Paris le 9/01/1947
Chers camarades,
Nous venons de recevoir votre matériel "International Digest" et le "Socialist Manifesto".
Bien que nous n'ayons pas encore pu nous rendre entièrement compte du contenu de votre littérature, nous avons déjà relevé certains points que nous nous permettrons de discuter.
Nous regrettons vivement que, dans votre "Manifesto", vous n'ayez pas jugé utile de le compléter par une étude sur la révolution russe de 1917 et sur l'État russe actuel. Nous pensons, quant à nous, que la classe ouvrière a beaucoup à apprendre, pour sa lutte, en examinant et en étudiant la révolution d'Octobre et l'État russe. Un événement aussi décisif qu'Octobre 17 et une monstruosité aussi abominable que le pseudo État ouvrier russe ne peuvent être passés presque sous silence dans un "Manifesto".
La lutte quotidienne que l'avant-garde révolutionnaire mène tous les jours contre l'idéologie bourgeoise -qui s'est renforcée dans les rangs de la classe ouvrière- pose la nécessité de dénoncer l'État capitaliste russe face au prolétariat et de résoudre la question primordiale du nouveau programme de la révolution.
La révolution d'Octobre a, pour nous, posé des jalons pour l'idéologie révolutionnaire en ce qui est de la destruction de l'État bourgeois mais elle n'a fait qu'énoncer le problème des rapports entre l'État de la période transitoire et la classe ouvrière.
Tout le chemin emprunté par la révolution d'Octobre a démontré que le problème, parce qu'incomplètement saisi dans son contenu politico-économique, n'a fait que nous donner un enseignement négatif, de ce qu'il ne faut pas faire.
Nous nous expliquons : par son expression internationale, par sa manifestation politique de lutte contre la guerre impérialiste, par son programme embryonnaire et imparfait de lutte franche et ouverte internationalement contre le capitalisme, la révolution d'Octobre exprime non un phénomène national mais le prélude de l'assaut de la classe ouvrière contre le système capitaliste en général.
Nous ne séparons nullement la lutte des Bolcheviks de celle des Liebknecht et Luxemburg du monde entier. La nature du programme bolchevik et non ses détails devient une nature révolutionnaire car il représente un écho qui, jusqu'en 1927, va se répercutant dans la classe ouvrière du monde.
C'est aussi comme continuation et expression internationale du courant de gauche de la 2ème Internationale que nous trouvons les éléments qui confirme notre pensée de reconnaître la révolution d'Octobre comme le prélude de la révolution prolétarienne internationale.
Nous savons, certes fort bien, qu'au jeu de la chicane, une analyse, étroite par son cadre, de la révolution d'Octobre conduit forcément à relever de grandes fautes, des compromis opportunistes, une construction économique du capitalisme d'État.
Mais, ce n'est que parce que l'analyse aura été faite dans un cadre étroit, le cadre proprement russe, que les inexactitudes ressortiront et cela avec toute la violence. Mais le problème est-il là ?
Pouvait-on parler d'un État ouvrier en Russie ? Pouvait-on parler d'une construction socialiste en Russie ? N'a-t-on pas forcé le problème en le limitant à un cadre national et, par-là, donné de l'eau au moulin des droitiers, partisans du socialisme dans un seul pays ? Car, au fond, quel problème se posait la révolution d'Octobre ? Celui de la construction socialiste ou celui de la révolution internationale ?
Pour construire un monde plus progressif que le capitalisme, remplaçant le profit des uns par la satisfaction des besoins de la société en général, tout cadre national était à priori inadéquat ; et toute schématisation socialiste appliquée à un tel cadre devait donner les résultats contraires aux intérêts de la classe ouvrière en général.
On ne reconstruit pas une maison en replâtrant plus ou moins bien qui s'est effondrée ; et cette partie replâtrée n'en est pas moins indissolublement rattachée à l'ensemble de la maison pourrie.
La première nécessité qui s'offrait à nous était donc de rechercher les moyens d'abattre complètement toute la maison pourrie avant de parler de la reconstruire ; et même nos plans pratiques de reconstruction ne pourraient s'ébaucher réellement qu'après reconnaissance parfaite du terrain déblayé.
Et parce que la révolution d'Octobre a mis en tête de sa lutte la révolution mondiale, dont elle se proclamait le premier chaînon, nous ne pouvons dire que cet événement a été l'événement de classe tant attendu depuis la Commune de Paris.
Ce que constituent les réalisations pratiques en Russie à cette époque ? Nous avons le courage de dire qu'elles représentent pour nous l'expérience négative (c'est-à-dire ce qu'il ne faut pas faire) du programme révolutionnaire.
Expérience négative, pas tant dans la portée économique des nationalisations de 1918 et de la NEP en 1921, mais par les deux résultats idéologiques atteints :
Les critiques révolutionnaires se sont plus appesanties sur la révolte de Kronstadt et l'épopée de Makhno que sur la défaite des révolutions allemande, hongroise et sur l'échec de la guerre révolutionaire en Pologne. Cette tournure de la critique révolutionnaire a voulu voir la cause (défectuosité économique et politique en Russie) de ce qui était la conséquence de l'échec révolutionnaire dans le monde. De sorte que l'analyse de la dégénérescence de la révolution s'est trouvée troublée et dirigée par ce qui se passait en Russie et non par ce qui se passait dans le monde.
En conclusion de ce premier problème, la révolution d'Octobre apporte la consécration historique de la conquête politique du pouvoir par le prolétariat. Elle vit une expérience négative, à rebours sur tout parce qu'elle se pose en dehors de son contenu international, comme un corps ne subissant plus les lois historiques générales.
Le cri du prolétariat en 1917 a été : "Un monde nouveau est né dans l'Est." Et l'avant-garde a repris ce cri en l'amplifiant.
Mais nous avons voulu appliquer à l'histoire des méthodes scientifiques de laboratoire. Mal nous en a pris car l'histoire ne se laisse pas mettre in-vitro.
La Russie était le début de la métamorphose du monde ; le monde mettant du retard à se métamorphoser complètement, la Russie ne pouvait être que d'une constitution hybride organiquement et aucun essai expérimental ne pouvait se faire sur elle.
* * *
Un autre problème que la révolution d'Octobre a souligné, nous semble-t-il, c'est le problème de l'État en général.
N'a-t-on pas abusé, à contre sens, du terme "État ouvrier" ? N'avons-nous pas plutôt été mystifié par une sentimentalité révolutionnaire ? Puisque le capitalisme a son État, pourquoi nous, la classe ouvrière, n'avons-nous pas le nôtre ?
Cette sentimentalité - qui a remplacé toute analyse sérieuse et qui a déplacé le problème - nous joue encore aujourd'hui de mauvais tours.
Le capitalisme a besoin d'un État, c'est-à-dire d'une force répressive pour maintenir ses privilèges de classe sur les autres classes. Un État ouvrier ne pouvait qu'exprimer cette nature et remettre en question la société divisée en classes. Mais à ceci vient encore se joindre la notion de dépérissement de l'État ouvrier après la révolution. Et nous tournons continuellement dans un cercle vicieux en donnant de l'énergie à l'État, et en attendant une intervention hasardeuse pour voir dépérir l'État.
Notre groupe s'est posé ce problème et croit l'avoir résolu dans un sens révolutionnaire. La différence entre le prolétariat et les autres classes réside dans le fait que les travailleurs n'ont pas de privilèges à maintenir, donc à défendre (à moins que les chaînes ne soient un privilège). Donc, si les autres classes peuvent s'identifier, après un certain développement, à l'État, telle la féodalité dans la monarchie absolue, telle la bourgeoisie dans le capitalisme d'État, la classe ouvrière est toujours étrangère à l'État et cela surtout après la révolution.
Ce problème historique que la classe ouvrière a à résoudre c'est la société sans classe, une société où les privilèges sont exclus et où il n'est pas besoin d'une force de police pour défendre des privilèges. L'État après la révolution est donc un corps étranger, un mal que la classe ouvrière hérite des autres sociétés divisées en classes. D'où la première tâche de la classe ouvrière réside dans son refus de s'identifier à l'État après la révolution.
Cet État ne représente qu'un vestige du monde ancien et en vue d'assumer la brisure des tentatives de la bourgeoisie pour réassurer ses privilèges.
Car, en fait, cet État d'après la révolution n'est jamais une réalisation de la classe ouvrière ; il resurgit après la destruction de l'État bourgeois en raison de la grande confusion de la situation. Le problème n'est pas d'en assurer la bonne marche en multipliant, comme ceci aura tendance à se produire, les organismes de concentration étatiques mais de créer et développer les moyens de contrôle de la classe ouvrière sur l'État après la révolution. Une méfiance presque égale à celle vis-à-vis de l'État bourgeois doit animer les ouvriers face à cet État - que nous ne devons jamais qualifier d'ouvrier même après la révolution. Jamais au lendemain de la révolution il ne faudra employer les syndicats ou les soviets de la révolution comme organes d'organisation et d'exécution car on aurait une expérience analogue à la monstruosité russe actuelle (pour nous, les syndicats après la révolution doivent rester des organes de défense des intérêts immédiats des ouvriers, les soviets les organes de direction et de décision conjointement avec le parti révolutionnaire).
La formulation de Engels exprimant le dépérissement de l'État après la révolution est une formule incomplète. Du point de vue idéologique, l'État -assurant l'échec des tentatives bourgeoises- doit en même temps assurer son dépérissement puisqu'il constitue un reste de privilège de société divisée en classes. A-t-on vu dans l'histoire, et particulièrement dans ces vingt dernières années, un État luttant pour son dépérissement ? Non!
Alors la formulation de Engels se complète par LA NÉCESSITÉ DE FAIRE DÉPÉRIR L'ÉTAT APRÈS LA RÉVOLUTION.
Ces points d'analyse, auxquels nous sommes arrivés, demandent que la discussion se généralise dans les milieux de l'avant-garde. Ce que nous espérons.
* * *
Un autre point que nous regrettons de ne pas voir traiter dans votre littérature en général, c'est le problème du fascisme et de l'antifascisme. Pour nous, et nous pourrons aujourd'hui mesurer tous les ravages qui ont été causés dans les rangs de la classe ouvrière, les idéologies fascistes et antifascistes n'expriment qu'un contenu bourgeois.
Pourquoi ? Parce qu'elles permettent, fort heureusement pour le capitalisme, de reculer sinon d'étouffer les frontières de classe en regroupant les ouvriers des divers pays sous l'étiquette fasciste ou antifasciste. Alors il est facile de souder, encore une fois en vue de la guerre, chaque prolétariat à sa bourgeoisie.
Pour les travailleurs ne peut se poser le dilemme fascisme ou antifascisme ; et nous devons nous élever contre cette manœuvre de la bourgeoisie en posant la seule solution réellement de classe : la lutte de chaque prolétariat contre sa propre bourgeoisie et la solidarité internationale de classe.
* * *
Enfin, un dernier point, sur lequel nous demandons des précisions, concerne votre participation aux élections britanniques.
Nous regrettons de voir dans votre Manifeste des relents de théories réformistes de la 2ème Internationale. Pour vous, il semble que la révolution peut être le résultat d'une forte majorité parlementaire. Cette majorité parlementaire se verrait obliger d'appliquer des mesures dites révolutionnaires avec des organismes bourgeois.
N'y a-t-il pas une espèce de paresse d'esprit à ne pas saisir que le problème du pouvoir ouvrier est différent de celui du pouvoir bourgeois ? Avec votre théorie, nous allons directement vers un capitalisme d'État plus affreux et plus anonymement cynique que le capitalisme tout court.
Si c'est une question théorique, cette copie de direction et d'organisation bourgeoises pour des buts ouvriers fausse dès le début les nouveaux rapports sociaux qui naissent de la révolution et imprime irrémédiablement un caractère de société divisée en classes à toute l'organisation post-révolutionnaire.
Du point de vue de la violence, croyez-vous fermement que la bourgeoisie se laissera déposséder, sans lutter férocement, par un simple vote d'un parlement à majorité révolutionnaire ?
La violence partira du capitalisme et, que vous le vouliez ou non, nous serons obligés de répondre par la violence avec un appareil étatique contre nous. La bourgeoisie a comme atout : 1- d'avoir attaqué le prolétariat la première, 2- de posséder, dans le camp révolutionnaire, l'État que la majorité révolutionnaire croit pouvoir employer dans la lutte révolutionnaire. Nous serons faits alors comme dans un piège à rats.
* * *
Nous envoyons cette lettre à tous vos groupes de Grande-Bretagne, Canada, E.-U., Australie, Nouvelle-Zélande ainsi qu'à d'autre groupes pour que la discussion soit générale.
En avant pour la construction du futur programme révolutionnaire de la classe ouvrière.
Fraternellement, pour la GCF
SADI
La politique réserve -pour ceux qui se laissent aller à un examen superficiel des événements- des surprises bien choquantes.
C'est ainsi que -contre tous ceux qui, au travers des récentes élections , considéraient le parti socialiste comme liquidé, ne représentant qu'un vestige de la 3ème république, nous opposions la conception que le parti socialiste représentait le présent et l'avenir politique de la France bourgeoise.
Ceux qui enterraient déjà la SFIO, malgré leur prétendue formation marxiste, s'imaginaient peut-être que les élections devenaient facteur déterminant dans la conduite politique du pays . Pour cela il fallait qu'ils aient encore des illusions sur la valeur déterminative de la consultation populaire.
Voilà un parti qui sort des élections comme le grand vaincu, perdant successivement 300.000 et 700.000 voix, et qui, malgré cela, donne un président de l'assemblée, un président du conseil, un président de la république et qui, surtout, arrive à imprimer au pays les grandes lignes économico-politiques du programme de la SFIO et cela sans traficotage de couloir, avec l'assentiment quasi générale de l'assemblée législative.
Pour nos prophètes en marxisme, c'était un rude coup à leur analyse politique de la situation. Et pourtant la réalité, ni pure ni impure, est là, tangible, matérielle.
La France se trouvait, au sortir des élections, devant 2 blocs impérialistes opposés : d'une part la Russie, d'autre part l'Amérique. Elle devait choisir clairement l'une ou l'autre voie. De tous les programmes des partis politiques, il y en avait deux qui exprimaient clairement ces deux voies :
Devant la catastrophe imminente de la France, devant le spectre de l'inflation, devant la pauvreté industrielle, devant les problèmes coloniaux, la bourgeoisie devait choisir rapidement. L'investiture de Blum, des MRP aux staliniens, exprimait non pas l'investiture d'une personnalité mais celle de tout un programme politique.
Que les staliniens aient agrée ce programme, qu'ils aient été obligés de ne pas faire jouer la CGT, son atout important, prouve bien qu'ils se sont rendus compte que, pour relever la France, seule une orientation certaine et décisive vers les USA (même s'ils pensent que c'est temporaire) était nécessaire, la Russie ne présentant aucune garantie d'aide à la France étant elle-même tributaire des USA. Et, à ce titre, on peut, et la bourgeoisie l'a compris, lui décerner le titre de parti bien national et français.
* * *
En quoi consiste l'expérience Blum ? Pose-t-elle le but de relever la France bourgeoise, indépendamment de toutes relations avec le monde extérieur ?
Le problème n'est pas aussi simple. La situation française n'avait pas besoin d'une recette économique. Elle présentait 2 aspects que nous analyserons.
Le premier aspect, l'aspect intérieur, dévoilait une situation économique périclitant de gouvernement en gouvernement. Les charges excessives de l'État, l'augmentation du coût de la vie, les corollaires augmentations de salaires, la pauvreté industrielle du pays, son manque de débouché de matières premières, tout cela entrainant un prix de revient très haut et défavorable dans les échanges internationaux, toutes ces raisons imposaient une solide politique intérieure de défense du franc, de diminution des charges parasitaires de l'État, de stabilisation des prix et, par là, des salaires, d'arrêt d'émissions de monnaie fiduciaire.
Tous ces phénomènes économiques, toutes ces solutions adoptées ne montrent rien d'original.
Pour les chargés de l'État, on comprime le personnel ministériel, on réduit les crédits de certaines branches étatiques telle la défense nationale, on recule le plus possible le reclassement économique des fonctionnaires.
Pour stabiliser les prix, il fallait bloquer les salaires et accepter ou plutôt imposer la différence entre l'indice des prix et l'indice des salaires comme chose admise et normale.
Pour l'arrêt de l'émission d'argent fiduciaire, ceci n'était possible que par une augmentation des ressources étatiques au travers des impôts directs ou indirects et de l'augmentation des prix des industries et exploitations commerciales nationalisées (gaz, électricité, charbon, chemin de fer).
Toutes ces solutions, Laval les avait déjà appliquées en 1934 ; seulement, tous ces problèmes d'ordre économique verraient se greffer et en transformer la nature le problème de la production industrielle proprement ; problème essentiel pour la vie économique du pays et dont les facteurs étaient dépendants d'une politique intérieure et d'une politique extérieure.
D'une politique intérieure, en réduisant la consommation industrielle (ce que Rosa Luxemburg expliquait à propos de l'impérialisme). En effet, la diminution du capital variable du pays (somme des salaires) présentait 2 buts :
Et les 5% nous dira-t-on ? Cette baisse, si elle fut possible, c'est :
Ce qui fait que les 5% n'ont trait qu'à la consommation de subsistance directe et ceci n'influe en rien sur l'équilibre du marché puis que le ravitaillement est là pour freiner nos ardeurs à augmenter notre consommation.
Un fait significatif de cette prétendue baisse de 5% qui ne touche pas réellement les prix industriels, c'est la légalisation du marché noir de l'essence. L'État rend libre la consommation de l'essence à 49 frs le litre.
Voilà l'aspect intérieur du problème de la production industrielle. L'aspect extérieur touche l'âme même de la production. Il faut trouver les débouchés en matière première et en marché outils.
Les matières premières se trouvent dans les colonies ; mais il faut reconquérir économiquement et militairement ces colonies. Pour cela, on a besoin d'une politique d'entente avec les USA qui aideront, par leur neutralité, certains actes militaires et économiques contraires à l'esprit sacro-saint de l'ONU : la liberté des peuples à disposer d'eux-même.
Mais ces sources de matières première, une fois conquises, demandent des transports pour acheminer la main d'oeuvre ; elles demandent aussi des machines-outils neuves et en quantité suffisante pour supporter la concurrence internationale.
Pour cela, un emprunt étranger n'est pas suffisant ; il faut qu'il puisse permettre l'achat des produits industriels de base ; c'est ce que l'on appelle un emprunt à devises étrangères solides.
Il n'y a qu'un seul pays qui se trouve en état de prêter pour qu'on lui achète, et c'est encore les USA. L'emprunt négocié par Blum en mai 1946 à Washington ne pourrait s'effectuer qu'au travers d'une politique d'inféodation de la France aux USA.
Et voilà notre programme SFIO défini. Blum l'a ébauché avec un gouvernement homogène. Ramadier ou un autre ledéveloppera avec un gouvernement multipartite, ne tirant plus à hue et à dia mais homogène du point de vue du programme.
Une fois de plus les staliniens sont amenés à "porter" la politique SFIO pour reprendre le célèbre mot de Thorez.
L'alliance franco-anglaise, ébauchée par le voyage de Blum à Londres, se fera, liant encore plus la France aux USA et déterminant la vulgaire politique de faiblesse édifiée par Churchill : le bloc occidental.
Comble de l'ironie, la Russie donne son assentiment à cet accord. Nous employons le mot ironie pour ceux qui s'imaginent la Russie assez forte pour tenir tête à l'Amérique.
Une fois cette politique esquissée, on aperçoit toute la démagogie que peut représenter la haine des 5%, une politique plus poussée de nationalisation (meilleur moyen de réduire encore le pouvoir d'achat des masses), une politique extérieure de plus grande alliance avec le bloc américain.
Dans tout ceci, le grand pénitent, le grand exploité demeure la classe ouvrière qui forge ainsi les armes pour une très prochaine crise et une plus que certaine 3ème guerre mondiale.
Si certains éléments de l'avant-garde ont décelé une ouverture d'influence des partis traîtres sur la classe, nous préférons ne pas nous hasarder dans le domaine des désirs qu'on voudrait réalité et dire tout simplement que la seule condition actuelle pour un réveil de classe réside dans une brisure entre les partis traîtres dits ouvriers et le prolétariat, autour de la lutte contre les préparatifs de guerre, ces préparatifs pouvant être identifiés avec le programme ébauché par Blum et repris par la SFIO, les staliniens, le Rassemblement des gauches, avec la neutralité bienveillante du MRP et des PRL, en définitive tout le parlement unanime.
Sadi
Les bulletins de guerre viennent de réapparaître avec toute la publicité adéquate : atrocité, ultimatum, poches que l'on colmate, déplacement de personnalités, conférence, parade. Le public peut être assuré de sa ration quotidienne de sadisme et de pseudo honnêteté et objectivité.
Seulement voilà, personne ne semble s'intéresser à ce qui se passe si loin. Peut-être est-ce dû aux 5%, à l'expérience Blum, au nouveau cabinet ou tout simplement à l'indifférence des masses saturées de promesses non réalisées.
Mais à lire la presse et à voir surtout la presse imagée, on voudrait être soulevé d'horreur devant les "crimes monstrueux" des Vietnamiens. C'est inadmissible qu'au siècle de la désintégration atomique, ces barbares fusillent, tuent et se défendent au lieu d'atomiser pour "réduire la guerre" par le vide, comme l'a prouvé le grand cœur de nos amis américains à Hiroshima.
La deuxième guerre mondiale nous a saturé d'image horrifiantes et ce n'est pas les quelques français tués là-bas qui vont soulever notre indignation. Faudrait trouver autre chose de bien plus pimenté (une super chambre à gaz, par exemple), nous commençons à être blasés.
* * *
Voyons comment les événements ont débuté et se déroulent. A la capitulation du Japon, les Indochinois se refusent à réintégrer "la communauté française" au rang de colonie. A cet acte de révolte et d'ingratitude envers la France, les politiciens commencent à redéterrer les crimes commis sur des Français et proposent aux Vietnamiens de devenir un État dans la belle communauté française. C'est-à-dire un gouvernement avec assemblée ratifiant les ordres de la France, dans les mesures économiques, militaire et diplomatique. En d'autres termes, on ne leur donnait rien et on leur faisait signer la prolongation de leur colonialisme.
A la conférence de Fontainebleau, la bourgeoisie française, obligée de céder quelque chose à la bourgeoisie vietnamienne, essaie de dissocier l'Indochine en Vietnam et Cochinchine, la dernière n'étant pas encore un théâtre de guerre. Un gentleman-agreement est signé qui ne résout aucun des problèmes.
Entre temps les influences internationales se font sentir. L'Amérique -qui s'implante de plus en plus en Asie- se trouve devant 2 solutions pour y demeurer : ou bien le gouvernement français s'inféode de plus en plus aux USA, ou bien il faut jouer la carte du nationalisme vietnamien. Avec un Bidault, les USA se montraient réticents et favorisaient les Indochinois. Avec Blum, la vapeur est renversée et Acheson, sous-secrétaire d'État américain, déclare que les événements d'Indochine n'intéressent que la France. Avec la crise ministérielle, les USA, dans l'expectative, déclarent que, s'ils recevaient une demande d'enquête des Vietnamiens, ils y répondraient si certaines conditions sont remplies. Politique du flair ? Non, politique d'assurance !
La Chine, dans sa jeune entrée politique, entend aussi manifester ses velléités impérialistes et, à tout hasard, elle permet la création d'un gouvernement vietnamien à Nankin en Chine.
La Russie, au travers de ses représentants dans le gouvernement de Ho-Chi-Minh, tente de pousser le conflit à l'extrême pour porter la question devant l'ONU et pouvoir officiellement mettre son nez dedans.
Et les trotskistes du gouvernement Ho-Chi-Minh ? Ils veulent radicaliser les masses ; en attendant, ils n'ont enfermé personne qu'eux-mêmes dans leur politique.
La guérilla continue, avec des hauts et des bas, des conversations politiques, des encerclements, des dégagements et des mots.
* * *
Aujourd'hui que la bourgeoisie clame à tout venant la fin de l'ère colonialiste, voyons les arguments que le capitalisme français nous offre pour justifier la guerre d'Indochine : tout d'abord "l'ordre et la civilisation" que la France a exportés en Indochine ; et ensuite... rien ! Oui, il y a beaucoup de mots ronflants et sentimentaux. Mais ces derniers arguments ne sont pas probants. La reconnaissance n'est pas une marchandise. Il y a aussi le sang versé en commun dans les deux guerres, seulement les deux guerres mondiales se sont faites au profit et pour la France et non pour l'Indochine.
Ainsi le seul argument solide c'est l'apport de la France en Indochine. Mais est-ce réellement les sentiments altruistes de la France qui ont conduit les armées françaises à conquérir l'Indochine ? Ne doit-on pas plutôt regarder du côté affaires la conquête indochinoise ? "L'ordre et la civilisation" introduits après la conquête sont-ils d'ordre philanthropique ou bien la nécessité d'organiser un pays en vue de l'exploiter pleinement ?
Et c'est pour cette dernière raison que penche la bourgeoisie vietnamienne. Cette même bourgeoisie sait très bien qu'elle doit tomber sous la coupe réglée d'un impérialisme ; aussi préfère-t-elle à l'impérialisme français bien pauvre un impérialisme plus riche. En plus, du gâteau que représente l'exploitation des colonies, la bourgeoisie indigène entend avoir une part de plus en plus grande. Du rôle d'intermédiaire de mandarin opiomane et corruptible, la bourgeoisie indigène veut accéder aux postes de commandement.
En conclusion, sous des drapeaux patriotiques de part et d'autre, la bourgeoisie cherche à s'assurer des avantages économiques.
* * *
Et la classe ouvrière ? Parce que jusqu'à présent nous n'avons parlé que des intérêts de la classe bourgeoise.
Dans ces affaires coloniales ou de "libération nationale", le prolétariat fait la masse, la chair à canon, les troupes qui se sont levées "spontanément" à l'appel de la patrie. En d'autres termes, il est le dindon de la farce. Et il continuera de l'être tant qu'il ne se rendra pas compte que ses intérêts sont divergeant de ceux de sa bourgeoisie, que ce soit dans la métropole ou dans les colonies.
Que les soldats français refusent de partir en Indochine, que les ouvriers vietnamiens refusent de se faire racoler par le gouvernement Ho-Chi-Minh et alors le prolétariat manifestera sa solidarité internationale et le premier pas dans sa lutte contre la guerre, pour la révolution.
Mousso
Il y a quelques mois, nous nous sommes efforcés de répondre à la question de la tâche qui incombe aux révolutionnaires dans le moment présent[1]. En marxistes, nous avons donné la réponse en partant de l'analyse de la situation objective qui, à notre avis, loin d'évoluer vers un changement de rapport de forces de classes favorable au prolétariat, est caractérisée essentiellement par l'absence de toute réaction du prolétariat tendant à donner ses solutions propres à la crise de la société capitaliste. L'absence du prolétariat, en tant que force politique indépendante dans la société, permet au capitalisme non seulement de se survivre mais de se survivre de la seule façon possible dans sa phase décadente, dans la guerre permanente.
La guerre de 1939-45 - qui ne fut elle-même que la continuation de la guerre impérialiste de 1914-18, laquelle fut interrompue par l'éclosion du mouvement révolutionnaire du prolétariat - s'est soldée d'une part par la liquidation d'un certain nombre des impérialistes antagonistes (Allemagne, Japon) et d'autre part par un écrasement décisif de toute velléité du prolétariat à reprendre le chemin de la conscience et de l'action de classe révolutionnaire (Italie 1943 – Allemagne 1945).
Tout le monde connaît fort bien le premier résultat de la guerre 1939-45 (écrasement de l'Allemagne et du Japon), mais peu nombreux sont les gens qui s'arrêtent sur le deuxième résultat : la victoire remportée par le capitalisme mondial sur le prolétariat. Cette victoire s'exprime par l'embrigadement du prolétariat, dans sa grande majorité, dans la guerre "antifasciste" jusqu'au bout ; par l'écrasement physique et le fourvoiement idéologiques des premières manifestations contenant d'évolution de la guerre impérialiste en un cours de convulsions sociales révolutionnaires (Italie 1943) ; par la destruction du centre industriel qu'était l'Allemagne et la dispersion de ce prolétariat hautement concentré et politiquement le plus évolué à travers l'Europe. La déportation en masse du prolétariat allemand, transformé en prisonnier-esclave moderne, repose davantage sur des considérations politiques de classe que sur des intérêts économiques et actes de brigandages impérialistes des pays vainqueurs. Le capitalisme mondial se rappelait trop bien ce que peut devenir une armée "vaincue" composée de prolétaires en uniformes, prenant conscience de la monstruosité sanglante de la guerre et du régime social qui l'engendre. Il se souvenait trop bien ce qu'est advenu de cette armée, réalisant le tour de force de repasser le Rhin, dans le court délai qui lui était fixé, avec cette discipline "allemande" qu'il ne cessait d'admirer, et comment cette même armée, une fois le Rhin franchi et se trouvant dans son pays, s'est déchaînée, hissant le drapeau de la révolte, renversant les autorités et la discipline et donnant le signal de départ de la future révolution de Spartacus et du prolétariat. On ne trouve pas toujours les chiens sanglants à la Noske au moment propice ; et l'Allemagne de 1945 n'avait pas immédiatement des Scheidemann, des Ebert, des Noske, un parti social-démocrate pour conjurer la menace révolutionnaire. Aussi, fort de l'expérience passée, les pays vainqueurs devaient accorder toute leur attention au "mauvais moral" de l'armée allemande de fin 1944 et être encore plus attentif aux manifestations de révolte du Polkstarm éclatant un peu partout dans les centres industriels au début de 1945.
Cette fois-ci le capitalisme n'a pas cru possible de renouveler la manœuvre de 1918. Alors qu'en 1918, devant la menace de la révolution, il concluait hâtivement un armistice et mettait fin aux hostilités afin de permettre et d'aider le capitalisme allemand de conjurer la menace prolétarienne, en 1945 il repousse l'offre de l'amiral Dönitz d'engager des pourparlers en vue d'un armistice et accentue les bombardements meurtriers avec une sauvagerie inouïe sur tous les centres industriels de l'Allemagne. Seule la terreur la plus grande, la destruction la plus systématique des villes transformées en ruines, le désarmement et la dispersion de millions d'ouvriers allemands retenus hors d'Allemagne dans des camps de prisonniers offraient au capitalisme mondial une garantie contre une menace révolutionnaire possible.
En d'autres termes, la différence entre 1918 et 1945 consiste qu'en 1918 le capitalisme met fin à sa guerre pour faire face au prolétariat, tandis qu'en 1945, devant les premiers indices bien que très faibles d’une éventuelle menace de classe, le capitalisme accentue ses opérations de guerre, transformant celle-ci en guerre de destruction contre le prolétariat. Il faut ajouter que cette manœuvre du capitalisme fut grandement facilitée par l'adhésion du prolétariat du bloc "démocratique" à l'idéologie de "l'antifascisme" et au mythe mensonger de 'l'État ouvrier" soviétique.
Quant aux groupes révolutionnaires, ils n'ont joué aucun rôle, n'exerçant aucune influence réelle, même petite, dans la masse, soit à cause de leur extrême faiblesse numérique et de leur incapacité organisatrice, soit qu'ils étaient gangrenés par des idées confuses ou nettement anti-prolétariennes, comme ce fut le cas de la tendance Vercesi et de la fraction belge au sein de la Gauche Communiste.
On peut invoquer bien des raisons en partie valables pour disculper les éléments et les groupes révolutionnaires et pour expliquer la médiocrité et l'insuffisance de leur action, il n'en reste pas moins que la faillite pendant la guerre est une amère et indiscutable réalité.
Mais quelles que soient les conditions et les facteurs qui ont facilité et favorisé la politique de classe du capitalisme, que le prolétariat ait ou non compris la portée tragique des événements de la fin de la guerre, qu'il n'ait pas réalisé sa solidarité internationale et qu'il n'ait pas livré sa bataille de classe, la défaite de classe du prolétariat contenue dans la fin de la guerre demeure complète. Le prolétariat n'a pas pris conscience de cette défaite, cela ne diminue en rien sa portée ; au contraire, cela la rend d'autant plus grave. Elle est doublement décisive car elle est à la fois préventive et inconsciemment subie.
Dans les milieux révolutionnaires, on a violemment critiqué ce qu'on appelait notre scepticisme, notre soi-disant esprit "défaitiste" quand nous avons, dans le milieu de 1945, osé poser la question : "1918 ou 1933 ?" Qu’entendions-nous exactement par cette formulation ? Que nous ne nous trouvions pas devant un cours montant, avec des perspectives d'éclosion de mouvements révolutionnaires, comme c'était le fait en 1918, mais que nous sommes déjà après une défaite consommée. Les événements de 1923 en Allemagne furent méconnus et longtemps niés dans leur signification de défaite. Il fallait de longues années pour qu'on puisse saisir toute l'étendue et la portée historique de cette défaite qui a grandement conditionné l'évolution ultérieure du mouvement ouvrier : la dégénérescence de la Russie, la défaite de la Gauche dans l'Internationale Communiste et le renforcement du capitalisme dans le monde.
Aujourd'hui -au risque d'être une fois de plus taxés de pessimistes et de sceptiques par ceux qui prétendaient que c'est justement avec la fin de la guerre que s'ouvrait la perspective rayonnante de grands mouvements de combat de classe, se consolant facilement en prenant leurs désirs pour la réalité- nous pouvons constater que les événements, depuis 1945, malheureusement n'ont que trop confirmé notre analyse. Nous disons trop parce qu'aujourd'hui ce ne sont même pas les années 1923 et suivantes que nous vivons mais plus justement les années 1933-39, les années de marche accélérée vers la guerre impérialiste généralisée.
C'est en pesant chaque mot et non par goût de la phraséologie journalistique que nous disons que le mouvement ouvrier n'a encore jamais vécu des heures aussi sombres que celles que nous traversons. Il serait peut-être plus exact encore de dire qu'il n'existe pas de mouvement ouvrier présentement. Les partis socialistes et staliniens ont depuis longtemps cessé de représenter une tendance du mouvement ouvrier pour n'être que des formations politiques de la bourgeoisie. Le mouvement syndical ne représente pas davantage une organisation unitaire de défense des intérêts économiques immédiats du prolétariat. Les syndicats sont aujourd'hui complètement intégrés à l'État, ils sont un appendice de l'État avec la fonction de faire accepter, par la classe ouvrière, les mesures d'exploitation et d'aggravation de leurs conditions de misère. Les récents mouvements de grève ont mis en évidence que ce moyen classique de lutte des ouvriers a cessé d'être l'arme exclusive du prolétariat, a perdu sa nature absolue de classe et peut aussi servir de moyen de manœuvre d'une fraction politique capitaliste contre une autre, d'un bloc impérialiste contre un autre et finalement dans l'intérêt général du capitalisme.
Dans l'ensemble, la classe ouvrière - désorientée et totalement impuissante - sert actuellement de masse de manœuvre à différents partis et cliques politiques de la bourgeoisie.
Les petits groupes et groupuscules de révolutionnaires sont absolument sans liens physiques avec la classe et leur influence est nulle. N'est-il pas plus tragique que comique de voir ces groupes se prendre au sérieux quand ils parlent de leur action des masses et dans les masses, quand ils s'agitent et sont agités dans le vide et ne s'aperçoivent pas que toute cette agitation se passe et se fait en dehors des masses, en marge de la classe ?
Mais alors que reste-t-il à faire aux militants révolutionnaires ? N'ont-ils, en tant que révolutionnaires, aucune tâche à faire, ni aucune possibilité de s'en acquitter ?
Avant de répondre à ces questions et pour pouvoir répondre d'une façon concrète positive, il est indispensable de reconnaître préalablement la réalité objective du moment présent, reconnaître sans réserve l'inexistence effective, dans l'immédiat, du mouvement ouvrier et de renoncer catégoriquement à la pratique du bluff, à la prétention de vouloir jouer immédiatement et à tout prix un "rôle" de guide et dirigeant, et s'obnubiler de son importance.
Les conditions et les facteurs qui ont déterminé la plus profonde défaite du prolétariat et la nuit historique de la période présente dans laquelle a sombré le mouvement ouvrier révolutionnaire ne sont aucunement épuisés. Ils continuent encore à agir et à dominer le cours présent. Rien ne laisse malheureusement escompter une modification du cours avant la généralisation de la prochaine guerre impérialiste. Peut-être même que la catastrophe humaine que sera la prochaine guerre mondiale est-elle nécessaire pour déterminer le renversement du cours et conditionner la réapparition du prolétariat et la reprise de sa mission et de sa lutte révolutionnaire.
Dans la période présente les révolutionnaires ne peuvent prétendre exercer une influence directe et efficace sur les événements. Ils ne peuvent que représenter des îlots, des hommes allant consciemment et volontairement contre le courant, se trouvant non pas volontairement mais forcément isolés des grandes masses du prolétariat. Leur tâche dans le présent n'est pas celle de l'agitation mais celle de la propagande des idées, nécessairement limitée à des couches restreintes. Leur principal effort doit porter sur le réexamen critique des notions et des conceptions qui ont servi de fondements du programme de la révolution et de l'Internationale Communiste, à la lumière de l'expérience des trente dernières années, riches en actions révolutionnaires et défaites profondes.
C'est dans le plein accomplissement de ce travail que les groupes révolutionnaires s'acquitteront réellement de la tâche qui est la leur et contribueront efficacement à l'élaboration du programme qui permettra demain au prolétariat, à la reprise de ses luttes, de s'en servir comme l'arme décisive pour le triomphe de la révolution et l'édification de la société socialiste. Le programme n'est pas un composé de dogmes qu'une fois donnés il ne reste qu'à vulgariser et à propager. C'est une œuvre constante nécessitant son continuel développement (et dépassement) sur la base de l'expérience vivante de la lutte de classe. La prise de conscience, le travail sur la matière, donnée par l'expérience, en vue de l'enrichissement du programme restent les raisons fondamentales de l'organisation de l'avant-garde ; et c'est dans ce sens et sur cette base uniquement qu'on doit concevoir la formation des cadres.
* * *
Notre premier article déjà mentionné, sur la tâche de l'heure, a suscité des commentaires très divers. La plupart ont exprimé leur accord sur le fond de l'analyse, la façon dont nous avons posé le problème. Cependant, certains manifestaient la crainte de nous voir idéaliser l'isolement et que, sous prétexte de l'étude historique, nous préconisions, pour les autres groupes, de s'orienter vers une secte de doctrinaires où nous nous acheminerions nous-mêmes.
On ne peut nier qu'un tel danger menace en réalité les groupes révolutionnaires qui, répugnant au bluff de l'activisme dans le vide, ne finissent par faire d'une nécessité vertu.
Pour l'instant l'isolement des groupes révolutionnaires n'est pas le fait d'une volonté mais leur est imposé par les circonstances extérieures. Dans l'immédiat, le danger est exclusivement dans l'impatience, dans l'incapacité d'attendre et rester soi-même, dans le besoin de s'agiter pour faire croire à soi et aux autres qu'on agit. Ce besoin de ne pas rester en dehors, de ne pas assister passivement au déroulement des événements a toujours été le point de départ de l'opportunisme, des programmes transitoires, de l'action "réaliste", d'en attendant, d'éviter le pire, du moindre mal, des fronts-uniques, de la politique de présence, de toutes sortes de coalitions et alliances.
L'envers de la médaille - en apparence à l'opposé extrême de l'opportunisme mais en réalité tirant son origine de la même impatience et du même besoin de l'action directe -est l'action individuelle désespérée et, sur une échelle organisée, l'aventurisme qui, en atteignant les proportions de putsch, fait un mal incalculable au développement réel du mouvement révolutionnaire. C'est de ce danger- dont le trotskisme nous offre l'échantillon le plus remarquable de l'opportunisme politique, étroitement lié à la pratique aventuriste - que doivent se garder avant tout les groupes vraiment révolutionnaires et contre quoi ils doivent mettre en garde les militants ouvriers.
Contre le second écueil de transformation en secte, les révolutionnaires, tout en ne fermant pas les yeux sur la réalité, savent qu'il n'y aura pas finalement d'autre remède que la modification du cours, la réapparition du prolétariat se manifestant par des luttes de classe vivantes et non imaginaires. Dans le présent, les révolutionnaires ne peuvent échapper à cette sclérose sectaire qu'en tendant au maintien et au développement de liaison entre les groupes révolutionnaires de tous les pays, en entretenant les discussions les plus larges et les plus publiques, en bannissant l'esprit du Tabou dogmatique, afin que l'esprit de critique vienne continuellement balayer la poussière accumulée et vivifier la pensée. Il n'y a pas d'autre voie de salut et il ne saurait exister de garantie absolue à priori.
* * *
Prenons par exemple le cas du groupe RKD et sa nouvelle métamorphose en le journal le "Prolétaire". Voilà un groupe qui a toujours mis en avant l'activisme à tout prix. Dans le dernier numéro de son journal il dit qu'entre l'organisation du parti et les petits groupes il n'y a qu'une différence de degré, une différence uniquement quantitative. Ce groupe n'a pas encore compris pourquoi, malgré toutes ses déclarations, en y ajoutant celles des trotskistes, le grand parti révolutionnaire ne s'est pas encore constitué. Et le RKD ne l'a pas encore compris parce que se poser simplement la question lui donne d'abord un mal de tête fou et il a horreur des maux de tête. Il est bien plus facile de grappiller quelques idées, souvent mal digérées, à droite et à gauche, les lancer à grand renfort de phrases creuses, dans le vide, en se donnant l'illusion d'agiter les masses. Son histoire est vraiment l'exemple typique de l'inconsistance politique enveloppée dans un activisme. Jusqu'en 1935 ils font partie du parti stalinien ; de 1935 à 1939 au trotskisme ; de 1939 à 1942 à la tendance Cheleriste du trotskisme et sont pour la défense de l'URSS et éditent une plateforme qui n'est, dans sa majeure partie, qu'une compilation de citations de Ciliga et surtout de Lénine. Ce sont des léninistes à tout crin, dans tout le mauvais sens du terme, dans le sens qu'il a pris après la mort de Lénine. Lénine est, pour eux, le génie de la Manœuvre, de l'intrigue, de la pratique du noyautage. Sur le plan politique, il va de soi qu'ils se réclament des 4 premiers congrès de l'IC, du front unique politique, du parlementarisme, du syndicalisme, de la politique nationale et coloniale, des mot-d’ordres démocratiques, de la notion de l'organisation des révolutionnaires professionnels ultra-centralisée et policée. Sur cette base programmatique, ils construisent, au début de 1945, avec un groupe qui venait de quitter le trotskisme, l'Organisation Communiste Révolutionnaire de France et entretiennent un bluff éhonté sur l'existence de groupes semblables s'y rattachant en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et ont l'audace de s'annexer le groupe de Bolcheviks militants dont ils ont appris l'existence dans les prisons russes... en 1931-32 par le livre de Ciliga.
Voilà un groupe qui critiquait notre intransigeance de principes - qui lui paraissait être du sectarisme - et notre manquement (...) en général du "bordiguisme" à l'orthodoxie "léniniste", en nous jetant l'accusation d'ultra-gauchisme.
Le voilà ce groupe qui est aujourd'hui métamorphosé, ayant abandonné en route, comme par enchantement, sa phraséologie "léniniste orthodoxe" pour devenir des anti-bolcheviks, des anti-marxistes prônant on ne sait quelle synthèse entre le marxisme et l'anarchisme. Il serait trop long d'entrer dans tous les détails de ces changements, arrêtons-nous donc là et posons-nous la question : le travail de ce groupe présente-t-il tant soit peu un apport, un intérêt ou au moins une volonté de contribuer à la clarification des problèmes posés devant le prolétariat ? Évidemment non. D'autre part, ce groupe accuse-t-il une évolution ? Si on entend par là le changement apparent des positons et surtout de la phraséologie, incontestablement oui. Mais cette évolution ne va pas au-delà. La méthode d'élaboration reste la même qu'avant ; le contenu politique est toujours aussi instable qu'inconsistant. Le RKD a changé de peau et de phrases mais dans sa nature il est resté identique à lui-même. Hier il a pris pour support de son besoin d'activisme le "léninisme orthodoxe" ; aujourd'hui, fatigué de répéter les mêmes phrases, il prend comme support l'anti-marxisme ou le "communisme libertaire".
Peu importe après tout le support, ce qu'il cherche avant tout c'est de pouvoir donner libre cours au besoin de s'agiter, de se dépenser, de faire de l'activisme, le support ne lui servant que de terrain d'envol.
Un tel activisme ne représente pas une manifestation de vie du prolétariat mais une maladie, une éruption d'eczéma sur l'organisme de la classe qui est d'autant plus pernicieuse qu'elle se développe sur un organisme débile, au moment où l'organisme de classe présente une moindre résistance à l'envahissement parasitaire.
Marcou
(à suivre)
[1] Voir article : "La tâche de l'heure : construction du parti ou formation des cadres ?", paru dans Internationalisme n° 12 -août 1946.
Le 9/01/1947
Cher Camarade,
Ayant lu votre réponse au camarade Rochon, nous avons été assez intéressés par la critique, bien qu’hâtive, que vous donnez des 4 points critères que nous proposons pour une discussion constructive.
Tout d'abord il semble que notre premier point ait été déformé. Nous n'avons pas employé le terme de défaitisme révolutionnaire qui est, à votre avis et au nôtre, assez ambigu, au point de permettre aux trotskistes, défenseurs de l'URSS, de se dénommer défaitistes révolutionnaires.
Nous avons, au contraire, repris les termes de Lénine car nous y dénotions un plus grand sens de classe ; et nous disions "lutte contre la guerre impérialiste actuelle et transformation de la guerre impérialiste en guerre civile."
Nous ajoutions que, dans l'état présent de nos forces, ce mot-d'ordre n'avait pas un sens d'agitation directe dans les masses en raison de notre manque d'influence ; mais il indiquait une norme de pensée et d'idéologie qui peut être constructive.
Il s'agissait, dans ce premier point, non de nous délimiter d'un courant politique quelconque, bourgeois ou prolétarien, mais de montrer quel fossé existait entre un mode de pensée bourgeois qu'est la guerre ou le pacifisme bêlant et humanitaire d'avec un mode de pensée révolutionnaire, repoussant non seulement la guerre mais posant aussi la nécessité de la seule solution prolétarienne : guerre civile prolétariat contre capitalisme.
C'était un retour vers la notion de classe et de lutte de classe violente qui aujourd'hui est absent de l'arène politique en rapport avec toutes ces idéologies hybrides de nationalisations et d'étatisations.
Encore une fois nous précisons : il y a dans l'histoire de la classe ouvrière des faits historiques indéniables. La guerre civile, qui en 1917 mit fin à la guerre impérialiste en Russie et en Allemagne un an après, exprimait un caractère net de classe contre classe et c'est ce caractère que, aujourd'hui, nous devons exprimer et imposer pour ne pas nous perdre dans les vues humanitaires d'un MacDonald ou technobureaucratiques d'un Burnham.
Et ceci, sans rejeter à priori ces nouvelles esquisses de l'histoire des sociétés mais après étude et discussion.
Pour le deuxième point, le rejet des idéologies fascistes et anti-fascistes, vous semblez partager notre point de vue, qui n'est pas nouveau, puisque le fascisme date depuis la fin de la première guerre mondiale. Nous reprenons en effet la thèse du Parti Communiste italien et plus particulièrement de sa fraction de gauche.
Les mouvements de résistance, de libération nationale, ont trouvé mêlés, pour des raisons diverses, tous les groupes bourgeois, du PRC au PC ainsi que ceux dits "d'avant-garde", tels les trotskistes et les anarchistes.
Avec l'expérience d'Espagne, où tous ces groupes avaient cherché (...) une politique de présence, même comme laquais de la bourgeoisie, il n'était pas douteux de les voir réaffirmer la même politique qu'entre 1940 et 1945.
Et sans l'étiquette des anti-fascistes de gauche, ces groupes dits d'avant-garde ont trempé dans la guerre impérialiste et n'ont trouvé aucun écho dans la classe, non du fait de la situation de reflux mais en raison de leur vulgaire copie de la politique et de la tactique des grands partis dits ouvriers.
La (...) française, fille adultérine de la CGT n'a même plus la (...) et la spontanéité de la CGTSR d'avant-guerre. Et avec tous les chiens hurlants du capitalisme, des PRC aux anarchistes, la même rengaine pour camoufler les échecs : "Le fascisme n'est pas mort" et "tous les autres partis sont fascistes sauf le nôtre." Quelle belle aubaine pour la bourgeoisie dans cette course au meilleur anti-fasciste de gauche !
Il était donc indispensable de ne pas faire l'autruche. Il ne s'agissait pas de condamner la participation au mouvement de libération seulement mais toute l'idéologie qui, de la guerre d'Espagne à la guerre impérialiste mondiale, représentait la trame réelle de l'enchaînement du prolétariat à sa bourgeoisie.
Le troisième point, la reconnaissance de la nature capitaliste de l'État, c'était pour nous un besoin un besoin de garantir la méthode (...).
Condamner l'État russe ne suffit pas car faut-il en reconnaître la nature, voir s'il ne s'encastre pas dans l'évolution en (...) du capitalisme, ou bien s'il ne sort hors du cadre de l'ancienne société bourgeoise pour représenter, non le socialisme mais une société intermédiaire ayant son temps historique, ses lois de développement et ses caractéristiques.
On rétorquera que notre troisième critère élimine cette possibilité d'étude et de discussion. L'avant-garde n'est pas une école pour élèves retardataires ; nous ne pouvons pas, à chaque instant, remettre en question des points déjà discutés. Et ceci sans que nos documents, que nous avons le plus propagés, soient discutés par ceux-là même qui nous reprochent nos quatre points critères.
Il est aujourd'hui une maladie dans l'avant-garde : considérer que l'époque actuelle n'est plus en rapport direct avec la période de 1914-18. À l'encontre de la méthode scientifique, on énonce une "vérité" et on cherche ensuite les éléments permettant d'asseoir cette "vérité". Comme dans le flot de facteurs il y en a qui sont gênants pour la "vérité" énoncée, on prend une attitude de "grand philosophe" et on décrète, apriori, que ces facteurs ne sont pas intéressants. C'est une tendance très journalistique de traiter les problèmes.
Pour nous, la tendance du capitalisme à se concentrer, à s'amalgamer à l'État n'est pas propre à la période qui va de 1920 à 1946. Cette tendance ne ressort pas d'une nouvelle expression des lois économiques mais de la nécessité de parer et de contourner les lois inflexibles du capitalisme.
La concurrence, qui était un élément progressif à la naissance du capitalisme, devient un élément gênant avec le rétrécissement du marché. La bourgeoisie aura donc tendance à réduire cette concurrence par une concentration des industries. La diminution relative de la concurrence n'a fait, d'une part, que cacher le vrai problème qui demeure l'élargissement du marché d'écoulement et, d'autre part, a transporté la concurrence du marché intérieur de chaque pays au marché international, de nation à nation. À ce moment, se fait donc sentir de plus en plus la nécessité de l'intervention de l'État dans le domaine économique. Les protections douanières, les subventions, les crédits aux capitalistes sont des expressions de cette intervention.
Mais le problème sur le marché international est autre. La petitesse du marché pose surtout la nécessité d'un resserrement du prix de revient. Ce prix de revient est conditionné :
a. par un outillage toujours plus perfectionné, diminuant les pertes de temps par une organisation plus concentrée et plus centralisée ;
b. par une compression toujours plus grande du pouvoir d'achat des masses. Cette compression ne peut se faire uniquement par une réduction des salaires ; il faut aussi des moyens indirects tels les impôts, taxes, emprunts, dévaluations.
Seul l'État est capable de remplir ces deux conditions.
Un autre aspect de cette tendance à la concentration de l'économie dans les mains de l'État est donné par le fait que seuls les pays pauvres, mal outillés, désorganisés ou retardataires ont besoin d'un capitalisme d'État pour soutenir, même faiblement, la concurrence internationale sous peine de disparaître. Ainsi devons-nous regarder la Russie, la Tchécoslovaquie, l'Italie de Mussolini, la France etc...
Les pays dont le développement se heurtent aux frontières nationales sans possibilités d'extension doivent aussi faire appel à l'État capitaliste pour lier l'intérêt capitaliste avec l'intérêt de la nation. Et plus la nécessité devient grande, plus le capitalisme s'intègre. L'Allemagne en était un vivant exemple.
Lier la notion de profit et de réalisation des profits à des individualités pour définir le capitalisme, c'est mettre la charrue avant les bœufs.
L'exploitation ne provient pas de la possession des moyens de production mais de l'achat de la force de travail des ouvriers et de la possession des produits fabriqués. Que ce soit le capitaliste individuel ou le capitaliste-État qui s'approprie les produits fabriqués, ceci ne change rien au phénomène. Même la répartition de l'appropriation de la plus-value n'intervient en rien dans le processus économique du capitalisme.
Ce qui intervient inflexiblement dans le processus capitaliste c'est l'échange en une de la réalisation, non du capital constant ni du capital variable (qui se retrouvent), mais de la plus-value non consommée par les capitalistes. Et c'est ce qui fait que les forces économiques qui furent développées par le capitalisme, si elles garantissaient la société des accidents et fléaux naturels, devenaient à leur tour des facteurs étrangers indépendants et primordiaux par rapport à ceux qui croyaient s'en servir, en l'occurrence les capitalistes individuels ou étatiques. Les fluctuations de la monnaie est l'exemple le plus directement visible de cette loi.
Et en revenant particulièrement sur la Russie actuelle, ce pays présente toutes les caractéristiques décrites plus haut sans apporter d'importants éléments économiques nouveaux. Voir une différence fondamentale entre l'enfant, l'adulte et le vieillard est un non-sens scientifique. On ne donnerait aucun crédit à cette idée.
Mais transportons cette ineptie dans le domaine économique et là l'imagination économico-littéraire d'un Burnham trouve écho parmi les chercheurs d'idée nouvelles mais non originales.
* * *
Notre quatrième point posait la reconnaissance du caractère prolétarien de la révolution d'Octobre, non seulement en fonction des vastes mouvements de classe mais surtout en fonction du bolchevisme. Nous savons qu'il est très facile de dire aujourd'hui, après 30 ans, que le parti bolchevik n'a jamais été révolutionnaire, qu'il exprimait un capitalisme d'État et qu'il a été le fossoyeur de la révolution spontanée des masses russes.
Cette façon de voir les choses et surtout les événements historiques rejoint de bien près le mode bourgeois de pensée. Il faut un coupable avec acte prémédité.
Poser à l'ordre du jour la nécessité de faire le procès du parti bolchevik est la preuve d'un infantilisme politique. C'est vouloir considérer une révolution comme absolue, dans un cadre selon ses désirs, avec des forces ennemies battues d'avance. C'est vouloir rendre responsable le parti bolchevik de n'avoir pas résolu à l'avance tous les problèmes post-révolutionnaires.
Car, si des fautes ont été commises, c'est moins grave par manque de démocratie et d'organisation que par impréparation idéologique du programme de classe. Si le parti bolchevik contenait, à sa naissance, les germes du stalinisme, il contenait aussi les germes les plus poussés du programme révolutionnaire.
Nier cela et vouloir donner aujourd'hui un verdict de culpabilité au parti bolchevik, ceci est du ressort des puristes et non de l'avant-garde qui se doit plutôt de relever les éléments les plus poussés du programme bolchevik et d'éliminer, au travers de l'expérience de ces 30 années, les éléments qui ont contribué à sa dégénérescence.
Ce n'est pas dans le cadre de cette lettre que nous pourrions montrer :
Mais si vous jugez utile la nouvelle discussion de ces points ou d'autres ayant trait à la révolution de 1917, il faudrait élargir le débat et poser, et non critiquer seulement, les fondements du mouvement de la révolution et de l'État après la révolution.
* * *
Pourquoi ces critères, direz-vous, quand la discussion serait plus aisée, plus féconde sans critère ?
Il ne s'agit pas pour nous de limiter les débats ; mais, malheureusement, tout débat tourne toujours autour d'une question de méthode et plutôt que de poser des points en l'air, nous nous inspirons de la méthode marxiste et nous recherchons quel est le programme minimum de classe à partir duquel toute discussion est possible.
Reculer les frontières de classe ne donne aucune garantie de résultat concluant mais nous conduit directement vers l'utopie, sœur jumelle de l'opportunisme.
Nous avons créé à Paris un cercle d'étude aussi large que possible pour ne pas gêner la discussion. Mais immanquablement parce que les événements et les phénomènes ne se laissent pas mettre en boite, le problème a tourné et tourne autour de la méthode marxiste et de la méthode anarchiste c'est-à-dire du manque total de méthode caché derrière des énumérations bibliographiques et des phrases creuses.
L'expérience continue mais clairement maintenant ; et, s'il faut rediscuter tout le marxisme, on le fera ; mais on réclame l'honnêteté de la critique et savoir aller jusqu'au bout des conséquences, c'est-à-dire demeurer ou abandonner entièrement le marxisme, car il n'y a pas de mi-chemin. Le marxisme n'est pas un catalogue de classification où il y a du bon et du mauvais, mais une méthode d'analyse et d'interprétation.
* * *
Nous espérons que la discussion internationale se portera sur la valeur de nos 4 points critères ; et ensuite, une fois le terrain déblayé, les problèmes urgents de classe pourront être élaborés et discutés dans toute l'avant-garde.
Fraternellement, pour la GCF
SADI
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/histoire-du-mouvement-ouvrier/revolution-russe
[2] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/gauche-communiste-france
[3] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/revolution-proletarienne
[4] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/leonblum
[5] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/thorez
[6] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/churchill
[7] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/mystification-parlementaire
[8] https://fr.internationalism.org/tag/5/119/asie
[9] https://fr.internationalism.org/tag/5/521/vietnam
[10] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/bidault
[11] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/blum
[12] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/acheson
[13] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/ho-chi-minh
[14] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/imperialisme
[15] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/question-coloniale
[16] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/ebert
[17] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/noske
[18] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/donitz
[19] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/vercesi
[20] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/ciliga
[21] https://fr.internationalism.org/tag/approfondir/fraction-francaise-gauche-communiste-1945-50
[22] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/parti-et-fraction
[23] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/lorganisation-revolutionnaire
[24] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/mattick
[25] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/rochon
[26] https://fr.internationalism.org/tag/30/528/lenine
[27] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/macdonald
[28] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/mussolini
[29] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/capitalisme-detat
[30] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/lutte-proletarienne