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Octobre 1988 : Bilan de la lutte des infirmières (...) Les coordinations : la nouvelle arme de la bourgeoisie

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I - Pourquoi cette brochure

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 L'année 88 s'est terminée sur une flambée massive de colère et de combativité qui s'est exprimée en particulier parmi les ouvriers du secteur public. Aujourd'hui encore la lutte dans les hôpitaux, notamment celle des infirmières, est dans toutes les mémoires, et c'est en effet, une importante expérience que vient de faire la classe ouvrière en France.

La nécessité d'en tirer des leçons pour les luttes à venir est primordiale. C'est une réflexion qui doit se mener aujourd'hui au sein de la classe ouvrière avec détermination, profondeur, lucidité, avec un esprit critique sans concessions.

Cet état d'esprit, cette démarche, elle en a d'autant plus besoin que la bourgeoisie fait tout pour miner, empoisonner sa réflexion.

A entendre toutes les fractions de la bourgeoisie, en particulier la gauche et les gauchistes, il faudrait retenir des luttes de l'automne 88 que :

  • les infirmières ont été victorieuses puisqu'elles ont obtenu quelque chose,
  • leur lutte a fait preuve d'une grande force parce qu'elles sont restées entre elles, parce qu'elles se sont battues essentiellement sur des revendications qui ne concernaient qu'elles, et surtout parce qu'elles se sont dotées d'organes de lutte efficaces, hors des syndicats : les coordinations.

Ces leçons que tire la bourgeoisie n'ont rien à voir avec la réalité :

1) S'il faut parler de victoire, c'est plutôt de celle de la bourgeoisie.

D'abord, parce que les augmentations de salaires obtenues par les infirmières sont loin de rattraper les pertes accumulées durant des années et la baisse réelle de leur niveau de vie. Parce que le gouvernement n'a rien cédé en réalité (depuis sa mise en place le gouvernement Rocard avait prévu ces augmentations dans son budget normal) d'autant qu'il a réussi à mettre au placard les autres revendications aussi importantes que les salaires (effectifs, cadences...). Mais surtout, parce que les autres secteurs en lutte se sont battus pour rien.
Ainsi la bourgeoisie a réussi le tour de force de faire passer le gouvernement Rocard comme un gouvernement de "dialogue" (la presse bourgeoise appelle cela "la méthode Rocard"), "compréhensif', "conciliant", sans avoir fondamentalement rien cédé.
2) Quant à la "force" des infirmières, c'est en fait de leur principale faiblesse que la bourgeoisie cherche à faire l'apologie : le corporatisme le plus étroit. Que ce soit à travers la dynamique vers l'isolement donnée à leur lutte qui les amenait à s'enfermer dans leur "tour d'ivoire", ou à travers la mise en avant de revendications les plus spécifiques à leur corporation (voire même à chacune des catégories), les plus bassement élitistes pour certaines (Bac + 3) au détriment des revendications qui concernent la plus grande majorité des travailleurs. Même la revendication des "2000 F pour tous" est unificatrice en apparence et démagogique en réalité.

Pour ce qui est des coordinations qui auraient été une arme efficace pour les infirmières, rien n'est plus faux et mensonger :

  • les coordinations, en particulier "la coordination infirmière", ont joué le rôle de "cheval de Troie" de la bourgeoisie dans la lutte pour faire le même  sale boulot de sabotage (division, enfermement corporatiste et dispersion du mouvement) que celui que font habituellement les syndicats traditionnels;
  • de plus, elles ont dépossédé les travailleurs de leur lutte, comme le font les syndicats classiques, tout en leur donnant l'illusion qu'ils la prenaient réellement en charge.
Cette "force" que la gauche et les gauchistes célèbrent aujourd'hui tourne le dos en fait à la véritable lutte de classe, massive, unie, seule capable de faire plier la bourgeoisie.

En fait, ce dont les ouvriers doivent se convaincre aujourd'hui, c'est que le sabotage de ce mouvement de lutte n'a pas concerné que les infirmières ou les hospitaliers, mais bien l'ensemble de la classe ouvrière. Ce qu'ils doivent comprendre, c'est qu'ils ont subi une gigantesque manœuvre, préparée de longue date par le PS, les syndicats qui lui sont proches et les gauchistes de Lutte Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire, dont le but était, à travers la lutte des infirmières, par son déclenchement prématuré, et son contrôle par les coordinations, d'entamer un travail de dispersion de la combativité montante dans toute la classe ouvrière. C'est ce que les coordinations et tous les syndicats (CGT en tête) ont réussi à faire et à développer durant tout l'automne 88, non seulement dans les hôpitaux, mais surtout dans la fonction publique (PTT, RATP) à Paris comme en province.

Il y a là une leçon fondamentale que la classe ouvrière doit tirer et faire sienne pour ses prochaines luttes : la bourgeoisie, ne pouvant éviter que la colère et la combativité ne se développent partout contre ses politiques d'austérité et de misère, met en place une stratégie visant à empêcher que cela ne débouche sur des mouvements massifs qui pourraient s'unifier, d'où la nécessité pour elle de disperser les forces ouvrières notamment en déclenchant prématurément la bataille à travers un secteur ouvrier qu'elle peut contrôler.

Aujourd'hui, il est plus que jamais nécessaire pour la classe ouvrière de s'armer contre un ennemi prêt à tout, en tirant toutes les leçons de ses luttes et expériences, en particulier celles de l'automne 88. C'est ce travail auquel cette brochure (constituée en partie d'articles parus dans Révolution Internationale et dans la revue internationale) veut participer activement et profondément. Le CCI, à travers celle-ci, et parce que c'est sa responsabilité d'organisation révolutionnaire, se donne comme objectif de rétablir la vérité sur ce mouvement de lutte contre les mensonges colportés par la bourgeoisie. Et de tirer les véritables leçons de cette expérience pour la classe ouvrière contre les fausses leçons qui lui sont proposées, en la mettant en garde contre les pièges (l'isolement corporatiste, la division et l'éparpillement de ses luttes) qui lui sont tendus, en cherchant à la débarrasser des illusions qui lui restent vis à vis des syndicats et de celles qu'elle peut caresser encore vis à vis des coordinations.

Et si la bourgeoisie encense aujourd'hui avec tant d"'enthousiasme" les coordinations, c'est pour mieux accentuer et exploiter les illusions de la classe ouvrières vis à vis de ces organes, c'est pour mieux la pousser à les adopter et à les suivre dans ses prochaines luttes.

La bourgeoisie cherche à empoisonner la conscience ouvrière : c'est comme cela qu'elle prépare les prochaines confrontations.

Contrecarrer cette attaque politique et assimiler les leçons de cette nouvelle expérience de lutte est fondamental pour la classe ouvrière: le sort de ses luttes à venir en dépend.

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II - Que s'est-il passé en octobre 88 ?

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Jamais, depuis de nombreuses années, "rentrée sociale" en France n'avait été aussi explosive que celle de l'automne 88. Depuis le printemps, il était clair que d'importants affrontements de classe se préparaient. Les luttes qui s'étaient dé­roulées entre mars et mai 88 dans les entreprises "Chausson" (construction de camions) et SNECMA (moteurs d'avions) avaient fait la preuve que la période de relative passivité ouvrière qui avait suivi la défaite de la grève dans les chemins de fer en décembre 86 et janvier 87 était bien terminée. Le fait que ces mouvements aient éclaté et se soient développés alors que se déroulaient les élections présiden­tielles et législatives (pas moins de 4 élections en deux mois) était particuliè­rement significatif dans un pays où, tradi­tionnellement, ce type de période est synonyme de calme social. Et cette fois-ci, le Parti socialiste revenu au pouvoir ne pouvait espérer aucun "état de grâce" comme en 81. D'une part les ouvriers avaient déjà appris entre 81 et 86 que l'austérité "de gauche" ne vaut pas mieux que celle de "droite". D'autre part, dès son installation, le nouveau gouvernement avait clairement mis les points sur les i: il était hors de question de remettre en cause la politique économique appliquée par la droite durant les deux années pré­cédentes. Et elle avait mis à profit les mois d'été pour aggraver cette politique.

C'est pour cela que la combativité ou­vrière que le cirque électoral du printemps avait partiellement paralysée ne pouvait manquer d'exploser dés l'automne en des luttes massives, en particulier dans le :Acteur public où les salaires avaient baissé de près de 10% en quelques an­nées. La situation était d'autant plus me­naçante pour la bourgeoisie que depuis les années du gouvernement PS‑PC (81‑84), les syndicats avaient subi un discrédit considérable et n'étaient plus en mesure dans beaucoup de secteurs de contrôler à eux seuls les explosions de colère ouvrière". (Revue Internationale n 56, p 1).

Déjà dans les hôpitaux la situation était très tendue du fait que dans ce secteur, plus que dans tout autre secteur, les tra­vailleurs y avaient subi les ancrées de restriction budgétaire exigée par le déficit croissant de la sécurité sociale: réduction des effectifs rendant aujourd'hui insoute­nables les cadences de travail, blocage des salaires, mobilité et flexibilité de l'emploi autorisant l'administration à "réquisitionner" les travailleurs même pendant les jours de congé, etc..

C'est pour se préparer à faire face à ces menaces d'explosion sociale que la bour­geoisie a cherché à renforcer ses forces d'encadrement traditionnelles : c'était le sens des changements importants interve­nus à la direction de la CFDT, à la direc­tion de la CGT avec l'élimination de dirigeants jugés "trop mous" comme Sainjon.

C'est pour la même raison que, surtout, elle a mis en place un dispositif destiné, au moment choisi par elle, à disperser et à émietter les combats de classe. Au sein de ce dispositif, les syndicats avaient évi­demment leur place, mais le premier rôle devait être tenu, pendant toute la phase initiale de sa mise en oeuvre, par des organes "nouveaux", "non syndicaux", "vraiment démocratiques": LES COORDINATIONS. C'est ainsi que dès le mois de mars est née la coordination infirmière. créée de toute pièce par des membres de la CFDT. C'est ainsi que, le 14 juin, cette coordination auto‑proclamée élabore une plateforme revendicative et fixe la date de la première manifestation infirmière au 29 septembre. Tous ces préparatifs se déroulent avec la complicité du parti socialiste et le soutien actif et matériel de la CFDT. Début Juillet, Mit­terrand, Rocard et Evin, le ministre de la santé, sont officiellement avertis du pro­jet. Ils lui donnent leur aval et le très médiatique Schwarzenberg lui donne sa bénédiction.

Fin septembre : la mise en  place du piège

La fin septembre voyait éclater une sé­rie de conflits : grèves dans l'audiovisuel, dans les usines Renault du Mans, grève à la poste du Louvre (la plus grande de France). Cette dernière, partie spontané­ment, est l'objet des efforts décidés de la bourgeoisie pour y mettre rapidement un terme, alors que dans quelques jours doit intervenir à Paris la première manifesta­tion infirmière du 29 septembre. A cette fin, le gouvernement cède en partie sur les revendications et fait intervenir l'ensemble des force d'encadrement de gauche et d'extrême gauche, y compris des organes se prétendant extra-syndicaux, dont le "comité pour l'unité de Paris R.P. (recette principale)".

Le 29 septembre, 30.000 travailleurs de la santé (et pas seulement des infirmières) se retrouvent dans la rue à Paris et des milliers en province. Plusieurs catégories de personnels se mobilisent dés le pre­mier jour.

Dans la manifestation parisienne, où les syndicats sont relayés à la queue du cortège, la "coordination" placée en tête du mouvement essaie de canaliser toute la combativité derrière ses mots d'ordre démagogiques "2000 f. tout de suite", car irréalistes eu égard au rapport de force face à la bourgeoisie, et élitistes "Bac + 3 = nous voulons un statut".

L'assemblée générale appelée par la coordination à la suite de la manifestation confirme la très grande combativité qui s'était exprimée dans la manifestation: ce sont plus de 3000 personnes qui vont se presser dans une salle trop petite et beau­coup qui n'ont pu entrer ne peuvent suivre le débat que par haut-parleurs. La salle est survoltée, les questions fusent à l'adresse des "organisateurs": "qui êtes vous ?", "d'où venez vous ?", "on veut des AG", ... Après s'être présentés comme étant une coordination issue d'une lutte du printemps, le présidium et les organisa­teurs du mouvement (pour beaucoup membres de la Ligue Communiste Révo­lutionnaire) parviennent à tromper les ouvriers présents sur leurs objectifs soit disant en rupture totale, voire en opposi­tion avec les méthodes de lutte syndicales. Cette reprise en main de l'assemblée effectuée, commence immédiatement le travail de sabotage :

  • par la division: le personnel non in­firmier essentiellement les aides soi­gnant(e)s‑ est "invité" à quitter la salle pour se rassembler à 500 mètres de là, autour d'une coordination qui vient d'être constituée à son attention. Il s'agit en fait de la future coordination inter-catégorielle du personnel hospitalier (dont la plupart des organisateurs sont des membres de Lutte Ouvrière).
  • en cassant la dynamique du mouve­ment: dans la confusion la plus totale, étouffant la voix et les propositions de ceux qui réclament une véritable assem­blée générale souveraine, le présidium fait "passer" la suspension de la grève jusqu'à la semaine suivante.

Dans les quarante huit heures qui sui­vent cette première journée de mobilisa­tion, c'est à une véritable entreprise d'éclatement du mouvement que se livrent les gauchistes et autres syndicalistes de base; surgissent alors pas moins de cinq coordinations différentes: celle des infir­mières, celle dite inter-catégorielle, celle des infirmiers psychiatriques, celle des infirmières anesthésistes, des kinésithéra­peutes. La CGT, mise à l'écart de la ma­nœuvre, se permet le "luxe" de vilipender te "corporatisme" des coordinations ! !

Le 6 octobre : le piège se referme

Malgré une semaine d'inaction, la combativité ouvrière ne se dément pas et la deuxième manifestation des personnels de santé se déroule le 6 Octobre dans un climat où la montée du mécontentement s'exprime dans différents foyers de grève ( Renault, employés de la tour Effel, Kléber-Colombes, grogne aux PTT, dans le secteur des banques, etc.

Appelée par les coordinations, la ma­nifestation va réunir deux fois plus de personnes que le 29 Septembre. Dans toute la France ce sont quasiment tous les h6 taux qui sont mobilisés. Dans la ma­nifestation à Paris, c'est fa coordination infirmière à sa tête qui donne le ton du corporatisme et sectorialisme les plus arriérés, avec ses mots d'ordre désormais familiers, car largement répercutés sur les ondes et dans la presse: "bac + 3, un statut". Vient ensuite la coordination inter-catégorielle qui, avec ses mots d'or­dre "2000 f. pour tout le personnel hospi­talier", a en charge d'encadrer tout le personnel non hospitalier, et ceux des infirmier(e)s qui ne se reconnaissent as dans l'élitisme et le corporatisme de la coordination infirmière. La CGT est aussi présente. Ses mots d'ordre appellent à "l'unité de toute la classe ouvrière". Éma­nant d'elle, non seulement ils ne pou­vaient être repris, mais ils s'en trouvent d'autant discrédités. Mais son rôle essen­tiel est alors d'assurer le service d'ordre de la manifestation. Elle tentera ainsi d'éloi­gner les "empêcheurs de tourner en rond", en particulier les diffuseurs de  tracts du "comité pour l'extension des luttes".

Le soir même, le ministre de la santé reçoit la coordination infirmière et, après plusieurs heures de négociations, "cède": un milliard (déjà prévu au budget) est débloqué pour les infirmières unique­ment ! Cela signifié pour elles environ 350 f. d'augmentation. Si cette proposi­tion ne va pas dans le sens de calmer la colère, elle permet par contre de renforcer l'emprise de la coordination sur le mou­vement. En effet, en acceptant de la rece­voir, le ministre renforce l'idée que la coordination est réellement représentative du mouvement. De plus, en refusant la proposition du ministre, la coordination accroît son prestige auprès des infir­mier(e)s  et fait tomber les dernières réserves qui pouvaient encore s'exprimer à son encontre.

Le 8 octobre, les deux coordinations vont cette fois l'auto‑proclamer "coordi­nations nationales" . Pour ce faire, les Assemblées Générales des hôpitaux de toute la France devaient nommer des délégués qui ne savaient pas dans quelle coordination se rendre, et qui allaient se retrouver dans des structures toutes prê­tes: bureaux, comité de liaison inter-coor­dinations, etc.. Elles entérinent ainsi leur légitimité tout en se donnant le maximum de moyens de contrôle sur les AG de délégués qu'elles convoquent pour ce jour. Le contrôle est renforcé aux portes même des A.G. Pour être admis à celle de la coordination infirmière il faut être mandaté par une AG composée unique­ment d'infirmières. L'autre, celle de la coordination inter-catégorielle est moins stricte. Il faut cependant y décliner nom, profession et hôpital pour y être admis. De plus, dans l'une et l'autre, le contrôle s'exerce également au niveau du déroule­ment des discussions. Aucune motion, autre que celles émanant des bureaux auto-désignés, ne sera soumise au vote des assemblées. Fait significatif, c'est à 500 mètres l'une de l'autres que siégeront les deux coordinations, celle des infir­mières se tenant à la Sorbonne dans des locaux loués par l'UNEF-ID, syndicat étudiant d'obédience PS.

A partir de ce moment l'encadrement du mouvement par les coordinations est total.

Dans le même temps, dans d'autres secteurs comme les centres PTT de la région parisienne, les poussées combati­ves sont non seulement freinées par les syndicats et les gauchistes, mais guère encouragées par la tournure élitiste et sectorisalistes que prend la grève des infirmières.

Le 13 octobre :  le triomphe des coordinations

La coordination infirmière appelle ce jour à une nouvelle manifestation natio­nale à Paris qui rassemble plus de 100.000 personnes. Dans ce cortège, les syndicats sont beaucoup plus présents et la CGT, qui participe massivement, se distingue par son "radicalisme" et a beau jeu de réclamer, à travers ses mots d'ordre, "l'extension et l'unité du mouvement à tout le secteur public", alors que la majo­rité des ouvriers sont déboussolés par la tournure que prend le mouvement dans les hôpitaux.

Le soir même, le gouvernement, Ro­card en tête, négocie une rallonge de 400 millions supplémentaires uniquement pour les infirmières, accroissant ainsi la division du mouvement et encourageant encore un peu plus le sentiment corporatiste dans tous les secteurs.

Le 14 octobre, les syndicats ‑à l'exception de la CGT‑ veulent signer un accord avec le gouvernement, alors que la coordina­tion infirmière continue d'appeler à la lutte mais chacun dans "son" hôpital, dans "sa" ville ... et à manifester le 22 octobre avec les "usagers de la santé" !

Ce jour là, la coordination "inter-caté­gorielle" va interdire l'entrée de sa réunion à tout personnel "étranger" au secteur, et exclure manu-militari des travailleurs de la santé et d'autres secteurs qui insistent pour que les AG soient ouvertes à tous les travailleurs.

La semaine du 16 au 22 octobre :
syndicats et coordinations unis pour enterrer le mouvement dans la santé et disperser la combativité générale

Alors qu'au début du mouvement, dans les autres secteurs, syndicats et gauchistes avaient fait leur possible pour que d'autres mouvements n'éclatent pas, dés le 14, dans les PTT en particulier, la CGT et des "coordinations" surgies "spontanément" du néant appellent à la grève. Les syndi­cats, revenus au premier plan notamment à travers leur présence aux négociations dans la santé, appellent à des journées d'action nationales dans tout le secteur public: la CGT le 18, la CFDT et FO le 20. Ces journées d'action, soit-disant pour l'unité et l'extension, en plein reflux de la grève des infirmières, offriront surtout le spectacle de la victoire de la bourgeoisie par le retour en force des syndicats.

A partir de ce moment, les syndicats, CGT en tête, vont tout faire pour étendre la dispersion ouvrière en généralisant à la région parisienne ce qu'ils avaient déjà entrepris en province: ils vont appeler systématiquement à la grève dans diffé­rents secteurs de la fonction publique: camionneurs des PTT, sécurité sociale, EDF/GDF, RATP. Toute cette période verra des grèves très isolées, pouvant durer plus d'un mois, mal vécues par la population ouvrière et qui n'obtiendront rien, sinon les augmentations plus ou moins prévues, et des promesses ! !

Le 22 octobre, la dernière manifestation des infirmières, dans ce climat d'émiette­ment et de reprise en mains par les syndi­cats, ne réunira que peu de monde ... et la coordination infirmière, réunie à huis clos, pourra enfin appeler à "continuer la lutte sous d'autres formes" autrement dit à reprendre le travail

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III - Les principales leçons de ce mouvement de lutte

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1a) Une manoeuvre d'ampleur de la bourgeoisie contre l'ensemble de la classe ouvrière

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Les luttes ouvrières ne peuvent se développer et vaincre qu’en dehors et contre les syndicats et les coordinations

le 23 octobre la "coordination infirmière" décidait l'arrêt de la grève. Après l'avoir suscitée artificiellement, avec la complicité active du parti socialiste et de la CFDT, elle a décidé de l'enterrer.

Une manoeuvre d'ampleur contre toute la classe ouvrière,

Tout son déroulement montre que nous avons été confrontés à une manœuvre d'ampleur de la gauche montée de toutes pièces depuis le retour des socialistes au gouvernement : celle-ci, prévoyant l'inévitable montée du mécontentement et de la combativité au sein de la classe ouvrière contre sa politique d'austérité accrue, a pris les mesures préventives nécessaires pour la désamorcer.

A cette fin et pour ne pas laisser la CGT exploiter ce mécontentement à son seul bénéfice ainsi qu'à celui du P.C.F., les autres composantes de la gauche, le P.S., le gouvernement, ainsi que les gauchistes de L.O. et de la L.C.R., ont monté un véritable spectacle dont l'avant-scène a été occupée par la fameuse "coordination infirmière".

Devenues, depuis la grève à la SNCF de décembre 86, une véritable tarte à la crème, les coordinations sont la réponse systématique de la bourgeoisie pour faire face à la méfiance croissante des ouvriers vis-à-vis des syndicats et au phénomène de désyndicalisation massive. En effet, c'est pour mieux les tromper qu'à travers ses gauchistes elle les appelle de lus en plus à suivre cette nouvelle structure "toute trouvée", leur faisant croire qu'il s'agit d'une organisation extra-syndicale.

Pour déployer sa manœuvre, la bourgeoisie a porté son choix sur une corporation, celle des infirmières, qui a effectivement subi depuis des années une dégradation particulièrement importante des salaires et des conditions de travail. Mais surtout, cette corporation présentait l'immense avantage pour la bourgeoisie d'être au sein de la classe ouvrière, une des fractions les moins expérimentées, avec le moins de traditions de lutte, de ce fait politiquement parmi les plus arriérées et donc les plus vulnérables à la manœuvre. En un mot, une fraction de la classe ouvrière la plus "utilisable" par la bourgeoisie pour faire face à la vague de mécontentement de fond qui se développe aujourd'hui au sein de la classe ouvrière.

Exploitant à fond la faiblesse et les préjugés qui règnent dans, cette corporation à l'égard de l'ensemble du personnel  hospitalier moins qualifié et considéré comme "subalterne", la Gauche a pu faire éclater prématurément et préventivement cette lutte qui avait ainsi toutes les chances de rester isolée.

La manœuvre apparaît clairement tout au long du mouvement, et même avant :

  • déjà au mois de juin dernier, la date de la première manifestation est planifiée au 29 septembre par ceux qui allaient constituer le noyau central du bureau de la coordination ;
  • dès le début de la lutte, c'est cette coordination, inconnue de tous et constituée dans le dos des ouvriers, qui appelle uniquement les infirmières à la lutte ;
  • par la suite, tout le paquet est mis pour développer l'isolement et la division au sein même des hôpitaux (pas moins de 9 coordinations pour ce seul secteur !) ;
  • à travers la bienveillance que lui ont témoignée Mitterrand, Rocard, ainsi que l'ex-ministre Schwarzenberg, et les flatteries que ces hypocrites n'ont cessé de prodiguer aux infirmières ;
  • à travers la raison élitiste et hiérarchique mise en avant par tous pour justifier l'augmentation salariale : le niveau d'études ("bac+3" comme répétaient beaucoup d'infirmières et la coordination) ;
  • à travers une revendication salariale démagogique (environ 40 % d'augmentation pour les bas salaires), alors que même dans des mouvements d'une autre ampleur comme en 36 ou 68, les ouvriers n'ont obtenu que 10% au mieux. Une telle surenchère démagogique ne peut en aucun cas mobiliser la grande majorité des ouvriers ni servir de revendication unificatrice.

En fin de compte, le gouvernement a sorti sa carte, "le milliard pour les infirmières" (prévu d'ailleurs de longue date dans le budget) auquel le P.S. a "obtenu" une rallonge (également prévue) ; et il a surtout remis en selle les syndicats aujourd'hui revenus en force à travers la comédie des négociations.

La manœuvre prévue et mise en place par la bourgeoisie a abouti

1) elle a amené à la défaite les secteurs qui, dans les hôpitaux, s'étaient engagés massivement dans la bataille en même temps que les infirmières et qui - après 3 semaines de lutte - n'ont RIEN obtenu ;

2) elle a désamorcé temporairement la combativité montante dans l'ensemble de la classe ouvrière en France.

La comédie de la "coordination infirmière" est terminée.

                                             *  *  * 

Mais la bourgeoisie se trompe si elle croit qu'avec toutes ses manœuvres elle est venue à bout de cette combativité. Si aujourd'hui, après un premier élan, les ouvriers sont en partie déboussolés -mais sûrement pas démoralisés,- on n'en est qu'au début d'une vague de luttes. Les ouvriers n'ont pas d'autre issue que de se battre pour faire face aux nouvelles attaques.

 

QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LES PROCHAINES LUTTES ?
  • la classe ouvrière doit se défier de ceux qui, par démagogie, essaient de la pousser à rentrer prématurément et précipitamment dans la lutte, qui la poussent 3 des aventures minoritaires, comme la CGT cherche aujourd'hui à le faire dans les PTT, à l'EDF, à la SNCF, comme les gauchistes qui mettent en place une floraison de coordinations un peu partout.
  • la classe ouvrière ne doit pas déléguer son pouvoir à un quelconque appareil préfabriqué comme les syndicats ou les coordinations. La seule garantie de sa lutte, c'est qu'elle la conduise elle-même. Cela ne peut se faire qu'à travers des assemblées ouvrières régulières et fréquentes sur les lieux de travail, assemblées qui sont seules autorisées à prendre les décisions, assemblées qui ne peuvent se relier les unes aux autres que par ville, quartier, région, et en aucun cas sur une base corporatiste.
  • les ouvriers doivent se sentir plus responsables de leur lutte et donc s'impliquer plus massivement et de façon plus déterminée dans sa prise en charge et sa conduite, dans la confrontation à ceux - syndicats et coordinations - qui veulent leur en soustraire le contrôle.
  • les ouvriers doivent rejeter les revendications ‑strictement démagogiques et corporatistes lancées, à des fins électoralistes, par les partis de gauche, leurs syndicats, leurs appendices gauchistes. Ils ne doivent mettre en avant que des revendications réellement unificatrices susceptibles de mobiliser l'ensemble de la classe ouvrière.

Aujourd'hui, l'essentiel est d'être capable d'engager les prochaines luttes - qui sont inévitables - dans les meilleures conditions possibles. Pour cela il faut s'y préparer en se regroupant pour réfléchir ensemble, discuter, prendre des contacts entre les différents lieux de travail, en formant des comités de lutte quand c'est possible.

  • PRÉPARER LES LUTTES A VENIR, C'EST NOTRE RESPONSABILITÉ A TOUS!
24/10/88

 

LE MACHIAVÉLISME DE LA BOURGEOISE
  •  Par rapport au prolétariat, l'État peut utiliser différentes branches de son appareil dans une division du travail cohérente : même dans une seule grève, les ouvriers peuvent avoir à faire face à une combinaison des syndicats, de la propagande et des campagnes de presse et de télévision avec leurs différentes nuances et de celles des différents partis politiques, de la police, des services sociaux, et parfois de l'année. Comprendre que ces différentes parties de l'État agissent de façon concertée ne veut pas dire que chacune d'entre elles est consciente de tout le cadre général au sein duquel elle accomplit ses tâches et sa fonction.
  • La bourgeoisie n'a pas besoin que toutes ses parties comprennent ce qui se passe. La bourgeoisie peut déléguer ses pouvoirs à une minorité de ses membres. C'est pour cela que 1 État n'est pas entravé d'une façon significative par le fait que l'ensemble de la classe dominante ne se rende pas compte de tous les aspects de la situation. Il est donc possible de parler de "plans" de la bourgeoisie même si ce n'est qu'une partie de celleci qui les fait.
 (Revue Internationale N' 31, 4ème  trimestre 82, "Machiavélisme, conscience, unité de la bourgeoisie", Extrait du point 11)

 

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1b) Une manoeuvre d'ampleur de la bourgeoisie contre l'ensemble de la classe ouvrière

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 NON à la dispersion organisée ;
OUI à l'unité des luttes ouvrières

 

OUVRIERS,

C'est à un véritable travail de sape de votre combativité et de déboussolement que se livrent depuis plusieurs semaines contre vous l'ensemble de la gauche et en particulier, ces derniers temps, la CGT. Malgré cela votre colère reste intacte et elle est plus que jamais légitime.

DEPUIS 2 MOIS, VOUS AVEZ MANIFESTE VOTRE MÉCONTENTEMENT ET VOTRE COMBATIVITÉ COMME CELA N'AVAIT PAS ÉTÉ LE CAS DEPUIS BIEN LONGTEMPS.

Mais surtout jamais comme en ce début d'automne, les conditions n'avaient été autant réunies pour que vous exprimiez massivement avec force et dans l'unité votre volonté de lutter :

  • d'un côté, jamais depuis des années le ras-le-bol contre l'austérité n'avait été aussi fort et généralisé;
  • d'un autre côté, les appareils de contrôle de la paix sociale que sont les syndicats se trouvaient dans une situation de discrédit jamais vue.

Et c'est ce qui s'est manifesté au début de la lutte dans le secteur hospitalier, quand plus de 60.000 personnes se sont retrouvées dans la rue lors de la manifestation du 6/10, quand les premières assemblées générales ont monte une réelle vie ouvrière, quand de nombreux ouvriers de tous secteurs s'y retrouvaient.

Cette lutte était alors l'expression non seulement d'une volonté d'en découdre, commune à l'ensemble de la classe ouvrière, mais aussi de la méfiance générale vis-à-vis des syndicats et de la compréhension qu'on ne peut se battre réellement qu'en dehors d'eux. .

OUVRIERS,

Malheureusement cette lutte dans les hôpitaux x aussi et surtout montré que la bourgeoisie avait une grande capacité de manœuvre et que la classe ouvrière faisait preuve de beaucoup de naïveté. C'est ce qui a fait trébucher le mouvement des hospitaliers, c'est ce qui vous a conduit à la situation de déboussolement actuelle.

LA BOURGEOISIE, ELLE, S'ÉTAIT PRÉPARÉE DE LONGUE DATE A CETTE SITUATION qu'elle savait inévitable et périlleuse. Depuis le printemps dernier, le P.S., la CFDT et les gauchistes de L.O. et de la L.C.R. mettaient en place UNE STRUCTURE PRÉFABRIQUÉE, LA "COORDINATION INFIRMIÈRE", destinée à combler le vide laissé par des syndicats discrédités. Ils sont passés à la 2ème  phase en septembre, en déclenchant la lutte prématurément et de surcroît dans un secteur - celui des infirmières - sans expérience de lutte et très marqué par un esprit corporatiste et étroit.

C'est la "coordination" préfabriquée quia déclenché la Fève et qui s'est auto‑proclamée dirigeante et expression de lutte. D'ailleurs, quelques jours à peine après le début de la grève en région parisienne, alors lu en province il y avait très peu d'hôpitaux en lutte, elle s est attribuée le titre de "coordination nationale" prétendant ainsi représenter des luttes qui n'existaient pas encore, des ouvriers qui ne lui avaient rien demandé.

Elle affirmait centraliser des organes locaux de lutte là où il n'y avait ni lutte ni organe que la classe ouvrière aurait fait surgir dans ses assemblées générales, mais seulement des ramifications d'appareils politiques et syndicaux de la bourgeoisie.

Dès qu'elle a pu acquérir un minimum de crédibilité -grandement aidée en cela par les médias- LA COORDINATION A QUADRILLE LE TERRAIN, ISOLE TOTALEMENT LES SRS DES AUTRES CATÉGORIES DES HÔPITAUX ET A ÉTOUFFE TOUTE VELLÉITÉ DE RÉFLEXION CHEZ LES OUVRIERS ET D'EXTENSION DE LA LUTTE.

La volonté de lutter dans l'unité à laquelle aspiraient les ouvriers s'est ainsi brisée contre le mur dressé par la coordination ou plutôt les coordinations. La bourgeoisie a joué sur le fort sentiment anti‑syndical  qui régnait parmi les ouvriers et leur volonté de contrôler eux-mêmes leur lutte pour :

  • accentuer la division en multipliant les coordinations (9 dans les hôpitaux).
  • dénaturer ]a réelle prise en main de la lutte en suscitant des caricatures d'AG avec des faux délégués et un présidium auto-proclamé et imposé.
  • favoriser l'isolement de la lutte en poussant les ouvriers à ne pas s'occuper de ce qui se passe à côté ni à tolérer que ceux d'à côté viennent s'immiscer dans leur lutte. Voilà la face cachée des coordinations, voilà ce qu'a été le 'début de la manœuvre.

Une nouvelle étape était franchie quand la ,site dans les hôpitaux a commencé à s'essouffler et que la "coordination infirmière" mendiait un strapontin pour les négociations avec le gouvernement, AUX COTES DES SYNDICATS, c'est-à-dire qu'elle livrait la lutte aux syndicats alors qu'elle avait basé sa crédibilité sur leur dénonciation.

LES SYNDICATS FAISAIENT LEUR RETOUR EN FORCE et de leur côté revendiquaient, avec l'aide du gouvernement, leur "légitimité", leur "représentativité" face aux coordinations auto-proclamées. Derrière un langage soi-disant unitaire et des critiques au corporatisme des coordinations, ILS ONT, LA CGT EN TETE, PRIS LE RELAIS DU SABOTAGE en lançant un peu partout des grèves successives, ultra-minoritaires, spectaculaires, (chauffeurs postiers, ateliers du RER...) épuisantes, qui ont encore ajouté au déboussolement des ouvriers.

L'ALTERNATIVE ÉTAIT ALORS, SOIT DE SE LAISSER ENFERMER DANS SA CATÉGORIE PAR LES COORDINATIONS, SOIT SUIVRE LA CGT SUR LE TERRAIN POURRI DE LA DISPERSION DES LUTTES ET DE L'ÉPUISEMENT, sous prétexte d'extension. En somme la peste ou le choléra !

Voilà pourquoi la grande majorité d'entre vous ne se sont pas engagés dans cette impasse d'autant que la CGT et le P.C.F. cherchent à vous utiliser pour leurs tractations politiciennes avec le P.S. en vue des élections municipales. Vous vous rendez bien compte que cela ne vous rapportera rien en termes d'augmentation de salaire, sans compter qu'avec leur tactique politicienne ils vous apportent des emmerdements au quotidien (courrier, transport...), vous font perdre des journées de salaire pour rien et cherchent à vous écœurer de lutter.

OUVRIERS,

VOUS DEVEZ TIRER PROFIT DE CE QUE VOUS VENEZ DE VIVRE car les semaines qui viennent de s'écouler sont riches d'enseignements; les vraies questions commencent à se poser dans notre classe et les vraies réponses commencent à émerger

  • OUI, LA BOURGEOISIE A RÉUSSI SA MANOEUVRE POUR VOUS DISPERSER. Elle a joué sur votre méfiance à l'égard des syndicats pour vous pousser dans le piège des coordinations (qui ne sont que des syndicats masqués) et celles-ci, une fois leur sale boulot effectué, vous remettent dans les pattes des syndicats traditionnels sous prétexte de ne pas diviser le "monde ouvrier" ou bien qu'on ne peut se passer d'eux pour les négociations .avec le gouvernement et le patronat.
  • OUI, VOUS AVEZ ÉTÉ NAÏFS, VOUS ETES TOMBES DANS LE PIÈGE et le prix à payer est l'échec ce la lutte, la dispersion de vos forces et le déboussolement.

Mais votre mécontentement et votre combativité sont toujours présents et vous savez que vous serez contraints de lutter pour votre survie même; la bourgeoisie et son gouvernement socialiste ne vous laissent pas le choix (Rocard lui-même a promis la rigueur au moins jusqu'en 1990). Maintenant, il est clair que :

  • VOUS NE POUVEZ FAIRE CONFIANCE A PERSONNE, ni aux syndicats, ni aux coordinations, ni à tous ceux qui se proposent de diriger et organiser la lutte à votre place. Pour mener le combat, vous devez surmonter vos hésitations, ne compter que sur vos propres forces, prendre vous-mêmes en main la conduite de votre lutte;
  • des luttes minoritaires et dispersées font le jeu de la bourgeoisie. C'est pour cela QU'IL FAUT ENGAGER MASSIVEMENT LB COMBAT dans tous les secteurs en même temps car les problèmes sont les mêmes partout. Il faut se mobiliser TOUS ENSEMBLE, développer une riposte DE CLASSE et non par catégorie ou par secteur;
  • des luttes catégorielles, isolées, divisées ne mènent qu'à la défaite paquets par paquets. il faut ÉLARGIR LE COMBAT en sortant de "son" entreprise, de "son" secteur, aller chercher IMMEDIATEMENT LA SOLIDARITÉ AUX ENTREPRISES LES PLUS PROCHES, étendre la lutte sur une base géographique, briser les divisions sectorielles, catégorielles, afin d'entraîner le plus grand nombre dans le combat. Car seule une riposte généralisée, unifiée de toute la classe ouvrière pourra faire céder la bourgeoisie ;
  • CE SONT VOS ASSEMBLÉES GÉNÉRALES QUI DOIVENT DÉCIDER SOUVERAINEMENT DE LA CONDUITE DE LA LUTTE, élire des délégués, des comités de grève, contacter les autres secteurs, les associer à la lutte pour que vous vous regroupiez et centralisiez vos organes de lutte sous le contrôle constant des assemblées générales;
  • c'est sur DES MOTS D'ORDRE COMMUNS ET DES REVENDICATIONS UNIFICATRICES que e vous devez vous battre : pour une augmentation générale des salaires en sachant que plus vous serez nombreux, plus vous serez forts, et plus vous pourrez exiger.
LA LUTTE EST INEVITABLE !

LA DÉFENSE EFFECTIVE DES CONDITIONS DE VIE DES OUVRIERS DU PUBLIC ET DU PRIVE, ACTIFS ET AU CHÔMAGE, NE PEUT-ÊTRE QUE L'Œuvre DE L'ACTIVITÉ DES OUVRIERS Eux-mêmes, DANS LEUR PLUS GRANDE UNITÉ.

RI, -

décembre 1988

 


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Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

2) Une nouvelle arme de la bourgeoisie contre la classe ouvrière : LES "COORDINATIONS"

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Le terme de "coordination" a été employé déjà en de multiples reprises ces dernières années dans différents pays d'Europe. Ainsi nous avons connu, au milieu des années 80 en Espagne, une "Coordinadora de Estibadores" (Coordination de dockers)[1] [5] dont le langage radical et la très grande ouverture (notamment en permettant aux révolutionnaires d'intervenir dans ses assemblées) pouvait faire illusion, mais qui n'était pas autre chose qu'une structure permanente du syndicalisme de base. De même, nous avons vu se constituer en Italie, au cours de l'été 87, un "Coordinamento di Macchinisti" (Coordination des conducteurs de train), qui s'est révélé rapidement comme étant de même nature. Mais la terre d'élection des "coordinations" est incontestablement, à l'heure actuelle, la France où, depuis l'hiver 86-87, toutes les luttes ouvrières importantes ont vu se manifester des organes portant ce nom :

  • "coordinations" des "agents de conduite" (dite de Paris-Nord) et "inter-catégorielle" (dite de Paris Sud-Est) lors de la grève dans les chemins de fer en décembre 86 [2] [6];
  • "coordination des instituteurs" lors de la grève de cette catégorie en février 87 ;
  • "coordination INTER SNECMA" lors de la grève dans cette entreprise de l'aéronautique au printemps 88 [3] [7].

Parmi ces différentes "coordinations", 'certaines sont de simples syndicats, c'est-à-dire des structures permanentes prétendant représenter les travailleurs dans la défense de leurs intérêts économiques. Par contre, d'autres de ces organes n'ont pas à priori la vocation de se maintenir de façon permanente. Ils surgissent, ou apparaissent au grand jour, au moment des mobilisations de la classe ouvrière dans un secteur et disparaissent avec elles. Il en a été ainsi, par exemple, des coordinations qui avaient surgi lors de la grève dans les chemins de fer en France fin 86. Et c'est justement ce caractère "éphémère" qui, en donnant l'impression qu'ils sont des organes constitués par la classe spécifiquement pour et dans la lutte, qui les rend d'autant plus pernicieux.

En réalité, l'expérience nous a montré que de tels organes, quand ils n'étaient pas préparés depuis de longs mois à l'avance par des forces politiques précises de la bourgeoisie, étaient "parachutés" par celles-ci sur un mouvement de luttes en vue de son sabotage. Déjà, dans la grève des chemins de fer en France, nous avions pu constater comment la "coordination des agents de conduite", en fermant complètement ses assemblées à tous ceux qui n'étaient pas conducteurs, avait contribué de façon très importante à l'isolement du mouvement et à sa défaite. Or cette "coordination" s'était constituée sur la base de délégués élus par les assemblées générales des dépôts. Pourtant, elle avait été immédiatement contrôlée par des militants de la "Ligue Communiste" (section de la 4ème Internationale trotskiste) qui, évidemment, ont pris en charge le sabotage de la lutte comme c'est leur rôle. Mais avec les autres "coordinations" qui ont surgi par la suite, déjà avec la "coordination inter-catégorielle des cheminots" (qui prétendait combattre l'isolement corporatiste), et plus encore avec la "coordination des instituteurs" qui est apparue quelques semaines après, on a constaté que ces organes étaient constitués de façon préventive avant que les assemblées générales n'aient commencé à envoyer des délégués. Et à l'origine de cette constitution on retrouvait toujours une force bourgeoise de gauche ou gauchiste, preuve que la bourgeoisie avait compris le parti qu'elle pouvait tirer de ces organismes.

Mais l'illustration la plus claire de cette politique bourgeoise nous a été donnée par la constitution et les agissements de la "Coordination Infirmière" à qui la bourgeoisie a confié le` rôle principal dans la première phase de sa manœuvre : le déclenchement de la grève dans les hôpitaux en octobre 88. En fait cette "coordination" avait été constituée dès mars 88, dans les locaux du syndicat socialisant CFDT, par des militants de celui-ci. Ainsi, c'est directement le Parti socialiste, qui s'apprêtait à revenir au pouvoir, qui a porté sur les fonts baptismaux cette soi-disant organisation de lutte des travailleurs. Le déclenchement de la grève elle-même porte la marque de l'action du parti socialiste et donc du gouvernement. Il s'agissait pour la bourgeoisie (non pas ses forces d'appoint comme les gauchistes, mais directement ses forces dominantes, celles qui se trouvent au sommet de l'État) de lancer un mouvement de lutte dans un secteur particulièrement arriéré sur le plan politique afin de pouvoir "mouiller la poudre" du mécontentement qui s'accumulait depuis des années dans l'ensemble de la classe ouvrière. Il est clair que les infirmières qui allaient involontairement constituer l'infanterie de cette manœuvre bourgeoise avaient elles aussi de réelles raisons d'exprimer leur mécontentement (des conditions de travail invraisemblables qui ne cessaient de s'aggraver et des salaires de misère). Mais l'ensemble des événements qui se sont déroulés sur plus d'un mois permet de mettre en évidence la réalité du plan bourgeois destiné à établir un contre-feu face à la montée du mécontentement ouvrier.

Les agissements des "coordinations"
dans la grève des hôpitaux en France

En choisissant les infirmières pour développer sa manœuvre, la bourgeoisie savait ce qu'elle faisait. C'est un secteur parmi les plus corporatistes qui soient, où le niveau de diplômes et de qualification requis a permis l'introduction de préjugés très forts et un certain mépris vis-à-vis d'autres personnels hospitaliers (aides soignantes, ouvriers de l'entretien, etc.) considérés comme "subalternes". De plus, en France, l'expérience de lutte est très faible dans ce secteur. L'ensemble de ces éléments donnait à la bourgeoisie la garantie qu'elle pourrait contrôler globalement le mouvement sans crainte de débordements significatifs, et en particulier que les infirmières ne pourraient en aucune façon constituer le fer de lance de l'extension des luttes.

Cette garantie était renforcée par la nature et la forme des revendications mises en avant par la "Coordination infirmière". Parmi celles-ci, la revendication d'un "statut" et de la "revalorisation de la profession" recouvrait en réalité la volonté de mettre en avant la "spécificité" et la "qualification particulière" des infirmières vis-à-vis des autres travailleurs de l'hôpital. De plus cette revendication contenait l'exigence répugnante de n'accepter dans les écoles d'infirmières que des élèves ayant leur baccalauréat. Enfin, dans la même démarche élitiste, la revendication d'une augmentation de 2.000 francs par mois (qui représentait de 20 à 30 %) était rattachée au niveau d'études des infirmières (baccalauréat plus 3 ans), ce qui voulait dire que les autres travailleurs hospitaliers moins qualifiés, et encore moins payés, n'avaient aucune raison d'avoir les mêmes exigences et cela d'autant plus que, sans le prendre officiellement à son compte évidemment, la "Coordination" faisait et laissait dire qu'il ne fallait pas que les autres catégories revendiquent des augmentations de salaire car cela serait déduit des augmentations des infirmières.

Un autre indice de la manœuvre est le fait que c'est dès le mois de juin que le noyau initial de la "Coordination infirmière" a planifié le début du mouvement pour le 29 septembre avec une journée de grève et une grande manifestation dans la capitale. Cela donnait le temps à la "Coordination" de bien se structurer et d'élargir son assise avant l'épreuve du feu. Ce renforcement de la capacité de contrôle des travailleurs par la "Coordination" s'est poursuivi dès la fin de la manifestation par une assemblée de plusieurs milliers de personnes ors les membres de sa direction se sont présentés pour la première fois en public. Cette assemblée a constitué une première légitimation a posteriori de la "Coordination" où elle a "magouillé" du mieux possible pour empêcher que la grève ne démarre immédiatement, tant qu'elle n'aurait pas bien "les choses en main". Elle lui a permis également de bien affirmer sa "spécificité infirmière", notamment en "encouragent" les autres catégories qui avaient participé à la manifestation (preuve de l'énorme "ras-le-bol" existant), et qui se trouvaient dans la salle, à créer leurs "propres coordinations". Ainsi était mis en place le dispositif qui allait permettre un émiettement systématique de la lutte au sein des hôpitaux, de même que son isolement à l'intérieur de ce secteur. Les "coordinations" qui allaient se créer à partir du 29 septembre dans la foulée de la "Coordination infirmière" (pas moins de 9 dans le seul secteur de la santé) se sont chargées de compléter le travail de division de celle-ci parmi les hospitaliers, alors qu'il revenait à une "coordination des personnels de santé" (créée et contrôlée par le groupe trotskiste "Lutte ouvrière"), qui se voulait "ouverte" à toutes les catégories, d'encadrer les travailleurs qui rejetaient le corporatisme des autres "coordinations" et de paralyser toute tentative de leur part d'élargir le mouvement en dehors de l'hôpital.

Le fait que ce soit une "coordination" et non un syndicat qui ait lancé le mouvement (alors qu'elle avait été constituée par des syndicalistes), n'est évidemment pas le fait du hasard. En réalité, c'était le seul moyen permettant une mobilisation importante compte tenu du discrédit considérable que subissent en France les syndicats, notamment depuis le gouvernement de la "gauche unie" entre 1981 et 1984. Ainsi, les "coordinations" ont comme fonction d'assurer cette "mobilisation massive" qui est ressentie par tous les ouvriers comme une nécessité pour faire reculer la bourgeoisie et son gouvernement. Cette mobilisation massive, il y a un bon moment déjà que les syndicats ne l'obtiennent plus derrière leurs "appels à la lutte". En fait, dans de nombreux secteurs, il suffit souvent qu'une "action" soit appelée par tel ou tel syndicat, pour qu'un nombre important d'ouvriers considère que c'est une manœuvre destinée à servir les intérêts de chapelle de ce syndicat et décide de s'en détourner. Cette méfiance, et le faible écho que rencontrent les appels syndicaux, ont d'ailleurs été souvent employés par la propagande bourgeoise pour faire entrer dans la tête des ouvriers l'idée d'une "passivité" de la classe ouvrière en vue de développer en son sein un sentiment d'impuissance et de démoralisation. Ainsi, seul un organisme ne portant pas l'étiquette syndicale était en mesure d'obtenir au sein de la corporation choisie par la bourgeoisie comme principal terrain de sa manœuvre, une "unité", condition d'une participation massive derrière ses appels. Mais cette "unité" que la "Coordination infirmière" prétendait être seule à garantir contre les habituelles "chamailleries" entre les différents syndicats n'était que le revers de l'écœurante division qu'elle a promue et renforcée parmi les travailleurs de l'hôpital. L'"anti-syndicalisme" qu'elle a affiché s'accompagnait de l'argument crapuleux suivant lequel les syndicats ne défendent pas les intérêts des travailleurs justement parce qu'ils sont organisés non par profession mais par secteur d'activité. Un des thèmes majeurs mis en avant par la "Coordination" pour justifier l'isolement corporatiste était que les revendications unitaires avaient pour résultat de "diluer" et "d'affaiblir" les revendications "propres" aux infirmières. Cet argument n'est pas nouveau. Il nous a notamment été servi lors de la grève des chemins de fer de décembre 86 par la "coordination des agents de conduite". On le retrouve également dans le discours corporatiste tenu par le "Coordinamento di Macchinisti" dans les chemins de fer italiens en 1987. En fait, au nom de la "remise en cause" ou du "dépassement" des syndicats on en revient ici à une base d'organisation qui appartenait à la classe ouvrière au siècle dernier, lorsqu'elle a commencé par constituer des syndicats de métier, mais qui dans la période actuelle ne peut être moins bourgeoise que les syndicats eux-mêmes. Alors que la seule base sur laquelle peut aujourd'hui s'organiser la classe ouvrière est la base géographique, par-delà les distinctions entre entreprises et branches d'activité (distinctions que les syndicats ne cessent évidemment de cultiver dans leur travail de division et de sabotage des luttes), un organisme qui se constitue spécifiquement sur la base de la profession ne peut se situer que dans le camp bourgeois. On voit ainsi le piège dans lequel les "coordinations" se proposent d'enfermer les ouvriers : ou bien ils "marchent" derrière les syndicats (et dans les pays où il existe le "pluralisme syndical" ils deviennent les otages des différents gangs qui entretiennent leurs divisions), ou bien ils se détournent des syndicats mais c'est pour se diviser d'une autre façon. En fin de compte les "coordinations" ne sont pas autre chose que le complément des syndicats, l'autre mâchoire de l'étau qui vise à emprisonner la classe ouvrière.

Le partage du travail entre les "coordinations" et les syndicats

Cette complémentarité entre le travail des syndicats et celui des "coordinations" s'est révélée de façon claire dans les deux mouvements les plus importants qui se sont déroulés en France ces deux dernières années : dans les chemins de fer et dans les hôpitaux. Dans le premier cas, le rôle des "coordinations" s'est réduit essentiellement à "contrôler le terrain" en laissant le soin aux syndicats de mener les négociations avec le gouvernement. En cette circonstance elles ont d'ailleurs joué un rôle utile de rabatteurs pour le compte des syndicats en affirmant bien fort qu'elles ne leur contestaient nullement la responsabilité de "représenter" les travailleurs auprès des autorités (elles ont tout juste réclamé sans succès d'avoir un petit strapontin à la table de négociation). Dans le second cas, alors que les syndicats étaient bien plus contestés, la "Coordination infirmière" a été finalement gratifiée d'une place à part entière à cette même table. Après que le ministre de la santé ait au début refusé de la recevoir (à l'issue de la première manifestation du 29 septembre), c'est par la suite le premier ministre lui-même qui, le 14 octobre, après une manifestation rassemblant près de 100.000 personnes à Paris, lui a accordé cette faveur. C'était la moindre des récompenses que le gouvernement pouvait donner à ces gens qui lui rendaient de si fiers services. Mais le partage des tâches s'est également réalisé en cette circonstance : finalement, ce 14 octobre les syndicats (à l'exception du plus "radical", la CGT contrôlée par le PC) ont signé un accord avec le gouvernement alors que la "coordination" continuait à appeler à la lutte. Soucieuse d'apparaître jusqu'au bout comme un "véritable défenseur" des travailleurs, elle n'a jamais officiellement accepté les propositions du gouvernement. Le 23 octobre, elle a enterré le mouvement à sa façon en appelant à la "poursuite de la lutte sous d'autres fortes" et en organisant de temps en temps des manifestations où l'assistance de moins en moins nombreuse ne pouvait que démobiliser les travailleurs. Cette démobilisation résultait également du fait que le gouvernement, s'il n'avait rien donné aux autres catégories d'hospitaliers et s'il avait refusé toute augmentation d'effectif du personnel infirmier (une des revendications importantes), avait accordé à celui-ci des augmentations de salaire non négligeables (de l'ordre de 10 %) sur des fonds (1,4 milliard de francs) qui d'ailleurs étaient déjà prévus à l'avance dans le Budget. Cette "demi-victoire" des seules infirmières (prévue et planifiée depuis longtemps par la bourgeoisie : on avait pu voir l'ancien ministre de la santé participer aux manifestations de la "Coordination" et même Mitterrand avait déclaré que les revendications des infirmières étaient légitimes) présentait le double avantage d'aggraver encore la division entre les différentes catégories de travailleurs de l'hôpital et d'accréditer l'idée qu'en se battant sur un terrain corporatiste, notamment derrière une "coordination", on pouvait obtenir quelque chose.

Mais la manœuvre bourgeoise visant à désorienter l'ensemble de la classe ouvrière ne s'arrêtait pas avec la reprise du travail dans les hôpitaux. La dernière phase de l'opération débordait largement le secteur de la santé et appartenait pleinement aux syndicats que le travail des coordinations avait remis en selle. Alors que pendant toute la montée du mouvement dans la santé, les syndicats et les groupes "gauchistes" avaient fait tout leur possible pour empêcher le démarrage de grèves dans d'autres secteurs (notamment dans les postes où la volonté de lutte était très forte), à partir du 14 octobre, ils ont commencé à appeler à la mobilisation et à la grève un peu partout. C'est ainsi que le 18 octobre la CGT a convoqué une "journée d'action inter-catégorielle"  et que le 20 octobre les autres syndicats, rejoints au dernier moment par la CGT, ont appelé à une journée d'action dans la fonction publique. Par la suite, les syndicats, et en première ligne la CGT, ont commencé à appeler systématiquement à la grève dans les différentes branches du secteur public, les unes après les autres : postes, électricité, chemins de fer, transports urbains des villes de province puis de la capitale, transports aériens, sécurité sociale... Il s'agit pour la bourgeoisie d'exploiter à fond la désorientation créée dans la classe ouvrière par le mouvement dans les hôpitaux au moment de son reflux, pour déployer sa manœuvre dans tous les autres secteurs. On assiste à une "radicalisation" des syndicats -CGT en tête- qui font de la "surenchère" par rapport aux "coordinations" en appelant à "l'extension", qui organisent, là où ils conservent une influence suffisante, des grèves "Jusqu'au-boutistes" et minoritaires, faisant appel à des "actions de commando" (comme parmi les conducteurs des camions des postes qui ont bloqué les centres de tri) ce qui a pour effet de les isoler encore plus. A l'occasion, d'ailleurs, les syndicats n'hésitent pas à se coiffer ouvertement de la casquette des "coordinations" lorsque cela peut "aider" comme ce fut le cas aux postes où la CGT a créé la sienne.

Ainsi, le partage des tâches entre "coordinations" et syndicats couvre tout le champ social : aux premières il revenait de lancer et de contrôler à la base le mouvement "phare", le plus massif, celui de la santé ; aux seconds, après qu'ils aient négocié de façon "positive" avec le gouvernement dans cette branche, il revient maintenant la responsabilité de compléter le travail dans les autres catégories du secteur public. Et en fin de compte, l'ensemble de la manœuvre a réussi puisque, aujourd'hui, la combativité ouvrière se retrouve dispersée en de multiples foyers de lutte isolés qui ne pourront que l'épuiser, ou paralysée chez les ouvriers qui refusent de se laisser entraîner dans les aventures de la CGT.

Quelles leçons pour la classe ouvrière ?

Alors que, deux mois après le début du mouvement dans les hôpitaux, les grèves se poursuivent encore en France dans différents secteurs, ce qui met bien en évidence les énormes réserves de combativité qui s'étaient accumulées dans les rangs ouvriers, les révolutionnaires peuvent déjà en tirer un certain nombre d'enseignements pour l'ensemble de la classe.

En premier lieu, il importe de souligner la capacité de la bourgeoisie d'agir de façon préventive et en particulier de susciter le déclenchement de mouvements sociaux de façon prématurée lorsqu'il n'existe pas encore dans l'ensemble du prolétariat une maturité suffisante permettant d'aboutir à une réelle mobilisation. Cette tactique a déjà été souvent employée dans le passé par la classe dominante, notamment dans des situations où les enjeux étaient encore bien plus cruciaux que ceux de la période actuelle. L'exemple le plus marquant nous est donné par ce qui s'est passé à Berlin en janvier 1919 où, à la suite d'une provocation délibérée du gouvernement social-démocrate, les ouvriers de cette ville s'étaient soulevés alors que ceux de la province n'étaient pas encore prêts à se lancer dans l'insurrection. Le massacre de prolétaires (ainsi que la mort des deux principaux dirigeant` du Parti communiste d'Allemagne : Rosa Luxemburg et Kart Liebknecht) qui en a résulté a porté un coup fatal la Révolution dans ce pays où, par la suite, la classe ouvrière a été défaite paquet par paquet.

Aujourd'hui et dans les années à venir, cette tactique visant à prendre les devants pour battre les ouvriers paquet par paquet sera systématiquement employée par la bourgeoisie alors que la généralisation des attaques économiques du capital commande une riposte de plus en plus globale et unie de la part de la classe ouvrière. L'exigence de l'unification des luttes qui est ressentie de façon croissante par les ouvriers est appelée à se heurter à une multitude de manœuvres, impliquant un partage des tâches entre toutes les forces politiques de la bourgeoisie, et particulièrement la Gauche, les syndicats et les organisations gauchistes, visant à diviser la classe ouvrière et à émietter son combat. Ce que nous confirment les événements récents en France, c'est que parmi les armes les plus dangereuses mises en oeuvre par la bourgeoisie dans la conduite de cette politique, il faut ranger les "coordinations" dont l'utilisation se fera de plus en plus fréquente à mesure que se développera le discrédit des syndicats et la volonté des ouvriers de prendre en main leurs luttes.

Face aux manœuvres de la bourgeoisie visant à chapeauter les luttes par ces fameuses "coordinations", il appartient à la classe ouvrière de comprendre que sa force véritable ne provient pas de ces prétendus organes de "centralisation" mais, en Premier lieu, de ses assemblées générales à la base. La centralisation du combat de classe constitue un élément important de sa force, mais une centralisation précipitée, lorsqu'à la base n'existe pas un niveau suffisant de prise en main de la lutte par l'ensemble des travailleurs, lorsque ne se manifestent pas des tendances significatives à l'extension, ne peut aboutir qu'au contrôle de l'ensemble du mouvement par des fonces bourgeoises (en particulier les organisations gauchistes) et à son isolement, c'est-à-dire, deux éléments de sa défaite. L'expérience historique a démontré que plus on s'élève dans la pyramide des organes créés par la classe pour centraliser son combat, que plus on s'éloigne du niveau où l'ensemble des ouvriers peut s'impliquer directement dans celui-ci, et plus les forces de gauche de la bourgeoisie ont le jeu facile pour établir leur contrôle et développer leurs manœuvres. Cette réalité on a pu la constater même dans des périodes révolutionnaires. C'est ainsi qu'en Russie, durant la plus grande partie de l'année 1917, le Comité exécutif des soviets a été contrôlé par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires ce qui a conduit les bolcheviks pendant toute une période à insister pour que les soviets locaux ne se sentent pas liés par la politique menée par cet organe de centralisation. De même, en Allemagne, en novembre 1918, le Congrès des Conseils ouvriers ne trouve rien de mieux à faire qu'à remettre tout le pouvoir aux sociaux-démocrates passés à la bourgeoisie, prononçant ainsi l'arrêt de mort de ces mêmes conseils.

Cette réalité, la bourgeoisie l'a parfaitement comprise. C'est pour cela qu'elle va systématiquement susciter l'apparition d'organes de "centralisation" qu'elle pourra facilement contrôler en l'absence d'une expérience et d'une maturité suffisantes de la classe. Et pour mieux se garantir, elle va le plus souvent possible, notamment par l'entremise de ses fonces gauchistes, fabriquer à l'avance de tels organes qui vont par la suite se faire "légitimer" par des simulacres d’assemblées générales empochant de cette façon que celles-ci ne créent elles-mêmes de véritables organes de centralisation: comités de grève élus et révocables au niveau des entreprises, comités centraux de grève au niveau des villes, des régions, etc.

Les luttes récentes en France, mais aussi dans les autres pays d'Europe, ont fait la preuve que, quoi qu'en puissent dire les éléments conseillistes-ouvriéristes qui aujourd'hui se pâment devant les "coordinations", la classe ouvrière n'a pas encore atteint à l'heure actuelle la maturité suffisante lui permettant de constituer des organes de centralisation de ses luttes à l'échelle de tout un pays comme se proposent de le faire les "coordinations". Elle ne pourra pas prendre de raccourci et sera contrainte de déjouer pendant une longue période tous les pièges et obstacles que la bourgeoisie dispose devant elle. Elle devra en particulier poursuivre l'apprentissage de l'extension de ses luttes et d'une réelle prise en main de celles-ci à travers les assemblées générales souveraines sur les lieux de travail. Le chemin est encore long pour le prolétariat, mais il n'en existe pas d'autre.

Le 22 - 11 - 88

[1] [8] ) Voir "Accion Proletaria" n' 72.

[2] [9] Voir "Révolution Internationale" n' 153.

[3] [10] Voir "Révolution Internationale" n' 168 et 169.

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3a) Le rôle actif des trotskistes dans la stratégie de la bourgeoisie : Introduction

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Dans l'énorme opération anti-ouvrière montée par la bourgeoisie lors de la lutte des hôpitaux, les gauchistes -et en particulier les trotskystes de "Lutte Ouvrière" et de la "Li­gue Communiste Révolutionnaire"- ont joué un rôle de premier plan et de grande enver­gure. Fers de lance de la mise sur pied des coordinations qui se sont partagé l'encadre­ment des travailleurs en lutte, champions de première de la magouille et de la manipula­tion au sein des assemblées convoquées par celles-ci, ils ont contribué efficacement au succès de la manœuvre d'ensemble de la bourgeoisie. Ils ont ainsi fait une fois de plus la preuve que la bourgeoisie peut compter sur eux contre les ouvriers !

Dans les années 70, alors que l'union de la gauche avait le vent en poupe et que les syn­dicats parce qu'ils jouissaient encore d'un certain crédit au sein de la classe ouvrière parvenaient à assurer seuls l'encadrement et le sabotage des luttes, les gauchistes oeu­vraient déjà en arrière plan. La bourgeoisie comptait déjà sur eux pour se faire ouverte­ment les rabatteurs de la gauche et la caution "radicale" des syndicats. Aujourd'hui s'ils apparaissent beaucoup plus directement sur le devant de la scène, s'ils tiennent plus vo­lontiers un discours "anti-gauche" et adop­tent un ton critique radical vis à vis des syn­dicats, ce n'est pas parce qu'ils ont changé de camp, bien au contraire. Au moment où la classe ouvrière se détourne massivement des syndicats et des partis de gauche, qu'elle re­jette ouvertement leurs mots d'ordre et qu'elle cherche activement les moyens de développer son propre contrôle sur ses lut­tes, la bourgeoisie fait de plus en plus appel directement aux gauchistes pour qu'ils se chargent du sale boulot que les forces classi­ques d'encadrement ne peuvent plus faire comme auparavant. Et si aujourd'hui on voit surtout les trotskystes au premier plan des efforts déployés par la classe dominante pour combler la brèche profonde qui s'est ouverte dans son dispositif anti-ouvrier, ils seront rejoints demain par toute la kyrielle d'autres petits groupes gauchistes, maoïstes, anar­chistes, qui, eux aussi, ont déjà rendu ce bons et loyaux services à la bourgeoisie.

La classe ouvrière n'a pas d'illusions à avoir, elle rencontra de plus en lus les gau­chistes sous les masques les plus variés, "combatifs", "radicaux", voire même "révo­lutionnaires", comme obstacle majeur au développement de ses combats. Et si elle doit être plus consciente de cela, elle doit aussi savoir qu'elle ne pourra pas éviter l'obstacle mais, plus encore, qu'elle devra affronter tous ces faux amis.

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  • Trotskysme [11]

3b) Le rôle actif des trotskistes dans la stratégie de la bourgeoisie : Les magouilles de "Lutte Ouvrière''

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"Coordination du Personnel de Santé" 

 

"Lutte Ouvrière" prétend défendre de façon intransigeante les intérêts des travailleurs. Mais, une nouvelle fois, la politique et les méthodes de cette organisation au cours de la grève dans les hôpitaux ont fait la preuve qu'elle n'a d'ouvrier que le nom et la phraséologie.

L.O. magouille pour saboter les votes

Le 8 octobre se réunit l'assemblée générale de la "Coordination du personnel de santé" créée le 29/9 et chapeautée sur le champ par un "Bureau" contrôlé par L.O. Immédiatement, L.O. déploie ses magouilles. Dès le début de la réunion, urne infirmière, soutenue par plusieurs participants, demande un vote sur la proposition d'envoyer une délégation massive à l'AG de la "Coordination infirmière", qui se tient au même moment juste à côté, afin de lui proposer une fusion des deux assemblées. Mais le Bureau, et notamment son porte parole (membre de L.O.), refuse systématiquement qu'elle soit mise aux voix malgré l'insistance d'une partie de l'assemblée.

Les arguments spécieux donnes par L.O. pour combattre la proposition (du style : "ce ne serait pas "poli" de faire une intrusion à l'assemblée de la Coordination infirmière contre sa volonté") cachent mal sa propre volonté de ne pas remettre en cause le partage du territoire qu'elle a négocié, dans le dos des travailleurs, avec la "Coordination infirmière". D'ailleurs, malgré toutes ses déclamations "unitaires" et "anti-corporatistes",  le journal "Lutte Ouvrière" du 8/10 se trahit en écrivant: "une 'Coordination des Personnels de Santé", cherchant à regrouper et à diriger la lutte du personnel non infirmier, s'est créée." On ne peut être plus clair ! Comme les gangsters se partagent les commerçants à racketter ("à toi les restaurants, à moi les fripiers"), L.O. et les autres organisations de gauche et gauchistes se sont partagé le personnel hospitalier : "A toi les infirmières, à moi les autres".

Ce mépris pour les travailleurs, nous le retrouvons dans la volonté du Bureau de censurer le vote. L.O. a beau se gargariser dans sa presse de phrases du style "Oui, c'est aux travailleurs de la base de prendre l'initiative. Car la base peut faire mieux que constituer les troupes de la lutte dirigée par d'autres" (Éditorial de "LO" du 8/10). Dans la pratique, ses grandes déclarations se révèlent n'être que purs mensonges démagogiques. Lorsque la "base" risque de prendre une position pouvant compromettre ses petits rackets, LO, avec son savoir faire politicard, s'arrange pour lui fermer sa gueule. Bravo LO ! Tu as bien appris de tes maîtres staliniens.

L.O. récidive et aggrave son cas

Ce même mépris pour les assemblées qu'il convoque lui-même, le Bureau-LO nous en a donné une nouvelle preuve lors de l'AG de la coordination du 13/10. Ainsi; à cette assemblée, il est remis au Bureau une lettre adressée par l'AG de tous les personnels d'un grand hôpital de la banlieue parisienne (le CHS de Maison Blanche), protestant contre la magouille du 8/10 et demandant que "cette lettre soit lue aux prochaines assemblées... de la coordination des personnels de santé". Évidemment, le Bureau-LO n'en souffle mot : comme il se sent morveux, il a peur qu'on le mouche.

Ensuite, on va voir le Bureau, par toute une série de manœuvres provoquant la plus grande confusion, s'arranger pour empêcher une nouvelle fois que deux amendements contrariant sa politique de sabotage de la lutte ne soient soumis au vote.

Le premier amendement proposait que cette coordination soit basée sur des délégués élus et révocables des AG des hôpitaux. C'était un gros pavé dans la mare de LO qui voulait continuer à pouvoir "bourrer" les AG de la coordination par la claque de ses propres militants et sympathisants.

Quant au second amendement,, il proposait que l'AG se prononce en faveur de l'extension immédiate de la lutte aux autres secteurs. Là encore on voit clairement la distance qui sépare les déclarations platoniques de la presse de LO de sa tactique réelle. Ainsi, les éditoriaux de "LO" des 24/9, 1/10 et 22/10, c'est-à-dire avant et après le plus fort de la mobilisation dans les hôpitaux, sont autant d'appels à l'extension et à l'unification des luttes dans tous les secteurs de la classe ouvrière. En revanche, dans "LO" des 8 et 15/10, au moment où cette question est immédiatement cruciale, on ne trouve pas un mot dessus tandis que, sui le terrain, les militants de LO font toutes les magouilles possibles pour empêcher de tels appels.

Le naïf ou l'amnésique pourrait croire que c'est un hasard ou une erreur de L.O. Il n'en est rien. En réalité, LO nous a déjà fait le coup à deux reprises : au sein de la coordination inter-catégorielle de la SNCF en décembre 86 (cf. RI de février 87) et dans la coordination INTER-SNECMA au printemps 88 (cf. RI 169). Non, LO n'a pas fait "des erreurs" ! Elle a appliqué une politique systématique d'enfermement des luttes comme le font les syndicats et le P.C.F.. Et pour mettre en oeuvre la même politique que les staliniens, LO a fait appel aux mêmes méthodes "musclées". Ces méthodes, nous en avions eu un avant-goût lors de l'AG du 13/10 lorsque, face à la colère que toutes ces magouilles avaient provoqué dans l'assemblée, un membre du Bureau-LO s'était écrié : "C'est fini ce bordel ! Maintenant taisez-vous et écoutez le Bureau !". Ces pratiques de petits voyous devaient être utilisées avec leur pleine "vigueur" lors de l'assemblée du 15/10.

Les mœurs staliniennes de L.O.

Comme celle du 8/10, cette assemblée était "filtrée" : à l'entrée, il fallait donner son nom et son adresse au service d'ordre de LO (à quelles fins ?). Quelques travailleurs d'autres secteurs de la Fonction Publique ont pu quand même entrer dans la salle en signalant qu'ils n'étaient pas hospitaliers et que, par conséquent, ils ne participeraient pas aux votes. Avant même le début de la séance, ces travailleurs ont été systématiquement mitraillés sous tous les angles par un photographe (était-ce une tentative d'intimidation ou l'occasion pour LO de compléter son propre fichier policier des éléments "perturbateurs ? Les deux probablement). Puis, dès le début de la séance, le porte-parole du Bureau demandait à ces travailleurs de quitter la salle sous prétexte que cette assemblée ne devait pas être "troublée par des personnes extérieures à la santé". Et comme ces travailleurs tentaient de défendre la nécessité pour les assemblées ouvrières d'être ouvertes, ils ont été vidés manu-militari par le service d'ordre de LO, en même temps d'ailleurs que les travailleurs de la santé qui protestaient contre ces méthodes répugnantes.

Ainsi, L.O. reprend aujourd'hui à son compte la politique crapuleuse des "ouvriers" sociaux-démocrates allemands, Ebert et Noske, qui, en novembre 1918, firent interdire la porte du Congrès des conseils ouvriers aux révolutionnaires Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg sous prétexte qu'ils n'étaient pas ouvriers. L.O. ne puise pas son inspiration uniquement auprès des staliniens mais aussi auprès de ceux qui les ont précédés dans la trahison du prolétariat : ces mêmes sociaux-démocrates qui, deux mois après, allaient faire assassiner Liebknecht et Luxembourg en même temps qu'un millier d'ouvriers de Berlin.

"Camarades" de L.O., à quand les coups de flingue contre les "perturbateurs" ?

Mais LO ne devait pas en rester là: à la brutalité il fallait encore ajouter l'hypocrisie. Arès l'interruption de séance, le porte-parole du Bureau faisait, la main sur le cœur, une déclaration pour s'excuser de "ce malencontreux incident" (dixit LO) résultant, à ses dires, d'un "malentendu". Pourquoi de telles "excuses" ? Tout simplement parce que, durant la pause, les "expulsés" étaient revenus distribuer le texte d'une motion qu'ils voulaient proposer à l'assemblée et qui appelait "tous les travailleurs du public et du privé à entrer immédiatement et massivement dans la lutte".. Il était alors difficile pour le Bureau-LO, pris au dépourvu, de continuer à dénoncer ces éléments comme de simples "fouteurs de merde" (d'autant plus que certains des hospitaliers expulsés avec eux avaient distribué de leur côté la lettre de protestation du personnel de Maison Blanche que le Bureau avait mise sous la table lors de l'AG du 8/10). Pour montrer sa "bonne foi", le Bureau-LO, contraint de tourner casaque, a alors annoncé qu'il allait soumettre aux voix cette motion. Mais pour éviter toute "mauvaise surprise", il a encore magouillé en ne la faisant voter qu'au dernier moment alors que beaucoup de participants étaient déjà partis ou s'apprêtaient à partir. Magouille encore renforcée par sa proposition d'une motion concurrente "allant dans le même sens", à ses dires, mais qui en réalité, derrière ses phrases verbeuses, n'était qu'un salut" platonique à "l'entrée en lutte des autres secteurs de la fonction publique".

La grève des hôpitaux n'a pas seulement permis à "Lutte Ouvrière" d'apporter sa petite contribution au succès de la manœuvre bourgeoise visant à prévenir une explosion généralisée du mécontentement ouvrier. Elle a été aussi une occasion pour cette organisation d'utiliser le type de méthodes qui accompagnent nécessairement une telle politique bourgeoise : les magouilles politicardes, la manipulation, les votes truqués, les mensonges, l'intimidation, le flicage et, pour couronner le tout, la violence physique contre les empêcheurs de magouiller en rond. Et ce n'est qu'un début. Il ne faut pas se faire d'illusions: comme ses aînés P.S. et PC, LO n'hésitera pas demain à massacrer les ouvriers quand ce sera "nécessaire".

Révolution internationale N' 173

*  *  *  *  *

  • Si la classe ouvrière a des illusions sur la nature des "coordinations", la bourgeoisie, elle, sait ce qu'elle fait quand elle les met en place. Voila ce qu'en dit le "Monde", célèbre et réputé organe de presse bourgeois, dans son édition du 21 octobre 1988, au sein de l'article "Le retour du "baron noir" de l'agitation sociale" :

"Allumée depuis plusieurs mois auparavant, la mèche lente a fait son office. Une conjonction d'intérêts (UNASIF) avait poussé à entrer dans la danse l'encadrement infirmier par le canal d'une union syndicale et associative, corporatiste, l'Union nationale des associations et syndicats infirmiers et des infirmières français (UNASIF) reprise en main récemment par les amis de M. Chevènement. M. Bernard Desormière, secrétaire général de la fédération CGT de la santé, voit du reste, dans l'UNASIF "la première tentative de recomposition du mouvement syndical" effectuée en juin, qui, selon lui, se poursuit aujourd'hui d travers la coordination pour le compte du P.S. et de la social-démocratie."

 

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3c) Le rôle actif des trotskistes dans la stratégie de la bourgeoisie : LCR...

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LCR : les faiseurs de coordinations à la rescousse du syndicalisme

 
"Les infirmières et les personnels de santé ont retrouvé le chemin d'un syndicalisme originel, à vocation majoritaire, efficace, unitaire, dirigé par tous dans la plus grande démocratie".

C'est en ces termes que, à l'occasion de la récente constitution de la "coordination infirmière" en "association loi 1901", "Rouge", organe de la "Ligue Communiste Révolutionnaire" trotskyste, lâche le morceau dans son numéro du 10/11 sur la véritable nature des fameuses "coordinations" qui ont tant fait parler d'elles pendant la grève des hôpitaux. Et on peut dire que la LCR sait de quoi elle parle, elle qui fait partie des principaux animateurs de la plupart des coordinations qui fleurissent un peu partout en ce moment.

A l'heure où la classe ouvrière rejette de plus en plus ouvertement les syndicats, refuse de marcher derrière leurs consignes et développe une saine méfiance contre l'encadrement syndical, ce sont ces "nouvelles organisations", surgies on ne sait trop d'où, qui sont "offertes" aux ouvriers comme une prétendue alternative au syndicalisme. Elles se prétendent des structures qui n'auraient rien à voir avec les syndicats, mais qui au contraire, permettraient de lutter enfin contre les manœuvres de division et de sabotage systématiques des luttes ouvrières par les syndicats, auxquelles s'est heurtée depuis des décennies la classe ouvrière.

Eh bien, les masques tombent ! Un des principaux promoteurs de ce mensonge, en la personne de la LCR, passe aux aveux complets ! Les lanternes n'étaient les des vessies !

En effet, si nous laissons de côté les grands mots d'unitaire'', "démocratique", "dirigé par tous", qui sont là pour faire joli, c'est par contre une profonde vérité que contient la révélation de "Rouge" : les coordinations, c'est du syndicalisme pur, et c'est du syndicalisme efficace !

D'ailleurs il n'est pas besoin de gratter bien loin : qui fabrique les coordinations ? Celle des infirmières ? Elle a été montée par la CFDT, aidée de divers militants gauchistes, qui sont en même temps des militants syndicaux (cachant leur carte pour les besoins de la cause). De même il n'est un secret pour personne que la plupart des coordinations qui ont vu le jour récemment dans les PTT sont des simples cache-sexe de... la CGT !

Auto-proclamées, préexistant le plus souvent à la mobilisation réelle, centralisation artificielle et prématurée sur laquelle les ouvriers en lutte n'ont aucun contrôle, elles œuvrent -exactement comme les syndicats- à empêcher la prise en mains de la lutte par les assemblées souveraines de grévistes, en se présentant comme des organes spécialisés, à qui revient le rôle de diriger, coordonner et orienter le mouvement au nom et à la place des ouvriers. A ce niveau les coordinations sont à peu près autant "dirigées par tous" que le sont les syndicats et elles savent aussi bien et mieux qu'eux mener "démocratiquement" la danse dans une AG, à qui il est demandé simplement de leur faire confiance. Exactement comme les syndicats !

Championnes du corporatisme et de l'enfermement dans le secteur, elles oeuvrent, exactement comme les syndicats, à saboter l'extension et l'unification du mouvement. Et si elles protestent à grands cris contre les divisions entre syndicats, c'est parce qu'elles leur préfèrent... les divisions entre coordinations se partageant le travail pour saucissonner la lutte !

Les coordinations : des syndicats auxquels il ne manque que le nom

C'est d'ailleurs à ce propos que la L.C.R explique pourquoi la "coordination infirmière" a préféré se constituer en association 1901 plutôt qu'en syndicat. Selon "Rouge" : "Créer un syndicat des seules infirmières, alors que sont nées bien d'autres coordinations remplissant les mêmes fonctions pour leur catégorie, c'eût été offrir au syndicalisme corporatiste déjà existant un cadeau royal, celui de la division confirmée entre corps de métier". Discours plus puant, tu meurs ! S'il est un organe qui s'est fait depuis sa création le champion du corporatisme et de "la division entre corps de métier", c'est bien la "coordination des infirmières d'Île de France", (et avec elle les autres coordinations selon le principe "à chacun sa catégorie" !).

Plus prosaïquement, la raison pour laquelle, en devenant une institution permanente légale, la coordination des infirmières préfère ne pas prendre le nom de syndicat, c'est que ce serait dégonfler la baudruche ! L'efficacité des coordinations, leur capacité à jouer leur rôle d'organe d'encadrement "new look" des ouvriers et à ne pas se laisser déborder, dépend du masque apparemment extra-syndical dont elles se parent.

De plus ‑comme le dit la L.C.R. elle-même‑ "les syndiqués auraient été sommés de choisir entre leur syndicat d’origine et le nouveau" et "aucun reniement syndical ne doit être exigé". Et pour cause ! Ce sont les mêmes militants gauchistes et syndicalistes qui sont à l'œuvre dans les deux structures. Et pour eux, champions du syndicalisme et fabricants  de "coordinations" en tout genre, il ne s'agit pas tant de remplacer les syndicats, que de les compléter, de se partager le travail avec eux, et finalement leur permettre de revenir en force sur le devant de la scène, comme ils viennent de le montrer dans la grève des hôpitaux, mais aussi dans les PTT, tout comme à la SNCF en 86, ou à la SNECMA  au printemps dernier.

Et c'est là le second aveu de "Rouge" : "II (le mouvement des coordinations) ne s'est pas bâti contre les syndicats traditionnels, mais à cause de leurs carences. Que les syndicats classiques en prennent de la graine, qu'ils procèdent à la révision critique nécessaire", (...) "les syndicalistes unitaires (autrement dit les militants trotskystes, bâtisseurs de coordinations) ont compris, ont participé, ont appuyé le mouvement. Ils ne peuvent qu'en faire bénéficier leur syndicat maintenant".

En vérité, les trotskystes se désolent, avec l'ensemble de la bourgeoisie, de ce qu'ils appellent "la crise de crédibilité du syndicalisme traditionnel" et ils ne font rien d'autre que de multiplier les offres de service pour tenter de le requinquer.

Révolution Internationale N' 174* * * * *
  • Si la classe ouvrière a des doutes sur la nature et le rôle des gauchistes, la bourgeoisie, elle, sait reconnaître les siens, en tant que maîtres d'œuvre des coordinations. Voilà ce qu'en dit le "Monde" au sein de l'article cité précédemment :

 "Comme ce fut le cas avec les étudiants et les cheminots (hiver 1986‑1987), dans le conflit de la SNECMA  (début 1988), les amis d'Alain Krivine, l'indéboussolable dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire (L.C.R.) sont montés en ligne. Avec d autant plus de facilité, dans ce milieu faiblement syndicalisé, que le terrain avait été préparé pendant les vacances. La L.C.R. avait lancé un ballon d'essai au printemps parmi les infirmières aides-anesthésistes, "celles qui vont déjeuner avec les internes quand les autres vont au self', comme dit M. René Champeau, secrétaire général de la fédération FO des personnels de la fonction publique et de la santé".

  • Voilà ce qu'en dit le "Point", dans son N' 840 au sein de l'article
    "Parti socialiste : Les trotskistes ont pignon sur rue" :

 "... Or, les militants trotskistes, qui, lors de la dernière élection présidentielle ont plafonné autour de 2% des suffrages (...), sont riches dune expérience organisationnelle et d'une pratique militante qui leur permettent de s'installer sans difficulté dans les courants sociaux‑démocrates prompts d s'embourgeoiser et d s'encroûter dans l'exercice du pouvoir. Mieux : les socialistes, dés lors qu'ils sentent le souffle leur manquer, n'hésitent jamais d faire appel d ce sang neuf."

 "Que fait François Mitterrand entre 1971 et 1973 ? Il ouvre les portes du PS aux anciens du PC, au risque de se faire traiter de cryptocommuniste. Que fait le candidat de la gauche après l'élection présidentielle de 1974 ? Il accueille la deuxième gauche, conduite par Michel Rocard, ancien porte-voix du mouvement de Mai 68 qui, quelques mois plus tôt, défilait encore aux côtés d'Alain Krivine, le patron de la L.C.R. (Ligue communiste révolutionnaire). Que dit enfin François Mitterrand au congrès de l'unification d Épinay ? "Nous avons d conquérir chez les gauchistes..". Pas étonnant, donc, que des trotskistes s'installent aujourd'hui au P.S.


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IV - L'INTERVENTION DU CCI

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Une implication claire et décidée dans la lutte.

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Sur la base d'un suivi sérieux, "pointu", de l'évolution de la situation en France, le CCI avait mis en avant depuis des mois le développement des potentialités pour un mouvement massif de riposte de la classe ouvrière aux attaques de la bourgeoisie. Cette analyse qu'il développe en permanence dans sa presse depuis le début de l'année 88 se trouve confirmée au printemps par une série de luttes à Chausson, à la Snecma, à Michelin (malgré le contexte défavorable des campagnes électorales à répétition), et au mois de juin à St Nazaire (malgré le facteur défavorable constitué par la proximité des congés annuels). Durant ces luttes, en particulier celle de la Snecma, il met également en évidence la stratégie de la bourgeoisie visant à isoler et enfermer chaque lutte dans l'entreprise ou la corporation. Il met également en relief cette tendance de la bourgeoisie, initiée lors de la grève des cheminots durant l'hiver 86/87, confirmée ensuite dans la grève des instituteurs peu après, à utiliser les coordinations au premier rang de ses forces d'encadrement pour posséder les ouvriers de leur lutte. Il démontre alors comment celles-ci, animés par les gauchistes et des syndicalistes de base, ont fondamentalement le même rôle d'enfermement et d'isolement des luttes que les syndicats; comment pour assumer leur sale besogne, elles tendent à s'appuyer et développer les faiblesses corporatistes existant au sein de la classe ouvrière. C'est ainsi en particulier que le CCI avait énoncé le rôle de la coordination inter-Snecma dans le conflit de cette entreprise, ainsi que celui des gauchistes de L.O. et de la L.C.R. en son sein.

Son suivi de la situation sociale, ses analyses et son intervention dans les conflits du printemps ont fart que, globalement, le CCI n'a pas été surpris à l'automne 88 ni par la combativité qui s'est exprimée dans les luttes ni par les manœuvres de la bourgeoisie. C'est pourquoi il a pu au sein de ces luttes, au niveau que lui permettent ses fors, à la fois pousser à la réalisation des potentialités énormes contenues dans la situation et confronter les manœuvres de la bourgeoisie.

Pour la prise en charge de la lutte par les ouvriers eux-mêmes
Pour son extension à tous les secteurs
Contre les manœuvres d’enfermement et de division des coordinations

Dés le 29 septembre, alors qu'une "coordination" auto-proclamée, inconnue de la très grande majorité des ouvriers, appelle à une manifestation infirmière, les militants du CCI sont à pieds d'œuvre, prêts à pousser l'ensemble des ouvriers à développer leur combat au delà du secteur hospitalier. Prêts également à contrer et dénoncer les agissements de l'ennemi de classe, en particulier la coordination, dont le but est d'étouffer dans l'œuf cette lutte et d'entamer, à travers elle, un travail de dispersion de la combativité montante au sein de toute la classe ouvrière.

Dans la manifestation parisienne de 30.000 personnes qui exprime la poussée générale de la combativité ouvrière, les militants du CCI diffusent la presse révolutionnaire, suscitent des discussions avec des manifestants où ils insistent sur la nécessité d'élargir le plus rapidement possible la lutte à d'autres secteurs..

C'est fondamentalement le même sens qu'ils donnent à leur intervention dans le meeting qui a lieu en fin de manifestation. Ce meeting est appelé par la coordination infirmière pour ... former une coordination ! Son but, en clair, est d'obtenir du mouvement une légitimité qu'elle n'a pas encore.

D'un côté il y a le "présidium", les "organisateurs", leur "claque" gauchiste et syndicaliste répartis dans toute la salle. Ils manœuvrent, magouillent pour s'imposer au détriment de l'assemblée générale, l'empêchant d'exprimer sa souveraineté et d'élire dans la clarté de véritables délégués, la divisant en écartant les non infirmiers vers une autre coordination surgie d'on ne sait d'où, toute prête à les accueillir, et imposant leur proposition, la seule qui sera votée, consistant à différer d'une semaine le début de la grève dans les hôpitaux.

En face, une volonté, qui s'exprime dans l'assemblée, de ne pas s'en remettre aux premiers organisateurs venus, une méfiance légitime par rapport à cette coordination, qui n'est certainement pas l'émanation de la lutte et que personne ne cornait. Les militants du CCI encouragent l'expression de cette méfiance et prennent la parole pour réclamer une véritable assemblée générale, parvenant tant bien que mal à ce que leur voix se fasse entendre malgré les efforts contraires des spécialistes de l'encadrement qui font tout pour la couvrir. Ils sont également de ceux qui protestent contre la manœuvre de division, contre le coup d'arrêt porté à la mobilisation. Ils interviennent également, malgré l'hostilité et les menaces sournoises des "organisateurs", et les préjugés corporatistes ambiants, pour avancer la nécessité de l'extension aux autres secteurs ‑ceux pie la fonction publique en particulier‑ car il s'y développe une certaine effervescence comme aux PTT. Ces interventions leur valent quelques discussions à la sortie du meeting avec un certain nombre d'ouvriers écœurés par la pratique de la coordination.

Le soir même, le "Comité pour l'Extension des luttes" (cf. chapitre "l'intervention d'un comité de lutte") dans lequel participent certains camarades du C.C.I., entreprend la rédaction du tract "Coordinations auto‑proclamées = danger ; Ne nous laissons pas diviser ! Tous unis dans la lutte", allant dans le même sens. Dés le lendemain il sera diffusé dans les hôpitaux et vers d'autres secteurs en région parisienne. Durant cette semaine également nos camarades travaillant dans la santé, aux PTT, à l'EDF ont pour mission de pousser au développement de la lutte, à se mobiliser massivement.

Lors de la manifestation du 6 octobre, le CCI poursuit son intervention dans le même sens, en s'appuyant sur la mobilisation et la combativité qu'elle révèle (plus de 50.000 manifestants), d'autant lus que d'autres secteurs des hôpitaux se sont cette fois mobilisés plus massivement, allant ainsi dans le sens d'un élargissement du mouvement. Cependant il met de plus en plus l'accent sur la nécessité d'une réelle prise en mains de la lutte par les ouvriers, d'autant que dans le secteur hospitalier les coordinations font tout pour les en déposséder afin d'étendre leur emprise sur le mouvement (elles commencent à y parvenir) et que dans d'autres secteurs sensibles comme les PTT, les gauchistes et même la CGT préparent discrètement de telles structures pour parer à tout développement de la lutte.

En effet, la prise en mains réelle de la lutte, à travers la tenue d'assemblées générales et l'élection de délégués révocables formant des comités de grèves, est seule à même de permettre la conduite de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, et donc son extension aux autres secteurs.

C'est par rapport à ces questions essentielles que se cristallisera le combat dans les réunions des coordinations celle des infirmières et celle dite inter-catégorielle du personnel de santé, qui se tiennent à Paris le 8 octobre où celles-ci ont l'intention de se faire reconnaître définitivement en tant que coordinations nationales du mouvement. A ce moment là était nécessaire d'alerter les ouvriers présents dans les réunions des deux coordinations sur la manière dont celles-ci opèrent pour leur confisquer leur lutte, pour les isoler des autres secteurs et au sein même du secteur hospitalier.

Dans celle des infirmières, un camarade infirmier dénonce de l'intérieur comment la coordination est en train de stériliser la combativité réelle dans le corporatisme. D'autres camarades, infirmiers et non infirmiers, qui se sont vus interdire l'accès à l'AG, dénoncent à l'entrée les méthodes de filtrage et de flicage qui n'ont rien à envier à celles de la CGT. Des ouvriers présents se reconnaissent dans ces propos.

Dans celle dite inter-catégorielle, des camarades dénoncent l'illégitimité du présidium, de son ordre du jour, tous deux parachutés, et en appellent à la souveraineté de l'A.G. Pour faire obstacle aux manœuvres de division et aux manipulations, alors que les deux coordinations siègent de façon séparée à 500 mètres l'une de l'autre, ils mettent en avant la nécessité d'une seule assemblée regroupant l'ensemble des ouvriers présents dans l'une et l'autre, qu'ils soient infirmiers ou non.

A partir de ce moment et afin de donner le maximum de force à cette orientation pour la prise en mains et l'extension de la lutte, le CCI entreprend la diffusion d'un tract, destiné à tous les secteurs de la classe ouvrière, particulièrement ceux du public, dans toutes les villes de France où il est présent. Ce tract se justifie par le fait que la situation contient encore des potentialités de développement au delà du secteur hospitalier, mais aussi parce que la bourgeoisie tend à avoir une emprise de plus en plus importante sur la lutte des hôpitaux. C'est une véritable course poursuite entre la classe ouvrière et la bourgeoisie qui se joue alors. Le tract intitulé "Contre les attaques de la bourgeoisie, Lutte massive et unie de tous les secteurs" constitue un appel à tous les ouvriers à se joindre à ce combat qui les concerne tous, et met clairement en évidence que sans un tel élargissement de la lutte et sans l'unité ouvrière, on va à la défaite.

Il faut reconnaître à présent que cette intervention générale du CCI, par tract, a présenté quelques faiblesses: la plus importante est qu'elle a lieu avec un certain retard, à un moment où les potentialités du mouvement te sont plus les meilleures. Mais également ce tract appuie la revendication des "2000 F pour tous". Le C.C.I. a été illusionné comme une grande majorité d'ouvriers, par cette revendication parce qu'elle concerne tous les ouvriers, sans voir cependant assez tôt son caractère de surenchère démagogique, sans soupçonner assez tôt l'utilisation qu'allaient en faire les syndicats et les coordinations dans les semaines suivantes pour décourager et stériliser la volonté de lutte.

Ce tract est diffusé pendant une semaine durant laquelle les militants du CCI sur leurs lieux de travail appellent à la lutte. Il est diffusé à la manifestation du 13 octobre à Paris qui rassemble derrière syndicats et coordinations plus de 100.000 personnes. Cette manifestation est suivie d'une réunion à Jussieu de la coordination dite "inter catégorielle" et dans laquelle ils interviennent également. Ils appuient la tentative faite par une délégation envoyée par l'AG du personnel hospitalier d'un grand hôpital de la région parisienne ("Maison Blanche") de présenter une lettre dénonçant les magouilles des coordinations qui ont usurpé la représentativité de la lutte en se l'accaparant. Lettre remise par naïveté au présidium et dont il ne soufflera mot malgré les protestations de ses porteurs.

Il ne faut plus s'y tromper, l'emprise des coordinations sur le mouvement est à ce moment là bien réelle. De ce fait l'intervention du CCI prend essentiellement pour axe la dénonciation du sabotage fait par les coordinations et les gauchistes, mais aussi celui de pousser dés à présent à la réflexion en profondeur des ouvriers sur ce qu'ils sont en train de subir. C'est pour cela, et dans le but de mettre en porte à faux les "organisateurs", que dans cette même réunion de la coordination les militants du CCI appuient également des amendements à la motion du présidium qui proposent que la coordination soit basée sur des délégués élus et révocables des AG des hôpitaux. Bien crue cette intervention parvienne un moment à semer un certain désarroi de l"'encadrement" gauchiste, la "claque gauchiste" des militants de L.O. venus gonfler artificiellement l'assemblée se fait de plus en plus pesante et agressive, et parvient ainsi à "rétablir" la situation.

Le samedi suivant les militants du CCI interviennent de nouveau à une réunion de cette môme coordination. Afin que le plus possible d'ouvriers voient la nature et le rôle réel des coordinations le CCI soutient l'action d'un groupe de travailleurs de différents secteurs, venus défendre la nécessité pour les assemblées ouvrières d'être ouvertes à tous les travailleurs et proposer la lecture d'une motion pour l'extension du mouvement aux autres secteurs. Un moment désarçonné par ces "empêcheurs de tourner en rond", le présidium se démasque et appelle ses hommes de main (des militants de LO) à les exclure manu militari, ainsi que des infirmier(e)s présents dans la salle qui s'élevaient contre ces méthodes staliniennes, et les militants du CCI. Cet événement a provoqué un émoi dans l'AG d'autant que les infirmiers exclus diffusaient à la sortie la lettre de l'hôpital de maison blanche dont la lecture publique avait pût être évitée par le présidium de la coordination lors de sa réunion précédente, deux jours auparavant. Il a mis au pied du mur les "organisateurs", les magouilleurs, qui néanmoins sont parvenus à "s'en sortir" en invoquant hypocritement un malentendu. Le CCI malheureusement n'a pas su, par naïveté réagir sur le champ à cette nouvelle manœuvre en la dénonçant.

Dans la semaine qui suit, forte de l'emprise complète des coordinations sur le mouvement dans le secteur hospitalier, du retours en force des syndicats sur le devant de la scène dans tous les secteurs, la bourgeoisie cherche à développer le déboussolement et la dispersion dans toute la classe ouvrière. C'est le sens des appels à l'extension de la lutte dans tous les secteurs de la fonction publique lancés par les syndicats et les gauchistes.

Faire prendre conscience aux ouvriers de la manœuvre d’ampleur
que la bourgeoisie est en train de réussir pour disperser leur combativité

A ce moment là il n'est plus question pour le C.C.I. d'appeler à la lutte. Celan 'aurait participé qu'à pousser dans le sens de la dispersion, du trouble, de l'épuisement dans l'isolement dans les rangs ouvriers que les syndicats et coordinations s'attachaient à développer, alors qu'ils tendaient à occuper totalement le terrain social.

La tâche essentielle consiste alors à mettre en garde les ouvriers contre les menées aventuristes des syndicats et coordinations, leur faire apparaître le plus clairement possible comment le gouvernement, la gauche, les gauchistes sont parvenus à travers la grève des infirmières à disperser la montée d'une vague de mécontentement qui menaçait de déboucher sur un mouvement d'ampleur de l'ensemble de la classe ouvrière. A cette fin il fallait mettre en cohérence tous les éléments de cette manœuvre d'ampleur, préparée de longue date, utilisant le secteur infirmier, à son insu, en exploitant ses préjugés corporatistes et élitistes, et mettant les coordinations en première ligne de ses forces d'encadrement. Tels furent la démarche et l'objectif du tract "Les luttes ouvrières ne peuvent se développer et vaincre qu'en dehors et contre les syndicats et les coordinations " que le CCI a commencé à diffuser à partir du 24 Octobre dans tous les secteurs de la classe ouvrière en France.

Durant le courant du mois de Novembre, malgré k déboussolement créé par le dénouement de la grève dans les hôpitaux, le désir de partir en lutte, d'en découdre demeure fort chez les ouvriers de certains secteurs, comme aux PTT, à la sécurité sociale. Souvent l'intervention des militants du CCI dans certains centre de tri parisiens, à l'EDF, dans certains centres de sécurité sociale en province a pu éviter que localement les ouvriers cèdent aux sirènes syndicales et gauchistes: se battre oui, certainement, mais pas dans n'importe quelle conditions ! Non aux aventures, non aux grèves longues et minoritaires dans lesquelles nous poussent les gauchistes et syndicalistes afin d'émietter et épuiser la combativité ouvrière.

Tel demeurera fondamentalement le sens de notre intervention jusqu'au mois de Décembre, à travers tous ses moyens d'expression: presse, réunions publiques, discussions avec contacts, sur les lieux de travail.

Courant décembre il se révèle encore nécessaire d'intervenir à nouveau par un tract diffusé nationalement dans tous les secteurs. En effet, les syndicats et en particulier la CGT ont effectué un retour en force sur le devant de la scène, accentuant le trouble dans les rangs ouvriers, l'éparpillement de la lutte par des grèves dures, sectorielles et "impopulaires" comme celle du métra parisien. Dans ce tract intitulé "NON à la dispersion organisée OUI à l'unité des luttes ouvrières", le CCI dénonce essentiellement l'entreprise de dispersion à laquelle se livre la bourgeoisie depuis le début de la lutte des infirmières, via ses différentes fractions et organes d'encadrement.

Être dans la lutte et combattre pour son unité et son élargissement,
une nécessité actuelle des organisations révolutionnaires.

Cette nouvelle expérience faite par le CCI montre non seulement que l'intervention des révolutionnaires est nécessaire et possible au cœur même des batailles que mène la classe ouvrière (ce que d'autres groupes révolutionnaires ne semble ni vouloir ni être à même de comprendre, vu leur absence ou leur attitude d'expectative consistant à regarder la lute du trottoir) mais également qu'elle a, d'ores et déjà un poids dans la confrontation entre prolétariat et bourgeoisie.

Cette intervention nécessite de leur part, bien sur, une présence constante et active dans les luttes, mais aussi la clarté qui doit leur permettre d'analyser l'évolution du rapport de force et ses fluctuations (qui en quelques jours, voire en quelques heures peur basculer dans un sens ou dans un autre) afin d'adapter sans cesse leur intervention à cette évolution, avancer les propositions concrètes de marche les plus adéquates.

Même si le combat est encore long et difficile parce que les syndicats et les gauchistes chercheront encore longtemps à garder le contrôle des luttes, à les isoler, les diviser, les éparpiller, parce qu'ils parviendront encore longtemps à fliquer et dénaturer les assemblées ouvrières, les révolutionnaires doivent d'ores et déjà et devront toujours être partie prenante du combat de leur classe. Ils devront tout faire pour l'aider à déjouer les pièges qui lui sont tendus.

Une responsabilité toute aussi importante est dé l'aider, à la fin de chaque lutte, à tirer rapidement le maximum de leçons sur les raisons des échecs, et de mettre en avant les conditions nécessaires aux succès futurs.

C'est à travers leur participation au combat quotidien de leur classe que les révolutionnaires monteront qu'ils sont une force indispensable. C'est à travers cette participation qu'ils renforceront leur capacité à assumer leur rôle d'avant-garde. C'est à travers elle qu'ils renforceront leur capacité à assumer leur rôle d'avant-garde, qu'ils participent à forger l'arme indispensable des combats révolutionnaires de demain, le Parti Mondial du prolétariat

Vie du CCI: 

  • Interventions [12]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

Notre premier tract

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CONTRE LES ATTAQUES DE LA BOURGEOISIE
LUTTE MASSIVE ET UNIE DE TOUS LES SECTEURS

 

La coupe est pleine ! Jamais nos conditions de vie n'ont été aussi insupportables.

Aujourd'hui, moins que jamais, nous n'avons d'autre choix que de nous défendre. Partout, dans les ateliers, les bureaux, les services, au chômage, ... nous sommes des millions à en être convaincus.

Partout la colère gronde, partout ça commence à bouger. Des secteurs sont déjà entrés en lutte, à la télé, dans les postes, dans l'automobile, ... et certains massivement (50 000 hospitaliers dans la rue le 6 octobre à Paris).

C'EST LE MOMENT D'Y ALLER
MASSIVEMENT ET TOUS ENSEMBLE.

TOUS ENSEMBLE contre la misère qu'on nous impose

  • chômage pour un nombre de plus en plus important d'ouvriers,
  • baisse des salaires, cadences infernales et brimades pour ceux qui ont encore du travail,
  • augmentation du coût de la vie, des loyers, des cotisations sociales (alors que les prestations diminuent) pour tous.

Les ouvriers en France sont ceux qui, en Europe, ont subi la plus forte dégradation de leurs conditions d'existence ces dernières années. Même les experts de la bourgeoisie le reconnaissent.

TOUS ENSEMBLE parce que nous avons tous les mêmes revendications pour des conditions de vie décentes.

TOUS ENSEMBLE parce que ce n'est qu'ainsi que nous exprimerons, que nous imposerons notre force et parce que c'est le seul moyen de faire reculer le gouvernement et le patronat, de les faire céder.

Toute illusion sur la possibilité de "s'en sortir" seuls, dans "sa" corporation, "son" secteur, "son" entreprise, "sa" catégorie ne peut mener qu'à l'échec. Toute lutte qui reste isolée, aussi massive et puissante soit-elle, comme celle des cheminots en décembre 86 qui avait pourtant paralysé tout le pays, ne peut aller qu'à la défaite. Il est clair que le corporatisme est un poison pour les luttes par la division qu'il introduit dans les rangs ouvriers.

Aujourd'hui, nous devons opposer une riposte massive, unie et solidaire de tous les secteurs, public, privé, actifs, chômeurs.

NOTRE UNITÉ EST VITALE,
NOUS DEVONS LA FORGER
ET LA DÉFENDRE

CONTRE les syndicats :

  • dont nous n'avons pas besoin, comme l'avait déjà montré la lutte des cheminots et comme l'illustre encre plus clairement aujourd'hui le mouvement dans les hôpitaux ;
  • que nous ne voulons plus et qui, pour cette raison, cherchent aujourd'hui, avec la complicité du gouvernement socialiste, à imposer leur "légitimité, leur "représentativité" contre notre volonté. Et cela pour espérer continuer à encadrer et saboter nos luttes.

CONTRE les fausses coordinations, auto‑proclamées, que les "syndicalistes de base", les groupuscules gauchistes comme L.O. ou la L.C.R., nous imposent et multiplient dans le seul but d'organiser notre division (5 coordinations pour le seul mouvement dans les hôpitaux), assumant ainsi le sale boulot que font habituellement les syndicats.

La bourgeoisie, son gouvernement, son patronat, même s'ils redoutent aujourd'hui notre colère et nos luttes qui menacent de s'étendre, vont poursuivre et amplifier leurs attaques (ce qu'ils préparent aujourd'hui contre la sécurité sociale par exemple, doit nous alerter sur leurs intentions). C'est pourquoi, pour l'ensemble des ouvriers, l'heure n'est plus ni à l'hésitation ni au "chacun pour soi".

Aujourd'hui plus que jamais il est nécessaire :

  • D'ENTRER EN LUTTE, LE PLUS NOMBREUX POSSIBLE ET DANS TOUS LES SECTEURS, dans le public (PTT, EDF, SNCF, Enseignement, etc. ) comme dans le privé auxquels doivent se joindre les ouvriers au chômage pour opposer à la bourgeoisie le front le plus large et le plus massif ;
  • D'ÉTENDRE ET UNIFIER NOTRE COMBAT par des déplacements massifs aux autres foyers de lutte ;
  • DE CONDUIRE NOUS‑MEMES NOTRE LUTTE en imposant notre volonté, nos décisions, à travers la tenue quotidienne d'assemblées générales souveraines, contre tous ceux qui cherchent à nous déposséder du mouvement pour le contrôler et le diviser. C'est dans ces AG que nous devons élire nos délégués, responsables devant nous et donc révocables à tout instant pour former une coordination qui représente réellement les différents foyers de lutte, leur unité ;
  • D'UNIFIER NOS REVENDICATIONS : pour tous les ouvriers au travail : 2 000 F d'augmentation de salaire. Pour tous les ouvriers au chômage : revenu minimum garanti, gratuité du logement, du gaz et de l'électricité.

TOUS ENSEMBLE
NOUS AVONS LES MOYENS DE VAINCRE

Révolution Internationale
Section en France du Courant Communiste International

Le 07/10/88


Soutien à la presse révolutionnaire

En 1901, Lénine écrivait : "Nous avons résolument besoin d'un journal politique. Aujourd'hui, sans organe politique, aucun mouvement politique digne de ce nom ne peut exister en Europe. Sans un tel journal, il nous est impossible de remplir notre tâche, le rassemblement de tous les éléments de mécontentement et de protestation politiques, et donc la stimulation du mouvement révolutionnaire du prolétariat". Cette vision de l'importance de la presse révolutionnaire, plus développée théoriquement dans "Que Faire ?" et mise à l'épreuve de la pratique dans l'activité des bolcheviks, reste centrale dans l'activité actuelle des organisations communistes.

Des publications régulières sont l'outil principal de l'intervention des révolutionnaires. C'est par elles que nous essayons systématiquement de donner des perspectives au développement de la lutte de la classe ouvrière. La régularité de la presse est donc importante. Comme le disait Lénine : " nous pouvons dire sans exagération que la fréquence et la régularité avec laquelle un journal parait (et est diffusé) sont des signes précis du degré de solidité de ce secteur important, essentiel de notre activité militante".

Le prolétariat ne dispose pas des énormes moyens sur lesquels vivent la bourgeoisie et sa presse. Pour les fractions politiques de la classe exploitée, il n'y a pas de coûteuses rotatives toutes prêtes, pas plus que réseaux de distribution ou de généreux annonceurs. Pour renflouer leurs caisses, les organisations révolutionnaires ne peuvent compter que sur la vente de la presse et les contributions des militants et des sympathisants. Cela ne veut pas dire que la publication de la presse révolutionnaire, d'un journal comme Révolution internationale en France, Internationalisme en Belgique, etc. ... devienne une question d'"amateurisme''. Au contraire, nous essayons de résoudre tous les problèmes de la façon la plus précise possible, suivant des nommes très strictes. Financièrement, la distribution reste une entreprise périlleuse, pour laquelle nous avons grand besoin du soutien des lecteurs et sympathisants. Concrètement, nous appelons tous ceux qui sont conscients de l'importance d'une presse révolutionnaire à s'abonner, à verser leur contribution à la souscription permanente (voire en page "vie de l'organisation" les informations pratiques).

 

 


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  • Lutte de classe en France [3]

V - Comment les ouvriers doivent développer leurs luttes

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Bilan de la lutte de classe depuis 1988

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L'unification des luttes ne peut être l'œuvre que des travailleurs eux-mêmes

 

Au moment où se termine l'année 88, tous les médias bourgeois se plaisent à célébrer cette année comme marquée d'une pierre blanche : elle aurait été "l'année du début du retour de la prospérité", "l'année de la paix" et autres foutaises. Pour la classe ouvrière, pour qui 88 a signifié la continuation de l'austérité, des licenciements, du chômage massif, il n'y a pas de quoi se réjouir. Au contraire, alors que les sombres perspectives d'une nouvelle accélération de la crise, longtemps écartées par la classe dominante et étouffées dans les médias à la faveur des préparatifs électoraux aux USA, refont surface, il est clair pour la classe ouvrière que les années qui s'ouvrent vont être celles d'une nouvelle aggravation de ses conditions d'existence, d'une nouvelle accélération des attaques anti-ouvrières dans tous les pays.
Moins que jamais, dans la période qui s'ouvre, la classe ouvrière ne pourra faire l'économie de la lutte. Au contraire, Il va lui falloir poursuivre et développer, encore plus massivement et avec plus de détermination, la bataille pour la défense de ses conditions de vie, contre ce système porteur d'une misère toujours plus profonde et générale. C'est pourquoi il lui faut par contre tirer le bilan de ce que 88 a apporté de son point de vue de classe à elle, c'est-à-dire sur le plan du développement de ses combats et du renforcement de ses armes de résistance à la misère capitaliste.

En premier lieu l'année 88 a vu la confirmation que la vague internationale de luttes ouvrières engagée depuis 83 ne cornait pas de répit. Qu'il s'agisse de mouvements d'ampleur ou d'escarmouches plus limitées qui ont fait moins parier d'elles, c'est à une multiplication de luttes qu'on a assisté et avec elles toute une acquisition d'expérience qui s'est poursuivie pour la classe ouvrière : Suffie, Pologne, Allemagne de l'Ouest, Brésil, Mexique, Grande-Bretagne, France, Yougoslavie, Belgique...

D'autre pari, l'année 88 a confirmé l'accélération de la confrontation entre les classes à travers le fait que les moments de pause dans la lutte de classe sont de plus en plus courts et cela, non seulement au niveau international, mais au sein de chaque pays. A Peine un mouvement est retombé que la colère ouvrière rejaillit quelques semaines plus tard dans le même pays : en Suède, en janvier, puis en mai; en Pologne, en mai et de nouveau en août ; en Grande-Bretagne, tout au long de l'année mais surtout en janvier-février, puis à nouveau en été ; en France, au printemps puis à l'automne... Cette situation révèle que de plus en plus de secteurs ouvriers rentrent dans la bataille et que les défaites partielles que subit la classe ouvrière ne pèsent plus comme une chape de plomb.

Mais surtout, encore plus significative est la grande simultanéité de la mobilisation ouvrière, la tendance à ce que ce soit des secteurs entiers et décisifs de la classe qui rentrent massivement et simultanément dans la bataille, posant concrètement la nécessité et la possibilité de leur unification.

C'est ce qu'ont montré, durant la vague de luttes en Grande-Bretagne en février, le groupe d'infirmières qui a pris contact avec les mineurs en grève, ou la grève de solidarité avec les infirmières décidée par une assemblée d'ouvriers de Ford. C'est ce mètre besoin qui a été très fortement exprimé dans les luttes de Chausson et de la SNECMA  en France, révélant à quel point les enseignements (en particulier le danger du corporatisme) de la défaite de la SNCF commençaient à être tirées par les ouvriers en France, et où il a fallu toute l'adresse du syndicalisme de base pour saboter cette tendance et la vider de son contenu. C'est de manière particulièrement exemplaire l'appel lancé par des ouvriers en grève dans la pétrochimie à Helsingborg en Suède s'adressant à tous les ouvriers du pays pour les appeler à entrer en lutte avec eux contre les attaques du patronat suédois (cf. RI n°170 ‑ juillet-août 88).

Enfin ce qu'a confirmé l'année 88, c'est le discrédit croissant des appareils bourgeois d'encadrement des luttes ouvrières, les syndicats, s'exprimant non seulement par la perte générale de leur influence dans tous les pays, non seulement par le démarrage spontané de la mobilisation ouvrière, mais de plus en plus par le rejet ouvert des consignes syndicales : même si c'est surtout dans des pays comme la France ou l'Italie, que ce discrédit et ce rejet ouvert apparaissent le plus fort et général dans la classe, ce sont les mêmes tendances qui se sont exprimées en Grande-Bretagne, en particulier chez les infirmières et les marins.

Les difficultés à concrétiser le besoin de l’unification

Cependant, si les luttes récentes témoignent d'un développement en profondeur dans la classe du besoin de l'unification de ses combats, elles attestent aussi des difficultés que rencontre la classe ouvrière pour concrétiser ce besoin. En particulier, les luttes qui se sont multipliées un peu partout cette année ont dans l'ensemble échoué à briser l'isolement, à s'étendre réellement au delà du secteur. C'est apparemment comme si, à mesure que se réunissent de manière accélérée les conditions pour que se concrétisent réellement et en grand les tendances à l'extension des luttes, à la solidarité active et à l'unification des combats de classe, celles-ci rencontraient sur leur route de nouveaux obstacles.

Cette situation signifie-t-elle que la confrontation entre les classes marque le pas ? Que l'histoire piétine ?

Il n'en est rien. Tout d'abord parce que, comme nous l'avions déjà mis en évidence à propos des luttes de 86 et 87 : "Cette difficulté à concrétiser le besoin d'unification alors que les autres caractéristiques des combats actuels se sont exprimées déjà de façon beaucoup plus marquée, s'explique aisément par le fait que l'unification constitue justement l'élément central des luttes de la période présente, celui qui, d'une certaine façon, contient tous les autres, qui en constitue la synthèse".( Résolution sur la situation internationale, VIIè Congrès du CCI, juillet 87).

Mais si la bataille pour l'unification est nécessairement la plus difficile pour la classe ouvrière parce qu'elle recouvre et concentre la réponse à l'ensemble des besoins vitaux de la lutte, elle l'est d'autant plus que la bourgeoisie de son côté est parfaitement consciente du danger que représente pour son ordre social et économique le développement d'une telle tendance et qu'elle fait tout pour la briser.

En face, une bourgeoisie
mieux préparée.

C'est partout qu'elle s'est mise à développer beaucoup plus systématiquement qu'auparavant toute sa stratégie d'occupation du terrain social, afin d'abord de ne plus se laisser surprendre par l'explosion des luttes (comme cela avait été le cas au début de la grève de la SNCF en France et de la lutte des travailleurs de l'école en Italie, où les syndicats s'étaient trouvés en situation d'opposition ouverte à la grève) et surtout de renforcer la capacité de ses forces d'encadrement à s'adapter à la situation, à coller au maximum à la lutte, en reprenant à leur compte les besoins qu'elle exprime, pour mieux les vider de leur contenu et les retourner contre les ouvriers.

A la pointe de cette adaptation accélérée, se trouve l'offensive développée par la bourgeoisie pour contrer le discrédit de plus en plus énorme des syndicats dans les rangs ouvriers en ayant recours systématiquement, dans toutes les luttes d'importance en Europe aux formes déguisées du syndicalisme, sous la forme du 'syndicalisme de base",et en particulier des "coordinations" auto-proclamées, qui ont été partout le fer de lance de l'enfermement des luttes dans le corporatisme, de l'isolement dans le secteur et l'obstacle majeur à la réelle prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes dans leurs assemblées générales depuis la "cordinadora des dockers" espagnols, en passant par ceux des "Cobas" récupérés ou montés par les gauchistes dans le secteur de l'école ou encore les "coordinati machinisti" en Italie, les "coordinations de shop-stewards" en Grande-bretagne dans la grève des infirmières, et bien sûr jusqu'aux coordinations qui depuis deux ans ne cessent de fleurir en France dans tous les secteurs ouvriers où la colère gronde, ce déploiement de structures soi-disant extra-syndicales est devenu aujourd'hui une arme systématiquement déployée par la bourgeoisie pour donner urne fausse réponse au besoin ressenti par les ouvriers de ne plus laisser la lutte entre les mains des syndicats.

Mais le niveau de préparation et de renforcement des manœuvres bourgeoises ne s'arrête pas là. Les grandes luttes de 86 et 87 ont particulièrement alerté la bourgeoisie quia vu le risque que représente pour elle l'explosion massive de la colère ouvrière dans toute une série de secteurs en même temps à un moment où la classe ouvrière remet de plus en plus ouvertement en cause le poids du corporatisme. Face à ce danger majeur, elle a compris que sa stratégie de recours au syndicalisme de base, répondant "à chaud" à la mobilisation ouvrière, ne pouvait lui suffire. C'est pourquoi on l'a vu commencer à utiliser une tactique beaucoup plus offensive, consistant à faire éclater prématurément une lutte dans un secteur particulier pour mieux briser dans l'œuf l'élan vers une mobilisation massive et solidaire de l'ensemble de la classe, en provoquant l'affrontement avant que n'aient mûri suffisamment au sein de la classe les conditions de cette mobilisation. Cette tactique, qui est vieille comme l'histoire de la lutte des classes et qui a de tout temps permis à la classe dominante de favoriser le déchaînement de la répression, c'est celle qui a été déployée avec ampleur en France à la rentrée, via la lutte des infirmières. Là, la bourgeoisie, non seulement avait choisi le moment, le lieu et les conditions de l'affrontement, mais avait soigneusement préparé son coup et en particulier avait pris soin ‑parfaitement consciente qu'une telle manœuvre ne pourrait prendre si elle se faisait via les syndicats officiels- de mettre en place préalablement la structure d'encadrement qui serait capable de réduire au maximum les risques de débordement : "la .coordination des infirmières" (cf. RI n'173 et éditorial de ce numéro). Et c'est fondamentalement la mime tactique qui avait été mise en oeuvre quelques semaines auparavant en Grande-bretagne avec la grève des postes au mois d'août. En déclenchant le mouvement dans un secteur aussi central que la poste, dans une période de l'année peu propice à l'extension des luttes, la bourgeoisie se donnait les moyens de dévire dans l'œuf ce qui aurait pu donner un nouvel élan aux tendances déjà présentes dans les luttes de janvier-février. La manœuvre a parfaitement réussi : faire partir prématurément au combat un bataillon central du prolétariat, a permis à la bourgeoisie de se donner toutes les garanties du maintien de l'isolement et du corporatisme. Et pour monter une telle manœuvre, la bourgeoisie est prote, comme elle l'a fait avec les infirmières en France, à licher du lest en cédant partiellement aux revendications des postiers. C'est mille fois préférable pour elle que d'être contrainte de céder, et à une autre échelle, à la seule chose qui soit réellement capable de l'acculer : un front ouvrier solidaire, massif et uni.

Que ce soit justement en France et en Grande-bretagne qu'on a vu à l'œuvre le déploiement d'une telle manœuvre, n'est pas étonnant. Ce sont non seulement deux pays où, particulièrement cette année, régnait ‑et continue de régner‑ une situation explosive riche d'énormes potentialités, chose dont la bourgeoisie était parfaitement consciente, mais il s'agit de pays centraux, où la classe dominante a une expérience très importante de la confrontation avec son ennemi mortel et qui n'a fait là que donner l'exemple à ses consœurs des autres pays européens.

L'ampleur des moyens développés par la bourgeoisie est à la mesure de la frayeur que lui inspire la classe ouvrière aujourd'hui. Derrière leur efficacité immédiate, il y a fondamentalement l'affaiblissement général et en profondeur de la capacité de la classe dominante à maintenir son ordre social. L'utilisation systématique du syndicalisme de base cache l'usure historique des principaux moyens d'encadrement, des pales armes de la bourgeoisie en terrain ouvrier que sont es syndicats. Derrière les efforts acharnés de la bourgeoisie pour ne pas laisser l'initiative du combat à la classe ouvrière, il y a l'expérience accumulée par la classe, toute la maturation qui s'est développée en son sein et qui continue à se développer dans le sens du renforcement des armes de son combat. C'est pourquoi les difficultés que rencontre et va rencontrer le prolétariat ne sont que le symptôme d'un niveau plus élevé de confrontation entre les classes. Une confrontation qui va être longue et difficile, mais c'est à travers elle que la classe ouvrière apprendra à déjouer les pièges de la bourgeoisie.

 Révolution Internationale N' 175

Géographique: 

  • France [2]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

Comment étendre la lutte

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La compréhension grandit dans les rangs ouvriers que pour gagner, pour être forts, il nous faut être le plus nombreux possible dans la lutte, il faut que la lutte s'élargisse toujours plus, il faut qu'elle soit capable d'opposer à la bourgeoisie et son État un front ouvrier massif, solidaire et uni.

Mais comment élargir la lutte ? S'agit-il de refaire l'expérience de la SNCF durant l'hiver 86‑87 ou de la grève des hôpitaux cet automne ? Certes ces luttes ont été particulièrement massives, impliquant des dizaines de milliers de travailleurs. Certes, elles ne sont pas restées cantonnées à une usine, à un lieu de travail, et ont pris une ampleur nationale. Pourtant l'une comme l'autre, en se laissant enfermer dans le corporatisme le plus étroit, ont totalement échoué à imposer un rapport de force capable de faire reculer la bourgeoisie.

S'agit-il de reprendre l'exemple de la grève à la SNECMA  au printemps dernier ? Là, malgré la volonté très grande des grévistes de rompre leur isolement, malgré les nombreuses délégations qui ont été envoyées un peu partout, d'un bout à l'autre de la région parisienne, la grève est restée cantonnée, dix semaines durant, à trois usines de la SNECMA,  et au bout du compte les ouvriers ont repris le travail battus et démoralisés.

Pourquoi ces échecs ? Parce que, à chaque fois, c'est une pseudo-extension qui nous a été proposée. Loin de permettre l'élargissement de la lutte, les syndicats et les "coordinations" (de "cheminots", d"'infirmières" ou encore "inter-SNECMA") n'ont fait crue mettre en avant l'enfermement de la lutte dans la corporation ou tout au plus dans la branche. A chaque fois, en en faisant une affaire de "cheminots" ou d "'infirmières", ou encore en prétendant ‑comme dans la grève à la SNECMA‑  donner comme préalable l'extension de la grève "aux autres usines du groupe", ils ont imposé d'entrée au combat des limites contre lesquelles la dynamique du mouvement ne pouvait que se briser et qui ont réduit les ouvriers à l'impuissance.

L'extension géographique est la seule possible

Au contraire la seule véritable extension c'est celle qui d'emblée, dès le début de la lutte, refuse toutes les divisions que veut nous imposer la bourgeoisie : divisions entre privé et public, entre corporations ou catégories professionnelles, entre groupes industriels, entre branches, entre chômeurs et actifs. Ces divisions sont autant d'armes entre les mains de la bourgeoisie, tandis que dans la réalité, c'est la même austérité, le même chômage qui s'abattent indistinctement sur tous les ouvriers et qui sont mis en oeuvre par une bourgeoisie qui, elle, est bien unie et solidaire contre les ouvriers.

C'est pourquoi la seule véritable extension, c'est celle qui se fait sur la base de la proximité géographique. C'est celle qui se donne comme premier objectif de prendre contact avec les travailleurs d'autres entreprises à proximité immédiate, indépendamment du secteur, de la branche d'activité ou de la corporation, pour les appeler à se joindre au combat. C'est un mouvement qui fait tâche d'huile en englobant de proche en proche de plus en plus de secteurs de la classe dans un même combat.

D'abord parce que, contrairement à ce que prétendent toujours les syndicats et les gauchistes, se rendre Massivement à l'usine d'à côté, dans le même quartier, la même zone industrielle, est quelque chose de beaucoup plus concrètement réalisable que de se fixer pour objectif l'entreprise de la même branche ou du même patron, distante de plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres. En effet, sur la base de proximité géographique, l'unité du mouvement peut devenir une réalité immédiate sous le contrôle des grévistes eux-mêmes. Elle seule nous donne les moyens d'être réellement ensemble dans la lutte, permet de se retrouver quotidiennement dans des assemblées communes, ouvertes à tous ceux, ouvriers actifs de différents secteurs, chômeurs, qui veulent se joindre au mouvement.

Enfin et surtout, parce que, en refusant d'emblée toute limitation corporatiste, en se donnant comme priorité, au lieu des aspects les plus spécifiques à tel ou tel secteur ou corporation, la mise en avant de revendications et moyens de luttes communs à tous les ouvriers, l'extension géographique s'appuie sur ce qui fait la force de la classe ouvrière : son unité comme classe, contre la bourgeoisie et son Etat. C'est cette unité là que craint la bourgeoisie parce qu'elle implique une dynamique d'élargissement encore plus grand du mouvement, capable d'entraîner de plus en plus de fractions de la classe ouvrière dans le combat. C'est seulement le développement d'une telle unité qui peut faire basculer réellement le rapport de force et contraindre la bourgeoisie à céder.

L'exemple d’août 80 en Pologne

Ce n'est pas une utopie. Au contraire, c'est la voie par laquelle se sont développées toutes les grandes luttes de la classe ouvrière, depuis la grève de masse de 1905 en Russie en passant par la vague révolutionnaire des années 1917‑23. Et ce ne sont pas seulement les mouvements insurrectionnels, mais toutes les luttes ouvrières au 20ème siècle qui ont développé leur force de cette manière.

Ainsi, depuis la reprise internationale des combats ouvriers à la fin des années 60, c'est l'expérience de l'été 80 en Pologne qui l'a le plus clairement et magistralement montré. Face à l'annonce des augmentations de prix, la riposte ouvrière va s'étendre progressivement à tout le pays, en se développant de proche en proche, ville par ville et non pas sur la base de la corporation ou du secteur. Déclenché le 14 août par la grève du chantier naval Lénine de Gdansk contre le licenciement d'une ouvrière, le mouvement va se généraliser en 24 heures à toute la ville et en quelques jours à toute la région industrielle autour des mêmes revendications communes : augmentation des salaires et allocations sociales, samedis libres, garantie de non-répression des grévistes, suppression des syndicats officiels... Dès le lendemain du début de la grève au chantier Lénine, la nouvelle s'était répandue dans toute la ville. Les traminots arrêtent le travail en solidarité. En même temps, ils décident de continuer à faire rouler le train qui relie les trois grandes zones industrielles de Gdansk, Gdynia et Sopot, et par lequel l'idée de la grève va se répandre, puis qui sera tout au long du mois de grève un moyen de liaison constant entre les usines en lutte. Le même jour, la grève démarre au chantier "Commune de Paris" à Gdynia et s'étend à presque tous les chantiers de la baie, mais aussi aux ports et aux différentes entreprises de la région. Les deux grands chantiers Lénine et "Commune de Pans" deviennent des lieux de rassemblement quotidien des grévistes où se tiennent en permanence des meetings rassemblant des milliers d'ouvriers de différentes usines.

L'organisation de la grève se met en place sur la même base, les mêmes principes par lesquels elle s'est étendue. Les assemblées de grévistes des différentes usines, des différents secteurs, élisent des comités de grève et envoient des délégués au "comité de grève inter‑entreprises" (MKS) qui met au point un cahier de revendications communes. Toutes les assemblées de grévistes sont mises au courant quotidiennement des discussions et de l'évolution des négociations par leurs délégués qui font le va-et-vient entre leur entreprise et le MKS qui siège au chantier Lénine.

Les tentatives de division orchestrées par le gouvernement, qui cherche à négocier usine par usine et à faire reprendre le travail dans chaque secteur séparément, se heurtent à ce bloc ouvrier soudé et uni. Ainsi, quand le gouvernement cède très ‑vite des augmentations de salaires pour les ouvriers du chantier de Gdynia et que certains délégués hésitants semblaient prêts à accepter le compromis, ils sont contestés par les délégués des autres usines qui appellent à continuer le mouvement tant que toutes les revendications, de l'ensemble des usines en grève, ne sont pas satisfaites. De nouveaux délégués seront élus par les grévistes.

Dans les jours qui vont suivre, l'exemple lancé par Gdansk, se répandra dans les différentes régions de Pologne. Le signal de la grève de masse est donné. Le rapport de force que vont réussir à imposer les ouvriers est sans précédent depuis les années 20 et va contraindre la bourgeoisie à céder comme jamais aucune lutte ouvrière depuis lors dans le monde n'a réussi à le faire. Plus encore, c'est une expérience formidable qui a été faite ‑et un acquis ineffaçable appartenant au prolétariat international‑ de la force potentielle de la classe ouvrière lorsque qu'elle est réellement unie.

Dans les luttes qui se sont développées ces dernières années en Europe occidentale, les germes de cette extension géographique du mouvement, prise en mains par les ouvriers eux-mêmes, ont déjà commencé à s'affirmer. C'est ce qu'ont montré les ouvriers en Belgique, lors des grèves du printemps 86, où les mineurs du Limbourg, refusant de se laisser enfermer comme l'avaient fait un an auparavant les mineurs anglais dans le piège d'une grève corporatiste isolée, se sont rendus en délégations massives à des assemblées de travailleurs du secteur public pour les appeler à se joindre immédiatement au mouvement. C'est la même tendance qui s'est exprimée en Grande-bretagne en février 88 durant la grève des hôpitaux, où un groupe d infirmières a pris l'initiative d'aller chercher la solidarité des mineurs et les a entraînés dans des manifestations et assemblées communes ou comme dans l'automobile (Vauxhall) quand les ouvriers ont voté en assemblée générale une grève de solidarité avec les infirmières

Ces débuts de prise en mains. d'une véritable extension, mêmes s'ils sont encore limités, même s'ils ne sont pas toujours couronnés de succès, montrent la voie à suivre. Il nous faut la poursuivre et la développer en ne comptant que sur nous mêmes.

Révolution  Internationale N° 176

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

Regroupons nous ! Formons des comités de lutte

  • 2018 lectures

Ne laissons pas la bourgeoisie occuper tout le terrain

Jamais les instruments de l'État, jour­naux, TVA, radio, n'avaient autant parlé de grèves, de possible "généralisation". Ja­mais les médias ne montrent autant de secteurs paralysés, de tonnes de sacs de tris postaux que pour mieux desservir la lutte ouvrière, que lorsqu'il s'agit de grè­ves manipulées, ficelées, incompréhensi­bles. Quoi de plus tangible et médiatisa­ble que ces infirmières enfermées dans un hyper-corporatisme,  crue ces camion­neurs PTT coincés dans une grève mino­ritaire et pendue d'avance ? Cette triste mise en scène minutieusement élabore par toutes les forces de la bourgeoisie ‑gouvernement, syndicats, gauchistes‑, où tous les secteurs, les uns après les autres sont poussés dans l'impasse des luttes minoritaires et isolées, pour ensuite re­prendre le travail, chacun dans son coin, épuisés, sans avoir rien obtenu, ne doit pas décourager les ouvriers qui ne se sont pas laissé duper par cette sinistre masca­rade. Elle ne doit pas paralyser tous ceux qui ne se reconnaissent ni dans les actions jusqu'auboutistes de la CGT, ni dans les discours lénifiants de Krasucki, ni dans les coordinations soi-disant "non syndi­cales".
Aujourd'hui, il est évident que ce sont toutes les forces d'encadrement de la. bour­geoisie qui occupent tout le terrain de la lutte. Engager le combat dans de telles conditions ne peut conduire qu'à se laisser prendre dans les nasses des syndicats et des coordinations. Ce ridant, face à cette situation, les ouvriers les plus combatifs et les plus conscients ne doivent pas céder à la passivité. Ils ne doivent pas céder à la pression bourgeoise qui ne vise qu'à leur inoculer un sentiment d'isolement, de désarroi, l'impuissance. Ils doivent, au contraire, briser cet étau, chercher à se regrouper, à nouer des contacts non seu­lement sur leur propre lieu de travail mais également entre les différentes entreprises et secteurs. Ils doivent tenter de constituer des comités de lutte ou rejoindre ceux existant déjà dans leur ville ou leur ré­gion.

Les ouvriers combatifs doivent se regrouper pour préparer…

Foncer tête baissée dans n'importe quelle aventure préconisée par les syndi­cats et les coordinations, c'est aller au casse-pipe et à la défaite paquet par pa­quet. Rester passif, isolé chacun dans son coin, c'est laisser les mains libres aux syndicats et aux gauchistes pour museler, ficeler, saucissonner la colère ouvrière. Il n'y a pas d'autre choix aujourd'hui que de se regrouper pour se préparer à reprendre le chemin de la lutte lorsque les condi­tions seront plus favorables, lorsque l'en­semble de la classe ouvrière aura digéré les manœuvres de sabotage auxquelles elle vient de se confronter. C'est pour cela qu'il est indispensable de discuter, de développer une réflexion collective à travers la confrontation des expériences et surtout de continuer à tirer les leçons des défaites passées. Car les questions qui se posent aujourd'hui à la grande majorité des ouvriers sont celles-ci : à quoi rime tout ce cirque pseudo-radical de la CGT ? D'où viennent toutes ces coordinations qui surgissent "spontanément" dans tous les secteurs en ébullition et, surtout, que faire, comment créer un rapport de force capable de repousser les attaques bour­geoises ?

Seule la discussion collective, la ré­flexion la plus large possible peuvent permettre aux ouvriers de sortir de l'im­passe dans laquelle les ont acculés toutes les forces d'encadrement capitalistes. L'expérience encore toute fraîche des comités de lutte qui ont surgi au lende­main de la lutte des cheminots de décem­bre 86 est là pour le confirmer. C'est en effet face au besoin ressenti par les ou­vriers de comprendre les raisons de la défaite des cheminots que se sont formés ces comités de lutte, notamment à Tou­louse, Marseille et dans la région pari­sienne [1] [13]

De telles initiatives constituent, et doivent de plus en plus constituer, une étape importante dans le développement des luttes ouvrières. Elles correspondent à une tentative de prise de conscience col­lective des besoins et des moyens de la lutte. Elles participent d'un processus de mûrissement indispensable pour aller encore plus loin, pour tenter de surmonter les obstacles auxquels se heurtent les combats de classe aujourd'hui. Ainsi, ces comités de lutte, surgis au lendemain de la défaite des ouvriers de la SNCF, ont exprimé une claire volonté, un effort conscient de résister aux manœuvres syndicales (en particulier celles de la CGT) visant à étendre cette défaite à l'ensemble de la classe ouvrière. Ces comités ont compris, grâce à la réflexion collective, que c'est son enfermement corporatiste, son isolement quia porté un coup fatal à la formidable lutte des che­minots, de même qu'ils ont compris le rôle de sabotage joué par les structures para-syndicales qu'étaient les coordina­tions au sein de ce mouvement. En brisant l'isolement, en restant ouverts à tous ‑ouvriers actifs de différents secteurs ou au chômage, syndiqués ou non syndiqués, organisés ou non organisés‑ ces comités ont ainsi été capa­bles de tirer les leçons essentielles de la lutte des cheminots, et partant, de s'armer pour jouer un rôle actif dans toutes les luttes qui ont surgi ces derniers mois (Chausson, SNECMA, grève des hospita­liers...). Malgré leurs balbutiements, leurs hésitations, leurs erreurs ponctuelles, c'est cette réflexion, cette activité collective qui a permis à ces minorités combatives ne pas tomber dans tous les pièges de la bourgeoisie (coordi­nations, grèves minoritaires et jusqu'au­boutistes, fausse extension...).

La situation présente, n'est, bien sûr, nullement comparable à celle qui préva­lait au lendemain de la lutte des chemi­nots. Ce n'est pas, comme en 87, à une défaite ressentie par toute la classe ou­vrière que nous assistons aujourd'hui. II n'y a pas de défaite parce que le véritable combat n'a pas encore été engagé. Tel était le but de la gigantesque offensive de la bourgeoisie : étouffer dans l'œuf le surgissement d'une riposte généralisée de toute la classe ouvrière, miner le terrain à l'avance pour faire avorter la rentrée so­ciale (cf. p.1). C'est contre l'effet de dé­boussolement, d'épuisement de la comba­tivité ouvrière provoqué par la manœuvre bourgeoise, que doivent réagir les comités de lutte. Ils doivent se développer, se renforcer pour contrer cette attaque politi­que contre toute la classe ouvrière. Plus que jamais, les ouvriers combatifs doivent resserrer les rangs, se regrouper pour ne pas laisser la bourgeoisie occuper tout le terrain, pour préparer le vrai combat en continuant à tirer les leçons des défaites passées : toute lutte qui ne s'élargit pas immédiatement aux autres secteurs est vouée à l'échec ; il faut que l'ensemble des ouvriers en lutte se donnent les moyens d'étendre et d'unifier leurs combats en se détournant des actions proposées par les syndicats et les coordinations, en prenant eux-mêmes en charge la direction de la lutte.

Telles sont les bases sur lesquelles doit se constituer et se renforcer la ré­flexion au sein des comités de lutte au­jourd'hui.

... Et impulser les luttes à venir

S'il est indispensable pour les ouvriers les plus combatifs de briser l'isolement, de se mobiliser dès aujourd'hui au sein des comités de lutte, leur rôle ne se limite pas seulement à une simple réflexion en elle-même et pour elle-même. Il consiste aussi et surtout à faire fructifier sur le terrain cette réflexion, en étant partie prenante de toutes les luttes de la classe ouvrière. Ainsi, la finalité de cette néces­saire réflexion collective doit être de se préparer à impulser les combats à venir, de participer activement à orienter leur dynamique, à développer toutes leurs potentialités. Les comités de lutte doivent, par leur intervention, faire bénéficier le plus grand nombre d'ouvriers des fruits de leur réflexion en mettant en avant de façon concrète les besoins vitaux de la lutte, en dénonçant ouvertement à chaque fois qu'ils le peuvent les manœuvres de sabotage qui entravent son développe­ment. C'est ce que se sont efforcés de faire les comités de lutte de la région pari­sienne, de Toulouse, de Marseille, ces deux derniers mois. Ainsi, le "Comité pour l'extension des luttes" de la région parisienne (regroupant des travailleurs des PTT, de l'EDF, des hôpitaux, de l'Éducation nationale, de la RATP, des chômeurs...) a affirmé son dynamisme et sa combativité à travers la diffusion de plusieurs tracts dans les différentes ma­nifestations des travailleurs de la santé. C'est grâce à cette volonté de participer activement à tous les combats ouvriers que ce comité a pu, malgré un certain nombre d'illusions sur les potentialités de ce mouvement, dénoncer dès le début la nature anti-ouvrière des coordinations auto‑proclamées, affirmer la nécessité d'élargir la lutte aux autres secteurs (en particulier à l'ensemble de la Fonction Publique), appeler les travailleurs à oppo­ser à ces coordinations la souveraineté des Assemblées Générales à la base, l'élection de comités de grève .... Ce même dyna­misme s'est également exprimé dans l'intervention menée par les comités de lutte en province qui ont défendu les mêmes orientations (Toulouse) et ont été capables de dénoncer les manœuvres des syndicats et des gauchistes dans les si­mulacres de luttes de ces dernières se­maines (intervention du comité de Mar­seille dans les centres de la Sécurité So­ciale).

L'activité de ces différents comités confirme que ces regroupements d'ou­vriers combatifs sont donc bien dans la période actuelle un instrument nécessaire pour ne pas recommencer les mêmes erreurs, pour que les ouvriers ne se lais­sent pas mener en bateau par le "radica­lisme" de façade des forces d'encadrement bourgeoises. L'activité qu'ont menée jusqu'à ce jour les comités de lutte doit être un encouragement à ce qu'il en sur­gisse d'autres, partout. Ils permettent aux travailleurs combatifs de ne pas se laisser ballotter par les événements ou les dis­cours-béton "pour l'action à tout prix" des cliques syndicales et gauchistes. Ils parti­cipent pleinement de la nécessité pour la classe ouvrière de prendre confiance en elle-même, de surmonter ses hésitations afin d'être à la hauteur des inévitables combats qu'elle sera contrainte d'engager à court terme face aux attaques croissan­tes du capitalisme.

Les leçons que tuent ces comités des luttes passées, l'implication des nouveaux éléments qu'ils attirent, leur permettent de progresser chaque fois plus crucialement sur ce que veut dire pour les ouvriers "prendre eux-mêmes leurs luttes en mains" :

  • ne déléguer leurs pouvoirs ni aux "spécialistes" syndicaux, ni aux structures préfabriquées par les gauchistes ;
  • se détourner de tout organisme, toute coordination, tout "bureau" autopro­clamé qui se prétend pour l"'unité";
  • imposer la souveraineté des Assem­blées Générales, l'élection de délégués révocables et responsables devant ces AG,

Seule la prise en charge effective de la lutte par l'ensemble des ouvriers mobili­sés permettra à la classe ouvrière de se donner les moyens d'élargir, d'unifier ses luttes, de créer un rapport de force capa­ble de faire reculer la bourgeoisie.

Et si, dans la situation présente, la constitution de comités de lutte s'impose comme une réponse à l'offensive menée par  la bourgeoisie, pour autant, ces co­mités ne doivent pas sous-estimer les difficultés qu'ils vont rencontrer. Ils doi­vent rester vigilants face à tous les dan­gers qui les guettent, en particulier celui du poison du syndicalisme que la bour­geoisie tentera de leur inoculer insidieu­sement afin d'étouffer dans l'œuf la dyna­mique vivante de ces comités (cf. RI 156). Les bases sur lesquelles ils doivent se constituer devront nécessairement répon­dre aux besoins des combats que ce co­mités sont censés impulser : rejet du corporatisme, rejet de toutes les divisions, ouverture la plus large possible à tous les ouvriers, actifs ou au chômage, du public ou du privé, syndiqués ou non syndiqués.

Telles sont les leçons essentielles d'ores et déjà tirées par l'activité des co­mités de lutte existants. Ces leçons, il s'agit aujourd'hui pour les ouvriers com­batifs comme pour l'ensemble de la classe de se les approprier, de les approfondir en multipliant partout les efforts de regrou­pement dans la perspective des combats de demain.

JL/AV
Révolution internationale N°174

[1] [14]  "Comité pour l'extension des luttes". La Librairie, 67 nie de Bagneux. 92000 Mon­trouge

Comité de lutte de Toulouse : écrire sans autre mention RR, BP 227. 31004 Toulouse Cedex.

"Collectif de travailleurs de différents sec­teurs". Librairie "Odeur du Temps". 6, rue Pastoret. 13006 Marseille.

Vie du CCI: 

  • Interventions [12]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

L'intervention d’un Comité de lutte

  • 2011 lectures

La période que nous vivons aujourd'hui voit, ici et là, au sein de la classe ouvrière, l'émergence de comités de lutte. Ce phénomène a commencé à se développer, en France au début de 1988 ‑au lendemain de la grande lutte à la SNCF. Depuis lors, plusieurs comités regroupant des ouvriers combatifs se sont formés dans différents secteurs (PTT, EDF, Enseignement, Santé, Sécurité So­ciale, etc..) voire même, et de plus en plus, sur une base inter-sectorielle.

Signe du développement général de la lutte de classe et de la maturation de la prise de cons­cience qu'il engendre, ces comités correspondent à un besoin ‑ressenti de plus en plus largement parmi les ouvriers‑ de se regrouper pour réfléchir (tirer les leçons des luttes ouvrières passées) et agir (participer à toute lutte qui surgit) ensemble, sur leur propre terrain de classe, et cela hors du cadre imposé par la bourgeoisie (partis de gau­che, groupes gauchistes et surtout syndicats).

C'est un tel comité (le "Comité pour l'exten­sion des luttes" qui regroupe des ouvriers de dif­férents secteurs de la fonction publique et dans lequel le CCI intervient régulièrement) qui est intervenu à plusieurs reprises dans le mouvement de luttes de l'automne 1988.

Nous publions ci-dessous un tract qu'il a dif­fusé au lendemain de la manifestation du 29/9/88 à Paris.

Nous soutenons ce tract, d'abord parce qu'il est exemplaire de ce qu'est et doit être l'activité d'un comité de lutte, ensuite parce qu'il s'inscrit pleinement et clairement dans le combat de la classe ouvrière, pas seulement d'un point de vue général, mais surtout à un moment précis de ce combat.

En effet, au moment où ce tract a été diffusé, la classe ouvrière, à travers la lutte des travail­leurs de la santé, se trouve devant une alternative, une responsabilité :

  • soit élargir au maximum son front de classe pour riposter efficacement,
  • soit se laisser enfermer dans le corporatisme et voir ses forces divisées et dispersées par des coordinations parachutées par la bourgeoisie.

En fonction de cette situation, le tract pose et dénonce clairement le rôle des coordinations et appelle à l'extension la plus large de la lutte, dans les hôpitaux mais surtout au delà.

Si le tract exprime par ailleurs quelques illu­sions par rapport à la revendication déma­gogique des "2000 F pour tous" mise en avant par la "coordination infirmière", il n'en demeure pas moins que l'orientation qu'il propose était, à ce moment là, la seule valable pour permettre à la lutte de se développer et de vaincre.

"COORDINATION" AUTO-PROCLAMÉE = DANGER

NE NOUS LAISSONS PAS DIVISER !

TOUS UNIS DANS LA LUTTE !

 

Nous étions 30.000 dans la rue à Paris, 80 % en grève, plusieurs milliers à l' A.G. de la Bourse du travail le 29 septembre. C'est massivement et avec la plus grande détermination qui nous avons exprimé notre ras-le-bol.

Il ne faut pas que notre force soit dispersée et brisée après cette première journée de lutte. Il ne faut pas se faire avoir par les magouilles que nous avons vues dans l'A.G. de la Bourse du Travail :

  • alors que les principales revendications sont les mêmes pour toutes les catégories de personnel (2000 F d'augmentation de salaire, conditions de travail, effec­tifs...), alors que nous ne pouvons gagner qu'EN RES­TANT UNIS, la coordination infirmière, COMME LES SYNDICATS le font depuis des années, a commencé par nous diviser en envoyant les aides-soignantes et les kinés dans .d'autres assemblées ;
  • alors que s'exprimait dans l'AG une forte volonté de reconduire la grève immédiatement, la coordination, COMME LES SYNDICATS, nous a proposé une nou­velle journée d'action pour le 6 octobre, le jour choisi par le ministère ;
  • alors qu'il est vital pour nous de débattre largement sur comment renforcer notre lutte, la coordination, COMME LES SYNDICATS, a tenté d'arrêter le débat et a étouffé les différentes propositions : unité de toutes les catégories de personnel, reconduction immédiate de la grève, prise en charge de la lutte par des AG souveraines de grévistes, élargissement de la lutte à d'autres sec­teurs... ;
  • alors que, depuis des années, les syndicats bradent nos luttes dans des négociations bidons, la coordination nous appelle à nous mobiliser pour qu'elle ait un stra­pontin AUX COTES DES SYNDICATS dans ces négo­ciations (qui encore une fois se feront dans notre dos !)
Ces magouilles ne doivent pas nous surprendre !

Derrière cette "coordination", il y a LES MÊMES ORGANISATIONS POLITIQUES, la "Ligue Commu­niste Révolutionnaire" (L.C.R.) et "Lutte Ouvrière" (L.O.) qui ont constitué et dirigé les coordinations de la SNCF en décembre 86, des instituteurs en février 87, de la SNECMA  au printemps dernier. Ce sont ces mêmes organisations, ces mêmes "coordinations" qui ont conduit toutes ces luttes à la défaite en organisant leur enferme­ment dans le secteur ou la catégorie professionnelle, en prenant le relais des syndicats quand ils étaient débor­dés !

Grâce à ces coordinations, qu'ont obtenu les chemi­nots, les instituteurs, les ouvriers de la SNECMA ? RIEN !

NOUS N'OBTIENDRONS RIEN si nous laissons la coordination diriger contre mouvement, si nous ne pre­nons pas mêmes nous en charge notre lutte, si nous ne brisons bas l'isolement l'enfermement catégoriel.

Pour gagner, pour être assez forts face au gouvernement :

  • PRISE EN MAIN DE LA LUTTE PAR DES AG SOUVERAINES DE TOUS LES GRÉVISTES ;
  • DÉLÉGUÉS ÉLUS ET RÉVOCABLES PAR LES AG ;
  • EXTENSION DE LA GREVÉ A TOUTES LES CATÉGORIES DU PERSONNEL HOSPITALIER (aide-soignantes, employés des services administratifs et d'entretien) ;
  • APPEL A LA SOLIDARITÉ ACTIVE D'AUTRES TRAVAILLEURS PAR L'ENVOI DE DÉLÉGA­TIONS MASSIVES VERS LES AUTRES SEC­TEURS ET EN PRIORITÉ LES SECTEURS LES PLUS COMBATIFS (PTT, SNCF, RATP ...) comme l'ont fait en février dernier les infirmières en Grande-bretagne qui sont allées chercher la solidarité des ou­vriers de Ford en grève.

Le 29 septembre 88

 

UN CROUPE D'INFIRMIER(E)S
DU "COMITE POUR L'EXTENSION DES LUTTES"

 POUR NOUS CONTACTER : écrire à la librairie "La Boulangerie", 67 rue de Bagneux 92000 Montrouge, avec la mention "Pour le comité de lutte".

Vie du CCI: 

  • Interventions [12]

Géographique: 

  • France [2]

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [3]

Les motions : une pratique à développer dans les assemblées générales.

  • 1861 lectures

Le lieu où la classe ouvrière peut exprimer sa force et décider de la conduite de sa lutte, ce sont ses assemblées générales. C'est bien pourquoi une des armes essentielles de la bourgeoisie contre les luttes ouvrières, c'est le sabotage des assemblées ouvrières. Ce n'est pas par hasard si, dans toute la phase de montée de la lutte des hôpitaux, coordinations et syndicats ont tout fait pour éviter que ne se tiennent des assemblées générales sur les lieux de travail et s'ils n'ont invité les ouvriers à le faire que lorsque la lutte était déjà engagée sur un terrain pourri et que tout le dispositif d'encadrement du mouvement était déjà solidement mis en place. Mais, lorsque les forces de la bourgeoisie ne peuvent plus s'opposer à la tenue d'assemblées générales au risque d'être débordées , ce sont généralement elles qui les convoquent et qui s'arrangent pour les manipuler de l'intérieur, pour aire en sorte que les décisions soient prises dans la plus grande confusion possible, pour étouffer toute initiative "gênante" et toute discussion et prise de position de l'assemblée sur celles-ci, bref éviter que celles-ci soient des assemblées réellement souveraines et, enfin de compte, les transformer en simples chambres d'enregistrement des décisions d'un "bureau" auto‑proclamé par les syndicats ou les gauchistes, assemblées auxquelles les ouvriers écœurés renoncent finalement à participer:

Partie intégrante et outil essentiel au service de la souveraineté des assemblées générales et donc de toute réelle prise en mains de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, est la pratique des motions. Travailler par motions, c'est à dire sur la base de propositions claires et concrètes concernant les différents aspects de la lutte (revendications prioritaires, décisions concrètes à prendre pour la recherche de l'extension et de l'unité avec d'autres travailleurs...) sur lesquelles la discussion et les votes peuvent se faire clairement, est un moyen indispensable de la vie des assemblées ouvrières. C'est d'abord le seul moyen pour que ces dernières soient capables d'agir et de décider dans la plus grande clarté politique en se prononçant en toute connaissance de cause sur toutes les propositions qui sont faites. Ensuite l'importance d'appeler l'assemblée à se prononcer sur une motion est d'autant plus grande que se pose de manière aiguë la nécessité pour les ouvriers de contrer les magouilles et les manipulations des bureaux auto‑proclamés. Prendre l'initiative de propositions concrètes de marche ‑individuellement ou au nom d'un groupe d'ouvriers au sein de l'assemblée‑ se battre pour que celles-ci soient mises aux voix et ne soient pas passées sous la table par le "bureau", passe par la rédaction de motions.

Les ouvriers ont encore trop tendance aujourd'hui à abandonner la lutte à des "spécialistes", à s'en remettre à eux pour les décisions à prendre et à se laisser manipuler dans des simulacres d"'assemblées démocratiques" où toute initiative réelle leur est retirée. Leur disputer âprement le contrôle de la lutte, prendre l'initiative et fonctionner en assemblée réellement souveraine est un combat inévitable qui reste à mener. La pratique des motions en fait partie.

*  *  *

Nous publions ci-dessous deux motions présentées à deux moments différents durant la lutte des hôpitaux. La première a été présentée par un groupe d'infirmiers à l'assemblée qui rassemblait près de 3.000 personnes à la suite de la' manifestation du 29/9 à Paris, assemblée chapeautée par la fameuse "coordination infirmière d'Île de France". La lecture de cette motion sera brutalement interrompue par les coups de sifflets de la cabale de la coordination et le bureau la passera sous silence, sans aucune réaction de l'assemblée.

La seconde était présentée par un groupe d'ouvriers de la fonction publique et soutenue par des infirmiers dans l'assemblée convoquée le 15/10 par la "coordination des personnels de santé' montée par les trotskystes de "Lutte Ouvrière" et devenue nationale. Cette fois les ouvriers de la fonction publique porteurs de cette motion seront mis à la porte manu militari par le service d'ordre de la coordination avant même d'avoir pu porter la motion à la connaissance de l'assemblée (sur les pratiques du bureau-LO à cette occasion, voir article "Les magouilles de Lutte Ouvrière").



MOTION POUR LA RÉUNION DE LA COORDINATION
DU 29/9/88

L'assemblée des infirmier(e)s  en grève réunie le 29 septembre considérant :

  • la dégradation générale de la situation sociale qui règne dans le pays dont font partie les attaques contre les conditions de travail et les salaires des infirmiers et le délabrement de tout le système de soins ;
  • la ferme volonté des infirmier(e)s de lutter pour la satisfaction des revendications

estime :

  • que seul le front le plus large possible et unifié de tous les travailleurs est en mesure de faire reculer les attaques de l'État
  • que l'enfermement de la lutte dans la corporation ne peut mener qu'à la défaite comme l'ont montré par exemple la grève des cheminots en décembre 86 ou celle des instituteurs en janvier 87

affirme :

  • que seule une prise en main directe de la lutte par l'ensemble des travailleurs permettra de gagner, ce qui signifie : assemblées générales souveraines, délégués élus et révocables par les assemblées générales

propose :

  • l'extension de la lutte au sein même des hôpitaux à tous les personnels : employés des services administratifs, entretien, etc..
  • la constitution immédiate de délégations chargées de contacter les autres secteurs en lutte (TV, radio) ou qui ont manifesté déjà leur combativité face aux mesures d'austérité (PTT, SNCF, etc.).

L'assemblée générale en conséquence lance un appel à l'ensemble des travailleurs, actifs ou au chômage, de la fonction publique ou du privé pour qu'ils se joignent à la lutte.


*          *


 

 MOTION QUE VOULAIENT PRÉSENTER
DES TRAVAILLEURS DU SECTEUR PUBLIC
MIS A LA PORTE MANU-MILITARI
PAR LE SERVICE D'ORDRE DE LA COORDINATION

 

L'assemblée générale du 15 octobre de la coordination des personnels de santé appelle tous les travailleurs du secteur public et du secteur privé à entrer immédiatement et massivement dans la lutte.

L'austérité est la même pour tous, nos revendications fondamentales sont partout les mêmes : les salaires, les effectifs, les conditions de travail. Seul le front de lutte le plus large et le plus uni sera en mesure de faire reculer l'austérité, de faire aboutir nos revendications.

L'assemblée générale décide de diffuser le plus largement possible cet appel. Elle appelle les assemblées générales des personnels hospitaliers à le faire sien et à le diffuser dans les entreprises proches et particulièrement celles du secteur public (centres de tri, de chèques postaux, dépôts SNCF et de transports urbains, etc. ...).

 

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URL source:https://fr.internationalism.org/French/brochure/lutte_infirmieres_1988.htm

Liens
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