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ICConline - février 2023

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Le groupe trotskiste “Lutte ouvrière” dans le rôle de sergent recruteur de la guerre impérialiste

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Emporté dans une dérive opportuniste qui l’avait conduit jusqu’à demander aux militants de son courant d’adhérer aux partis sociaux-démocrates, ceux-là mêmes qui avaient en Allemagne commandité l’assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, Léon Trotsky défendit durant les années 1930 et jusqu’à sa mort la position selon laquelle l’URSS de Staline n’était pas un pays impérialiste. Les épigones de Trotsky n’ont fait qu’exploiter, au bénéfice de la bourgeoisie, ce raisonnement erroné du vieux révolutionnaire pour enfoncer encore plus la classe ouvrière dans la contre-révolution. En reprenant les erreurs de leur maître et en les poussant jusqu’à leur caricature, les organisations trotskistes n’ont pas mis longtemps pour occuper franchement leur place sur l’échiquier politique bourgeois, aux côtés de tous ceux qui d’une façon ou d’une autre œuvrent afin que se perpétue ce système d’exploitation.

Le groupe français Lutte ouvrière se distingue au sein de la famille trotskiste par sa fidélité sans borne à ce dogme. Pour lui ce n’est pas seulement l’URSS de Staline qui n’est pas impérialiste, mais aussi celle de Khrouchtchev et celle de Brejnev. Et, forme suprême de cette fidélité à toute épreuve, la Russie de Poutine tout autant. Dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, cette position conduit en toute logique Lutte ouvrière à ne dénoncer qu’un seul des deux camps impérialistes, celui de l’Ukraine et de ses alliés européens et américains. Cela signifie qu’elle soutient l’autre camp impérialiste, celui de la Russie. C’est donc le chauvinisme et la défense de la patrie que défend LO en bonne organisation appartenant au camp de la bourgeoisie et non pas l’internationalisme prolétarien !

Aucun pays ne peut se soustraire à l’impérialisme

C’est ce que nous avons pu constater encore une fois lors du meeting de Lutte ouvrière (LO) à Nantes, le 17 novembre dernier. L’exposé a répété que la Russie était faible économiquement, qu’elle avait un budget militaire bien plus faible que les États-Unis ou même la France, ce qui était présenté comme un argument solide. C’est vrai que la Russie est très faible économiquement. Cependant, même si elle n’a pas les mêmes moyens que les États-Unis ou la France, elle a malgré tout un budget militaire proportionnellement très important. Elle était en 2021 le deuxième exportateur d’armes (19 % des armes vendues) derrière les États-Unis (39 %) et devant la France (11 %). La Russie est donc un pays impérialiste comme l’était déjà l’URSS. Il suffit de se souvenir des accords de Yalta en 1945 où les trois grands impérialistes vainqueurs, Churchill, Roosevelt et Staline, se sont partagés le monde. Ou encore lorsque l’URSS envahit l’Afghanistan en 1979 pour trouver un débouché vers les mers chaudes. Poutine a emporté avec lui l’héritage impérialiste du Tsar, de Staline et s’est empressé de lancer plusieurs guerres impérialistes pour protéger son territoire ou de bombarder les civils en Syrie, profitant des difficultés de l’impérialisme américain pour s’implanter au Moyen-Orient.

Notre intervention, lors du meeting de LO, avait pour but principal de rappeler la position de principe internationaliste et de dénoncer la position bourgeoise de LO en reprenant les grandes lignes de ce que nous venons d’exposer. La réponse apportée a été bien mince. Au milieu d’un discours insipide ne ressortait qu’un seul argument : « Le CCI met tout sur le même plan. Que faites-vous de la guerre d’Algérie ? » La guerre d’Algérie (1954-1962) est justement un bon exemple. Elle confirme la position de Rosa Luxemburg sur la fin des luttes de libération nationale à l’époque de l’impérialisme. Arrivée trop tard sur un marché mondial déjà partagé, l’Algérie a été obligé de se vendre à l’un ou à l’autre des grands impérialistes, l’URSS ou les États-Unis, pour essayer de survivre sans jamais pouvoir créer une véritable industrie, (1) les prolétaires algériens étant obligés d’aller vendre leur force de travail dans l’ancien pays colonisateur. Broyée par le système impérialiste mondial, l’Algérie devint elle-même un pays impérialiste comme son voisin le Maroc avec lequel elle n’a cessé de s’affronter militairement pour défendre ses intérêts impérialistes pour des questions de frontières comme au Sahara occidental par exemple.

Loin de mettre toutes les guerres dans le « même sac », le CCI reprend la démarche du marxisme, celle de Lénine et de Luxemburg, qui consiste à replacer chaque guerre dans sa période historique, aujourd’hui celle de la décadence du capitalisme, où l’enjeu est devenu : Révolution communiste ou destruction de l’humanité !

Après la défaite de la vague révolutionnaire internationale et son expulsion d’URSS, Trotsky est resté aveugle devant la contre-révolution à l’œuvre en Russie malgré la terreur stalinienne et la surexploitation du prolétariat. Il s’est bercé d’illusion sur un effondrement possible de la clique stalinienne, cherchant toujours à s’allier avec ce qu’il croyait discerner comme une tendance de gauche au sein de celle-ci. Dans ce but, il caractérisa le régime « soviétique » non pas comme un système capitaliste d’État mais comme un « État ouvrier dégénéré » où subsisteraient certains acquis de la révolution d’Octobre, ce qui voulait dire qu’il fallait à tout prix défendre ce qui n’avait pourtant plus rien d’un bastion prolétarien contre toute agression des autres pays. Une position intenable ! Rongé par ces contradictions et par des crises à répétition, le trotskisme a fait faillite au moment du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Il passa alors irrémédiablement dans le camp de la bourgeoisie en soutenant le camp des alliés, c’est-à-dire celui qui prônait à la fois l’idéologie antifasciste, qui avait permis d’embrigader le prolétariat dans la nouvelle guerre impérialiste, et la défense de la patrie socialiste qui dissimulait en fait la réalité du retour de la bourgeoisie à la tête de l’État russe. Alors qu’en 1945 l’armée russe, comme toute armée d’une puissance impérialiste, envahissait l’Allemagne vaincue en tuant des civils, en pillant et en violant, la presse de l’ancêtre de LO saluait l’avancée de l’armée rouge qui, pour lui, rapprochait toujours plus le jour de la révolution prolétarienne mondiale. Ce passage dans le camp de la bourgeoisie est définitif et toutes les variantes du trotskisme ont abandonné le combat pour l’émancipation du prolétariat, l’internationalisme et n’ont cessé depuis de soutenir de manière ouverte ou plus sournoise un camp impérialiste contre un autre. (2)

Pour LO, la perspective du communisme est un continent inconnu

Avec un tel début, la suite de la réunion était prévisible. De nombreux jeunes étaient présents et visiblement certains d’entre eux étaient à la recherche de réponses pour toutes les questions engendrées par cette situation de crise et de guerre. Ils étaient déterminés dans la recherche d’un cadre politique cohérent et d’une perspective révolutionnaire. Leurs questions étaient naturellement très générales : « Qu’est-ce que le communisme ? Comment lutter pour sa victoire ? » Évidemment, à ces questions générales, LO s’est contenté de répondre de façon très générale et les participants durent s’en contenter. Rien sur la nécessité d’une révolution internationale et l’impossibilité du socialisme en un seul pays, rien sur l’insurrection et l’attitude à avoir face à l’État bourgeois, rien sur la dictature du prolétariat et le nouvel État post-révolutionnaire, rien sur la guerre civile révolutionnaire, rien sur les tâches du prolétariat durant la période de transition au communisme, rien sur les caractéristiques de la société communiste qui représente le but final du combat prolétarien ! (3)

À la question : « Qu’est-ce que le communisme ? », la réponse de LO était : « L’abolition de la propriété privée des moyens de production. » Les auditeurs repartiront avec l’idée que le prolétariat ayant pris le pouvoir n’aura qu’à nationaliser les entreprises, et c’est d’ailleurs sans nul doute la vision des militants de LO sur les tâches de la révolution. L’expérience russe a pourtant invalidé la position de Trotsky qui voyait la propriété nationalisée en URSS comme une preuve du caractère prolétarien de l’État. C’était là réduire le capital à une simple forme juridique au lieu de l’appréhender comme un rapport social.

À la question : « Est-ce que la nature humaine, bien souvent égoïste, n’empêche pas la réalisation de cet idéal ? », les participants ont eu pour toute réponse : « Les ouvriers étouffent dans le capitalisme et n’ont pas le droit de s’exprimer, de participer à la gestion de la société. Avec les conseils ouvriers et la démocratie ouvrière, tous pourront participer à la révolution et à la construction du communisme. » Rien sur le combat que doivent mener les prolétaires pour que les conseils ouvriers conservent le pouvoir et empêcher la fusion avec l’État de transition qui avait entraîné leur déclin en Russie dès 1918.

À la question : « Que peut-on faire de concret dès aujourd’hui ? », la réponse a été : « Il y a eu une grève à La Poste récemment. Certes nous n’avons pas pu créer un comité de grève mais nous avons pu constater et encourager la combativité des ouvriers. » Bien entendu, LO est incapable d’expliquer quels sont les besoins de la lutte revendicative, comment déjouer les pièges de la bourgeoisie et quelle est la fonction des syndicats.

Les flous et les silences ont été les plus significatifs face à la question : « Et si la bureaucratie confisque une fois de plus la révolution ? » Pour répondre à cette question, il est indispensable de tirer les leçons de la révolution et de la contre-révolution. C’est la première chose à dire aux jeunes qui veulent s’engager politiquement dans le camp du prolétariat. Ces leçons expliquent que la bureaucratie qui a envahi l’appareil d’État et le parti bolchevik, bureaucratie contrôlée par Staline et ses amis, n’était pas une tendance politique erronée, centriste au sein du camp prolétarien comme le pensait Trotsky, mais qu’elle était le fer de lance de la contre-révolution bourgeoise. Cette contre-révolution bourgeoise s’est progressivement imposée à la faveur de l’isolement de la révolution et de l’identification entre le parti et l’État. Trotsky ne voyait pas la contre-révolution, se bornant dramatiquement à dénoncer le risque d’un « Thermidor » engendré par tous ceux qui poussaient au retour de la propriété privée (les hommes de la NEP, les koulaks, la droite de Boukharine).

La fonction du trotskisme est de rabattre les ouvriers qui prennent conscience de leurs intérêts de classe vers l’idéologie de la bourgeoisie. Dans les luttes revendicatives, là où les ouvriers sont au contact des syndicats et commencent à prendre conscience de leur rôle de saboteurs, LO va tout faire pour les rabattre vers le syndicalisme de base. Lorsque les ouvriers commencent à se détourner des partis de gauche (qui appartiennent en fait à l’appareil politique de la bourgeoisie, tout comme « l’extrême-gauche ») et des élections, LO appelle au front unique avec la gauche « de gouvernement », participe aux élections et appelle à voter au second tour pour un candidat du parti socialiste (pour F. Mitterrand puis pour S. Royal).

Comme nous l’avons vu avec le meeting de LO, il faut inclure dans cette fonction du trotskisme l’encadrement des jeunes éléments qui cherchent à rejoindre le combat prolétarien en les décourageant ou en les embrigadant dans l’activisme et la confusion. À aucun moment LO n’a défendu réellement le programme de la révolution prolétarienne et du communisme. Rien de plus naturel puisqu’elle appartient au camp de ceux que Lénine appelait les social-chauvins, socialistes en parole, chauvins en fait.

Avrom & Romain

 

1 La décolonisation n’a pas empêché les pays centraux de maintenir leur domination sur les pays périphériques et de fermer la porte à un réel développement économique chez ceux-ci. Les seules exceptions sont quelques pays qui vivent de la rente pétrolière dans une situation précaire qui dépend du bon vouloir des pays les plus puissants, et la Chine qui a bénéficié d’abord du soutien américain et ensuite du choc de l’effondrement du bloc impérialiste russe, puis de la dissolution du bloc américain qui en a découlé, pour contrôler une plus grande part du marché mondial.

2 Par exemple lors de la guerre en Irak au début des années 1990. Voir notre article « Les trotskistes, pourvoyeurs de chair à canon », dans Révolution internationale n° 199, mars 1991.

3 On trouvera des réponses détaillées à toutes ces questions dans notre brochure : Le Communisme n’est pas un bel idéal.

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Intervention du CCI au Meeting de LO à Nantes

Nous ne sommes pas seuls à nous mobiliser... Il y a des luttes ouvrières dans de nombreux pays !

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De Grande-Bretagne à la France en passant par l’Espagne et les Pays-Bas, les luttes ouvrières se multiplient sous les effets de l’inflation, l’intensification de l’économie de guerre et les attaques frontales de la bourgeoisie sur les conditions de vie et de travail.

Quelle est la signification de ces luttes ? Quelles potentialités contiennent-elles ? Comment la bourgeoisie réplique-t-elle ? Comment la classe ouvrière peut-elle aller plus loin dans ces luttes ?

Venez discuter de toutes ces questions lors des réunions publiques organisées par le CCI dans les villes suivantes :

Lille : le 18 mars à partir de 15H00, bistrot « Les Sarrazins », 52 rue des Sarrazins (Métro « Wazemmes »). 

Lyon : le 25 mars à partir de 15H00, au CCO Jean Pierre Lachaize (salle 5),  39 rue G.Courteline, 69100 Villeurbanne.

Marseille : le 8 avril à partir de 15H00, Local Mille Babords, 61 rue Consolat, 13001 Marseille.

Nantes : le 8 avril à partir de 15H00, Salle de la Fraternité, 3 rue de l'Amiral Duchaffault, 44100 Nantes, (Station de tramway "Duchaffault", ligne 1). 

Paris : le 1er avril à partir de 15H00, au CICP, 21ter rue Voltaire, 75011 Paris, (Métro "Rue des boulets").  

Rennes : le 25 mars à partir de 14H30, Maison de quartier de Villejean, Salle Mandoline, 2 rue de Bourgogne, 35000 Rennes. 

Toulouse : le 25 mars à partir de 14H00, Espace François Laffont, 1 rue Léon Jouhaux, 31500 Toulouse, (Métro A station "Jolimont").

 

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [4]

Rubrique: 

Réunions publiques du CCI

Le désastre porte un nom: le capitalisme!

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Nous publions ici la déclaration de camarades en Turquie sur le tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie. Nous saluons la réponse rapide des camarades à ces terribles événements, dans lesquels le nombre officiel de morts a déjà dépassé les 21 000 et risque d’être beaucoup plus élevé, y compris ceux qui ont survécu au tremblement de terre initial mais qui doivent maintenant faire face à la faim, au froid et à la maladie. Comme le montre la déclaration, cette catastrophe « naturelle » a été rendue beaucoup plus meurtrière par les exigences impitoyables du profit et de la concurrence capitalistes, qui ont obligé les gens à vivre dans des logements totalement inadaptés et fragiles. Les effets particulièrement catastrophiques du récent tremblement de terre illustrent l’accentuation du mépris de la bourgeoisie pour la vie et la souffrance de la classe ouvrière et des opprimés aujourd’hui, dans la période où le mode de production capitaliste se décompose à tous égards. En particulier, le fait que cette catastrophe se déroule au milieu d’un théâtre de guerre impérialiste en aggrave considérablement l’impact. L’épicentre du séisme se trouvait à Maraş, dans la région majoritairement kurde longtemps théâtre du conflit entre l’État turc et les nationalistes kurdes. Dans le nord de la Syrie, un grand nombre de victimes sont des réfugiés qui ont tenté de se mettre à l’abri de la guerre meurtrière en Syrie, et qui vivaient déjà dans des conditions infernales, exacerbées par le bombardement délibéré des hôpitaux par le régime Assad dans des villes comme Alep. La confrontation permanente entre les factions capitalistes belligérantes dans la région constituera également un obstacle politique et matériel aux efforts de sauvetage déjà insuffisants.

Nous voulons toutefois signaler deux problèmes dans ce texte et dont les camarades ont convenu. Le premier est son titre : « Seule la solidarité de classe prolétarienne peut nous sauver ! ». Ce n’est pas en soit la solidarité prolétarienne qui permettra de mettre fin aux maux du capitalisme, mais le renversement de ce système. Il n’y a pas de « solutions » à la crise historique du capitalisme en son sein. Enfin, la phrase suivante n’est pas juste : « Déjà, dans le monde entier, des travailleurs et des équipes de recherche et de sauvetage expriment leur solidarité pour aider les survivants. Cette solidarité, qui est l’une des plus grandes armes du prolétariat, est une nécessité vitale ». En effet, à l’exception des tous premiers jours, les équipes de secours dépêchées sur place étaient constituées de professionnels, bien souvent envoyées par les États, ce qui n’a rien à voir avec la solidarité prolétarienne.

CCI


Le désastre porte un nom : le capitalisme ! Seul son renversement peut épargner de telles souffrances à l’humanité !

Il n’est pas encore possible de saisir exactement la mesure des effets destructeurs du tremblement de terre qui a eu lieu à Maraş (6 février 2023), et qui a également frappé les provinces voisines et la Syrie. Déjà, les médias affirment que plus de dix mille bâtiments ont été détruits, que des milliers de personnes sont mortes sous les décombres et que des dizaines de milliers de personnes ont été blessées. Les communications avec certaines villes sont coupées depuis deux jours. Des routes, des ponts, des aéroports ont été détruits. On rapporte qu’un incendie s’est déclaré dans le port d’Iskenderun. Les connexions d’électricité, d’eau et de gaz naturel sont coupées dans de nombreuses régions. Ceux qui ont survécu au séisme doivent maintenant lutter contre la faim et le froid dans des conditions hivernales difficiles. Des nouvelles très graves nous parviennent également des zones touchées par le séisme en Syrie, qui est sous l’occupation militaire de la Turquie.

Deux importants tremblements de terre consécutifs sont certes inhabituels. Cependant, contrairement à ce que prétendent la classe dirigeante et ses partis, cela ne signifie pas que les destructions causées par les séismes sont normales. Les appels écœurants à l'« unité nationale » lancés tant par l’opposition que par les partis capitalistes au pouvoir ne peuvent cacher un fait que tout le monde connaît : le capitalisme et l’État sont les principaux responsables de ces destructions.

1- Nous savons que le prolétariat, en tant que classe, fera preuve d’une solidarité sous toutes ses formes dans l’action pour ceux qui se sont retrouvés sans abri, blessés et ont perdu leurs proches dans les zones touchées par le séisme. Des centaines de travailleurs des mines se sont déjà portés volontaires pour participer aux efforts de recherche et de sauvetage dans la zone dévastée.. Les prolétaires n’ont personne d’autre qu’eux-mêmes à qui faire confiance. Nous ne pouvons espérer notre émancipation que par notre propre classe, par l’unité, et non par la classe dominante et son État.

2- Les expériences sismiques passées en Turquie sont la preuve des effets destructeurs et mortels de l’urbanisation qui s’est développée dans le but de reproduire la société du Capital. La seule raison pour laquelle on construit des immeubles à étages incapables d’affronter les tremblements de terre, dans lesquels des gens s’entassent et forment des villes densément peuplées dans les zones sismiques, est de répondre aux besoins de main-d’œuvre abondante et bon marché que recherche le Capital. Après les séismes de Gölcük et de Düzce il y a 20 ans (dans la région de la mer de Marmara), ce séisme démontre une fois de plus la superficialité de toutes les « mesures » prises par l’État et les larmes de crocodile versées par la classe dirigeante. Ce tremblement de terre et ses effets prouvent déjà douloureusement que la raison principale de l’existence de l’État n’est pas de protéger la population pauvre et prolétaire, mais de protéger les intérêts du capital national.

3- Alors pourquoi le capitalisme ne construit-il pas une infrastructure permanente et solide, même si les catastrophes détruisent régulièrement et systématiquement sa propre infrastructure de production ? Parce que sous le capitalisme, les bâtiments, les routes, les barrages, les ports, bref, les investissements en infrastructures en général, ne sont pas construits dans une optique de permanence ou de besoins humains. Dans le capitalisme, tous les investissements en infrastructures, qu’ils soient réalisés par l’État ou par des entreprises privées, sont construits dans un but de rentabilité et de maintien du système de travail salarié. Les populations denses sont entassées dans des villes inhabitables. Même s’il n’y a pas de tremblement de terre, les villes et les zones rurales sont constituées de bâtiments insalubres en béton qui peuvent durer tout au plus 100 ans. La terrible urbanisation capitaliste des 40 dernières années a transformé les villes et même les villages de Turquie en de véritables cimetières de béton. Le système capitaliste basé sur la production de plus-value ne peut être maintenu qu’en employant autant de main-d’œuvre vivante que possible, c’est-à-dire des prolétaires, et en maintenant au minimum les investissements en capital fixe, c’est-à-dire les infrastructures. Dans le capitalisme, la construction est une activité permanente, mais la permanence du bâtiment, son harmonie avec l’environnement et sa réponse aux besoins humains sont totalement ignorés. C’est la règle dans le capitalisme occidental avancé ainsi que dans les capitalismes plus faibles d’Afrique et d’Asie. Le seul objectif social du capital et de ses États est de perpétuer l’exploitation d’un nombre toujours plus grand de prolétaires.

4- L’ordre capitaliste n’est même pas en mesure de proposer des solutions permettant de reproduire son propre ordre d’exploitation. Face aux catastrophes « naturelles », le Capital est non seulement insouciant mais aussi impuissant. Nous voyons cette impuissance même dans le manque de coordination des organisations d’aide sous le contrôle des États-nations et l’incurie de l’État dans la distribution de l’aide d’urgence. Nous le voyons non seulement dans des pays comme la Turquie, où le capitalisme en décomposition a été plus profondément touché, mais aussi dans des pays au cœur du capitalisme, comme l’Allemagne, qui était impuissante face aux inondations il y a deux ans, ou les États-Unis, dont les routes et les ponts s’effondrent lors d’inondations en raison de la faiblesse des investissements dans les infrastructures.

5- Le fait que certaines parties de l’opposition bourgeoise trouvent l’État « incapable » d’« aider » les victimes du séisme présente une vision trompeuse sur la nature de l’État. L’État n’est pas une agence d’aide. L’État est l’appareil collectif de violence d’une classe exploiteuse minoritaire. L’État protège les intérêts du Capital. Certes, puisque le règne du chaos dans une zone sinistrée va à la fois montrer la faiblesse de la classe dominante et entraver la reproduction du Capital lui-même, l’État sera contraint d’organiser un niveau minimum d'« aide ». Mais il semble que l’État soit incapable de fournir même cette aide minimale. Quelle que soit l’intervention de l’État dans la catastrophe, sa fonction principale est de contenir le prolétariat et de concurrencer les autres pays capitalistes dans l’intérêt de son propre Capital national. L’État est la machine idéologique et physique qui aide l’accumulation du Capital, le gardien des conditions qui poussent les travailleurs dans des cercueils de béton mortels et les laissent sans défense face aux catastrophes.

6- Il n’y a rien de « naturel » dans les épidémies, les famines et les guerres que nous avons connues ces dernières années et dont les effets se font sentir dans le monde entier. Bien qu’il soit impossible de prévoir le moment d’un tremblement de terre avant qu’il ne se produise, on peut prédire avec certitude les lignes de faille des tremblements de terre et leur éventuelle magnitude. Le principal agent responsable de tous ces désastres est le capitalisme et les États-nations, l’ensemble de la classe dirigeante existante, qui organise la société autour de l’extraction de la plus-value et du travail salarié, qui exacerbe la compétition militaro-nationaliste et qui menace l’existence et l’avenir de l’humanité. Tant que le capitalisme continuera à dominer, tant que l’humanité continuera à rester divisée en États-nations et en classes, ces catastrophes continueront à se produire, devenant plus meurtrières, plus destructrices et plus fréquentes. C’est l’indication la plus claire de l’épuisement du capitalisme. Partout dans le monde, la classe dirigeante pousse l’humanité vers des guerres, des villes horribles et inhabitables, la faim et la famine, une gigantesque crise climatique mondiale.

Le séisme qui a eu lieu à Maraş et dans ses environs est la dernière preuve concrète et douloureuse que la classe dirigeante n’a aucun avenir positif à offrir à l’humanité. Mais cela ne doit pas nous conduire au pessimisme. La solidarité dont notre classe a fait et fera preuve lors de ce tremblement de terre doit nous donner de l’espoir. Les catastrophes sont dévastatrices non pas parce qu’elles n’ont pas de solution, mais parce que notre classe, le prolétariat, n’a pas encore la confiance en lui nécessaire pour changer le monde et sauver l’humanité du fléau du Capital. Les ressources de l’humanité et de la terre sont suffisantes pour construire des habitations et des cités permanentes et sûres qui nous protégeront des catastrophes. La voie vers cela s’ouvrira lorsque le prolétariat, la seule force capable de mobiliser les ressources du monde pour sa libération, développera sa confiance en lui-même et s’engagera dans une lutte mondiale pour prendre le pouvoir à la classe capitaliste corrompue.

Un groupe de communistes internationalistes de Turquie, 7 février 2023

 

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Récent et en cours: 

  • tremblement de terre en turquie et en syrie [7]

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Tremblement de terre en Turquie et en Syrie

Peut-on faire reculer la bourgeoisie en bloquant l’économie?

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Des millions de travailleurs, d’étudiants, de retraités battent le pavé depuis des semaines contre la réforme des retraites. Dans les cortèges, les manifestants expriment beaucoup d’enthousiasme et une grande fierté de se retrouver par millions dans les rues : « ensemble, nous sommes plus forts » ! Les luttes qui se déroulent simultanément dans de nombreux pays, particulièrement au Royaume-Uni et en France, se caractérisent par un fait nouveau : pour la première fois depuis longtemps, les travailleurs du public et du privé, les salariés en blouse (blanche ou bleue) et ceux en cravate, les étudiants précaires, les chômeurs et les intérimaires, tous commencent, de façon encore très confuse et balbutiante, à se reconnaître comme une force sociale unie par les mêmes conditions d’exploitation : la classe ouvrière.

Nous produisons tout. Sans notre travail, il n’y a pas de profit, pas de marchandises, plus rien ne fonctionne, ni les usines, ni les hôpitaux, ni les écoles, ni les centres commerciaux. Sans notre travail, les déchets s’entassent, personne ne peut manger ni boire, se vêtir ou se soigner. Sans notre travail, rien ne sort des usines et des ports, ni les automobiles, ni les avions, ni les boites de conserve… C’est en substance l’idée qui commence à émerger dans la tête des ouvriers. C’est la raison pour laquelle beaucoup ressentent très justement que notre plus grande force dans la lutte réside dans notre unité.

La colère est immense, le sentiment de devoir se battre tous ensemble l’est tout autant. Mais, chacun perçoit également que les « balades » syndicales, aussi nombreux que nous puissions être dans les rues, ne suffisent pas. Cette mobilisation massive ne semble pas faire trembler le gouvernement, bien décidé à imposer sa réforme. Pour beaucoup, sans « durcir la riposte », plus le mouvement va durer, moins il y aura de gens dans la rue et en grève.

Alors que faire ? Comment les exploités peuvent-ils transformer, dans la durée, la force collective qu’ils perçoivent de plus en plus clairement en véritable rapport de force face à la bourgeoisie ?

Les syndicats et les partis de gauche ont immédiatement mis en avant un mot d’ordre qui, en apparence, paraît s’inscrire dans un combat unitaire et massif : si le gouvernement ne recule pas, à partir du 7 mars, il faudra « bloquer l’économie » et « mettre la France à l’arrêt ». Certains appelaient même à la « grève générale ».

Ces mots d’ordre ont souvent été repris par les grévistes et les manifestants. Après tout, cette tactique ne s’appuie-t-elle pas sur la principale force des ouvriers en lutte ? Ne pouvons-nous pas mettre à genoux la bourgeoisie en cessant de travailler massivement si nous produisons tout ?

Les leçons du blocage des raffineries en 2010

Ce n’est pas la première fois que les syndicats mettent en avant une telle tactique de blocage. En 2010, lors de la précédente réforme des retraites, les manifestations se sont succédé, rassemblant chaque fois des millions de personnes. Tandis que les seuls défilés de rues apparaissaient, aux yeux de tous, impuissants et stériles, des minorités ont cherché des méthodes de lutte plus radicales et efficaces. Poussé, à l’époque, par la CGT, l’arrêt du « secteur stratégique » des raffineries est alors apparu comme un moyen de faire concrètement pression sur la bourgeoisie en paralysant les transports et l’ensemble de l’économie.

Les ouvriers des raffineries se sont alors mis en grève, bloquant la production et la distribution d’essence. Pourtant, la bourgeoisie française n’a pas reculé. Et pour cause : elle avait largement la capacité de faire face aux blocages. La France, comme beaucoup d’autres pays, dispose, en effet, de plusieurs millions de tonnes de pétrole en réserve lui assurant de nombreux mois d’approvisionnement. Elle peut également s’appuyer sur un réseau international de pipelines pour simplement importer de l’étranger de l’essence par camion. Le gouvernement Fillon a ainsi joué, pendant quelques semaines, un simulacre de panique, occasionnant une ruée vers les stations-services. Le risque de pénurie d’essence et de paralysie de l’économie nationale, n’a donc été qu’une piqûre de moustique sur le dos d’un éléphant, un conte de fée pour endormir les ouvriers.

En fait, derrière ce blocage corporatiste s’est surtout profilée une cuisante défaite pour la classe ouvrière. La bourgeoisie s’est employée à isoler des grévistes parmi les plus combatifs et à diviser le prolétariat. D’un côté, les syndicats s’appuyant sur le contrôle absolu qu’ils exerçaient sur le mouvement, ont isolé les ouvriers des raffineries du reste de leur classe. Leur colère justifiée n’a nullement été le point de départ d’une extension de la lutte. Plutôt qu’organiser des piquets volants devant des entreprises d’autres secteurs pour les gagner au mouvement, la CGT a enfermé les bloqueurs sur leur lieu de travail, avec une parodie de solidarité à travers des caisses de grève pour « soutenir les travailleurs en lutte ». Tout devant se jouer sur le seul blocage des raffineries, il s’agissait de tenir, coûte que coûte, dans une ambiance de citadelle assiégée.

De l’autre côté, à travers une intense campagne sur les risques de pénurie d’essence, le gouvernement et ses médias ont volontairement créé un climat de panique parmi la population. Si, en général, les prolétaires n’ont pas stigmatisé les ouvriers des raffineries et ont même plutôt manifesté une certaine sympathie, l’hystérique propagande médiatique a largement contribué à briser toute réflexion sur la possibilité d’élargir la lutte. Finalement, la répression policière s’est abattue sur les raffineries isolées, laissant la classe ouvrière en France KO debout pendant toute une décennie.

La grève des mineurs britanniques en 1984, une expérience tragique de blocage

La grève des mineurs de 1984, au Royaume-Uni, est une autre illustration du caractère illusoire du blocage de la production à partir d’un seul secteur. À cette époque, le prolétariat le plus vieux du monde est aussi l’un des plus combatifs. Par deux fois, l’État a même dû retirer ses attaques. En 1969 et 1972, les mineurs sont, en effet, parvenus à créer un rapport de force favorable à la classe ouvrière en imprimant à la grève une dynamique d’extension sortant de la logique sectorielle ou corporatiste. Par dizaines ou par centaines, ils se sont rendus dans les ports, les aciéries, les dépôts de charbon, les centrales, pour les bloquer et convaincre les ouvriers sur place de les rejoindre dans la lutte. Cette méthode deviendra célèbre sous le nom de flying pickets (« piquets volants ») et symbolisera la force de la solidarité et de l’unité ouvrières.

En arrivant au pouvoir en 1979, Thatcher comptait bien briser les reins de la classe ouvrière en isolant un de ses secteurs les plus combatifs, celui des mineurs, dans une grève interminable et épuisante. Durant des mois, la bourgeoisie anglaise s’est préparée au bras de fer en constituant d’énormes stocks de charbon pour faire face au risque de pénurie. En mars 1984, 20 000 suppressions d’emplois sont brutalement annoncées dans les mines. Comme attendu, la réaction des mineurs a été fulgurante : dès le premier jour de grève, cent puits sur 184 sont fermés. Mais un corset de fer syndical a immédiatement entouré les grévistes pour empêcher tout risque de contamination. Les syndicats des autres secteurs ont soutenu très platoniquement le mouvement, autrement dit, ils ont laissé les mineurs se débrouiller tout seuls, en sabotant activement toute possibilité de lutte commune.

Le National Union of Mineworkers (NUM) a parachevé ce sale boulot en enfermant les mineurs dans des occupations de puits stériles et interminables pendant plus d’un an ! Afin d’éviter que des flying pickets soient envoyés aux portes des entreprises voisines, toute l’attention des ouvriers était focalisée sur la nécessité d’occuper les puits, tous les puits, rien que les puits, coûte que coûte. Bloquer la production du charbon était devenu, sous la houlette syndicale, l’objectif central et unique, une question en soi. Au lieu de voler d’usine en usine, les flying pickets sont restés là, au même endroit, devant les mêmes puits, mois après mois.

La répression policière a également fini par s’abattre sur des mineurs totalement épuisés et isolés. Cette défaite a marqué un tournant, celui d’un reflux de plusieurs décennies de la combativité ouvrière au Royaume-Uni. Elle annonçait même le reflux général de la combativité des ouvriers dans le monde et un recul de leur conscience à partir des années 1990.

Faut-il "mettre la France à l’arrêt" ?

Contrairement aux exemples des raffineries en France ou des mines au Royaume-Uni, les syndicats semblent aujourd’hui appeler des millions de personnes à engager des « grèves reconductibles ». Mais la réalité, c’est que, au nom de la force collective du prolétariat, les syndicats cherchent d’ores et déjà à organiser un repli corporatiste. Ils sont aujourd’hui contraints de coller à un mouvement de lutte qui aspire à la solidarité et ils ne peuvent pas appeler caricaturalement un secteur particulier à lutter par procuration pour les autres.

Pourtant, depuis des semaines, les syndicats poussent pour que, tantôt la SNCF, tantôt la RATP, tantôt les raffineries, tantôt les éboueurs ou tel ou tel secteur « durcissent le mouvement », c’est-à-dire engagent des grèves sectorielles. Pour le 7 mars, les syndicats appellent d’ailleurs à des grèves reconductibles « selon les modalités propres à chaque secteur ». Pour le 8 mars, ils appellent à « une journée de grève féministe », cherchant par-là à diviser les ouvriers et les ouvrières, comme ils le font depuis le début du mouvement en répétant ad nauseam que les femmes, les carrières longues, telle ou telle catégorie sont davantage victimes de la réforme.

Pour le moment, les ouvriers ne se sont pas laissés prendre massivement au piège mais c’est bien l’enfermement corporatiste que les syndicats cherchent à imposer sous le vocable de « grève générale ».

Le culte du blocage a toujours été utilisé par les syndicats contre l’unité et la massification de la lutte. Il est très clair que « mettre la France à l’arrêt », outre le relent nationaliste contenu dans la formule, signifie pour eux : enfermer les ouvriers dans leur entreprise, les couper de leurs frères de classe, de toute discussion, de toute solidarité réelle et concrète, et de toute capacité à étendre la lutte. Un mouvement massif de blocage ne peut réussir que par un véritable pouvoir décisionnel au sein d’assemblées générales souveraines, par une véritable prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, qu’à travers la recherche active de l’extension de la lutte à d’autres secteurs, pas en s’enfermant chacun sur son lieu de travail.

La recherche de l’extension et de la solidarité doit animer toutes les méthodes de lutte !

Oui, le blocage de l’économie s’appuie sur une idée profondément juste, celle que commence à percevoir les manifestants : la classe ouvrière tient sa force de la place centrale qu’elle occupe dans la production. Le prolétariat produit presque l’ensemble des richesses que la bourgeoisie s’approprie. Par la grève, les ouvriers sont potentiellement capables de bloquer toute la production et de paralyser l’économie.

Lors des événements de mai 1968 en France et ceux d’août 1980 en Pologne, de gigantesques grèves ont paralysé ces pays. Mais le blocage n’était nullement l’objectif en soi des ouvriers. Si ces deux luttes sont historiques et restent gravées dans les mémoires, c’est parce que le prolétariat a su construire un rapport de force en sa faveur par l’auto-organisation et la massivité de ses luttes. Quand les ouvriers prennent en main leur lutte, ils se regroupent spontanément en assemblées générales pour débattre et décider collectivement des actions à mener, ils cherchent la solidarité de leurs frères de classe en allant à leur rencontre, en essayant de les entraîner dans le mouvement à l’aide de délégations massives.

Lors de ces deux grandes luttes, les grévistes ont surtout cherché à faire tourner l’économie au service de la lutte et de ses besoins. En 1968, par exemple, les cheminots faisaient circuler les trains pour permettre à la population de se déplacer jusqu’aux manifestations. En 1980, dans les moments les plus forts de ce mouvement, la prise en main des moyens de production est allé beaucoup plus loin encore : le comité de grève interentreprises (nommé MKS) a organisé le ravitaillement des grévistes et de toute la population en contrôlant et en faisant tourner les entreprises d’électricité et d’alimentation ou en alimentant en essence les moyens de transports nécessaires pour la lutte.

Il est d’ailleurs très significatif que les cibles du blocage mises en avant par les syndicats soient systématiquement les raffineries, les gares, les aéroports, les autoroutes ou les transports publics. Le secteur des transports est effectivement un élément stratégique pour la lutte ouvrière, mais pour des raisons exactement inverses que celles évoquées par les syndicats : le blocage des trains, des métros ou des bus est souvent un obstacle à l’élargissement de la lutte et peut favoriser le jeu de la bourgeoisie car il entrave la mobilité des travailleurs qui ne sont plus en mesure de se déplacer pour apporter leur solidarité aux grévistes, en se rendant à leurs assemblées générales ou en participant aux manifestations. Les déplacements des délégations de grévistes vers les autres entreprises sont également rendus difficiles. En fait, le blocage total favorise presque toujours l’enfermement dans le corporatisme et l’isolement.

Il n’existe aucune recette magique de lutte prête à l’emploi et valable en toutes circonstances. Toute méthode de lutte (blocage, piquet, occupation…) peut tantôt être au service du mouvement, tantôt un facteur de division et d’isolement. Une seule chose est certaine : la force de la classe ouvrière réside dans son unité, sa conscience de classe, sa capacité à développer sa solidarité et donc à étendre la lutte à tous les secteurs. C’est l’aiguillon qui doit guider nos luttes.

Tr.Bo, 20 février 2023

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