Soumis par Révolution Inte... le
“On met un pognon de dingue dans les minima sociaux”. Cette petite phrase choc prononcée par Emmanuel Macron ne reflète pas seulement la morgue et l’inhumanité de ce grand bourgeois, elle résume surtout à elle seule la volonté de sa classe et de son État de précariser le prolétariat en France.
Une politique d’austérité brutale
En multipliant les attaques contre les conditions de vie et de travail, il y a “la volonté du gouvernement de rendre plus compétitive l’économie française et “d’assouplir” le marché du travail. Au-delà de la suppression des dizaines de milliers de postes dans la fonction publique, les hôpitaux, les écoles, les services des impôts, la poursuite de la suppression des contrats aidés pendant toute l’année 2018, ce sont des dizaines de milliers de suppressions d’emplois qui restent au programme pour les mois à venir. À cela s’ajoutent les licenciements pour “motifs personnels” et disciplinaires (“faute”, inaptitude professionnelle, refus d’une modification substantielle du contrat de travail) ou par le biais des “ruptures conventionnelles” et un nombre indéterminé de suppressions d’emplois sous forme de “départs volontaires”. Il faut rajouter à cela les attaques contre le statut des cheminots et, par la suite, la mise en place de la réforme du statut de la fonction publique. Tout cela s’inscrit dans la continuité du démantèlement de l’État-providence qui se traduit aussi par des attaques contre les allocations chômage, contre les retraites, contre la sécurité sociale, les réductions des allocations logement et autres prestations familiales”. (1)
Mais il y a, plus encore, une volonté d’écraser idéologiquement les travailleurs. La bourgeoisie française est animée d’un esprit de revanche féroce. Depuis des décennies, elle rêve d’imposer une politique d’austérité comme la bourgeoisie anglaise sous Thatcher, sans y parvenir. Car, face à elle, se trouve le prolétariat parmi les plus combatifs et politisés du monde. La grève historique de Mai 1968, ou, plus récemment, la victoire du mouvement anti-CPE en 2006, en sont des exemples marquants. Alors, il n’est pas question pour la classe dominante de ne pas profiter au maximum des difficultés actuelles du prolétariat pour prendre sa revanche. La baisse de cinq euros pour l’aide au logement des plus pauvres, comme les déclarations contre les retraites prétendument trop élevées expriment un unique message : la bourgeoisie française, avec Macron à sa tête, est bien décidée à mener une politique de généralisation de la précarité.
La violence des forces de répression de l’État, qui ont évacué les facultés à coups de matraques, comme le quadrillage étouffant des manifestations par les CRS s’inscrivent dans cette volonté claire du gouvernement actuel. C’est d’ailleurs pourquoi les black blocs rendent involontairement un si précieux service à “l’État de droit” en fournissant un alibi en or à ses coups de matraques.
En essayant d’enfoncer ainsi la tête du prolétariat sous l’eau, l’objectif est de préparer le terrain à de nouvelles attaques économiques, toujours plus violentes.
Cela dit, même si la classe ouvrière est depuis plusieurs années marquée par l’apathie, la résignation, le manque d’espoir et de combativité, les coups actuels et à venir sont tels que la bourgeoisie française a parfaitement conscience que les travailleurs ne peuvent demeurer à terme sans réagir. C’est pourquoi les syndicats sont entrés en action, pour encadrer les luttes et parfaire la défaite.
Les syndicats contre la classe ouvrière
Il y a en France, depuis des mois, une multitude de petites grèves, soigneusement isolées les unes des autres par les syndicats. Aucune assemblée générale commune, aucun mot d’ordre rassembleur. Cette situation a d’ailleurs commencé à questionner une partie des travailleurs ; c’est pourquoi, au mois de mai, les syndicats ont sorti de leur chapeau le simulacre de la “convergence” des manifestations où chaque corporation, chaque entreprise défilait avec “sa” banderole, “son” mot d’ordre, les unes derrières les autres, sans que jamais les travailleurs en lutte ne puissent discuter. La palme du sabotage revient à la “grève perlée” de la SNCF qui a permis d’épuiser les cheminots, pourtant au départ très combatifs, par une lutte longue, stérile, coupée des autres secteurs de la classe ouvrière, de plus en plus minoritaire au sein même de l’entreprise, le tout organisé sous-couvert d’assemblées générales dans lesquelles, en réalité, rien ne se décidait et où tout était ficelé d’avance.
Avec ce sale boulot des syndicats, la bourgeoisie française veut inoculer un profond sentiment d’impuissance aux travailleurs : la défaite des cheminots est celle de toute la classe ouvrière, leur démoralisation aussi. “Puisque eux, qui sont censés être particulièrement combatifs, ne parviennent pas à résister, aucun secteur ne le pourra… la lutte ne paie pas”, tel est le message lancé par la classe dominante.
La publicité médiatique faite autour de la “victoire” des soignants en grève de la faim à l’hôpital psychiatrique du Rouvray n’a pas d’autre but. Alors que la colère gronde dans tous les hôpitaux de France face à la situation catastrophique des conditions de travail et de soins, la mise en avant d’une victoire très localisée et ponctuelle, à la suite d’une longue grève de la faim, ne peut qu’elle aussi renforcer ce sentiment d’impuissance. Pour grappiller quelques miettes, il faudrait en arriver à cette extrémité inhumaine d’une grève de la faim que presque personne n’est prêt à assumer, même par désespoir total, sans compter que ce moyen isolé, et donc stérile, ne provoque aucune émotion dans la bourgeoisie qui n’y voit, au mieux, qu’une “petite gêne” pour ses intérêts sordides.
Et demain ?
La bourgeoisie française va poursuivre sa politique d’austérité brutale au nom de la “compétitivité nationale”. La faiblesse de la combativité et de la conscience du prolétariat en France et dans le monde vont l’y encourager. Mais les derniers mouvements sociaux et les dernières grèves ont aussi montré qu’une partie des travailleurs recommencent à réfléchir, à chercher comment lutter, à douter des méthodes syndicales… Afin de préparer les futures luttes, il faut que ces éléments plus combatifs et conscients se regroupent pour discuter, tirer les leçons des dernières grèves, mais aussi essayent de se réapproprier les leçons des luttes du passé. L’expérience de notre classe est immense, il s’agit de la faire revivre.
“La question de la perspective est au cœur de la capacité du prolétariat à retrouver le chemin de luttes massives, autonomes et conscientes. Si de nombreux prolétaires ont bien compris que le système capitaliste ne peut leur offrir que toujours plus de privations, de précarité, de chômage, de misère et de souffrances, ils sont encore loin d’envisager la possibilité de le renverser. La classe ouvrière doit affronter de nombreux obstacles avant que de pouvoir envisager une telle perspective. (…) Elle doit surmonter un profond sentiment d’impuissance résultant de la perte de son identité de classe. (…) Les difficultés principales que doit affronter la prise de conscience du prolétariat sont et seront les manœuvres des “spécialistes” en sabotage que sont les syndicats et les gauchistes. Pour y faire face, l’expérience accumulée par le prolétariat durant les années 1970 et 1980 devra absolument être ravivée dans les mémoires. Cette capacité à politiser la lutte et à développer la conscience en récupérant les leçons de l’histoire du mouvement ouvrier est l’enjeu des futurs grands mouvements sociaux”. (2)
So, 13 juin 2018
1) Résolution sur la situation en France adoptée par Révolution internationale, section du CCI en France, lors de son dernier congrès, et disponnible sur notre site internet
2) Ibid.