Soumis par CCI le
Les luttes ouvrières ne peuvent se développer et vaincre qu’en dehors et contre les syndicats et les coordinations
le 23 octobre la "coordination infirmière" décidait l'arrêt de la grève. Après l'avoir suscitée artificiellement, avec la complicité active du parti socialiste et de la CFDT, elle a décidé de l'enterrer.
Une manoeuvre d'ampleur contre toute la classe ouvrière,
Tout son déroulement montre que nous avons été confrontés à une manœuvre d'ampleur de la gauche montée de toutes pièces depuis le retour des socialistes au gouvernement : celle-ci, prévoyant l'inévitable montée du mécontentement et de la combativité au sein de la classe ouvrière contre sa politique d'austérité accrue, a pris les mesures préventives nécessaires pour la désamorcer.
A cette fin et pour ne pas laisser la CGT exploiter ce mécontentement à son seul bénéfice ainsi qu'à celui du P.C.F., les autres composantes de la gauche, le P.S., le gouvernement, ainsi que les gauchistes de L.O. et de la L.C.R., ont monté un véritable spectacle dont l'avant-scène a été occupée par la fameuse "coordination infirmière".
Devenues, depuis la grève à la SNCF de décembre 86, une véritable tarte à la crème, les coordinations sont la réponse systématique de la bourgeoisie pour faire face à la méfiance croissante des ouvriers vis-à-vis des syndicats et au phénomène de désyndicalisation massive. En effet, c'est pour mieux les tromper qu'à travers ses gauchistes elle les appelle de lus en plus à suivre cette nouvelle structure "toute trouvée", leur faisant croire qu'il s'agit d'une organisation extra-syndicale.
Pour déployer sa manœuvre, la bourgeoisie a porté son choix sur une corporation, celle des infirmières, qui a effectivement subi depuis des années une dégradation particulièrement importante des salaires et des conditions de travail. Mais surtout, cette corporation présentait l'immense avantage pour la bourgeoisie d'être au sein de la classe ouvrière, une des fractions les moins expérimentées, avec le moins de traditions de lutte, de ce fait politiquement parmi les plus arriérées et donc les plus vulnérables à la manœuvre. En un mot, une fraction de la classe ouvrière la plus "utilisable" par la bourgeoisie pour faire face à la vague de mécontentement de fond qui se développe aujourd'hui au sein de la classe ouvrière.
Exploitant à fond la faiblesse et les préjugés qui règnent dans, cette corporation à l'égard de l'ensemble du personnel hospitalier moins qualifié et considéré comme "subalterne", la Gauche a pu faire éclater prématurément et préventivement cette lutte qui avait ainsi toutes les chances de rester isolée.
La manœuvre apparaît clairement tout au long du
mouvement, et même avant :
- déjà au mois de juin dernier, la date de la première manifestation est planifiée au 29 septembre par ceux qui allaient constituer le noyau central du bureau de la coordination ;
- dès le début de la lutte, c'est cette coordination, inconnue de tous et constituée dans le dos des ouvriers, qui appelle uniquement les infirmières à la lutte ;
- par la suite, tout le paquet est mis pour développer l'isolement et la division au sein même des hôpitaux (pas moins de 9 coordinations pour ce seul secteur !) ;
- à travers la bienveillance que lui ont témoignée Mitterrand, Rocard, ainsi que l'ex-ministre Schwarzenberg, et les flatteries que ces hypocrites n'ont cessé de prodiguer aux infirmières ;
- à travers la raison élitiste et hiérarchique mise en avant par tous pour justifier l'augmentation salariale : le niveau d'études ("bac+3" comme répétaient beaucoup d'infirmières et la coordination) ;
- à travers une revendication salariale démagogique (environ 40 % d'augmentation pour les bas salaires), alors que même dans des mouvements d'une autre ampleur comme en 36 ou 68, les ouvriers n'ont obtenu que 10% au mieux. Une telle surenchère démagogique ne peut en aucun cas mobiliser la grande majorité des ouvriers ni servir de revendication unificatrice.
En fin de compte, le gouvernement a sorti sa carte, "le milliard pour les infirmières" (prévu d'ailleurs de longue date dans le budget) auquel le P.S. a "obtenu" une rallonge (également prévue) ; et il a surtout remis en selle les syndicats aujourd'hui revenus en force à travers la comédie des négociations.
La manœuvre prévue et mise en place par la bourgeoisie a abouti
1) elle a amené à la défaite les secteurs qui, dans les hôpitaux, s'étaient engagés massivement dans la bataille en même temps que les infirmières et qui - après 3 semaines de lutte - n'ont RIEN obtenu ;
2) elle a désamorcé temporairement la combativité montante dans l'ensemble de la classe ouvrière en France.
La comédie de la "coordination infirmière" est terminée.
* * *
Mais la bourgeoisie se trompe si elle croit qu'avec toutes ses manœuvres elle est venue à bout de cette combativité. Si aujourd'hui, après un premier élan, les ouvriers sont en partie déboussolés -mais sûrement pas démoralisés,- on n'en est qu'au début d'une vague de luttes. Les ouvriers n'ont pas d'autre issue que de se battre pour faire face aux nouvelles attaques.
QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LES PROCHAINES LUTTES ?
- la classe ouvrière doit se défier de ceux qui, par démagogie, essaient de la pousser à rentrer prématurément et précipitamment dans la lutte, qui la poussent 3 des aventures minoritaires, comme la CGT cherche aujourd'hui à le faire dans les PTT, à l'EDF, à la SNCF, comme les gauchistes qui mettent en place une floraison de coordinations un peu partout.
- la classe ouvrière ne doit pas déléguer son pouvoir à un quelconque appareil préfabriqué comme les syndicats ou les coordinations. La seule garantie de sa lutte, c'est qu'elle la conduise elle-même. Cela ne peut se faire qu'à travers des assemblées ouvrières régulières et fréquentes sur les lieux de travail, assemblées qui sont seules autorisées à prendre les décisions, assemblées qui ne peuvent se relier les unes aux autres que par ville, quartier, région, et en aucun cas sur une base corporatiste.
- les ouvriers doivent se sentir plus responsables de leur lutte et donc s'impliquer plus massivement et de façon plus déterminée dans sa prise en charge et sa conduite, dans la confrontation à ceux - syndicats et coordinations - qui veulent leur en soustraire le contrôle.
- les ouvriers doivent rejeter les revendications ‑strictement démagogiques et corporatistes lancées, à des fins électoralistes, par les partis de gauche, leurs syndicats, leurs appendices gauchistes. Ils ne doivent mettre en avant que des revendications réellement unificatrices susceptibles de mobiliser l'ensemble de la classe ouvrière.
Aujourd'hui, l'essentiel est d'être capable d'engager les prochaines luttes - qui sont inévitables - dans les meilleures conditions possibles. Pour cela il faut s'y préparer en se regroupant pour réfléchir ensemble, discuter, prendre des contacts entre les différents lieux de travail, en formant des comités de lutte quand c'est possible.
PRÉPARER LES LUTTES A VENIR, C'EST NOTRE RESPONSABILITÉ A TOUS!
LE MACHIAVÉLISME DE LA BOURGEOISE
- Par rapport au prolétariat, l'État peut utiliser différentes branches de son appareil dans une division du travail cohérente : même dans une seule grève, les ouvriers peuvent avoir à faire face à une combinaison des syndicats, de la propagande et des campagnes de presse et de télévision avec leurs différentes nuances et de celles des différents partis politiques, de la police, des services sociaux, et parfois de l'année. Comprendre que ces différentes parties de l'État agissent de façon concertée ne veut pas dire que chacune d'entre elles est consciente de tout le cadre général au sein duquel elle accomplit ses tâches et sa fonction.
- La bourgeoisie n'a pas besoin que toutes ses parties comprennent ce qui se passe. La bourgeoisie peut déléguer ses pouvoirs à une minorité de ses membres. C'est pour cela que 1 État n'est pas entravé d'une façon significative par le fait que l'ensemble de la classe dominante ne se rende pas compte de tous les aspects de la situation. Il est donc possible de parler de "plans" de la bourgeoisie même si ce n'est qu'une partie de celleci qui les fait.