conclu de nombreux accords avec des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud pour être à l'abri de toute pénurie sur ce plan. Un autre argument est que les USA et d'autres pays auraient envahi l'Irak, non pour le pétrole lui-même, mais pour le contrôle sur le pétrole et la région. La guerre est-elle menée pour élargir la sphère d'influence de chaque pays? Mais influence sur quoi et pourquoi? Influence sur une économie à genoux? Et les pays occupés ne constituent certainement pas non plus un marché. La guerre est-elle lors déterminée par des intérêts militaires et stratégiques? Mais le capitalisme n'est-il pas en premier lieu un mode de production basé sur le profit économique? Pourquoi alors attaquer l'Irak? Quels intérêts pèsent-ils le plus lourd: économiques ou stratégiques?

Comment arrêter la guerre?

"Comment arrêter la guerre?" est sans doute la question la plus souvent posée, ou du moins la plus angoissante. Récemment, des dizaines de milliers de manifestants protestaient contre la guerre à Londres, et des dizaines de milliers aux USA. Dans d'autres pays aussi, des gens sont descendus dans la rue. Et pourtant, ni ceux-là, ni les millions de manifestants des dernières années n'ont pu empêcher la guerre. Pourquoi? Peut-on mettre fin à la guerre sans détruire le système capitaliste? Le capitalisme ne porte-t-il pas la guerre en lui? Qui peut empêcher la guerre et comment? On peut évoquer quelques exemples historiques pour comprendre qui peut et qui ne peut pas arrêter une guerre:

- à la veille des deux guerres mondiales, de nombreuses manifestations pacifistes ont été organisées, et pourtant les deux guerres ont éclaté;

- la première guerre mondiale ne s'est terminée par la victoire d'aucun camp, contrairement à la seconde, mais a abouti à un armistice. Il y avait des désertions massives, une fraternisation entre soldats des deux camps, aussi bien sur le front de l'Est qu'à l'Ouest. La révolution russe éclata en 1917, et en 1918, des vagues de grèves ébranlèrent l'Allemagne. Un lien existe-t-il entre ces événements? Je le pense effectivement;

- la guerre du Vietnam a pris fin, d'une part suite aux changements d'alliance entre USA, Chine et Union soviétique, mais d'autre part du fait d'une pression dans l'armée américaine elle-même, où des milliers de GI's se sont organisés contre la guerre, et aux USA, où les ouvriers se sont mis en grève contre la guerre. On peut se demander à quel point les seconds ont déterminé les premiers, mais cela nous mènerait sans doute trop loin.

Devons-nous choisir un camp dans ces guerres? Devons-nous choisir entre terroristes, nationalistes irakiens et impérialistes? Ou sont-ils tous des impérialistes? Pour ma part, je refuse de choisir, et je pense qu'aucun nationalisme, qu'il soit irakien, américain, turc ou kurde, n'a quoi que ce soit à offrir d'autre que plus de guerre, encore plus de bains de sang. Selon moi, seul l'opposé, l'internationalisme, offre une issue.

Chiffres et citations

De Standaard, 19.3.08

https://archive.intal.be/nl/article.php?articleId=267&menuId=1 [1]

https://www.nrc.nl/buitenland/article976972.ece/Internationale-_Rode_Kru... [2]

https://www.icrc.org/Web/Eng/siteeng0.nsf/htmlall/iraq?OpenDocument [3]

https://www.indymedia.be/fr/node/26620 [4]

La discussion elle-même

Dans la discussion qui a suivi, il a semblé qu'il existait des différences d'appréciation sur un certain nombre de points. C'est ainsi que la question reste posée de savoir si ce sont des intérêts économiques ou stratégiques qui ont déterminé le déclenchement de la guerre. Le but initial des pays qui ont déclenché la guerre était-il de gagner du pétrole, et cela a-t-il dégénéré en catastrophe? Mais alors, quid de l'Afghanistan, dont nous savons tous que sur le plan économique, mis à part l'opium, il n'y a rien à gagner? Ici, les intérêts stratégiques prennent le dessus. Ou ne s'agissait-il que d'un terrain d'exercice pour la guerre en Irak? Et dans ce cas, l'Irak est-il la préparation à une prochaine guerre?

La discussion a également abordé la manière de mettre fin à une guerre. Les "journées d'action" sont-elles suffisantes pour mettre la pression sur des Etats et les contraindre à changer de politique? En se limitant à de telles actions uniques, sans réflexion en profondeur, la guerre et la société qui la produit ne sont pas vraiment mises en question. Le pacifisme est-il aussi innocent qu'il paraît?

Ensemble, les participants ont clarifié différentes questions, de façon dynamique, en échangeant des arguments. Mais de nouvelles questions ont surgi. Le débat fait clairement partie d'un processus de clarification. Un sentiment de décontraction et une réelle volonté de chercher des réponses ont contribué à une agréable ambiance de discussion.

Un des organisateurs / 26.3.08

Courants politiques: 

  • Influencé par la Gauche Communiste [5]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [6]

Bruits de bottes en Amérique du Sud: Communiqué sur les tensions entre la Colombie, l'Equateur et le Venezuela

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Dans le communiqué ci-dessous, Internacionalismo (la section du CCI au Venezuela) analyse les événements en Amérique du Sud, suite à l'incursion de troupes colombiennes sur le territoire équatorien.

Les événements

A l'aube du samedi 2 mars, l'armée colombienne bombarde un camp des Farc situé en territoire équatorien, à quelques kilomètres de la frontière colombienne. L'objectif de la mission est d'éliminer le leader de la guérilla surnommé Raul Reyes, un membre important du secrétariat des Farc, qui est décédé avec seize combattants de la guérilla. Le président colombien (Alvaro Uribe), qui a suivi l'opération toute la nuit, a averti de l'action le président équatorien (Rafael Correo), qui a réagi de façon modérée après avoir écouté les explications du président colombien.

 

Dimanche, Correo change d'avis et décide d'expulser de l'Equateur l'ambassadeur colombien, ordonnant un renforcement de la présence militaire à la frontière avec la Colombie. Lundi, l'Equateur décide de rompre les relations diplomatiques avec la Colombie, accusant le président Uribe d'être "belliqueux", après que le directeur de la police colombienne eût déclaré que des documents saisis sur les ordinateurs de combattants de la guérilla montraient qu'il y avait des liens entre les Farc et les gouvernements d'Equateur et du Venezuela (1).

Le dimanche 3 mars, Chavez, dans son show télévisé « Aló, Presidente », après avoir accusé Uribe d'être "un gangster et un laquais impérialiste", et menacé d'envoyer un bombardier russe Sukhoï si le président colombien décidait de mener une action similaire sur le territoire vénézuélien, ordonne le retrait du personnel de l'ambassade de Bogotá et la mobilisation de dix bataillons militaires le long de la frontière avec la Colombie; ce même jour (même si cela n'a pas été rendu officiel), le gouvernement vénézuélien donne l'ordre de fermer la frontière avec la Colombie (2).

Comme on pouvait s'y attendre, cette situation a créé des tensions dans la région et une inquiétude dans la population, surtout à la frontière entre la Colombie et le Venezuela.

Chavez aggrave les tensions

La réaction du gouvernement vénézuélien a été disproportionnée, alors que la Colombie n'a mené aucune action militaire d'aucune sorte sur le territoire du Venezuela. Les commentateurs soulignent que la réaction du Venezuela a été plus importante que celle de l'Equateur, le pays "envahi".

On suppose que Chavez, après la première réaction modérée de Correa (qui partage le projet chaviste de "révolution bolivarienne"), a fait pression sur le président équatorien pour qu'il rompe les relations avec la Colombie et fasse la démonstration d'un front uni contre les agressions d'Uribe.

Cette réaction exagérée du Venezuela n'est d'aucune manière surprenante. Le gouvernement gauchiste de Chavez a mis en place la stratégie politique de s'ériger en puissance régionale, sur base du pouvoir que lui confère le pétrole, et de la sorte, il exploite un anti-américanisme croissant dans le but d'utiliser les problèmes sociaux et politiques des pays de la région et les difficultés géopolitiques des USA dans le monde. Cette position a conduit le Venezuela à apporter son soutien politique et financier à des groupes et partis gauchistes de la région, certains d'entre eux détenant déjà le pouvoir, comme dans le cas d'Evo Morales en Bolivie ou de Correa en Equateur. La réaction de Chavez et ses pressions sur l'Equateur ne sont pas une surprise, puisque l'opération colombienne a révélé le soutien des deux pays à la guérilla colombienne, allant jusqu'à permettre l'établissement de camps sur leurs territoires pour échapper aux militaires colombiens. La décision du gouvernement vénézuélien de mobiliser des troupes le long de la frontière avec la Colombie était une réponse à la réelle possibilité que l'armée colombienne attaque des camps de guérilleros sur le territoire vénézuélien.

Chavez a connu continuellement des affrontements politiques et diplomatiques avec la Colombie, qui a été transformée en base militaire la plus importante des USA dans la région, sous prétexte d'attaquer la guérilla et le trafic de drogues, via le Plan Colombie, entamé en 2000.

En vue de déstabiliser le gouvernement colombien, Chavez a offert de plus en plus ouvertement son soutien aux organisations de guérilla (FARC et ELN); il apporte également son soutien politique (et peut-être financier) au Polo Democrático Alternativo (Pole Démocratique Alternatif), un parti gauchiste colombien qui défend le projet bolivarien contre le parti pro-Uribe au pouvoir.

La confrontation Chavez-Uribe s'est plus ou moins maintenue en équilibre instable depuis novembre de l'an dernier, quand Chavez était encore considéré comme un possible médiateur dans le cadre de "l'échange humanitaire" de divers otages aux mains des Farc (3) et des militants de cette organisation. On ne devrait pas oublier que l'inexplicable décision du gouvernement colombien d'accepter la médiation de Chavez pour l'échange des otages pourrait faire partie de la stratégie de la bourgeoisie colombienne et des USA pour mieux connaître les manœuvres des Farc et les affaiblir sur le plan géopolitique, exactement comme c'est en train de se dérouler aujourd'hui.

Il est vrai que les guérillas se sont retrouvées affaiblies du fait des actions déterminées de Uribe (4), une situation qui explique l'insistance de Chavez à les défendre comme une force combattante, ce qui pourrait ouvrir les portes à leur transformation en parti politique. La récente action colombienne en Equateur pourrait faire partie de la nécessité de faire barrage à cette dernière option et de mettre fin au processus unilatéral de remise des otages à Chavez, et de rendre publics les liens du gouvernement vénézuélien avec les Farc. Le gouvernement colombien, grâce à ses services secrets (épaulés par la technologie militaire américaine très avancée), a souvent dénoncé l'existence de camps de la guérilla dans les pays voisins de la Colombie, en particulier au Venezuela et en Equateur. En fait, il y a quelques mois, le président Uribe avait déjà proclamé que le leader de la guérilla Raul Reyes se cachait sur le territoire équatorien. On jurerait que le gouvernement colombien n'attendait que l'occasion favorable de l'éliminer (5).

La campagne belliciste

Les bourgeoisies US et colombienne sont au courant de l'affaiblissement de Chavez sur le plan intérieur, révélé par sa défaite au référendum le 2 décembre de l'an dernier, dont le but était de le rendre indéfiniment rééligible. Les masses qui avaient placé en lui tous leurs espoirs commencent à ne plus y croire. C'est pour cela que le gouvernement de Chavez tente sans arrêt d'entraîner la population dans une campagne agressive contre l'ennemi extérieur (les USA, et plus récemment la Colombie), en vue de détourner l'attention des masses de leurs réels problèmes quotidiens (pénurie de biens de consommation de base, criminalité, chômage...).

La stratégie géopolitique des USA a été de laisser le chavisme se décrédibiliser progressivement lui-même, c'est pourquoi le gouvernement américain a évité de tomber dans les continuelles provocations; une situation qui a mené Chavez à ajuster son artillerie nationaliste et rhétorique contre Uribe. La bourgeoisie US et ses homologues les plus "conscientes" de la région savent que les gros profits pétroliers ne suffiront pas à alimenter la voracité de la bourgeoisie bolivarienne (la "bolibourgeoisie"), qui a besoin d'énormes quantités de ressources pour ses affaires légales et illégales (le fruit du haut degré de corruption qui règne dans les rangs bolivariens); en même temps, soutenir une politique anti-américaine (financée par l'URSS du temps de la guerre froide) coûte très cher. Pareillement, la poursuite d'une politique populiste implique de grosses dépenses, une raison de l'affaissement de cette politique en 2006 (phénomène particulièrement ressenti par les secteurs les plus pauvres).

A cause du malaise social (6), la confrontation avec la Colombie et les mobilisations bellicistes n'ont pas rencontré le soutien de la population du Venezuela. Les appels de Chavez, de l'Assemblée Nationale et des grands bureaucrates du chavisme à la mobilisation de la population aux frontières ont été écoutés avec indifférence, avec hostilité, ou avec l'idée que les deux gouvernements feraient mieux de trouver un autre moyen de résoudre leur conflit. Le gouvernement a bénéficié du soutien de l'ex-bureaucrate Lina Ron, nouvelle lumpen, qui a mis ses 2.000 partisans au service du "commandeur"! Ils font partie des partisans rétribués qu'utilise le chavisme pour réprimer son opposition, et les masses d'ouvriers qui protestent ou luttent pour leurs conditions de vie. D'autre part, dans le cas du Venezuela, les fractions d'opposition de la bourgeoisie et ses partis ont resserré les rangs contre Chavez, alors que la bourgeoisie colombienne formait un front uni autour d'Uribe.

Il y a aussi un facteur non moins important qui joue contre les tendances bellicistes du chavisme: la division des forces armées, un reflet de la division que les différentes fractions de la bourgeoisie ont inculquée au niveau de la population civile. Bien que ceci ne soit pas exprimé ouvertement, il est évident qu'il y a des secteurs militaires qui sont en désaccord avec le type de relations que le gouvernement entretient avec la guérilla: celle-ci a attaqué les forces armées vénézuéliennes à maintes occasions, laissant un grand nombre de morts civils et militaires. Selon les déclarations de l'ancien ministre de la défense Raúl Baduel, qui depuis l'an dernier est passé à l'opposition, et qui a ses origines dans les forces armées, le gouvernement n'a pas le soutien des classes moyennes, celles qui ont la responsabilité des troupes.

La dynamique de la décomposition

Même si différents pays (7) et même l'OAS elle-même tentent de minimiser les tensions dans la région, il est évident qu'il est profitable pour le Venezuela de prolonger la crise. Dans ce sens, la pression sur l'Equateur va continuer: au moment où est écrit ce communiqué, le président Correa termine une visite à Caracas, un moment que lui-même et Chavez ont utilisé pour raviver les flammes du conflit. Après cela, Correa ira au Nicaragua, une occasion que le président Daniel Ortega utilisera pour rompre les relations diplomatiques avec la Colombie.

Il est possible que le conflit ne dépassera pas le discours médiatisé des deux côtés. Toutefois, il existe un contexte de décomposition qui rend impossible de prédire ce qui peut se passer:

- les USA, au travers du plan Colombie, ont introduit des facteurs d'instabilité dans la région qui sont irréversibles: la Colombie a été équipée militairement et dispose de forces armées très entraînées, qui selon les spécialistes sont quatre fois supérieures à celles du Venezuela et de l'Equateur réunies; et disposant du soutien de la technologie militaire la plus avancée. Une situation qui crée un déséquilibre militaire dans la région;

- avec la décision d'Uribe de dénoncer Chavez devant la Cour internationale pour financement de groupes terroristes, il est possible que la Colombie utilise les événements récents pour se renforcer et poursuivre la dénonciation de Chavez, et la dévalorisation de son prestige au niveau international; par exemple, la dénonciation publique du soutien du gouvernement vénézuélien aux Farc et la mise en avant de preuves de l'existence de camps de la guérilla sur le territoire vénézuélien;

- les chavistes, dans leur fuite en avant, peuvent utiliser n'importe quel moyen pour justifier une confrontation militaire avec la Colombie. Dans une de ses récentes déclarations, Chavez a menacé beaucoup d'entreprises colombiennes de nationalisation.

Internacionalismo / Mars 2008

Note: le vendredi 7 mars, en même temps que la réunion en république dominicaine des dirigeants de différents pays d'Amérique latine, Uribe, Chavez, Correa et Ortega n'ont cessé de s'étreindre; ce qui est supposé mettre fin au conflit. Nous savons tous que les politiciens ont l'habitude de s'embrasser tout en dissimulant un poignard à l'attention de leurs adversaires. De notre point de vue, Uribe a clairement dévoilé ses plans contre ses adversaires, qui n'avaient pas d'autre choix que de chercher à l'étouffer. Il est possible que les tensions diminuent provisoirement d'elles-mêmes, mais la situation conflictuelle existe toujours. Chavez a besoin d'un ennemi extérieur; pour le soutenir, l'Equateur a décidé, pour le moment, de ne pas reprendre ses relations diplomatiques avec la Colombie.

(1) Certaines des preuves trouvées concernaient le transfert de 300 millions de dollars et d'armements du Venezuela vers les Farc. La preuve soulignait également que les Farc avaient donné 50.000 dollars à Chavez en 1992, alors que celui-ci était emprisonné suite à son coup d'état manqué.

(2) La Colombie est le deuxième partenaire commercial du Venezuela, juste derrière les USA. Trente pourcent des importations du pays transitent par la frontière avec la Colombie, dont un pourcentage important de produits alimentaires. La fermeture de la frontière serait de nature à aggraver la pénurie de produits alimentaires dans le pays, qui s'est déjà alourdie depuis fin 2007. Ce fait est une expression de l'irrationalité de la fuite en avant du chavisme.

(3) Toute l'affaire de l'échange "humanitaire" a été suivie par un flot d'hypocrisies de la part des différentes fractions de la bourgeoisie, parce que l'ensemble de celles-ci tentent d'exploiter la situation (en particulier Chavez et les Farc) pour la défense de leurs propres intérêts; beaucoup de pays ont pris part à cette farce "humanitaire" (dont la France). Tous sont très peu soucieux de la vie des otages. Il faut également signaler que beaucoup des otages font partie des institutions bourgeoises (parlement, partis politiques, etc.). Nous devons dénoncer fermement l'exploitation du sentiment des masses en faveur des intérêts géopolitiques de la bourgeoisie.

(4) La force numérique des Farc est tombée de 17.000 à 11.000 depuis qu'Uribe est devenu président en 2002. Près de 7.000 guérilleros sont morts, et plus de 46.000 éléments des Farc, de l'ELN (Armée Nationale de Libération) et des AUC (Forces unies d'autodéfense de Colombie) ont été démobilisés (source: El Nacional, 3.9.07).

(5) Selon les nouvelles les plus récentes, la localisation exacte du leader de la guérilla Raúl Reyes a été possible suite à un appel de Chavez sur son téléphone satellite.

(6) Les protestations de la population sont de plus en plus fréquentes. Depuis l'an dernier, les ouvriers se sont mobilisés pour de meilleures conditions sociales et de meilleurs salaires: les travailleurs de secteurs comme le pétrole, la métallurgie, l'industrie du pneu, la santé, etc.

(7) Un des pays qui peut jouer un rôle important est le Brésil, puisque Lula est "l'ami" de tous les pays en conflit, et particulièrement de Chavez. La France, qu'on a beaucoup vu se mêler de l'affaire à cause de l'orage Betancourt, a adopté une position ambiguë qui lui a attiré des critiques: elle s'est d'abord lamentée à propos de l'incident à cause du rôle que jouait Reyes dans la médiation pour la libération des otages, montrant une position pour le moins confuse vis-à-vis des Farc; ensuite, elle a jugé nécessaire d'expliquer que ses relations avec Reyes ne dataient que de la mi-2007. Dans des déclarations récentes, elle a "menacé" les Farc de les étiqueter comme terroristes si Ingrid Betancourt devait décéder.

Géographique: 

  • Vénézuela [7]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [6]

Comment Staline a exterminé les militants de la Révolution d'Octobre 1917

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A l'occasion de l'anniversaire de la Révolution russe d'Octobre 1917, les plumitifs de la classe dominante nous servent régulièrement le même refrain : le dictateur Staline serait l'héritier de Lénine?; ses crimes étaient les conséquences inéluctables de la politique des bolcheviks dès 1917. Moralité: la révolution communiste ne peut conduire qu'à la terreur du stalinisme[1].

Ce sont les hommes qui font l'histoire, mais ils la font dans des circonstances déterminées qui pèsent nécessairement sur leurs actes. Ainsi, la principale cause de l'instauration d'un régime de terreur en URSS fut l'isolement tragique de la Révolution d'Octobre 1917. Car, comme le disait Engels dès 1847, dans ses "Principes du communisme", la révolution prolétarienne ne peut être victorieuse qu'à l'échelle mondiale : "La révolution communiste (...) ne sera pas une révolution purement nationale?; elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés (...) Elle exercera également sur tous les autres pays du globe une répercussion considérable et elle transformera complètement et accélérera le cours de leur développement. Elle est une révolution universelle?; elle aura, par conséquent, un terrain universel."

La Révolution russe ne fut pas vaincue par les forces armées de la bourgeoisie, pendant la guerre civile (1918-1920), mais de l'intérieur, par l'identification progressive du Parti bolchevique à l'État. C'est ce qui a permis à la bourgeoisie de répandre le plus grand mensonge de l'histoire consistant soit à présenter l'URSS comme une État prolétarien, soit à faire croire que toute révolution prolétarienne ne peut conduire qu'à un régime de type stalinien.

La politique de Staline n'était pas celle de Lénine

Contrairement à ce qu'affirment les idéologues de la bourgeoisie, il n'y avait pas de continuité entre la politique de Lénine et celle menée par Staline après la mort de celui-ci. La différence fondamentale qui les séparait résidait dans la question clef de l'internationalisme. La thèse du "socialisme en un seul pays", adoptée par Staline en 1925, constitue une véritable trahison des principes de base de la lutte prolétarienne et de la révolution communiste. En particulier, cette thèse, présentée par Staline comme un des "principes du léninisme", constitue l'exact contraire de la position de Lénine. L'internationalisme intransigeant de Lénine, marque de son adhésion totale au combat du prolétariat pour son émancipation, est une constante de toute sa vie[2]. Son internationalisme ne s'est pas éteint avec la victoire de la révolution russe en Octobre 1917. Au contraire, il conçoit celle-ci uniquement comme premier pas et marchepied de la révolution mondiale : "La Révolution russe n'est qu'un détachement de l'armée socialiste mondiale, et le succès et le triomphe de la révolution que nous avons accomplie dépendent de l'action de cette armée. C'est un fait que personne parmi nous n'oublie (...). Le prolétariat russe a conscience de son isolement révolutionnaire, et il voit clairement que sa victoire a pour condition indispensable et prémisse fondamentale, l'intervention unie des ouvriers du monde entier." ("Rapport à la Conférence des comités d'usines de la province de Moscou", 23 juillet 1918).

C'est pour cela que Lénine a joué un rôle déterminant, avec Trotski, dans la fondation de l'Internationale communiste (IC), en mars 1919. En particulier, c'est à Lénine qu'il revient de rédiger un des textes fondamentaux du congrès de fondation de l'IC : les "Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat".

Du temps de Lénine, l'I.C. n'avait rien à voir avec ce qu'elle est devenue par la suite sous le contrôle de Staline : un instrument de la diplomatie de l'État capitaliste russe et le fer de lance de la contre-révolution à l'échelle mondiale.

Contrairement à Lénine, Staline affirmait qu'il était possible de construire le socialisme dans un seul pays. Cette politique nationaliste de défense de la "patrie du socialisme" en Russie a constitué une trahison des principes prolétariens énoncés par Marx et Engels dans le Manifeste communiste : "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous !". Cette politique a servi à justifier le renforcement du capitalisme d'État en URSS avec l'accession au rênes du pouvoir d'une classe de privilégiés, la bureaucratie, qui vivait de l'exploitation féroce de la classe ouvrière. Staline était le bras armé et la figure de proue de la contre-révolution.

S'il a pu être le bourreau de la Révolution russe, c'est aussi parce qu'il avait certains traits de personnalité qui le rendaient plus apte que les autres membres du Parti bolchevique à jouer ce rôle. Ce sont justement ces traits de personnalité que Lénine a stigmatisés dans son testament:

- "Le camarade Staline en devenant secrétaire général a concentré un pouvoir immense entre ses mains et je ne suis pas sûr qu'il sache toujours en user avec suffisamment de prudence (...)".

Et dans un post-scriptum, rédigé à la veille de sa mort, Lénine ajoutera:

- "Staline est trop brutal, et ce défaut, pleinement supportable dans les relations entre nous, communistes, devient intolérable dans la fonction de secrétaire général. C'est pourquoi je propose aux camarades de réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste et de nommer à sa place un homme qui, sous tous les rapports, se distingue de Staline par une supériorité - c'est-à-dire qu'il soit plus patient, plus loyal, plus poli et plus attentionné envers les camarades, moins capricieux, etc. Cette circonstance peut paraître une bagatelle insignifiante, mais je pense que pour prévenir une scission, et du point de vue des rapports entre Staline et Trotski que j'ai examinés plus haut, ce n'est pas une bagatelle, à moins que ce ne soit une bagatelle pouvant acquérir une signification décisive" (Testament de Lénine, 4 janvier 1924).

Dès le milieu des années 1920, Staline va mener une politique de liquidation impitoyable de tous les anciens compagnons de Lénine en utilisant à outrance les organes de répression que le Parti bolchevique avait mis en place pour résister aux armées blanches (notamment la police politique, la Tckéka).

La grande "purge" stalinienne au sein du Parti bolchevique

Après la disparition de Lénine en janvier 1924, Staline s'empresse de placer ses alliés aux postes clef au sein du parti. Il prend comme principale cible Trotski, alter ego de Lénine pendant la Révolution d'Octobre 1917. Staline s'allie de façon opportuniste avec Boukharine qui commet l'erreur fatale de théoriser la possibilité de construire le socialisme en un seul pays (plus tard, Staline n'aura aucun scrupule à faire exécuter Boukharine).

A partir de 1923-24, toute une série de divergences sont apparues au sein du Parti bolchevique. Plusieurs oppositions se sont constituées dont la plus importante était dirigée par Trotski auquel se sont joints d'autres militants de la vielle garde bolchevique (notamment Kamenev et Zinoviev). Avec la montée de la bureaucratie au sein du parti, l'Opposition de gauche avait compris que la Révolution russe dégénérait.

Staline occupait un poste clef. Il contrôlait l'appareil du parti de même que la promotion des dirigeants. C'est ce qui lui a permis de mettre ses hommes en place et de transformer le Parti bolchevique en machine à broyer. Il a favorisé en particulier l'entrée dans le parti d'une grande masse d'arrivistes. C'est sur gens-là, qui ne cherchaient qu'à faire carrière au sein de l'appareil d'État, que Staline s'est appuyé.

Il avait désormais les mains libres pour mettre en place la grande purge au sein du parti, avec pour principal objectif d'écarter de la direction de celui-ci les principales figures de la Révolution d'Octobre (Kamenev, Zinoviev, Boukharine et surtout Trotski) pour finalement les liquider tous.

Progressivement Staline retire à Trotski toutes ses responsabilités politiques jusqu'au moment où il le fait expulser du parti en 1927 et de Russie en 1928. C'est la période où tous les opposants à Staline et les suspects remplissent les "goulags". Les Procès de Moscou (1936-38) vont permettre à Staline de liquider la vieille garde bolchevique sous le prétexte fallacieux de la chasse aux "terroristes", suite à l'assassinat du chef du parti de Leningrad, Sergueï Kirov, le 1er décembre 1934.

Des dizaines de bolcheviks ont ainsi été persécutés, emprisonnés, et finalement exterminés dans des conditions effroyables. C'était l'époque de la grande campagne stalinienne de dénonciation des "hitléro-trotskistes". Au nom de leur manque de "loyauté" envers la "patrie du socialisme", Staline a également fait exécuter des milliers de militants bolcheviks parmi les plus impliqués dans la Révolution d'Octobre. Il fallait museler définitivement tous ceux qui avaient gardé des convictions internationalistes et communistes. Il fallait effacer à jamais la mémoire de ce que fut réellement Octobre 1917. Il fallait faire disparaître tous les témoins susceptibles de contredire l'histoire "officielle" en mettant à nu son plus grand mensonge : l'idée suivant laquelle Staline aurait été l'exécuteur testamentaire de Lénine, l'idée d'une "continuité" entre la politique de Lénine et celle de Staline.[3]

La complicité de la bourgeoisie "démocratique" avec Staline

Face à la barbarie de la répression stalinienne, quelle fut la réaction des grandes démocraties occidentales ? Lorsque Staline organise, à partir de 1936, les ignobles "procès de Moscou", où l'on voit les anciens compagnons de Lénine, brisés par la torture, s'accuser des crimes les plus abjects et réclamer eux-mêmes un châtiment exemplaire, cette même presse démo-cratique à la solde du capital laisse entendre "qu'il n'y a pas de fumée sans feu" (même si certains journaux ont pu émettre quelques timides critiques à la politique de Staline en affirmant qu'elle était "exagérée").

C'est avec la complicité de la bourgeoisie des grandes puissances que Staline accomplit ses crimes monstrueux, qu'il extermine, dans ses prisons et dans ses camps de concen-tration, des centaines de milliers de communistes, plus de dix millions d'ouvriers et de paysans. Et les secteurs bourgeois qui font preuve du plus grand zèle dans cette complicité, ce sont les secteurs "démocratiques" (et particulièrement la social-démocratie), les mêmes secteurs qui aujourd'hui dénoncent avec la plus extrême virulence les crimes staliniens et se présentent comme des modèles de vertu.

C'est bien parce que le régime qui se met en place en Russie, après la mort de Lénine et l'écrasement de la révolution en Allemagne (1918-23), n'est qu'une variante du capitalisme, et même le fer de lance de la contre-révolution, qu'il reçoit un soutien chaleureux de toutes les bourgeoisies qui avaient combattu férocement, quelques années auparavant, le pouvoir des soviets. En 1934, en effet, ces mêmes bourgeoisies "démocratiques" acceptent l'URSS dans la Société des Nations (l'ancêtre de l'ONU) que les révolutionnaires comme Lénine avaient qualifiée de "repaire de brigands" lors de sa fondation. C'est le signe que Staline est devenu un "bolchevik respectable" aux yeux de la classe dominante de tous les pays, la même qui présentait les bolcheviks de 1917 comme des barbares avec le couteau entre les dents. Les brigands impérialistes ont reconnu en ce personnage un des leurs. Ceux qui, désormais, subissent les persécutions de toute la bourgeoisie mondiale, ce sont les communistes qui s'opposent au stalinisme.

C'est dans un tel contexte international que Trotski, expulsé de pays en pays, soumis à une surveillance policière de tous les instants, doit faire face aux campagnes de calomnies les plus ignobles que les staliniens déchaînent contre lui et qui sont complaisamment répercutées par les bourgeoisies de l'Occident "démocratique".

Mais là ou la complicité des grandes puissances démocra-tiques avec Staline s'est avérée la plus évidente, c'est dans le fait qu'aucune n'ait accepté de donner l'asile à Trotski lorsqu'il fut expulsé de Russie. Partout, l'ancien dirigeant de l'Armée Rouge était considéré comme persona non grata. Le monde était devenu pour Trotski une planète sans visa.

Lors de son séjour en France en 1935, l'intelligentsia compo-sée de journalistes et de certains membres de l'Académie française (comme Georges Lecomte) iront même jusqu'à faire circuler des rumeurs suivant lesquelles Trotski était en train de préparer un "coup d'État terroriste". Suite à ces rumeurs, Trotski est expulsé par l'Etat "démocratique" français. Pour empêcher qu'il ne soit livré à la police politique de Staline, le gouvernement norvégien lui offre provisoirement l'asile politique, avant de finir par l'expulser.

Après avoir erré plus de dix ans, Trotski est finalement accueilli par le gouvernement mexicain en 1939 grâce au peintre Diego Rivera qui avait des sympathies pour le trots-kisme. Après une première tentative de meurtre par un commando dirigé par un peintre stalinien, Siqueiros, Trotski est assassiné le 20 août 1940 par un agent de Staline, Ramón Mercader, qui s'était infiltré dans son entourage en séduisant une des collaboratrices du vieux révolutionnaire.

Trotski succombe sous les coups de la répression stalinienne au moment même où il commence à comprendre que l'URSS n'est pas cet "État prolétarien aux déformations bureau-cratiques" si cher à ses épigones de la Quatrième Internationale (dont se réclament certaines organisations "trotskistes" comme la LCR et Lutte ouvrière et le MAS).

Nos bons démocrates contemporains (comme Marc Ferro et Stéphane Courtois) peuvent toujours pousser des cris d'orfraie devant les crimes abominables du Parti bolchevique. Ils ne parviendront pas à effacer de nos mémoires ces faits historiques : c'est bien avec la complicité et la bénédiction de leurs prédécesseurs que Staline a pu exécuter ses basses œuvres.

Ce rappel d'un des épisodes les plus tragiques de l'histoire du vingtième siècle révèle, s'il en était encore besoin, qu'il n'y a aucune continuité mais bien une rupture radicale entre la politique de Lénine et celle de Staline. Sur son lit de mort, Lénine avait vu juste : Staline avait concentré trop de pouvoir entre ses mains[4]. Son remplacement n'aurait pas changé le cours de l'histoire : un autre dirigeant de son acabit aurait pris le rôle de bourreau de la Révolution. Mais s'il s'est finalement imposé, c'est que sa personnalité en a fait le plus apte à tenir ce rôle tout comme celle d'Hitler lui a valu les faveurs de la bourgeoisie allemande avide de revanche après sa défaite de 1918 et après la peur qu'elle avait éprouvée face à la révolution prolétarienne entre 1918 et 1923.

Contrairement aux mensonges répandus à outrance par la propagande "démocratique", le ver n'était pas dans le fruit dès Octobre 1917. Le bolchevisme de la première heure ne contenait pas, en germe, la terreur du stalinisme. Car c'est bien l'écrasement de la révolution en Allemagne qui a ouvert la voie royale à la contre-révolution en Russie, de même que la disparition de Lénine le 20 janvier 1924 a levé un des derniers obstacles à la mainmise de Staline sur le Parti bolchevique. Ce dernier est devenu le parti stalinien avec l'adoption de la théorie du "socialisme en un seul pays".

Le bolchevisme appartient au prolétariat, pas à son bourreau, le stalinisme.

Sylvestre / 20.01.08

[1] Voir l'article sur notre site Web : "Russie, Octobre 1917 : Salut à la Révolution prolétarienne ! [8]".

[2]) Voir notre article dans la brochure Effondrement du Stalinisme, consultable en ligne sur notre site Web : "Lénine : un combattant du prolétariat ; Staline : un agent du capitalisme [9]".

[3]) Pour effacer toute trace du passé, tout témoignage, Staline a même tenté de liquider les militants étrangers qui résidaient en Russie, tel Victor Serge qu'il a fait emprisonner. Ce dernier était un écrivain bénéficiant d'une certaine notoriété. S'il a pu être sauvé, c'est grâce à une campagne de mobilisation internationale.

[4]) C'est pour cela d'ailleurs que le médecin de Lénine, sur ordre de Staline, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de prolonger son agonie et a procédé à son euthanasie (ce geste "humanitaire" avait le "mérite" d'empêcher Lénine de donner ses dernières directives concernant les dérives du parti)

Courants politiques: 

  • Stalinisme [10]

Questions théoriques: 

  • Le cours historique [11]

Economie chancelante, magouilles politiques incessantes... Face à la misère capitaliste, solidarité de tous les ouvriers!

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"Le consommateur belge doit s'attendre dans les mois à venir à la plus forte hausse de prix généralisée depuis le début des années 1990. Dixit le bureau fédéral du Plan" (De Standaard, 1.3.08). Avec la hausse vertigineuse du coût des produits alimentaires de base et de l'énergie, l'inflation s'envole. Elle est chiffrée aujourd'hui à 4.39 %, le niveau le plus élevé depuis 1985, alors que les économistes tablaient, il y a quelques mois encore, sur 2%. Dans la réalité quotidienne, c'est entre 20 et 50 % que les prix des principales denrées alimentaires (pain, pâtes et céréales, produits laitiers, fruits, légumes, viande...) ou de l'énergie ont augmenté ces derniers mois. Le mazout de chauffage, par exemple, a augmenté de 50% en un an (De Morgen, 12.4.08). Et sans doute ne s'agit-il là que des premières averses d'un terrible orage qui s'annonce.

La paupérisation croissante touche l'ensemble des travailleurs

Cette paupérisation en forte croissance n'est ni "nationale" ni conjoncturelle. Et l'accélération actuelle de la crise mondiale, qui se manifeste par la sévère récession qui s'annonce suite à la crise de l'immobilier aux Etats-Unis, par une crise bancaire gravissime causée par une politique de crédits illimités, par un sévère recul des bourses, par une spéculation folle sur les matières premières, renforce son impact sur l'ensemble de la planète. Dans des pays comme l'Egypte, les Philippines, Haïti ou le Burkina Faso, des émeutes de la faim éclatent contre la hausse vertigineuse des denrées alimentaires de base. Aux Etats-Unis, le problème du logement est devenu central et chaque mois depuis l'été dernier, 200.000 personnes en moyenne sont jetées à la rue. Et cette déferlante touche aujourd'hui de plus en plus l'Europe. Dans les grandes métropoles européennes, les travailleurs sont souvent réduits à s'entasser dans des taudis plus ou moins insalubres, alors que les prix des loyers, du gaz, des transports en commun, de l'essence ne cessent de grimper. Outre les fameuses cités de banlieue dont l'état ne cesse de se dégrader, à la périphérie, des bidonvilles (que les pouvoirs publics prétendaient avoir éradiqués au début des années 1980), des abris de fortune ou de véritables "favelas" comme dans le "Tiers-monde" sont en train de refleurir.

En Belgique, 14,6% de la population vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. En Wallonie, ce chiffre grimpe même jusqu'à 17%, et à Bruxelles, on atteint déjà les 25%. Les soupes populaires (à commencer par les "Restos du Cœur") sont de plus en plus fréquentées par des salariés. Le nombre de colis alimentaires distribués s'accroît fortement et les demandes d'aide auprès des CPAS pour faire face à un endettement non gérable ont augmenté en 2007 de 21%. Par ailleurs, avec la multiplication des emplois précaires, temporaires ou partiels, un nombre croissant de travailleurs n'ont plus de revenu stable, ce qui entraîne même les familles dont les revenus se situent au-dessus du seuil de pauvreté dans les difficultés. La baisse des salaires tout comme les incertitudes sur le marché de l'emploi accentuent encore ces tendances (cf. DM, 12.4.08).

Quelle politique attendre du nouveau gouvernement ?

Les travailleurs peuvent-ils espérer une politique d'aide sociale du nouveau gouvernement ou des partis politiques qui le soutiennent ? Après 9 mois d'un psychodrame interminable, la bourgeoisie belge a enfin accouché d'un gouvernement dirigé par le social-chrétien Yves Leterme. Et, à en croire le programme gouvernemental, le temps semble effectivement au beau fixe : baisse des impôts, création de 200.000 nouveaux emplois, augmentation des bas salaires, dégagement d'un surplus de 1% du budget pour investir dans le système des retraites, etc. Bref, la promesse du paradis social ! En réalité, cette déclaration est une pure mystification, comme le reconnaissent d'ailleurs divers économistes bourgeois : "Ce gouvernement prétend diminuer les charges, augmenter les dépenses tout en dégageant un surplus budgétaire [...]. En fait, de telles intentions devraient déclencher un éclat de rire généralisé car ce gouvernement nous raconte tout simplement des histoires " (P. De Grauwe, prof. d'économie à l'U. de Louvain, DM, 29.3.08).

Si le programme gouvernemental actuel n'est que de la poudre aux yeux, c'est que le gouvernement Leterme n'est une fois encore qu'un gouvernement "transitoire", "en sursis" (pour une analyse de la crise politique, voir notre article "La crise politique n'empêche pas une attaque unifiée contre la classe ouvrière", dans Internationalisme 335). La bourgeoisie belge a dû se donner une fois de plus du temps jusqu'au 15 juillet pour négocier entre les diverses fractions politiques impliquées un grand compromis concentrant en un paquet global les mesures de réorganisation de l'Etat fédéral, d'assainissement budgétaire et de renforcement de la position concurrentielle de l'économie nationale. Dans ce cadre, le pourrissement de la situation économique à travers une année de paralysie politique pourrait bien être la stratégie suivie pour accroître la pression sur les diverses fractions régionales afin de se réunir derrière une politique commune.

Car, si le pénible cheminement pour la constitution du gouvernement et la détermination de son programme illustrent les difficultés croissantes de la bourgeoisie belge à gérer ses institutions, la classe ouvrière n'a pas d'illusion à avoir : quelles que soient les dissensions entre partis bourgeois, quelles que soient les tensions existantes, la bourgeoisie retrouve toujours son unité dans les attaques contre les travailleurs. Et les chants de sirène de la déclaration gouvernementale d'avril ne font que masquer le mûrissement du contexte pour lancer de telles agressions :

- L'encre du programme gouvernemental n'était pas encore sèche que les experts soulignaient déjà que les équilibres budgétaires proposés ne tenaient pas la route et que des restrictions s'imposeraient inévitablement lors du "contrôle budgétaire" de l'été;

- Les indicateurs économiques sont à l'orage : les prévisions de croissance de l'économie belge pour 2008 sont en chute libre de 1,9% à 1,4% (alors que la croissance était encore de 2,7% en 2007). L'instabilité économique mondiale incitera encore moins les entreprises à investir et les gens auront moins d'argent à dépenser par le fait que leurs rentrées réelles baisseront à cause de l'inflation croissante. Déjà, on constate une baisse des demandes de construction de 12%. Or budget et programme gouvernemental comptaient sur une croissance de 1,9%;

- Pour la première fois depuis 15 ans, la balance commerciale de la Belgique est en déficit. "C'est un signal important que notre position concurrentielle est en fort recul. Et cela pour un pays comme la Belgique qui se targue d'être un pays exportateur" (l'économiste G. Noels, DM, 16.4.08);

- Lorsque la bourgeoisie prépare un mauvais coup contre les salaires, elle ressort le monstre du Loch Ness de la liaison automatique des salaires à l'index, comme ce fut le cas début avril, lorsque le directeur de la Banque Nationale, Guy Quaden, évoqua la nécessité de supprimer cette indexation des salaires. Cela permet alors aux syndicats de jouer aux matamores pour "sauver l'index", tandis que le gouvernement fait passer ses mesures d'attaques contre les salaires en modifiant par exemple la composition de l'index (le gouvernement Dehaene en 1994), en imposant un "saut d'index" (dans les années 1980) ou en introduisant une norme complémentaire (la hausse des salaires belges ne peut dépasser la moyenne de celle des principaux concurrents). Comme le dit cyniquement le gouverneur Quaden (DM, 12.4.08) "L'index est important comme élément de la paix sociale en Belgique mais ce système ne peut néanmoins pas devenir économiquement trop coûteux".

L'orientation du "programme caché", que prépare le gouvernement Leterme, avec l'appui actif des partis socialistes (le PS francophone, depuis des années "aux affaires" à tous les niveaux de pouvoir, et le SPa flamand, assumant pleinement ses responsabilités dans le gouvernement régional flamand), est sans ambiguïté : une nouvelle attaque directe contre les salaires qui se combinera avec d'autres mesures : réduction des retraites et implémentation de l'âge légal du droit à la retraite à 65 ans, voire davantage comme en Allemagne (67 ans) ou en Grande-Bretagne (68 ans) ; augmentation de la productivité à travers la lutte contre l'absentéisme et la réduction des pauses ou des jours de récup ; "flexibilité" et précarité accrues dans le privé ; dégraissage de la Fonction publique ; forte dégradation des droits des chômeurs indemnisés et pressions accrues pour une mise au travail entre les diverses régions du pays. Et ceci alors que, sous l'impact de l'aggravation de la crise, des plans de licenciements massifs s'apprêtent à toucher des secteurs comme les banques et les assurances.

Vers un développement de la lutte de classe

La classe ouvrière est la première victime de l'aggravation de la crise économique mondiale. Le capitalisme en crise n'a pas d'autre moyen pour tenter de faire face à la concurrence sur le marché mondial que d'augmenter la productivité en réduisant le nombre d'emplois et de baisser le coût de la rémunération de la force de travail : pertes d'emplois et baisse des salaires; mais la paupérisation et la précarité croissantes, qui touchent la classe ouvrière, sont aussi le révélateur de la faillite irrémédiable du système capitaliste. Le capitalisme est de plus en plus incapable d'entretenir la force de travail de tous ceux qu'il exploite : l'incapacité d'intégrer une majorité de prolétaires à la production que révèlent le chômage massif et la précarité de l'emploi s'ajoute à l'incapacité de continuer à les nourrir, à les loger, à les soigner décemment.

L'accélération actuelle de la crise économique et la vague de paupérisation qui l'accompagne se produisent alors que, depuis quelques années maintenant, la classe ouvrière redresse progressivement sa tête et retrouve une combativité grandissante. Ces nouvelles attaques assénées par la bourgeoisie vont donc constituer un terreau fertile sur lequel vont se développer la lutte du prolétariat et son unité. D'ores et déjà, d'ailleurs, monte une colère dont témoigne en Belgique la "rafale gréviste" de l'hiver 2008.

Face aux hausses des prix et malgré l'absence de gouvernement, ce qui avait commencé à la mi-janvier spontanément comme un conflit social local chez un fournisseur de Ford Genk pour "1 euro de plus", se transforme très vite en une réelle vague de grèves pour une augmentation du pouvoir d'achat. Ce sont les mêmes ouvriers qui étaient sous pression à l'occasion des restructurations chez Ford, Opel ou VW en début d'année qui ont mis le feu aux poudres. D'abord, le mouvement revendicatif spontané a réussi à déborder vers Ford Genk et vers pratiquement toutes les entreprises des environs immédiats pour ensuite atteindre toute la province du Limbourg et le secteur métallurgique. La vague de grèves sauvages s'est étendue lentement vers d'autres branches industrielles et d'autres provinces, surtout dans la partie néerlandophone et à Bruxelles.

Syndicats et employeurs, pour étouffer les foyers, ont canalisé les revendications dans le sens de primes uniques et de boni liés aux résultats. Souvent, les patrons essayaient même d'acheter la paix sociale pour mettre fin à la vague de grèves avant même que les ouvriers engagent effectivement l'action. "Parce qu'ils ont eux-mêmes à tenir compte de protestations subites, mais plus encore parce qu'ils veulent à tout prix éviter une grève sauvage et sont donc prêts à racheter à l'avance un éventuel désordre" (interview de H. Jorissen, président des métallos de la FGTB dans DM, 2.2.08). Car, s'il y a bien un fil rouge à travers tout le mouvement, c'est "qu'il ne s'agit pas de grèves organisées par les syndicats, mais de grèves sauvages. C'est la base qui se révolte, et ce sont les syndicats qui tentent de négocier" (un des témoins au forum de discussion de DS sur la vague de grèves).

Les syndicats font tout pour favoriser un éparpillement des luttes qui les stérilise. Leur fonction d'encadrement repose entièrement sur leur capacité de diviser et d'isoler les luttes afin d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de leur capacité collective à s'opposer à ces attaques. Face à ce sabotage, il est nécessaire que les ouvriers arrivent à développer l'unification des nombreuses luttes simultanées qui éclatent aujourd'hui, par le biais par exemple de revendications ou de plateformes de lutte communes. C'est ainsi que pourra s'enclencher une véritable dynamique d'unité et de solidarité, que ces luttes portent en elle et qui est non seulement le seul moyen de résister à des attaques qui touchent tous les ouvriers, dans tous les secteurs, mais qui débouche sur une perspective de remise en cause de l'impasse où les plonge le capitalisme.

Jos / 15.04.08

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [12]

Grèves et manifestations du 24 avril en Grande-Bretagne: Pour l'unité dans la lutte contre toutes les divisions

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Nous publions un tract que notre section en Grande Bretagne a diffusé à l'occasion de la grève générale des enseignants le 24 avril. C'est une démonstration nette que les problèmes qui se posent et les combats ouvriers qui se mènent en Belgique se retrouvent dans tous les pays en Europe.

Le 24 avril, 250.000 enseignants lanceront une grève d'un jour contre les dernières propositions salariales du gouvernement. Ils seront rejoints par des éducateurs, des travailleurs des services publics et des employés communaux. Des manifestations et des meetings seront organisés dans de nombreuses villes.

Il y a effectivement toute une série de raisons pour lancer des actions, pas seulement d'ailleurs dans ces secteurs mais aussi dans l'ensemble de la classe ouvrière:

- des propositions salariales en dessous de l'inflation;

- la hausse des prix des produits de première nécessité, comme les produits alimentaires ou l'essence;

- la hausse du chômage, songeons par exemple aux 6.500 emplois menacés à la banque Northern Rock fraîchement nationalisée;

- les attaques contre les pensions et d'autres allocations;

- le démembrement des services sociaux, tels la santé ou l'éducation.

Toutes ces attaques contre le niveau de vie des travailleurs, ainsi que d'autres d'ailleurs, ne sont pas décidées et imposées par des patrons individuels mais par l'Etat, sous sa forme nationale ou locale. Confronté au développement d'une crise économique qui a clairement une dimension globale, l'Etat national apparaît de plus en plus comme la seule force capable d'organiser la réponse requise par le système capitaliste : réduire le coût du travail afin de pouvoir concourir pour les marchés et de préserver les profits. C'est pourquoi l'Etat intervient pour se porter garant de banques en faillite en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour imposer aux travailleurs du secteur public des ‘restrictions salariales', pour introduire des réductions budgétaires dans les domaines de la santé, de la sécurité sociale et de l'enseignement (en d'autres mots des réductions du salaire social). C'est pourquoi aussi il introduit de nouvelles lois qui réduisent les allocations de retraite et retardent le départ à la retraite. Et lorsque la compétition économique laisse la place à la compétition militaire, comme dans les Balkans, en Afghanistan ou en Irak, c'est l'Etat qui détourne de vastes montants de richesse sociale vers la production d'armement et la tenue de la guerre.

Ces politiques ne sont pas le résultat de méchants individus ou de partis gouvernementaux spécifiques. Les gouvernements de droite ou de gauche mènent la même politique de base. En Amérique du Nord, le gouvernement Bush loue la libre entreprise et dirige une économie dans laquelle 28 millions de personnes ont besoin de bons de nourriture pour survivre. En Amérique du Sud, Chavez dénonce Bush, parle du ‘Socialisme du 21ème siècle' et envoie des escadrons de ‘révolutionnaires bolivariens' pour réprimer les sidérurgistes en grève.

Confrontés à ces attaques centralisées et menées par l'Etat contre leurs conditions de vie et de travail, les travailleurs ont partout les mêmes intérêts: résister aux pertes d'emplois et aux réductions des salaires, réagir aux attaques contre leurs avantages sociaux. Mais ceci n'est pas possible en se battant séparément, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Face à la force de l'Etat capitaliste, ils doivent de leur côté constituer leur propre force, basée sur leur unité et leur solidarité, au-delà de toute division en profession, syndicat ou nationalité.

Après des années de dispersion et de désarroi, les travailleurs commencent tout juste à redécouvrir ce que l'unité et la solidarité signifient. Ils doivent saisir chaque opportunité pour transformer ces principes généraux en action pratique. Si les syndicats appellent à des grèves et des manifestations autour de questions qui les concernent directement, comme c'est le cas le 24 avril, les travailleurs doivent répondre aussi massivement que possible - allez aux rassemblements de masse, rejoignez les manifs, participez aux piquets, discutez et échangez des idées avec des travailleurs d'autres secteurs ou entreprises.

L'unité des travailleurs ne peut être organisée à travers les syndicats

Mais attention : les syndicats, qui se présentent comme les représentants des travailleurs, servent en réalité à nous garder divisés.

Ceci n'est nulle part plus évident que dans le secteur de l'éducation. La grève du 24 avril implique les membres du NUT dans l'enseignement primaire et secondaire. Elle n'implique pas les enseignants de la sixième dans les lycées qui ont des employeurs ‘différents'. Elle n'implique pas non plus les enseignants d'autres syndicats, comme ceux du NAS/ UWT, qui affirment que le problème n'est pas le salaire mais la masse de travail. Elle n'implique pas non plus des milliers de travailleurs de l'éducation qui ne sont pas des enseignants, comme les assistants pédagogiques, le personnel administratif, de nettoyage ou de restauration, etc.., même si ceux-ci ont de nombreuses revendications à faire valoir. Et si le NUT aujourd'hui développe un discours radical, en 2006, lorsque un grand nombre de ces travailleurs de soutien éducationnel sont partis en grève, ce même NUT a appelé ses membres à franchir les piquets de grève.

La même histoire peut être répétée pour les services publics, les employés communaux, dans le métro ou les chemins de fer et dans bon nombre d'autres secteurs industriels, où les travailleurs sont divisés en différentes catégories et syndicats. Depuis longtemps, l'Etat britannique a rendu toute grève de solidarité illégale pour des ouvriers travaillant pour des employeurs différents. En maintenant les travailleurs dans le carcan de ces lois, les syndicats font le travail de l'Etat dans l'usine. Il en va de même des lois interdisant aux ouvriers de décider des actions de grève en assemblée générale. La magouille des votes syndicaux lie les mains aux ouvriers et les empêche de prendre des décisions en tant que force collective.

En conséquence, si nous voulons développer une telle force, nous devons commencer à prendre notre lutte en main et pas la laisser entre les mains des ‘spécialistes' des syndicats. Les employés municipaux de Birmingham ont voté en assemblées générales qu'ils participeraient aux grèves autour du 24 avril. C'est un bon exemple à suivre : nous devons tenir des assemblées partout sur les lieux de travail, là où tous les travailleurs, de tous les syndicats ainsi que les non-syndiqués, peuvent être présents et participer à la prise de décision. Et nous devons insister que les décisions prises en assemblée générale soient contraignantes et pas dépendantes de votes syndicaux ou de réunions privées de délégués syndicaux.

L'unité sur le lieu de travail est inséparable du développement de l'unité avec des travailleurs d'autres entreprises et d'autres secteurs, que ce soit par l'envoi de délégations à leurs assemblées, en rejoignant leurs piquets de grève ou en se retrouvant lors de meetings ou de manifestations.

Appeler tous les travailleurs à se rassembler, à faire grève et à manifester ensemble pour des revendications communes est évidemment ‘illégal' pour un Etat qui veut mettre hors la loi la véritable solidarité de classe. L'objectif peut donc sembler à première vue effrayant, un pas trop important à franchir. Mais c'est dans l'action même de prendre les choses en main et de chercher l'unité avec d'autres travailleurs que nous développerons la confiance et le courage nécessaires à la poursuite du combat.

Et étant donné les sombres perspectives proposées par le système capitaliste mondial - un futur de crise, de guerre et de désastre écologique - il ne fait guère de doute que la lutte devra aller plus loin. De la défense de nos conditions de vie basiques, elle devra s'orienter vers un questionnement et une mise en cause de l'ordre social dans sa totalité.

Amos / 5.04.08

Géographique: 

  • Grande-Bretagne [13]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La lutte Proletarienne [14]

Luttes en Allemagne: Une combativité ouvrière croissante

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Les cinq dernières années ont témoigné d'un développement international de la lutte de classe. Ces luttes se sont développées en réponse à la brutalité de la crise capitaliste et à l'aggravation dramatique des conditions de vie et de travail à travers le monde.

Et en ce moment même en Allemagne, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle étape de cette dynamique. Dans ce principal pays industriel de l'Europe, de nombreuses grèves se développent dans les secteurs les plus importants de l'économie allemande. Licenciements massifs, baisses brutales des salaires et aggravations drastiques des conditions de travail sont le ferment du développement de ces luttes dans un pays où la classe ouvrière était réputée, il y a quelques années encore, pour avoir un des niveaux de vie les plus élevés d'Europe.

Une nouvelle année de mécontentement

L'année 2008 avait commencé avec l'obligation de la compagnie de chemin de fer Deutsche Bahn (DB) de garantir dès fin janvier une augmentation de salaire de 11 % et une heure de réduction de la semaine de travail pour les conducteurs de train. Cela avait été le résultat de 10 mois d'un conflit que ni la mise hors-la-loi des grèves au niveau national ni la division au sein des travailleurs de DB par les syndicats n'avaient pu éroder.

Cette grève avait été suivie par une forte mobilisation dans la région de la Ruhr au sujet de l'arrêt de la production de téléphones mobiles chez Nokia. Une journée d'action en solidarité avec les employés de Nokia à Bochum a vu par exemple la mobilisation dans les rues d'ouvriers de différents secteurs et l'envoi de délégations de différentes parties de l'Allemagne. En particulier, les ouvriers des usines automobiles Opel de Bochum se sont mis en grève en soutien aux "Nokianers" ce jour-là. Le rôle de l'usine automobile Opel à Bochum est loin d'être négligeable car il est vrai que les employés de Nokia se sont sentis démo-ralisés et intimidés par la brutalité provocatrice avec laquelle la fermeture de l'usine avait été annoncée. Et ce fut dans une large mesure l'intervention massive des ouvriers d'Opel à Nokia, appelant à la lutte et leur promettant de se joindre à eux dans une grève éventuelle, qui a rendu possible la mobilisation qu'on a pu voir.

Mais c'est l'ouverture des négociations salariales annuelles qui a déclenché dès mi-février de nombreuses expressions de combativité ouvrière brisant le mythe du "modèle de consensus social allemand" cher à la bourgeoisie. Les grèves tournantes des ouvriers de la métallurgie ont été suivies d'arrêts de travail de dizaines de milliers d'ouvriers du secteur public partout dans le pays. Depuis janvier, la tension ne cesse de monter. Aussi, le 5 mars, le syndicat Verdi appelait les employés des hôpitaux, y compris les médecins, les ouvriers des lignes des trains et de transports régionaux (non gérés par DB), ceux des crèches, des caisses d'épargne et de nombreuses adminis-trations publiques, des aéroports, pilotes inclus, à se mettre en grève et à manifester, exigeant une augmentation de salaire de 12 %. Or le gouvernement ne propose d'accorder qu'une augmentation de 4 %, alors que les salaires réels ont officiellement baissé de 3,5 %, assortie d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire de deux heures!

Verdi était initialement prêt à faire passer la pilule de cet accord aux salariés, mais la force de l'hostilité envers l'accord et les risques très réels de débordements des syndicats ont été tels qu'il a été contraint de faire marche arrière et de s'efforcer de prendre la tête du mécontentement en appelant à faire grève, mais région par région.

La grève des transports locaux à Berlin

Mais c'est surtout la grève totale illimitée des ouvriers des transports locaux de Berlin qui, depuis la fin de la première semaine de mars, a démontré que, cette année, les "rounds" de négociations salariales mettent directement en cause l'offensive capitaliste contre la classe ouvrière. Cette grève de 10 000 ouvriers - déjà la plus massive et la plus longue de ce secteur de l'histoire allemande de l'après-guerre - a manifesté une com-bativité et une détermination qui ont tout de suite pris la bourgeoisie par surprise. Ce conflit a surgi à un moment où les chemins de fer allemands faisaient une dernière tentative pour rejeter les concessions qu'ils avaient été contraints de faire envers les conducteurs de DB qui menaçaient alors de se mettre à nouveau en grève, et à un moment où les négociations dans le secteur public étaient sur le point de capoter. Cette grève des transports municipaux, excepté les trains de banlieue (S-Bahn, qui appartient à la DB), a été soigneusement isolée du reste des grèves qui se développaient sur l'ensemble du pays et des autres secteurs à Berlin même. Dans le contexte de luttes simultanées qui se déroulaient dans l'ensemble de l'Allemagne sur les mêmes revendications salariales, et après les fortes expressions de solidarité existant dans la classe ouvrière comme on l'a vu autour de la fermeture de Nokia, patrons et syndicats ont dû tirer le signal d'alarme. Pour faire diversion, Verdi planifiait une journée d'action un samedi vers la fin février pour tenter de faire passer l'accord passé entre lui et BVG, patron des employés des transports locaux, accord prévoyant que les salaires seraient gelés jusqu'en 2007, avec des augmentations uniquement pour ceux qui avaient été embauchés depuis 2005. Mais la colère des ouvriers était telle qu'ils se mirent en grève 24 heures avant la date prévue, sans attendre aucune "permission" des syndicats. L'indignation fut si forte, non seulement sur les salaires, mais aussi sur la tentative évidente de diviser les ouvriers entre "jeunes" et "vieux", que Verdi a abandonné sa requête d'un "accord négocié et cordial" et a retourné sa veste en un clin d'œil en appelant dans de grands discours radicaux à faire grève... mais tout en s'efforçant, en réalité, d'enfermer les ouvriers dans "leur" lutte et de les isoler de leurs frères de classe. Ainsi, alors que le mouvement de grève dans les aéroports touchaient massivement Stuttgart, Cologne, Bonn, Hambourg ou Hanovre, Verdi, sous prétexte de ne pas "saboter" le salon allemand du tourisme, faisait en sorte que l'aéroport de Berlin ne connaisse ni grève ni débrayages. De la même façon, devant le dévelop-pement d'un tel contexte, DB faisait rapidement marche arrière quelques heures avant la reprise d'une grève générale des conducteurs de trains qui traversent Berlin, grève qui menaçait du fait des tentatives de la direction de remettre en cause les accords sur les 11% et la diminution du travail promise fin janvier. Cette grève a montré un début de remise en question des syndicats et a conduit à une confrontation ouverte avec la coalition qui dirige Berlin entre l'aile gauche de la social-démocratie et le "Linkspartei". Ce dernier, qui est sorti du parti stalinien SED, anciennement à la tête de l'Allemagne de l'Est et gagnant à présent du terrain dans l'ex-Allemagne de l'Ouest avec l'aide de l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, a dénoncé la grève comme une expression de la "mentalité privilégiée" des Berlinois de l'Ouest "dorlotés" !

Signe de cette évolution, de nombreux blogs sur Internet sont apparus, dans lesquels les ouvriers du rail ou encore des pilotes et des personnels hospitaliers exprimaient leur admiration et leur solidarité avec la grève de BVG. Cela est très important car dans ces secteurs, où le poids du corporatisme est particu-lièrement fort et puissamment alimenté par les syndicats, ils expriment par-là clairement une profonde tendance vers l'unité et la solidarité dans la période qui vient.

Wilma / 21.03.08

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Liens
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