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Internationalisme no.319

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Guerre économique avec la Chine: La bourgeoisie essaye de diviser les ouvriers

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La Chine serait devenue, selon la bourgeoisie, le nouvel atelier du monde. En effet, chaque jour les médias bourgeois nous abreuvent d’images et de reportages sur l’arrivée en masse en France, en Europe et même aux Etats-Unis, de chemises, pantalons et autres vêtements «made in China». Pour les bourgeoisies occidentales, il est sans aucun doute nécessaire de freiner, autant que possible, ce qui est appelé «la déferlante du textile chinois». Mais pour la classe ouvrière, la question est tout autre. Si aujourd’hui, les marchandises asiatiques envahissent les marchés occidentaux, c’est parce que, dans ces régions du monde, le coût dérisoire de la main d’œuvre permet de produire à très bas prix. Menant leur guerre économique, les différentes bourgeoisies nationales sont amenées à exploiter toujours plus férocement les prolétaires. Au nom des exigences de la concurrence, c’est donc dans une spirale de misère et d’exploitation accrues que le capitalisme tente d’entraîner toute la classe ouvrière, partout dans le monde.

La question du textile : une expression de la guerre commerciale

Depuis le début de l’année 2005, 17.000 emplois ont été supprimés dans ce secteur et quatorze entreprises fermées aux Etats-Unis. Ceci correspond à une augmentation des importations dans ce pays de 1250 % pour les chemises de coton et de 300 % pour les sous-vêtements. Le gouvernement américain a alors immédiatement réagi : «En agissant aussi rapidement pour l’imposition de mesures de sauvegarde, le gouvernement américain a envoyé un message fort, pour signifier qu’il comprend la crise véritable que ces flux énormes représentent pour nos travailleurs.» (C. Johnson, président de la fédération du textile). En fait, la bourgeoisie américaine, comme la bourgeoisie française d’ailleurs, se moque bien du sort des ouvriers. Ce qui l’inquiète dans la guerre économique qui fait rage actuellement, c’est l’affaiblissement de compétitivité de son capital national. C’est également pour cela que les pays de l’Union Européenne tentent, malgré leurs divisions, de se mettre en ordre de bataille. Le commissaire au commerce européen vient d’annoncer vouloir limiter d’urgence les importations chinoises de tee-shirt et de fils de lin. Il a également demandé à la Chine de prendre elle-même des mesures pour éviter d’avoir recours à l’imposition des clauses de sauvegarde prévues par l’accord sur l’adhésion de la Chine à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Quant à la France, qui reste un producteur important dans le secteur du textile, sa demande est encore plus claire. La bourgeoisie française exige dès aujourd’hui la mise en place de mesures protectionnistes. Il est évident que ce sont plusieurs milliers de licenciements qui sont d’ores et déjà programmés dans ce secteur. La bourgeoisie française voudrait nous faire croire qu’elle souhaite de telles mesures pour protéger les conditions de travail de «ses ouvriers». Elle va parfois même jusqu’à dénoncer la misère des ouvriers chinois, sacrifiés sur l’autel du profit. Ce n’est que pour mieux cacher ses propres attaques, son propre comportement de classe exploiteuse. Car, en réalité, la bourgeoisie mène partout la même politique. Afin de maintenir ses profits, en pleine situation de faillite économique, elle réduit les salaires sur son sol pour exporter et vendre au meilleur prix. Malgré ce que nous disent les altermondialistes ou autres gauchistes, il ne s’agit donc pas d’une politique particulière à tel ou tel Etat libéral. Au sein de ce capitalisme en crise, toutes les nations se livrent une guerre économique sans merci, toutes pressurent la classe ouvrière. Pour chaque pays, il est effectivement vital de se positionner le mieux possible sur le marché international, quelles que soient les conséquences pour les prolétaires.

C’est pour cela que la bourgeoisie chinoise a réagi immé-diatement aux mesures protectionnistes préconisées par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Le ministre chinois, Bo Xilai, cité par l’agence Nouvelle de Chine a aussitôt fait savoir que «la Chine était fermement opposée aux limitations imposées par d’autres pays.» Ce même ministre déclarait le 18 mai dernier : «L’intégration du commerce du textile est un droit important dont jouit la Chine depuis son adhésion à l’OMC. La Chine n’imposera pas elle-même des limites à ses exportations de produits textiles.» Le message ne peut pas être plus clairement exprimé. Avec la nouvelle récession dans laquelle nous sommes déjà entrés, aucun pays capitaliste ne fera le moindre cadeau aux autres.

Les délocalisations sont une attaque directe contre la classe ouvrière

Il en va de même par rapport à la question des délocalisations. Une étude commandée par la commission des finances du Sénat, réalisée par le groupe Katalyse, prévoit pour la période 2005-2006 en France »la déloca-lisation de 202.000 emplois de service». Et il faut ajouter les dizaines de milliers d’emplois liés à la production de marchandises ne nécessitant pas un investissement en capital trop gigantesque, comme les produits de consommation ou d’ameublement. Ce phénomène de délocalisation entamé dans les années 1990 connaît actuellement une accélération bien réelle. Là encore, le seul souci du capitalisme est la rentabilité maximum. Pour la France, comme pour les principaux pays industrialisés d’Europe, les destinations favorites sont, bien entendu, la Chine, l’Inde et maintenant l’Europe de l’Est. La dernière délocalisation d’importance en date est celle de l’ensemble de l’appareil gestionnaire de Philips, le géant de l’électronique, qui doit se transporter à Lodz en Pologne. La confédération de l’industrie britannique, vu le rythme des délocalisations, affirme que, d’ici 10 ans : «Il n’y aura plus d’emploi pour les personnes non qualifiées au Royaume-Uni». Quant au journal The Daily Telegraph, il écrit cyniquement : «Nous devons nous assurer que les gens acquièrent des qualifications. Si vous êtes qualifiés, vous n’avez rien à craindre.» Mensonge ! Les licenciements pleuvent actuellement sur tous les secteurs, qu’ils soient de pointe ou non. Les listes de chômage fourmillent de chômeurs surdiplômés.

Non contente d’attaquer ainsi sans arrêt les salaires de la classe ouvrière, la bourgeoisie utilise encore en permanence la déferlante du textile chinois et la menace à la délocalisation pour effectuer un véritable chantage auprès de toute la classe ouvrière.

La bourgeoisie se sert avec le plus grand cynisme des conditions de vie effroyables que connaissent les ouvriers en Inde, en Chine ou en Europe de l’Est, afin de mettre en avant que, malgré la dégradation du niveau de vie, les ouvriers en France ne sont pas à plaindre. Cela lui permet d’exiger de nouveaux sacrifices sous peine de ne pas pouvoir concurrencer l’Asie ou l’Europe de l’Est. La bourgeoisie poursuit ainsi plusieurs objectifs.

Elle tente de culpabiliser les ouvriers en France qui lutteraient pour être moins attaqués, alors que tant d’autres prolétaires de par le monde vivent dans des conditions encore plus déplorables. Elle essaye également de mettre dans la tête de la classe ouvrière que, si elle n’accepte pas de travailler plus pour moins de salaire, il y aura alors beaucoup plus de délocalisations. Le chômage qui en découlerait ne serait donc plus de la faute de ce capitalisme en faillite, mais de «l’égoïsme» ouvrier.

Enfin, en montrant des ouvriers qui acceptent, dans certains pays, de travailler pratiquement pour rien, sous peine de mourir de faim, eux et leurs familles, elle diffuse de manière sournoise la concurrence et donc la division au sein de la classe ouvrière. Cette politique du bouc émissaire et du chantage est une constante dans la vie de la bourgeoisie. Aujourd’hui ce sont les ouvriers en Chine, en Inde, en Pologne ou en Hongrie qui sont montrés du doigt. Hier, c’était ceux d’Algérie, du Maroc, d’Espagne ou du Portugal qui étaient jetés en pâture à «l’opinion publique». Le prolétariat ne doit pas se faire prendre par ces mensonges idéologiques hideux et nauséabonds. Partout, la classe ouvrière est exploitée. Et elle l’est encore plus férocement dans les régions où elle peut le moins se défendre. C’est dans la reprise actuelle des luttes que la classe ouvrière doit s’affirmer progressivement unie et solidaire, partout dans le monde. La compétitivité des entreprises bourgeoises est le problème du seul capitalisme et en aucune façon du prolétariat.

Les bourgeoisies françaises, anglaises, américaines, allemandes,… veulent diviser le prolétariat, l’attacher à la nation afin de l’entraîner dans sa spirale concurrentielle. Comme l’affirmaient en 1848 Marx et Engels dans Le manifeste communiste, «les prolétaires n’ont pas de patrie», partout ils ont les mêmes intérêts, partout ils subissent la même oppression. Ainsi, ce que les ouvriers du monde entier ne doivent en aucune façon perdre de vue, c’est qu’ils appartiennent tous à la même classe, et que c’est de la solidarité croissante dans leurs rangs qu’ils pourront tirer la force permettant à leurs luttes de faire échec aux attaques de la bourgeoisie.

Tino / 25.5.05

Questions théoriques: 

  • L'économie [1]

La bourgeoisie "fête" 60 ans de sécurité sociale en Belgique Le démantèlement de la Sécurité sociale signe sa faillite

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La crise du système contraint toutes les bourgeoisies dans une course poursuite désespérée pour faire baisser ses coûts de production, à s’attaquer aux conditions de vie des prolétaires. D’une part par un accroissement de la productivité, ce qui implique l’augmentation des cadences de travail et la flexibilité de la main-d’œuvre afin de n’employer que le minimum nécessaire d’ouvriers et, d’autre part, par la poursuite et le durcissement d’un vaste programme de «réformes».  Des mesures qui visent à attaquer le salaire social des ouvriers, les retraites, les indemnités de chômage, le remboursement des frais médicaux, les journées de maladie ou les pensions d’invalidité. La bourgeoisie n’épargne aucune frange de la classe ouvrière, que ce soit la vieille ou la nouvelle génération, qu’elle soit en activité ou au chômage, qu’elle travaille dans le secteur public ou dans le secteur privé. Les conséquences concrètes de ces attaques sont une dégradation générale des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. Jamais le prolétariat n’a eu à faire face à des attaques d’une telle brutalité, massives et de grande ampleur, touchant des millions de prolétaires. Dans l’ensemble des nations industrialisées, tout l’édifice de l’Etat-providence est en train de s’écrouler. L’entretien de la force de travail ne peut plus être assuré. Il s’agit là d’une manifestation évidente de la faillite du système.

Et pourtant la bourgeoisie, dans son unanimité, fête cyniquement le soixantième anniversaire de la Sécurité sociale en Belgique. Mais cette fête n’est pas la nôtre. Alors que les attaques massives nécessitent une riposte massive et unitaire de l’ensemble de la classe ouvrière (ouvriers au travail, chômeurs et retraités), les syndicats et leurs complices gauchistes et alter mondialistes, détournent la réflexion ouvrière sur la faillite du capitalisme vers des mesures illusoires pour «sauver la sécurité sociale».  Alors que cette attaque frontale de la protection sociale signifie qu’un pan supplémentaire de l’Etat-providence disparaît sous les coups de boutoir de la crise économique, nos défenseurs de la Sécurité sociale assènent le même mensonge : la Sécu est une conquête de la lutte ouvrière, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Face à cette nouvelle falsification de l’histoire par l’ensemble des forces de gauche, gauchistes et syndicats, et les fausses solidarités qui se cachent derrière, il est nécessaire de rétablir la vérité, en s’appuyant sur un bref aperçu historique de la mise en place des assurances sociales, puis sur la signification de la création de la Sécurité sociale en 1945 du point de vue du capitalisme. C’est cette affirmation de l’analyse marxiste qui peut permettre de comprendre que c’est la faillite historique de l’Etat-providence et du système capitaliste que la bourgeoisie cache au prolétariat en brandissant les oripeaux de la Sécurité sociale.

Un instrument de la bourgeoisie

Pour quelles raisons affirmons-nous que la mise en place de la sécurité sociale marque une défaite pour la classe ouvrière ? Loin d’être le résultat de la lutte du prolétariat, la sécurité sociale a été pensée, étudiée, organisée et mise en oeuvre dans et par les plus hautes sphères de la bourgeoisie au moment du plus grand écrasement physique et idéologique du prolétariat. Déjà, l’ouverture de la seconde guerre mondiale n’a été permise qu’en raison de l’embrigadement des ouvriers derrière les étendards bourgeois de la «démocratie» et du fascisme. Mais la guerre elle-même est venue parachever cette éclipse dans la conscience de classe en jetant les prolétaires des deux camps les uns contre les autres pour de sordides intérêts inter-impérialistes. Les 50 millions de morts, les tueries et orgies sur les champs de bataille et dans les camps de la mort, se sont fait sur le cadavre de l’internationalisme prolétarien. C’est dans ce contexte d’union nationale écœurante que la bourgeoisie accouche du système de sécurité sociale. Dès 1943, quand la situation stratégique commence à tourner à l’avantage du camp américain, la bourgeoisie prépare activement les lendemains de la victoire. Dans tous les pays, sous l’occupation ou en exil, les représentants de l’Etat, du patronat et des syndicats se rencontrent pour concocter la législation sociale de la seconde moitié du 20ième siècle. Leurs préoccupations essentielles étaient les suivantes:

1- La misère engendrée par la guerre et les pénuries de l’immédiat après-guerre contenait le danger de surgissement de vastes mouvements sociaux. La bourgeoisie avait très peur, à tort comme la suite des événements le démontrera, d’un remake de la période insurrectionnelle de 1917-23. La sécurité sociale mise en place par la bourgeoisie sera avant tout une sécurité pour elle-même.

2- Reconstruire l’Europe après tant d’années de privations et de souffrances demandait d’imposer à la classe ouvrière un nouvel effort. Pour la bourgeoisie, qui avait besoin de paix sociale et de concorde nationale pour la bonne marche de ses entreprises, la sécurité sociale venait à point nommé pour justifier cette surexploitation auprès de la classe ouvrière.

3- Avec l’écroulement de l’Axe, le bloc «allié» se scinde en deux, ouvrant l’ère de la guerre froide. Chaque camp en présence se dispute avec acharnement le moindre pouce de territoire. Dans cette stratégie, l’implantation des partis «communistes» au sein de la résistance et leurs poids sur la classe ouvrière occupaient une place de choix pour le bloc soviétique. La bourgeoisie occidentale fera tout pour endiguer l’influence de ces partis ainsi que l’avancée des troupes soviétiques.

La mise en place et la présentation de la sécurité sociale comme «grande victoire ouvrière» participent alors de cette stratégie globale de la bourgeoisie. En ce sens, il est à noter que le but premier du plan Marshall (investissements et dons américains) n’était pas de «reconstruire» l’Europe mais d’atténuer les conséquences désastreuses de la crise d’après-guerre afin d’épauler les bourgeoisies d’Europe de l’Ouest dans la maîtrise du contrôle social de leurs pays.

Si la journée des huit heures, l’interdiction du travail des enfants, l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, ... constituaient de réelles concessions arrachées de haute lutte au siècle dernier par la classe ouvrière, les pactes sociaux d’après la seconde guerre mondiale ont été mis en place par la bourgeoisie dans un contexte de contrôle global sur la société afin de planifier la reconstruction des économies détruites et négocier socialement la période d’après-guerre. La sécurité sociale est le système que la bourgeoisie a voulu instaurer pour garantir la paix sociale et surtout pour renforcer l’emprise de l’Etat sur la vie économique et sociale.

19ème siècle: des réformes réelles et durables

Au 19ème siècle, le capitalisme est en plein développement, il conquiert le monde et étend ses rapports de production à l’ensemble de la planète. Dans ce contexte de croissance continue, l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière est une possibilité réelle et durable. Cette dernière se réunit en «coalitions» pour éliminer la concurrence entre ouvriers. La solidarité grandissante dans la lutte mène progressivement à la mise en place de caisses de soutien de grèves, de maladie ou de chômage. Ainsi le prolétariat apprend petit à petit à travers ses combats à se reconnaître comme une classe internationale unie par les mêmes intérêts. Il apprend à s’organiser et à se souder dans la lutte. Ces organisations sont à la base de la constitution des syndicats et des partis de masse (social-démocratie). Ainsi, des conquêtes économiques et sociales sont obtenues après d’âpres confrontations avec la bourgeoisie. Sous la contrainte des luttes, les Parlements votent des réformes qui améliorent de façon durable les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.

Si au cours du 19ième  siècle, en phase ascendante du capitalisme, la classe ouvrière pouvait ponctuellement menacer la domination de la bourgeoisie, le développement des forces productives et du prolétariat était néanmoins encore insuffisant pour permettre une révolution victorieuse à l’échelle inter-nationale. C’est pourquoi, même si la bourgeoisie faisait tout pour saboter l’organisation du prolétariat, elle pouvait tolérer l’existence de sa classe ennemie organisée de façon permanente sur son propre terrain.

Ces heures de gloire du développement capitaliste et du mouvement ouvrier, où programme minimum et maximum pouvaient encore coexister, ont permis qu’émerge l’illusion d’un capitalisme pacifique, sans limites et réformable progres-sivement. La grande majorité des partis ouvriers et des syndicats tombèrent dans le réformisme le plus plat, se limitant à la défense des intérêts immédiats de la classe ouvrière (programme minimum) et abandonnant la perspective historique de la révo-lution socialiste par l’instauration de la dictature du prolétariat (programme maximum).

20ème siècle: le développement du capitalisme d’Etat

La crise économique et l’éclatement de la première guerre mondiale viennent brutalement rappeler que le capitalisme se heurte à des limites insurmontables et menace de faire basculer l’humanité entière dans la barbarie. C’est le signe de l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence ; il a achevé son rôle historique, ses forces productives sont assez développées pour jeter les bases du socialisme et le prolétariat, qui a démontré en Russie 1917 qu’il pouvait arracher le pouvoir, est devenu un danger permanent pour la bourgeoisie. Le partage du monde entre toutes les grandes puissances clôture la phase d’expansion continue du capitalisme et ouvre l’ère des «guerres et des révolutions» comme l’a analysé l’Inter-nationale Communiste. Les dizaines de millions de morts lors des deux conflits mondiaux, les guerres incessantes dans le Tiers Monde du temps de la guerre froide, et aujourd’hui le déchaînement des massacres, des guerres du Golfe, de l’ex-Yougoslavie au génocide du Rwanda, la grande crise des années trente et la crise actuelle qui dure depuis plus de trente ans, toute cette barbarie et cette misère attestent de ce constat.

La bourgeoisie. ne peut plus tolérer que sa classe ennemie puisse s’organiser de façon permanente sur son propre terrain, puisse vivre et croître au sein de ses propres organisations. L’Etat jette sa domination totalitaire sur tous les aspects de la vie de la société. Le temps où le capital pouvait tolérer l’exis-tence d’organes prolétariens permanents est révolu. Les syndicats sont donc devenus des rouages au service de l’Etat, des organes qui opèrent au sein de la classe ouvrière pour la contrôler et faire passer les intérêts du capitalisme. Les syndicats ne défendent plus les intérêts immédiats de la classe ouvrière : il n’y a plus de programme minimum à mettre en avant. Seul le programme maximum correspond à la réalité des possibilités et des nécessités du combat prolétarien, les réformes réelles et durables ne sont plus possibles en décadence. Voilà aussi pourquoi le prolétariat a développé de nouvelles organi-sations unitaires de lutte, les assemblées générales et les conseils ouvriers qui ne peuvent exister que par et dans les moments de combats ouverts.

Cette emprise croissante de l’Etat dans tous les domaines de la société, et notamment, sur le plan social, revient à phagocyter toute vie de la classe ouvrière et à la transformer en ersatz sur le terrain bourgeois. Concrètement, l’Etat s’est saisi, le plus souvent par le biais des syndicats et parfois directement, des anciennes caisses de grèves, d’allocations diverses, d’assu-rance en cas de licenciement, de répression patronale ou étatique gérées par les ouvriers. Ainsi la bourgeoisie est parvenue à soustraire la solidarité politique et économique des mains de la classe ouvrière pour la transférer à l’Etat. Entre les deux guerres mondiales, une partie de la sécurité sociale est déjà mise sur pied. En 1920, par exemple, est fondé le Fond National de crise qui absorbe les caisses de chômage. En 1938 est instauré l’assurance chômage obligatoire. (cfr. Internationalisme 318)

En quoi la sécurité sociale participe de ce contrôle croissant de l’Etat sur la classe ouvrière ? La sécurité sociale nous est toujours présentée comme un «avantage acquis», un «cadeau», un pot commun financé à la fois par l’Etat, le patronat et les travailleurs. Rien n’est plus faux ! Les fonds qui alimentent la sécurité sociale sont parties intégrantes du salaire de la classe ouvrière et détournées via l’Etat vers les syndicats et les mutuelles. En réalité, les ouvriers paient trois fois : directement par leurs propres cotisations, indirectement par l’Etat via l’impôt et par la «cotisation patronale» via la ponction que les capitalistes opèrent sur le salaire. Toutes les richesses produites proviennent du travail ; l’Etat et le patronat ne créent rien par eux-mêmes, les impôts et les bénéfices ne sont que des prélèvements sur le labeur ouvrier. C’est ici que le système trouve sa pleine justification pour la bourgeoisie ! En créant un salaire indirect, géré par l’Etat et les syndicats, la bourgeoisie lie matériellement et idéologiquement la classe ouvrière à ces derniers: «La bourgeoisie a retiré la solidarité politique des mains du prolétariat pour la transférer en soli-darité économique aux mains de l’Etat. En subdivisant le salaire en une rétribution directe par le patron et une rétribution indirecte par l’Etat, la bourgeoisie a puissamment consolidé la mystification consistant à présenter l’Etat comme un organe au dessus des classes, garant de l’intérêt commun et de la Sécurité sociale de la classe ouvrière. La bourgeoisie est parvenue à lier matériellement et idéologiquement la classe ouvrière à l’Etat.» (Revue Internationale, n°115, page 13)

Défendre nos conditions de vie, pas la Sécurité sociale

Plus que jamais, les nouvelles attaques sur la Sécurité sociale signifient la faillite du système capitaliste, la fin de l’Etat-providence et du mythe d’une couverture sociale du «berceau à la tombe». Aujourd’hui, face à un réservoir sans fin de main-d’œuvre, le capitalisme doit sacrifier une partie croissante de prolétaires pour maintenir à bas coût l’achat de la force de travail, quitte à laisser crever les autres. Pour la gauche, en fidèle serviteur du capital, la solidarité sociale ne peut consister qu’en un pacte avec les exploiteurs. En fait, ce que la bourgeoisie prêche, ce n’est rien d’autre que la solidarité¼ avec son système d’exploitation. Défendre le principe de la sécurité sociale revient à demander à l’Etat bourgeois de garantir la sécurité de la classe ouvrière. Défendre le mécanisme de la sécurité sociale, c’est accepter de lier notre sort à celui de nos pires ennemis, c’est remplacer notre solidarité de classe par une illusoire «solidarité nationale».

Or, la solidarité ouvrière n’est en aucun cas, comme la bourgeoisie le voudrait, courber l’échine face aux attaques impitoyables du capital, car pas plus qu’hier, cela ne permettra un avenir meilleur. Il faut opposer à la fausse solidarité que nous propose la bourgeoisie, la seule et vraie solidarité de classe, la lutte sur notre propre terrain de classe, la plus unie et massive possible. Seules une réelle solidarité politique et une unification de toute la classe ouvrière dans le combat contre le capitalisme, responsable de la misère et de la barbarie aux quatre coins de la planète, contre son Etat bourgeois et ses syndicats peuvent offrir une autre perspective à l’humanité entière.

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en Belgique [2]

Le prolétariat face à l'Etat belge (1): La Belgique, un avorton des grandes puissances

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La bourgeoisie fête en grande pompe les 175 ans d’ «indépendance» de la Belgique. Pour elle, le rappel des  grands moments de «notre histoire nationale» est une occasion de raviver quelque peu le «sentiment national», indispensable pour promouvoir la «solidarité dans les sacrifices» et la mobilisation pour la défense de l’économie nationale. Pour le prolétariat, il n’y a aucune raison de fêter cet anniversaire. Dès sa création, l’Etat belge apparaît comme une arme contre la lutte prolétarienne et tout au long de ses 175 ans, il confirme, souvent de façon sanglante, ses caractéristiques initiales. D’où l’importance pour la classe ouvrière d’analyser les conditions de création de l’Etat belge en 1830 et les spécificités qui en découlèrent car celles-ci pèsent encore sur la lutte de classe aujourd’hui. Ce sera le but de la série de quatre articles que nous y consacrons (1).

Dans toute tentative révolutionnaire échouée, les forces de la réaction peuvent donner à la contre-révolution l’apparence d’un triomphe de la révolution (pensons par ex. au stalinisme qui s’installe en URSS sous le mythe du «socialisme en un seul pays»). C’est exactement ce que représente la «révolution belge»: la création de l’Etat belge en 1830 n’est qu’une mascarade pseudo-révolutionnaire ou, mieux encore, l’œuvre de la contre-révolution pour entraver le développement des forces productives dans cette région. Rappelons à ce propos que, d’un point de vue prolétarien, 1”histoire n’est pas une justification: parler de nations nécessaires et de nations qui ne le sont pas n’implique pas une justification des premières. Nous partons de l’analyse des rapports de force entre les classes et non de la morale. Et du point de vue du prolétariat révolutionnaire, la formation de certaines nations dans la période ascendante du capitalisme a permis un pas en avant dans le développement des rapports productifs ou porte un coup à l’une ou 1”autre puissance réactionnaire. Dans la période actuelle de décadence capitaliste par contre, plus aucune «nation» ne peut être considérée comme progressiste.

La Belgique et la révolution française (1789)

La Révolution française eut pour tâche de transformer l’ancienne nationalité en une nation capitaliste moderne. Elle avait aussi les moyens de réussir ce à quoi l’Angleterre s’était opposée victorieusement jusqu’alors: rattacher la Belgique aux provinces françaises. La révolution réalisa davantage encore: l’absolutisme espagnol et autrichien avait, trois siècles durant, tenté en vain d’abolir les privilèges locaux de leurs sujets aux Pays-Bas: la révolution supprima d’un coup tous ces privilèges. A la place des provinces traditionnelles, elle instaura des départements. Tous les droits particularistes des provinces, de la noblesse, des corporations, et de l’Eglise furent abolis; tous les belges devinrent français sans aucune distinction, ils étaient tous «égaux» et administrés dans la même langue, le français, qui réglait seul la vie publique. Le caractère progressif de la révolution fut confirmé par un développement spectaculaire des forces productives. Comme le poids du féodalisme était éliminé, la vie économique put connaître une vie nouvelle. Le marché français ouvrait des débouchés sans restrictions: la stagnation économique séculaire fit place à une ère de développement capitaliste accéléré, la «révolution industrielle»: utilisation de la machine et de la vapeur, introduction des manufactures travaillant pour la production de masses et avec une main d’œuvre considérable, en opposition à l’artisanat.

Avec le capitalisme -au lendemain de la révolution bourgeoise- naquit une industrie importante destinée à pourvoir en armements des armées nombreuses. C’est pourquoi, l’importance du fer et du charbon augmente considérablement dans le procès de production moderne, la possession de grandes ressources minières et sidérurgiques accrût donc considérablement la production capitaliste. Or, à l’exception de l’Angleterre, il n’y avait aucun pays en Europe où, par tête d’habitant, on extrayait autant de charbon qu’en Belgique. De plus, la Belgique avait de grandes ressources en minerai de fer et l’industrie sidérurgique put donc se développer. La vente des biens du clergé et des nobles exilés avait augmenté le nombre de propriétaires paysans; des raffineries de sucre de betteraves introduisirent dans l’agriculture les méthodes industrielles du capital. A l’abri de la concurrence anglaise, l’industrie textile put renaître et se mécaniser.

Ce brillant progrès industriel, ce pas décisif vers le capitalisme put se réaliser grâce à la révolution française et au rattachement à la France, qui offrait à l’industrie belge des débouchés importants. Il était impensable avec les anciennes structures politiques et sociales.

L’entité hollando-belge (1815-1830)

C’est la contre-révolution de 1815, sous la direction de la Russie et de l’Angleterre, qui, pour entraver le développement capitaliste en France, décida de la neutralisation de la Belgique pour la donner à la Hollande, tout en prévoyant que les Prussiens et les Anglais puissent occuper en temps de guerre la ligne de forteresses le long de la frontière française. Les deux territoires réunis ne présentaient pas une entité cohérente. Pendant son intégration à la France, le Sud était devenu une région, industrielle en plein essor. Par contre, le Nord était resté un royaume indépendant pour n’être réuni à la France qu’en 1810. Après une stagnation de la puissance mercantile et coloniale du Nord au 18ème siècle, l’ère Napoléonienne représentait la perte définitive des sources essentielles de la richesse du Nord jusqu’ici: étant alliée à Napoléon, elle fut en guerre contre l’Angleterre et cela lui coûta ses colonies et son commerce d’outre-mer. Ainsi lors de l’unification du Nord et du Sud, l’Etat hollandais considéra le territoire du sud comme dépendant, permettant à la Hollande de retarder sa propre industrialisation indispensable. Elle tardait à prendre les mesures protectionnistes dont le Sud avait besoin afin de faire face à la concurrence étrangère et de conquérir des marchés pour écouler sa production galopante. Enfin, toute l’administration fut pratiquement entre les mains du Nord. Guillaume fera payer à la Belgique les dettes énormes du Nord. Dans un premier temps, sous l’impulsion de la «période française»et de certaines mesures protectionnistes du gouvernement hollandais, l’industrie belge poursuit son développement mais à partir de 1828, les signes avant-coureurs d’une crise de surproduction apparaissent. Ainsi le gouverneur de Liège, Sandberg s’inquiète du développement extraordinaire des moyens de production, «un développement qui se base en général moins sur la certitude de marchés existants que sur l’espoir d’en trouver». Faillites et chômage se développent (en 1828 déjà 14,2% de la population vit de la charité publique), les salaires ne couvrent même plus les besoins vitaux et les prix alimentaires grimpent en flèche.

Voilà donc, la situation telle qu’elle se présentait à la veille de la «révolution» de 1830 : un développement économique fortement entravé par la contre-révolution qui a séparé la Belgique de la France; une crise économique (1828-1830, liée à la grande crise de 1825 en Angleterre) qui manifeste clairement le poids de ces entraves; une exploitation féroce et une misère terrible qui s’abat sur la classe ouvrière.

La «révolution» de 1830

Au début de 1830, la bourgeoisie belge (en dehors de quelques fractions insignifiantes ) ne concevait qu’une opposition au sein de l’Etat hollandais pour obtenir une série de revendications politiques et religieuses. Mais le 27 juillet 1830, éclate à Paris une insurrection populaire rapidement victorieuse. L’enthousiasme populaire suscité en Belgique par les événements de Paris est énorme et l’effervescence en milieu ouvrier se développe rapidement. A partir du 22 août, la bourgeoisie trouve sur les murs de Bruxelles des affichettes annonçant la révolution pour le 25. Le 23 au soir, l’émeute gronde, dirigée par des tisserands chômeurs et des typographes. Le mouvement n’a rien de «national»: on crie «Vive la France», on chante «la Marseillaise», on porte le drapeau tricolore français et des drapeaux rouges apparaissent. Le 24 et le 25, l’insurrection ouvrière se développe, saccageant les magasins, brisant les nouvelles machines dans les usines textiles, occupant la ville, pendant le drapeau français à l’hôtel de ville. Des armes et des munitions sont distribuées. L’armée est repoussée et ne tire que sporadiquement. Personne ne se soucie vraiment à ce moment-là de la «patrie belge».

C’est alors que «voyant leurs propriétés menacées, un certain nombre de bourgeois résolurent d’agir par leurs propres moyens. Réunis à la Grand-Place, à la fin de la journée du 26, ils formèrent des compagnies de volontaires, prirent pour signe de ralliement le drapeau aux trois couleurs (noir-jaune-rouge) de la révolution brabançonne (...). Des mesures furent aussitôt décidées pour empêcher l’agitation de prendre un caractère anti-national)» (2) (F. Van KaIken, Histoire de Belgique, p. 544). La bourgeoisie belge comprenait qu’une fidélité pure et simple au pouvoir hollandais risquait de la perdre. La proclamation de l’Etat belge au contraire lui permettait de désamorcer l’insurrection ouvrière et de la récupérer sous forme d’une «révolte nationale». Il faut reconnaître qu’elle s’y prit fort bien. Le 26 et le 27, une répression sanglante par la garde civique s’organise, tuant une trentaine de prolétaires et en arrêtant des centaines. Par la suite, la bourgeoisie utilisera habilement et cyniquement les prolétaires comme chair à canon lors des combats de septembre 1830 contre les hollandais pour permettre l’instauration définitive de l’Etat belge.

En réalité, ces pères de la Belgique, ces bourgeois qui mitraillaient les ouvriers quelques heures seulement après avoir inventé leur «drapeau national» ne représentaient que la contre-révolution de l’intérieur. En fait, les véritables forces qui engendrèrent l’Etat et la nation «belge», ce furent les «puissances», c’est-à-dire les grands Etats constitués d’Europe: une Belgique indépendante, c’était à la fois la confirmation de la séparation avec la France, la création d’un petit Etat faible et peu dangereux, et le maintien d’un point d’appui docile contre «l’expansionnisme français». On comprendra donc aisément que «le seul défenseur loyal de la cause belge» fut le vicomte Palmerston, représentant la Grande-Bretagne, que l’on a surnommé non sans humour «le père de la Belgique» (ibid., p.566).

Bref, la création de l’Etat belge est l’œuvre négative, le fruit empoisonné de la seule contre-révolution, qui bloque le développement historique autant que ses forces le lui permettent. Mais la création de cet Etat n’a-t-il pas tout de même permis un certain développement des forces productives, de l’ industrialisation et du commerce?

1°) Certes, la contre-révolution n’avait pas le pouvoir d’empêcher, une fois que les structures archaïques et féodales étaient renversées que la nouvelle plante dont la révolution avait produit la semence, croisse. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était d’isoler une des parties de la révolution des autres et de la cantonner dans un cadre étriqué, c’est-à-dire défavorable justement à l’industrialisation et à l’instauration de rapports sociaux modernes. De fait, l’histoire prouve que l’Etat belge était la conséquence d’une contre-révolution qui a amputé la révolution française de sa province belge. On peut faire le parallèle suivant: si la Ruhr était détachée de l’Allemagne, elle serait certes industrialisée, mais elle ne le serait elle-même que dans une proportion incomparablement plus faiblie que lorsque l’ensemble formerait une seule unité économique et politique.

2°) En fait d’industrialisation, la contre-révolution a isolé l’une des pousses des autres pour l’enfermer dans des barrières étroites et affaiblir son développement. L’industrialisation de la Belgique serait un fait nouveau et socialement progressif si l’on comparait les structures postérieures à 1830 à celles de 1789, époque ou régnait le  féodalisme et l’absolutisme. Or, la création de l’Etat belge en 1830, n’est pour rien dans l’ instauration d’un système moderne, même bourgeois en Belgique. Un Etat bourgeois dominait cette province bien avant, et l’industrialisation qui en avait résulté avait été considérable puisque la Belgique était alors la région la plus industrialisée du continent européen.

Le caractère contre-révolutionnaire de la constitution de l’Etat belge apparaît aussi quand on compare les événements de Belgique avec ceux qu’a connu la Pologne, qui s’était soulevée en même temps. A propos de ce dernier pays, Marx et Engels ont défini la notion de nation nécessaire, notion qu’ils déniaient à la Belgique. Les raisons pour lesquelles la Pologne était nécessaire furent essentiellement les suivantes: d’une part, la création révolutionnaire d’un Etat polonais remettait effectivement en question l’équilibre contre-révolutionnaire qui régnait en Europe centrale et orientale; d’autre part, l’indépendance de la Pologne aurait permis l’instauration de rapports sociaux et productifs modernes dans ce pays lui-même alors que la contre-révolution en faisait un pays agraire et arriéré (l’aristocratie féodale foncière étant l’alliée de l’oppression extérieure). Ces conditions se ramènent au fond à une seule question : dans cette partie de l’Europe, la révolution - bourgeoise avec la création d’Etats nationaux et de nations était encore à l’ordre du jour révolutionnaire. C’est pourquoi, la contre-révolution européenne organisée s’employa par tous les moyens à contrecarrer le mouvement dans l’Est européen. Par contre, ces conditions n’existaient plus pour la Belgique: la création d’un Etat et d’une nation belge ne produisait plus aucun bouleversement international, au contraire, et elle n’entraînait aucun bouleversement dans les rapports sociaux et productifs à l’intérieur du pays même. La nation belge était de plus totalement artificielle et cela aussi aura des conséquences importantes pour son développement ultérieur n             

J. Janssens et Jos

(1.) Nous renvoyons les lecteurs e.a. aux études sur «la nation et l’Etat Belge produits de la contre-révolution» et au livre «La Belgique, Etat constitutionnel modèle» publié par le Fil du Temps. Le cercle d’étude «Fil du Temps» de Roger Dangeville est une scission d’avec le PCInt dans les années 60. Dangeville avait fait partie pendant un certain temps du cercle de discussion à l’initiative de Maximilien Rubel venant de la Gauche Communiste de France. Cfr. aussi notre livre sur la Gauche Communiste d’Italie.

(2) nous mettons en gras

Situations territoriales: 

  • Belgique [3]

Le refus de stand au CCI à la bourse du livre alternatif de Gand et d'Utrecht

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Cela fait maintenant plusieurs années que le CCI n’est pas admis en tant que détenteur de stand à la foire du livre anarchiste à Gand tout comme à la bourse anarchiste à Utrecht. Plusieurs années, les organisateurs ont fait comme si notre demande était introduite trop tard, ou comme s’ils manquaient de place, etc. Un peu fort. Quand nous avons insisté, les organisateurs ont répondu que nous ne correspondions pas au profil anarchiste qu’ils souhaitaient. Il ne nous viendrait naturellement pas à l’esprit de nous lamenter à propos de cette décision ou d’en appeler à plus de complaisance de la part des organisateurs. Il ne s’agit pour nous que de mettre à nu les véritables raisons du refus répété des organisateurs de ces bourses du livre.

Après leurs échappatoires administratives, les organisateurs mentent consciemment quand ils justifient leur refus par des raisons idéologiques (nous n’aurions pas le profil!). Qui n’a pas remarqué la présence à ces bourses de stands, de publications, de groupes et d’associations qui sont ouvertement sociaux-démocrates, staliniens ou nationalistes... et qui n’ont aucunement un «profil anarchiste». Pourquoi alors exclure le CCI, une organisation qui se réclame de l’internationalisme prolétarien et qui dénonce toutes les idéologies nationalistes, quel qu’en soit le prétexte ethnique, historique ou religieux, comme un véritable poison pour les prolétaires?

Le CCI a toujours mis en avant ses positions marxistes, tout autant que ses divergences de principe avec l’anarchisme. Le CCI a toujours dénoncé les positions bourgeoises de l’anarchisme officiel, qui se terminent en défense de l’Etat démocratique (comme c’était le cas avec Kropotkine et la CGT française en 1914, ou la CNT espagnole en 1936) et en défense du nationalisme le plus arriéré (comme l’anarcho-nationalisme breton ou flamand: voir à ce propos l’article sur L’anarcho-nationalisme de «De Vrijbuiter» dans «De Fabel van de Illegaal» n° 68). Si les organisateurs trouvent notre présence indésirable, c’est parce que des  éléments en recherche d’élargissement et d’approfondissement de leurs visions politiques, s’intéressent aux analyses de la Gauche Communiste, aux questions que nous posons et aux réponses politiques que nous apportons touchant des sujets d’intérêts pour la classe ouvrière et l’avenir de l’humanité. Ce que les organisateurs veulent en réalité, c’est empêcher qu’une confrontation honnête et ouverte des positions politiques ait lieu. Malgré leurs discours (faussement) libertaires, ils préfèrent se fier à leurs voisins staliniens et d’extrême gauche (pro- ou anti-staliniens) plutôt que de voir la Gauche Communiste trouver un écho pour une claire perspective de classe internationaliste.

Nous ne sommes absolument pas étonnés de cette attitude des organisateurs, qui renforcent ainsi le totalitarisme idéologique dont ils sont un rouage, bien que modeste, néanmoins indispensable pour prévenir que des éléments se posant des questions y trouvent des réponses politiques dont ils pourraient débattre. En nous refusant un stand, l’anarchisme officiel apporte sa petite pierre à l’édifice de la pensée unique bourgeoise.

Certains participants qui se sont irrités de ce comportement ont déjà ouvertement manifesté leur solidarité en diffusant notre presse à partir de leur stand, et ils n’ont pas non plus hésité à se plaindre verbalement et par écrit de l’attitude des organisateurs: «Le CCI est en effet très critique vis-à-vis de l’anarchisme, mais c’est une évidence: ce sont une fois pour toutes des marxistes. (...) Pour ceux qui ont un intérêt pour leurs positions, ils sont certainement ouverts à la discussion. Leurs réunions sont publiques et on peut tranquillement y aller exposer ses positions anarchistes, ou même diffuser des tracts anarchistes aux visiteurs. Cela me paraît donc beaucoup plus démocratique qu’une foire du livre anarchiste où quelques organisateurs décident de leur propre chef de refuser certains groupes. Pour certains anarchistes, il peut être très intéressant de distinguer les désaccords et les convergences, c’est comme ça qu’on apprend à formuler et défendre ses propres positions. Et si on n’a pas envie d’engager une discussion avec eux, par exemple parce qu’ils ne sont pas assez anarchistes, végétaliens, féministes ou pacifistes, ou tout simplement parce qu’ils ne correspondent pas à l’image qu’on se fait du monde, on ne le fait tout simplement pas... C’est tout autre chose que d’offrir une plate-forme pour la plate propagande des staliniens et des trotskistes qui viennent «gagner des âmes»! (...) dans le cas du CCI, je ne vois jusqu’à présent pas de raison suffisante pour leur refuser la participation à la foire du livre anarchiste. Et mon intention n’est en aucun cas d’ouvrir toutes grandes les portes à tout le micmac trotskiste et stalinien; selon moi le CCI s’en distingue, même d’un point de vue anarchiste, dans le bon sens. Les courants historiques dont ils se réclament ont en leur temps été autant les victimes de la terreur et de la répression déclenchées par Trotski et Staline que les anarchistes. Il serait tout de même étrange  si une certaine manière de penser, qui a pratiquement disparu de la surface du globe par l’action des staliniens (et qui fait indubitablement à beaucoup de gens une impression d’anachronisme)  était maintenant contrainte au silence par les anarchistes! « (1). Nous encourageons ceux qui veulent être politiquement conséquents à nous envoyer leurs prises de position, que nous publierons également.

De notre côté, nous invitons chacun qui souhaite engager une confrontation d’idées et débattre sur les problèmes du monde, sur la lutte de classe et l’avenir de l’humanité, à participer à nos activités publiques, aussi bien à nos permanences, où l’on discute des questions amenées par les participants, qu’à nos réunions publiques, où un débat suit la présentation de la position du CCI sur un sujet, ou à nous rencontrer au cours de la vente de notre presse à l’occasion de différentes manifestations et dans la lutte de la classe ouvrière n

Mai 2005

(1) Voir: lettre ouverte des éditions De Dolle Hond aux maîtres du marché anarchistes de la foire du livre d’Utrecht, sur notre site Web: https://www.internationalism.org/dutch [4], et Les organisateurs de la foire du livre anarchiste d’Utrecht dévoilent leurs pratiques staliniennes dans Wereldrevolutie n° 101.

Courants politiques: 

  • Anarchisme officiel [5]

Ouzbékistan: Un bain de sang que cautionnent les grandes puissances “démocratiques”

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1000 morts ou plus, environ 2000 blessés, des milliers de réfugiés qui ont fui vers le Kirghizstan voisin, c’est l’horrible bilan, connu à ce jour, de la féroce répression menée par l’armée ouzbek contre les émeutes populaires (1), qui ont eu lieu le 13 mai dans plusieurs villes ouzbèkes de la vallée de Ferghana, notamment Andijan, Pakhtabad et Kara Su. L’armée n’a pas hésité à utiliser des blindés, des hélicoptères et à tirer à la mitrailleuse lourde sur une manifestation rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants. L’armée a achevé les blessés d’une balle dans la tête et la police politique a procédé à des centaines d’arrestations et de détentions arbitraires. Fidèle aux méthodes staliniennes de sa Russie d’origine, le gouvernement du despote Karimov a tout fait pour falsifier les événements, imposant une véritable chape de plomb sur les médias dès le début des émeutes, puis présentant ce carnage comme la réponse à un soulèvement armé islamiste. C’est cette version que les gouvernements américain, russe, chinois et européens ont cautionnée dans un premier temps, puis de façon plus “critique” lorsque les témoignages de certains rescapés de cette tragédie ont commencé à circuler. C’est avec un cynisme des plus abjects que les grandes démocraties, pour défendre leurs intérêts de brigands impérialistes, soutiennent les exactions que Karimov a perpétrées au nom de la lutte con-tre le terrorisme, tout en lui demandant d’envisager d’entre-prendre quelques réformes démocratiques (2). Feignant l’indignation, comme après chaque massacre en-gendré par la barbarie du capitalisme, les organisations internationales comme l’ONU, l’OSCE et les multiples ONG réclament une enquête. Face à de tels mensonges et à la propagande bourgeoise qui réduit de tels événements aux affres du terrorisme ou aux comportements sanguinaires du tyran Karimov, il est nécessaire de comprendre que cette sanglante répression s’explique comme étant à la fois le produit de l’héritage du stalinisme, de la tendance à la décomposition de la société capitaliste et du chaos que génère l’exacerbation des tensions militaires entre les différents Etats à l’échelle mondiale et notamment en Asie centrale, qui est une zone stratégique sur ce plan là.

Historiquement, les républiques d’Asie centrale ont été créées par Staline en 1924. Ce “charcutage” était, en fait, exactement semblable à celui auquel avait procédé la France dans ses possessions d’Afrique noire, au fur et à mesure de l’avancement de sa conquête coloniale du 19e siècle. Cette mosaïque artisanale a tenu du fait de la terreur stalinienne exercée sur les populations jusqu’à la dislocation de l’URSS et l’indépendance des républiques d’Asie centrale en 1991. Avec la disparition de ce corset de fer, c’est une véritable boîte de Pandore qui s’est ouverte. La géographie absurde issue de la désagrégation de l’URSS fait que la région la plus riche et la plus peuplée, la vallée du Ferghana, est un lieu de discorde : partagée entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, découpée en d’innombrables enclaves propices aux conflits frontaliers, c’est un foyer permanent de tensions ethniques et religieuses. Cet enchevêtrement ne peut que déboucher sur des conflits comme dans le Caucase. C’est l’exemple en 1990, des violences dans le sud du Kirghizstan, entre Ouzbeks et Kirghizes, faisant des centaines de victimes ou de la guerre civile au Tadjikistan qui a fait 50.000 morts entre 1992 et 1997. A tout moment le risque d’affrontements ethniques est présent, d’autant plus qu’il existe des querelles entre ces trois républiques du Ferghana pour le partage des terres, de l’eau et pour le contrôle des trafics d’armes et de drogues en provenance de l’Afghanistan frontalier. Dans ce contexte chaotique, la guerre en Afghanistan qui a opposé l’alliance du Nord aux talibans a eu des répercussions importantes sur l’Asie centrale, notamment par le développement d’une multitude de groupes islamiques qui vont accentuer les rivalités et tensions entre les différentes républiques et entraîner une partie des populations dans de nouveaux massacres. Cette situation particulièrement dramatique pour les couches populaires est aggravée par la gestion autoritaire de ces Etats car la plupart des dirigeants sont d’anciens apparatchiks staliniens. En Ouzbékistan, c’est le clan familial de Karimov et de ses fidèles qui se sont accaparés les secteurs producteurs de richesses, essen-tiellement les matières premières, et la corruption y fait figure de loi. La population vit avec 10 à 20 dollars par mois, et le PIB par habitant a chuté de plus de 40% depuis 1998. La population se retrouve ainsi prise en étau, entre le choix de la peste ou du choléra, soutenir les anciens parrains staliniens ou suivre les multiples officines islamistes. Cette paupérisation de la population, sur fond de dislocation des républiques qui composent l’Asie centrale, produit de la décomposition du capitalisme, fait de cette région une véritable poudrière. L’intervention américaine en 2001 en Afghanistan au nom de la guerre contre le terrorisme va constituer un puissant accélérateur de cette déstabilisation, d’autant plus que la préoccupation de l’Oncle Sam n’est pas de ramener la paix dans cette région, mais de défendre son leadership.

“Les Etats-Unis s’installent en Asie centrale avec l’intention d’y rester, non seulement en Afghanistan mais aussi dans deux ex-républiques soviétiques voisines ( le Tadjikistan et l’Ouzbékistan). Ceci suppose une menace claire envers la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran. Mais la portée de l’événement est bien plus profonde : il est un pas dans la création d’un véritable encerclement des puissances européennes -un “remake” de la vieille politique “d’endiguement” déjà employée à l’encontre de l’URSS. Les hautes montagnes d’Asie Centrale permettent le contrôle stratégique du Moyen-orient et de l’approvisionnement en pétrole, élément central de l’économie et de l’action militaire des nations européennes” (Revue Internationale, n°108, novembre 2001).

Ainsi, l’Eurasie est ces dernières années au cœur de la concurrence entre brigands impérialistes. A coups de millions de dollars, les Américains ont installé des bases militaires pour leur intervention vers l’Afghanistan et le contrôle de cette région. ( Selon la presse américaine, la CIA utilise même le savoir-faire ouzbek en matière de torture car elle y transfère par avions spéciaux les “terroristes” arrêtés en Irak et Afghanistan pour les interroger). Face à cette offensive dans son pré-carré, la Russie a renforcé ses propres bases dans la région, notamment au Kirghizistan et au Tadjikistan et la Chine a payé de nouveaux équipements militaires à l’armée kirghize, espérant prochainement prendre pied militairement dans cette zone stratégique. Cette effervescence militaire est loin d’apporter une quelconque stabilité, comme on le voit avec le chaos actuel en Irak et en Afghanistan et la contestation anti-américaine qui ne cesse de croître. Loin de renoncer, les Etats-Unis ne peuvent qu’intensifier leur présence militaire. Cette fuite en avant ne peut qu’être alimentée par les puissances rivales. Pour les populations d’Asie centrale, ces diverses manifestations de la décomposition du capitalisme portent en germe encore plus de barbarie et de chaos, de nouveaux massacres, soit dans des conflits ethniques, militaires soit par la répression sanglante des émeutes sociales, comme on vient de le voir en Ouzbékistan.

Donald/24.05.2005

(1) Il semble probable que le déclenchement de ces émeutes est à la fois le produit d’une attaque économique d’envergure du gouvernement (imposition en avril de nouvelles règles contraignantes pour les petits commerçants de rue, alors que le bazar (marché noir) reste le seul poumon économique, le seul lieu d’activité possible pour des millions d’Ouzbeks en quête de subsistance, compte tenu du chômage massif) et en même temps le procès de 23 petits entrepreneurs accusés d’islamisme. La population est descendue dans la rue pour réclamer “justice” et “liberté” avec la présence en son sein de groupes politiques d’opposition au gouvernement, dont certains groupes islamiques.

(2) Si pour l’instant l’administration américaine soutient Karimov, il n’est pas exclu qu’à l’avenir, en fonction de sa capacité à créer une opposition politique à celui-ci, comme elle l’a fait récemment (Georgie, Ukraine, Kirghizstan) elle se débarrasse de cette marionnette stalinienne, ce qui serait plus conforme à la justification de ses interventions militaires actuelles basées sur la liberté et la démocratie pour les peuples encore opprimés.

Géographique: 

  • Russie, Caucase, Asie Centrale [6]

Questions théoriques: 

  • Décomposition [7]

Référendum européen, victoire du non Mais c'est toujours la bourgeoisie qui gagne

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«On a gagné!», scandait au soir du 29 mai le «peuple de gauche», sur la place de la Bastille à Paris. «Cette victoire est avant tout celle des ouvriers, des employés, des jeunes, des sans-emploi (qui ) se sont ainsi rassemblés jusque dans les urnes pour rejeter cette camisole libérale»,  déclarait le secrétaire nationale de Parti Communiste stalinien Français , ajoutant : «Cette victoire s’est construite (…) dans une dynamique de rassemblement populaire qui évoque les grands moments du Front populaire ou de mai 1968» ; «C’est un mouvement de revanche sociale» évoquait le trotskiste Besancenot de la LCR Française; «La réfutation de cette Constitution donne de l’espoir aux chômeurs et aux gens vivant dans la misère et la précarité: l’espoir que le Non contre la Constitution néo-libérale en France et aux Pays-Bas provoquera un changement brusque dans l’histoire qui mènera à une réorientation radicale dans la politique européenne.» proclamait la «démocratique» et «progressiste» «Fondation Europe Sociale» aux Pays-Bas; «Ce résultat est carrément favorable à l’avenir de l’Europe. L’affluence élevée et les nombreuses discussions montrent que l’Europe vit parmi la population, à condition que les gens eux-mêmes aient véritablement quelque chose à dire. Dans deux des trois pays où un référendum s’est tenu, on a vu une affluence élevée et un refus net de la Constitution. Cela montre un large soutien pour une Europe démocratique et sociale.» renchérissait un autre «Comité Constitution Non» de gauche Hollandais.

La gauche est en première ligne pour présenter la victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne comme «une grande victoire de la classe ouvrière». Mensonge ! La classe ouvrière n’a rien gagné. Au contraire, la bourgeoisie a exploité ses échéances électorales afin de pourrir la conscience ouvrière en profitant des illusions encore très fortes dans les rangs des prolétaires envers la démocratie et le terrain électoral.

Les prolétaires doivent se souvenir que ce qui leur a toujours été présentée comme de «grandes victoires ouvrières», a toujours représenté les pires défaites et les plus dangereuses pour leur classe. Ainsi, en 1936, cet avènement du gouvernement de Front populaire en France encore aujourd’hui présenté comme une «grande victoire» pour les ouvriers, alors que ce gouvernement de Front populaire a permis à la bourgeoisie d’embrigader massivement derrière le drapeau de l’anti-fascisme les ouvriers dans les horreurs et les massacres de la Seconde Guerre mondiale. C’est au nom du grand mensonge du «triomphe de la dictature du prolétariat en URSS», «de la victoire du socialisme dans un seul pays» et des «avancées dans la construction d’une société communiste» que des générations entières de prolétaires ont été entraînées et sacrifiées sur l’autel de la contre-révolution stalinienne pendant plus d’un demi-siècle derrière une idéologie de la «défense de la patrie socialiste», mais aussi exploitées, massacrées, déportées, emprisonnées par « la patrie du socialisme».

Les prolétaires sont tombés dans le piège qui lui présentait cette consultation électorale comme un enjeu pour eux. La bourgeoisie exploite aujourd’hui cette situation pour accentuer son avantage et intoxiquer davantage la conscience des ouvriers, en lui faisant croire que le bulletin de vote serait plus efficace que la lutte de classe, même si les effets de cette propagande ne peuvent que s’effacer très rapidement face à la réalité. L’énorme et incessant battage électoral sur le référendum, avant, pendant et après, n’a qu’un seul but: faire avaler aux prolétaires le grossier mensonge selon lequel le moyen le plus efficace de faire reculer la bourgeoisie et de faire entendre leur voix, d’exprimer leur ras le bol, n’est pas le développement de la lutte de classe mais le bulletin de vote. Ainsi les trotskistes de Offensief aux Pays-bas ne laisse pas de doute : «Déjà en automne dernier les travailleurs néerlandais avaient démontré qu’ils refusaient de subir les mesures d’économie draconiennes et le démantèlement de l’Etat-providence. Maintenant de nouveau, il apparaît qu’ils en ont ras-le-bol de la politique du cabinet Balkenende. Le 2 octobre de l’année dernier, plus de 300.000 gens sont descendus en protestation contre les plans du cabinet dans les rues d’Amsterdam. Maintenant, une fois de plus un sujet politique important de ce cabinet néo-libéral est renvoyé à la poubelle.»  (site Offensief : La voix contre la Constitution a été une voix des travailleurs contre les profiteurs)

Une campagne idéologique mensongère

De l’extrême droite aux organisations gauchistes, l’incessant battage idéologique, dramatisé à souhait depuis plus de trois mois, ne visait qu’à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral.

En effet, la bourgeoisie aura réussi à polariser l’attention des ouvriers, à semer les pires confusions, à brouiller les pistes pour ramener un maximum d’ouvriers sur le terrain électoral. Le référendum était omniprésent dans tous les médias. Il n’était pas possible d’échapper aux virulents débats, aux polémiques enflammées sur les supposés enjeux de ce scrutin. Ce matraquage idéologique tentait de persuader chaque «citoyen», surtout chaque prolétaire, que cette consultation représentait un enjeu absolument crucial et déterminant. Toutes les fractions de la bourgeoisie se sont ainsi félicitées d’avoir pu lancer et animer «un grand débat démocratique» dont le seul résultat aura été de déboussoler, de semer un maximum de confusion et d’illusions dans la tête des ouvriers. Tous les médias et certains responsables politiques l’ont proclamé: «votez oui ou votez non mais votez !». Le principal poison idéologique distillé dans cette campagne a été de faire croire que «rien ne serait plus comme avant», que la montée du Non, dopée par le mécontentement social envers les gouvernements, avait contraint la bourgeoisie à mettre la préoccupation sociale au centre de sa campagne. Cela est en partie vrai, mais le seul but de cette manœuvre était de pousser les ouvriers dans le piège démocratique, dans le piège électoral, dans la mesure où, auparavant, cette campagne suscitait à juste titre l’ennui et le désintérêt le plus complet au sein de la classe ouvrière. C’est à partir du moment où la bourgeoisie est parvenue à canaliser le mécontentement social autour du référendum, à faire croire qu’elle pouvait reculer en retirant la directive Bolkestein qu’elle est parvenue à relancer et à redonner un nouveau souffle à la mystification démocratique et au terrain électoral.  Mais, maintenant la bourgeoisie voudrait nous faire croire que dans l’après référendum, désormais, la parole, la priorité, seront au social. C’est un mensonge. Plus que jamais, l’avenir que nous réserve le capitalisme, c’est l’intensification des attaques anti-ouvrières. Cette propagande idéologique cherche à faire prendre des vessies pour des lanternes, faire croire que la réaction «citoyenne» peut changer le cours du capitalisme, infléchir la bourgeoisie et barrer la route au libéralisme et aux délocalisations. La politique gouvernementale ne va pas changer d’un poil.

Le principal objectif de la bourgeoisie vis-à-vis des prolétaires dans n’importe quelle élection est de les pousser à abandonner le terrain collectif de la lutte de classe pour s’exprimer en tant que «citoyens», atomisés, sans appartenance de classe, dans le bien nommé «isoloir», sur un terrain pourri d’avance et qui n’est nullement le leur, mais celui de la bourgeoisie. Pour la classe ouvrière, le terrain électoral est un piège idéologique destiné à semer les pires confusions et à empêcher le développement de sa conscience de classe.

Les élections ne sont qu’une mystification

Il n’en a pas toujours été ainsi. Au 19ième siècle, les ouvriers luttaient et se faisaient tuer pour obtenir le suffrage universel. Aujourd’hui, inversement, ce sont les gouvernements qui mobilisent tous les moyens dont ils disposent pour que le maximum de citoyens aillent voter. Pourquoi ?

Pendant la période d’ascendance du capitalisme, les  parlements représentaient le lieu par excellence où les différentes fractions de la bourgeoisie s’affrontaient ou s’unissaient pour défendre leurs intérêts. Malgré les dangers et les illusions que cela pouvait entraîner, les travailleurs, dans une période où la révolution prolétarienne n’était pas encore à l’ordre du jour, avaient intérêt à intervenir dans ces affrontements entre fractions bourgeoises et, au besoin, soutenir certaines fractions bourgeoises contre d’autres, afin de tenter d’améliorer leur sort dans le système. C’est ainsi que les ouvriers en Angleterre ont obtenu la réduction à 10 heures de leur journée de travail  en 1848, qu’on a vu l’abrogation de la loi sur la conspiration (droit de s’organiser) en Belgique en 1865 après l’Angleterre 1859 et la France en 1866, que le droit syndical a été reconnu en France en 1884, etc.

Mais la situation est devenue totalement différente depuis le début du 20e siècle. La société capitaliste est entrée dans sa période de crise permanente et de déclin irréversible. Le capitalisme a conquis la planète et le partage du monde entre les grandes puissances est terminé. Chaque puissance impérialiste ne peut s’approprier de nouveaux marchés qu’aux dépens des autres. Ce qui s’ouvre, c’est une nouvelle «ère des guerres et des révolutions», comme le déclarait l’Internationale Communiste en 1919, une ère marquée par les effondrements économiques comme la crise de 1929, les deux guerres mondiales et l’irruption révolutionnaire du prolétariat en 1905 en Russie, de 1917 à 1923 en Russie, Allemagne, Hongrie, Italie. Pour faire face à ses difficultés croissantes, le capital est contraint de renforcer constamment le pouvoir de son Etat. De plus en plus, l’Etat tend à se rendre maître de l’ensemble de la vie sociale et, en premier lieu, dans le domaine économique. Cette évolution du rôle de l’Etat s’accompagne d’un affaiblissement du rôle du législatif en faveur de l’exécutif. Comme le dit le deuxième Congrès de l’Internationale Communiste : «Le centre de gravité de la vie politique actuelle est complètement et définitivement sorti du Parlement.»

Pour les travailleurs, il ne peut plus être question de s’aménager une place dans le capitalisme mais de le renverser dans la mesure où ce système n’est plus capable de leur octroyer ni réformes durables ni amélioration de leur sort.

Pour la bourgeoisie, le parlement est devenu tout au plus une chambre d’enregistrement de décisions qu’elle prend ailleurs.

Reste un rôle idéologique de l’électoralisme qui reste déterminant . La fonction mystificatrice de l’institution parlementaire existait déjà au 19e siècle mais elle se situait au second plan, derrière sa fonction politique. Aujourd’hui, la mystification est la seule fonction qui reste pour la bourgeoisie: elle a pour but de faire croire que la démocratie est le bien le plus précieux, que l’expression de la souveraineté du peuple, c’est la liberté de choisir ses exploiteurs. La démocratie parlementaire et surtout la mystification de l’idéologie démocratique reste le meilleur moyen d’empoisonner la conscience ouvrière  et l’arme idéologique la plus efficace et dangereuse pour domestiquer le prolétariat. 

Les attaques anti-ouvrières n’ont pas cessé au cours de ces derniers mois et dès le lendemain de cette échéance électorale, les prolétaires verront leurs conditions de vie et de travail se détériorer encore plus fortement et rapidement. La bourgeoisie cherche à gagner du temps pour repousser les échéances de confrontations plus massives avec le prolétariat. Elle  est amenée de plus en plus à trouver des parades idéologiques et à déployer le maximum d’efforts pour freiner la prise de conscience de la faillite du système capitaliste au sein de la classe ouvrière.  Comme nous l’écrivions le mois dernier dans notre presse en France et au Pays Bas, «le résultat de ce vote ne changera pas quoi que ce soit à l’intensification des attaques anti-ouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales, à l’accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l’amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial».

Face à l’angoisse de l’avenir qui est au cœur des préoccupations ouvrières actuelles, la réponse n’est ni sur le terrain électoral ni de la démocratie, il est dans le développement de la lutte de classe, le seul terrain sur lequel les ouvriers peuvent répondre aux attaques de la bourgeoisie.

Wim &Lac/ 6.06.05

Géographique: 

  • Europe [8]

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La mystification parlementaire [9]

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