Soumis par CCI le
- En désaccord avec la position ci-dessus, ce texte défend l’idée que le Prolétariat sera une classe dominante comme les autres, y inclus sur le plan économique.
Qui dominera l’économie ?
Définition : Lorsque le prolétariat international conscient aura renversé l’ordre bourgeois à l’échelle mondiale, quand tous les États auront été renversés, lorsque toutes les années bourgeoises auront été battues, en bref, lorsque la “guerre civile” aura été gagnée, alors, par définition, la période de transition aura commencé.
Avertissement : La période de transition est tellement éloignée de nous que nous ne devrions pas nous attendre à être capables de déduire ses caractéristiques détaillées avec grande précision. Une grande part de notre discussion doit inévitablement être basée sur des suppositions, des conjectures et des présomptions. La nature spéculative de cette question, son éloignement historique et la division qu’elle peut causer dans nos rangs plaident tous pour une approche lente et prudente de la discussion.
Suggestions spécifiques :
1- Une discussion complète de la période de guerre civile est une condition préalable logique à une discussion méthodique de la période de transition. Ceci parce que l’héritage de la période de guerre civile conditionne fortement les possibilités de la période de transition et parce que certains problèmes de cette période seront posés d’une manière embryonnaire pendant la période de guerre civile.
De plus les discussions sur la période de transition qui ont lieu maintenant commencent toutes (comme elles le doivent) avec des hypothèses variées sur l’état du monde (un scénario) au commencement de la période de transition, mais dans la mesure où il n’y a eu aucune discussion méthodique de la guerre civile, ces hypothèses n’ont aucune base.
2- Le processus de discussion prend du temps, (c’est-à-dire, les délais dus à la lenteur du courrier international, le temps nécessaire pour prendre connaissance des éléments et composer une vue cohérente, etc.) et nous oblige donc à éviter la hâte, et à éviter que l’organisation prenne une “position officielle” avant que la discussion n’ait le temps de mûrir.
Heureusement, le déroulement des événements historiques ne force pas encore le prolétariat mondial ou nous-mêmes à définir des positions sur l’État dans la période de transition, immédiatement.
“L’État”: L’institution que nous appelons État a une longue histoire évolutive. La forme précise et la fonction de l’État diffèrent au fur et à mesure de l’évolution de la société et donc il serait a-historique de dire “l’État est toujours ainsi et jamais autrement”. Néanmoins nous savons qu’au coeur de L’État se trouve la notion de domination de classe sur l’ensemble de la société, ainsi, lorsque nous abordons la période de transition, les questions importantes seront : “quel les sont les classes et qui a le pouvoir sur l’ensemble de la société ?
L’État dans la période de transition
Quand le prolétariat aura “gagné” la guerre civile, il semblerait normal de dire que le prolétariat existe en tant que classe, à savoir qu’il a une fonction économique spécifique -(il est la source de toute valeur), il a une mission historique (le plein développe ment des forces productives, l’abolition du “règne de la pénurie”- pour instaurer la production pour l’usage, etc.), il a au moins atteint un certain niveau de conscience de classe (en vertu du fait qu’il a posé la question du pouvoir prolétarien à l’échelle mondiale) et il a une expression organisationnelle (les Soviets ou Conseils, comme le passé le montre mais peut-être que de nouvelles formes vont apparaître au travers de la lutte).
Quels pouvoirs seront entre les mains de la classe ouvrière ? Sûrement le monopole des “moyens de violence” appartiendra au prolétariat victorieux (c’est presque une question de définition, du fait qu’il est admis que toutes les armées opposantes auront été battues).
II semble logique d’admettre que le prolétariat occupera et de là, contrôlera toutes les usines, contrôlera directement la plupart des moyens de transport comme les chemins de fer, les bus, les camions, etc. Le contrôle de la production de carburant, de pièces détachées, de l’entretien et autres contrôles indirects ajouteront largement au pouvoir du prolétariat.
Le télégraphe, le téléphone, la télévision, les grandes stations de radio, et les grands journaux seront aussi dans les mains du prolétariat. Le contrôle du carburant, l’accès aux machines agricoles, aux engrais, aux moyens de transport, aux stocks, au processus de transformation et à la distribution, assurera au prolétariat le contrôle sur la plus grande part de n’importe quelle portion du secteur agricole pas encore contrôlée directement par des salariés agricoles travaillant dans des “fermes industrialisées”.
Qui aura la responsabilité finale et l’autorité pour fermer une usine, pour ouvrir une usine, pour instituer de nouvelles méthodes de travail ou pour créer un nouveau produit ? Sûrement le prolétariat tout seul. Donc, dans la période de transition il semble probable qu’une classe, le prolétariat, qui a une fonction économique objective, une conscience de classe subjective, et une mission historique aura un pouvoir prédominant sur l’ensemble de la société en vertu de sa force économique, politique et militaire, autrement dit : “la dictature du prolétariat”.
Ainsi, à la question : y a-t-il un État dans la période
de transition ? Nous répondons :
oui, la dictature du
prolétariat exerce le pouvoir d’état.
A la question : existe-t-il un État en dehors des Soviets ?
Nous répondons :
NON, la position dominante dans la société est
tenue par le prolétariat dont le mode d’organisation est les conseils ouvriers.
Problèmes de la période de transition
Le tableau du pouvoir prolétarien décrit ci-dessus signifie-t-il un “communisme instantané” ? N’y a-t-il pas des menaces pour le pouvoir prolétarien ou de sérieux obstacles sur le chemin du communisme ?
Établir une production pour l’usage est une formidable entreprise. La meilleure volonté du monde ne sera pas suffisante au prolétariat pour réorganiser la production et la distribution de façon à ce que les besoins matériels de tous puissent être satisfaits à un haut niveau et avec une parfaite équité en un clin d’oeil. De telles choses prennent du temps. S’il y a de sérieux délais, des maladresses, des hésitations et des erreurs dans les travaux élémentaires de réorganisation de la production et de l’intégration complète de toutes les couches, alors il y a danger pour que le haut niveau de conscience de classe nécessaire pour un tel travail ne puisse être maintenu et développé. Si la classe ouvrière devient apathique, si les conseils ouvriers sont noyautés par des cliques aux intérêts particuliers ou par des intérêts locaux ou régionaux, si des mesures contraires à la classe ouvrière dans son ensemble et à la mission historique de réorganisation totale de la production sont prises et permises alors il est possible que les conseils ouvriers ces sent d’être en fait des conseils ouvriers et se transforment en organes d’un pouvoir d’État sur le prolétariat, en un développement contre-révolutionnaire.
Au contraire, si le prolétariat victorieux fournit à lui-même et à toute la société de réelles améliorations, si le décuplement des forces productives est ressenti partout, l’optimisme et l’enthousiasme se développeront d’eux-mêmes. L’amélioration des conditions générales après des années d’un long déclin et après les interruptions et convulsions de la période de la guerre civile, coupera l’herbe sous le pied de toutes forces d’opposition encore existantes et ajoutera à la stabilité et à l’énergie du nouveau régime.
En bref, les tâches sont difficiles, les dangers réels, et le meilleur espoir repose sur une réorganisation de la production aussi rapide et complète que possible.
Commentaires de quelques idées en discussion
La notion selon laquelle il doit y avoir un appareil d’État en quelque sorte en dehors de la dictature du Prolétariat est vague, confuse et contradictoire. Elle est vague parce que la constitution, les pouvoirs et les relations d’une telle chose avec la dictature du prolétariat n’est jamais claire. Elle est confuse, parce que cet État hypothétique est parfois vu comme soumis à la dictature du prolétariat et parfois comme son antithèse, quelques fois comme une création du prolétariat, d’autres fois comme une création d’autres classes non précisées. Elle est contradictoire parce que dans une lutte entre deux classes opposées, le pouvoir prépondérant peut appartenir à l’une ou à aucune, mais jamais aux deux, donc l’existence de la dictature du prolétariat exclut un État non prolétarien par le fait même que la guerre civile est terminée.
Un autre problème en discussion est la possibilité que l’appareil de dictature du prolétariat en arrive à un tel degré d’autonomie que cela sape les bases de la révolution. Il y a bien sur un certain degré d’autonomie dans toute institution humaine, la question est quel degré et quels moyens de redresser la situation sont possibles. L’insistance sur la complète démocratie et l’égalitarisme, caractéristiques de la classe ouvrière en mouvement, semble être la forme “enfui trouvée” pour la classe ouvrière d’aborder le problème de garder bien à soi ses organisations. Enfui, aucune règle purement formelle ou aucun expédient bureaucratique ne peuvent se substituer à une conscience de classe hautement développée et enthousiaste.
Ceux qui posent le prétendu danger de l’autonomie institutionnelle, défendent l’idée que la mort de la révolution russe fût le fait, en majeure partie, de la conduite de l’appareil d’État russe considérée comme contraire aux intentions et en dehors du contrôle du parti bolchevik. Quels que soient les mérites de cette remarquable thèse, elle vaut à peine d’être discutée pour elle-même dans le contexte de la révolution russe et pas simplement d’être considérée comme “prouvée”, et collée dans le contexte de l’État dans la période de transition, un niveau que la révolution russe n’atteignit jamais.
Quelques uns disent que dans la période de transition, le prolétariat “sera toujours une classe exploitée et ne tirera aucun pouvoir économique directement du processus de production”. Comment le prolétariat, qui contrôle la production, peut-il ne pas tirer un pouvoir économique du processus de production ? Comment la classe, alors qu’elle détient le monopole des armes, pourrait-elle être exploitée ?
La possession des usines, le monopole des armes et l’organisation consciente de la classe signifient un pouvoir économique et politique énorme dans les mains du prolétariat. Une victime peut être exploitée si elle se trouve face à une force écrasante ou à une ruse supérieure. Certainement que personne n’aura l’avantage sur le prolétariat victorieux dans aucun de ces domaines.
D’autres disent que “l’État” consistera en des “conseils régionaux”... qui n’auront “aucun pouvoir quel qu’il soit dans la société”. Comment une organisation sans aucun pouvoir peut-elle espérer avoir un rôle répressif ou médiateur dans la société, n’est pas expliqué. Pourquoi le terme d’“État” qui d’habitude s’accompagne de notions de domination, s’appliquerait-il à un tel organe sans consistance, n’est pas non plus expliqué.
II est dit que “l’État ne peut appartenir qu’à la classe exploiteuse”. Historiquement, les seuls États qui n’aient jamais existés appartenaient à des classes exploiteuses mais nous faisons l’hypothèse de la domination du prolétariat, classe non-exploiteuse, et pourtant alors classe dominante. L’État, jusqu’à présent, dans la mesure ou ce terme a une définition universellement applicable, est la somme de toutes les formes institutionnelles qui expriment et maintiennent la domination de la classe dominante sur l’ensemble de la société. La somme de toutes les institutions qui expriment et maintiennent la dictature du prolétariat est par définition, l’État du prolétariat.
Réfuter l’existence d’un État prolétarien, c’est ou bien nier la possibilité de la dictature du prolétariat, ou bien redéfinir radicalement le sens du mot “État”.
Y.B./E.M. Intemationalism-USA
(Avril 1977)