Au gouvernement ou dans l'opposition, La gauche est toujours contre la classe ouvrière

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Au grand "Ouf" de soulagement poussé par la bourgeoisie démocratique au soir du 5 mai pour avoir réussi à écarter le "danger" Le Pen, a succédé un autre "Ouf" au soir du deuxième tour des élections législatives le 15 juin. En effet, sur sa lancée, la "vague bleue" a réussi à écarter un autre danger, celui d'une nouvelle cohabitation droite-gauche. Aussi, malgré le fait que sa stratégie initiale consistant à faire passer Jospin à la tête de l'Etat ait lamentablement capoté (voir RI n°323 - ici), la bourgeoisie française a fait contre mauvaise fortune bon coeur et a oeuvré à limiter les dégâts en replaçant toute la droite au pouvoir.


En effet, depuis 1981, avec l'arrivée alors accidentelle de Mitterrand à l'Elysée et de la gauche au gouvernement, la classe dominante a dû se résoudre à s'accommoder de toute une série de cohabitations qui néanmoins l'embarrassent de plus en plus. Non pas qu'il existe des désaccords profonds entre la gauche et la droite concernant les attaques à porter contre la classe ouvrière ou encore la nécessité de défendre les intérêts impérialistes de la France sur l'arène mondiale. Concernant les attaques anti-ouvrières, la "différence" tient dans l'enrobage "réformateur" dont la gauche est capable, mieux que la droite, pour faire passer la pilule. Le problème, pour la bourgeoisie, avec les cohabitations à répétition depuis plus de vingt ans, c'est qu'elles mettent particulièrement en évidence que droite ou gauche, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Le résultat en a été une décrédibilisation importante de la gauche, mais aussi du jeu démocratique lui-même, laissant ainsi un créneau au discours lepéniste et au développement de son influence.

Il aura d'ailleurs fallu toute la campagne anti-Le Pen pour réveiller dans la population un intérêt envers la campagne présidentielle, dont le premier tour avait vu 28% d'abstentions, autrement dit plus que le candidat arrivant en tête des suffrages !

Le "danger" ayant été écarté par les résultats du second tour des présidentielles, l'intérêt pour les urnes est brusquement retombé. En effet, ce sont 46% d'abstentions qui ont été enregistrées au second tour des législatives, un record. Au terme de celles-ci, la gauche a dû céder sa place à la droite aux rênes de l'Etat. Voici une alternance qui ne peut que redorer le blason de la démocratie. La gauche aussi y trouve son compte puisqu'elle va pouvoir entreprendre, dans l'opposition, une cure de jouvence. Elle en avait besoin pour atténuer le discrédit résultant du fait que, pendant plus de vingt ans, elle a dû assumer, à la tête de l'Etat, la responsabilité des mesures anti-ouvrières, même si, bien sûr, elle s'est efforcée de mettre sur le dos du patronat une partie d'entre elles.

Le PS a d'ailleurs besoin de se requinquer car, s'il se maintient électoralement à 35% des suffrages exprimés, c'est parce qu'il a bénéficié du vote de tous ceux qui sont allés laver leur conscience en soutenant les candidats socialistes aux législatives après être allés voter Chirac en se pinçant le nez, par discipline antifasciste. La cure d'opposition risque de ne pouvoir être suffisante pour le PC, littéralement laminé et qui, malgré le report des voix du PS en sa faveur au second tour, exhale péniblement encore quelques soupirs avec ses 3,26% des voix. En perte de vitesse depuis Mai 68, la participation de ce parti à la dernière cohabitation a encore accéléré sa descente aux enfers. Quel que soit son avenir, sa sortie du gouvernement n'est donc pas une mauvaise chose pour lui, hormis le fait qu'il perd une source de financement importante. Quant aux Verts, leur poids politique s'est lui aussi nettement réduit au gouvernement.

Une chose cependant doit rester claire. Ce départ des partis de gauche du gouvernement ne correspond nullement à une stratégie de la bourgeoisie pour affronter un développement massif des luttes ouvrières. Autant la pression pour le vote Chirac était destinée à faire face à Le Pen (et le coup a réussi puisque ce dernier n'a même pas aujourd'hui un député), autant c'est par défaut que toute la gauche se retrouve à présent dans l'opposition, même si elle saura oeuvrer utilement au sein de cette nouvelle donne politique, tant pour son propre compte que pour celui de l'Etat.

"Libérés" du fardeau du pouvoir, on peut s'attendre avec certitude à ce que ces partis développent un discours progressivement plus radical et plus critique à l'égard du gouvernement. Les syndicats, eux aussi, vont se trouver plus à l'aise du fait que leurs partis de tutelle n'ont plus en charge la responsabilité directe de décider et faire appliquer les attaques anti-ouvrières. Il est utile de rappeler ici les contorsions de la CGT contrainte depuis sept ans, et avant cela dans la période comprise entre 1981 et 1984, de "s'affranchir" du PC et de louvoyer entre ses liens connus avec ce parti au gouvernement et son rôle de syndicat "de lutte", "ouvrier".

Tout ce joli monde va retrouver les accents "combatifs" des années 70. Il ne faudra pas s'étonner qu'il répéte à tue-tête, "c'est la faute à la droite, la droite attaque les ouvriers".

TOUTES les mesures anti-ouvrières que la droite prend et se prépare à prendre ont été préparées par la gauche. C'est cette dernière qui les aurait assumées si elle était restée au gouvernement. Avec les syndicats, elle s'offusque et s'indigne aujourd'hui de ce que le SMIC n'ait pas eu un coup de pouce supérieur à l'inflation, prétendant que les négociations prévues par la gauche sur les bas salaires contenaient la prévision d'une augmentation plus importante que celle décidée par la droite. Qui pourra le vérifier ? En tout cas, les ouvriers savent que les négociations salariales de l'an dernier dans la fonction publique, comme les précédentes depuis plus de dix ans, ont débouché sur le gel des salaires et que la loi Aubry sur les 35 heures a créé six types de SMIC différents dont aucun n'est favorable aux ouvriers, mais tous le sont au patronat et à l'Etat. Et la gauche nous parle maintenant de "cadeau au patronat" ! La mise en place par la gauche de la "flexibilité du travail" et des 35 heures elle-même a été une énorme attaque contre toute la classe ouvrière et il en a résulté une "France d'en bas" dans laquelle on trouve une proportion de plus en plus importante d'ouvriers, au chômage ou avec un emploi faiblement rémunéré, jetés à la rue et dans la misère.

Ces mêmes partis de gauche hurleront demain contre les conditions faites aux chômeurs, comme celles qu'a préparées la signature en catimini, le 19 juin, d'un accord entre le patronat et certains syndicats concernant le PARE (Plan d'Aide au Retour à l'Emploi) et qui prévoit une aggravation des conditions d'indemnisation du chômage, sous différentes formes. Or, il ne faut pas oublier que c'est la gauche qui a mis en place le PARE (voir RI n°303, juillet-aôut 2000) dont la création s'accompagnait de toute une série de mesures particulièrement scélérates contre la classe ouvrière, tendant notamment à exclure purement et simplement les ouvriers sans travail de la vie sociale. Et lorsqu'elle montrera du doigt l'augmentation des cotisations sociales, il faudra se souvenir que c'est la gauche qui a introduit et ensuite régulièrement augmenté, pour les besoins du capital, la CSG et autres joyeusetés qui représentent une attaque et une baisse draconienne de notre niveau de vie.

Tous ces partis de gauche vont désormais chercher à se faire passer pour les amis des ouvriers et même pour leurs meilleurs défenseurs. Les prolétaires ne doivent pas se laisser duper : ennemie de la classe ouvrière au gouvernement, la gauche le demeure dans l'opposition, même s'il est alors plus difficile de s'en rendre compte. C'est pourquoi elle y est encore plus dangereuse.

RI.

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